L'effet de l'éducation et des capacités cognitives sur les gains

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Résultats sans variables liées aux capacités cognitives

Dans la présente section, nous utilisons notre échantillon de travailleurs rémunérés pour estimer des régressions des gains avec et sans neutralisation des compétences individuelles. La variable dépendante est le logarithme des gains hebdomadaires. À titre de première étape, nous estimons une spécification qui comprend une quadratique de l'expérience, les variables fictives liées à l'éducation et mentionnées plus haut, une variable fictive liée au statut d'immigrant, une quadratique du nombre d'années depuis l'arrivée des immigrants au Canada et une variable fictive correspondant à la première langue autre que l'anglais ou le français. Cette spécification est semblable aux estimations des gains des immigrants et des personnes nées au Canada estimées à l'aide de données transversales et présentées dans des études antérieures.

La première colonne des tableaux 5.1 (hommes) et 5.2 (femmes) présente ces résultats. Ils dénotent des tendances observées couramment. En particulier, le rendement de l'expérience des hommes atteint environ 7 % par année juste après la fin des études, mais devient nul 29 ans plus tard. Comme c'est habituellement le cas, le rendement de l'expérience des femmes est inférieur : il s'établit à 5,4 % par année en début de carrière et devient nul de 25 à 30 ans plus tard. On observe aussi un rendement substantiel de l'éducation, de l'ordre de celui qui est constaté dans les études antérieures, les femmes enregistrant un rendement de la scolarité beaucoup plus élevé que les hommes. Les immigrants de sexe masculin obtiennent des gains hebdomadaires qui sont de plus de 50 % inférieurs à ceux des travailleurs nés au Canada possédant le même niveau total d'expérience et d'éducation. Dans le cas des immigrantes, l'ampleur de cet effet d'arrivée négatif est quelque peu inférieur, mais l'écart reste substantiel : environ 44 %. Puis, au cours des premières années qui suivent leur arrivée au pays, les gains des immigrants augmentent d'environ 2,5 % (chez les hommes) et 2,8 % (chez les femmes) de plus par année que ceux des travailleurs nés au Canada possédant les mêmes compétences. Comme l'indique le coefficient négatif du carré de la variable correspondant au nombre d'années depuis l'immigration (ADI), ce taux de rattrapage par rapport aux personnes nées au Canada diminue avec le temps. Si les gains des immigrants des deux sexes suivaient vraiment ce profil lié au nombre d'années depuis l'immigration, ils devraient égaler ceux d'un travailleur comparable né au Canada environ 28 ans après leur arrivée au Canada. Il s'agit cependant d'une évolution très hypothétique. Comme le souligne Borjas (1985), lorsque les immigrants qui arrivent à des époques différentes (c.-à-d. en cohortes différentes) n'obtiennent pas les mêmes gains à l'entrée ou suivent un profil différent des gains selon le nombre d'années depuis l'immigration, le profil transversal du nombre d'années depuis l'immigration est alors constitué d'une combinaison de profils réels et des effets des variations d'une cohorte à l'autre. Le profil transversal n'est donc pas nécessairement le profil pertinent de l'assimilation des gains d'un ensemble donné d'immigrants. Comme on dispose d'un seul échantillon représentatif de données de l'EIACA, il est impossible de régler ce problème. La variable fictive liée aux immigrants et le profil du nombre d'années depuis l'immigration résument une combinaison d'effets de cohorte et de profils d'assimilation, au lieu de constituer un profil qui se prête à une interprétation comportementale. Comme nous nous intéressons plutôt aux effets des capacités cognitives qu'aux tendances des cohortes, il ne s'agit pas d'un problème. Il importe seulement de neutraliser la combinaison des effets de cohorte et d'assimilation, et non de les distinguer1.

La spécification de la colonne 1 impose un rendement égal de l'éducation et de l'expérience des immigrants et des personnes nées au Canada, mais admet que les immigrants ont des gains de départ distincts et que ceux-ci progressent avec le nombre d'années depuis l'immigration. Toutefois, il peut être difficile d'interpréter les effets des ADI, même en l'absence de la complication due aux effets de cohorte que nous venons de décrire. Dans le cas des personnes qui arrivent au Canada après avoir terminé leurs études, les ADI correspondent à l'expérience sur le marché du travail canadien. Dans celui des personnes qui font leurs études au Canada, les ADI égalent le nombre d'années d'expérience sur le marché du travail canadien plus le nombre d'années entre l'arrivée au Canada et l'entrée sur le marché du travail. Ce dernier nombre d'années pouvant comprendre une période durant laquelle l'immigrant était très jeune, son influence sur les gains est probablement très différente de celle de l'expérience sur le marché du travail. Pour cette raison, nous adoptons une spécification rajustée (voir la colonne 2) qui admet que les effets du statut d'immigrant et ceux de l'expérience acquise au Canada diffèrent selon que les immigrants arrivent au pays après avoir terminé leurs études ou qu'ils fassent une partie ou la totalité de leurs études au Canada. Sur le plan des coefficients des variables liées à l'expérience acquise au Canada, des écarts entre ces deux groupes d'immigrants pourraient représenter une combinaison d'écarts dans le rendement de l'expérience et dans les effets de cohorte.

La spécification rajustée dans la colonne 2 comprend les variables liées à l'expérience des immigrants décrites plus haut ainsi que trois variables fictives correspondant aux immigrants originaires 1) des États-Unis ou du Royaume-Uni, 2) d'un pays de l'Europe continentale, ou 3) de l'Asie. Nous incluons ces variables parce que des études antérieures ont fait grand cas des effets de la région d'origine pour expliquer les tendances des gains des immigrants (par ex., Baker et Benjamin, 1994). En interprétant les estimations de la colonne 2, notons que les divers coefficients liés à l'expérience y figurent de telle sorte qu'on peut les lire directement plutôt que comme des comparaisons avec, par exemple, les variables liées à l'expérience acquise au Canada.

Si les résultats des hommes et femmes présentent de nombreuses caractéristiques communes, on observe aussi des écarts notables selon le sexe. Nous étudions donc séparément les résultats des hommes (tableau 5.1) et ceux des femmes (tableau 5.2). Les coefficients estimatifs liés à l'expérience acquise au Canada des immigrants de sexe masculin qui ont fait une partie de leurs études au Canada et le coefficient global de l'expérience des hommes (qui correspond principalement aux effets de l'expérience des personnes nées au Canada) sont de taille très semblable, et les tests de l'hypothèse selon laquelle ils sont égaux entre eux ne peuvent être rejetés aux niveaux de signification ordinaires. Par contre, les immigrants de sexe masculin ayant étudié à l'étranger obtiennent un rendement nettement supérieur de l'expérience de travail acquise au Canada. Les coefficients du point d'intersection des deux groupes d'immigrants sont négatifs et significativement différents de zéro. Néanmoins, ces coefficients donnent à penser que les immigrants qui font leurs études à l'étranger obtiennent des gains qui sont de près de 65 % inférieurs à ceux des travailleurs comparables originaires du Canada, alors que ceux qui font une partie de leurs études au Canada obtiennent des gains qui sont d'environ 16 % inférieurs à ceux de personnes comparables nées au Canada. Ces estimations s'appliquent à la catégorie de base, soit les personnes dont la première langue parlée était le français ou l'anglais et qui ne sont pas originaires des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Europe ni de l'Asie. Quant aux personnes dont la première langue était autre que l'anglais ou le français, leurs gains hebdomadaires moyens sont encore inférieurs de 3 % à 5 %, mais cet effet n'est pas estimé avec précision et pas significativement différent de zéro. Enfin, les coefficients liés à la région d'origine autorisent à penser que les immigrants originaires de l'Europe continentale obtiennent des gains qui sont de plus de 20 % supérieurs à ceux des autres immigrants. Les immigrants originaires des États-Unis ou du Royaume-Uni obtiennent aussi des gains supérieurs à ceux du groupe de base, mais ces effets estimatifs sont plus faibles que dans le cas de l'Europe (environ 12 %) et ne sont pas estimés avec précision. Les immigrants originaires d'Asie obtiennent des gains légèrement inférieurs à ceux du groupe de base, mais cet effet non plus n'est pas statistiquement significatif.

Tableau 5.1 Coefficients estimatifs des régressions des gains sans effets des compétences – hommes. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Tableau 5.1
Coefficients estimatifs des régressions des gains sans effets des compétences – hommes

Tableau 5.2 Coefficients estimatifs des régressions des gains sans effets des compétences – femmes. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Tableau 5.2
Coefficients estimatifs des régressions des gains sans effets des compétences – femmes

Le tableau 5.2 présente les résultats des femmes. Comme dans le cas des hommes, l'effet d'arrivée négatif que connaissent les immigrantes ayant étudié à l'étranger est beaucoup plus marqué que dans le cas de leurs homologues ayant étudié au Canada. Toutefois, les deux effets d'arrivée sont plus faibles (en valeur absolue) que les estimations correspondantes dans le cas des immigrants de sexe masculin, et le coefficient lié aux immigrantes ayant étudié au Canada n'est pas significativement différent de zéro. Une autre caractéristique commune aux immigrants des deux sexes tient au fait que les immigrants ayant étudié à l'étranger obtiennent un rendement nettement supérieur de l'expérience acquise au Canada par rapport aux personnes nées au pays. Toutefois, contrairement aux hommes, les immigrantes ayant étudié au Canada obtiennent aussi un rendement supérieur de l'expérience acquise au Canada par rapport aux personnes nées au pays, mais inférieur à celui qu'obtiennent leurs homologues ayant étudié à l'étranger. Enfin, si les conséquences estimatives du fait d'avoir une première langue autre que l'anglais ou le français sont semblables à celles des hommes, les écarts salariaux en fonction du pays d'origine, eux, sont très différents. En particulier, après neutralisation d'autres facteurs, les immigrantes originaires des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Europe n'obtiennent pas de gains supérieurs à ceux de leurs homologues d'autres régions d'origine, contrairement à ce qu'on observe chez les immigrants de sexe masculin.

La spécification de base rajustée est peut-être encore trop restrictive. Elle restreint notamment le rendement de l'expérience acquise à l'étranger (par rapport aux gains obtenus au Canada) en le rendant égal au rendement de l'expérience acquise au Canada par les personnes nées au Canada. La spécification de la colonne 3 du tableau 5.2 admet un rendement distinct de l'expérience acquise à l'étranger. Cet aspect est important car, à partir des données israéliennes, Friedberg (2000) constate que les effets négatifs des gains des immigrants à l'entrée sont entièrement attribuables à un faible rendement de l'expérience acquise à l'étranger par rapport à l'expérience acquise au pays. Dans le cas des immigrants originaires de certains pays, elle constate que l'expérience acquise à l'étranger n'a aucune valeur sur le marché du travail israélien. Alboim et coll. (2003) et Ferrer, Green et Riddell (2006) arrivent aux mêmes résultats pour le Canada. Green et Worswick (2002) approfondissent l'étude de cet aspect et montrent qu'il s'agit au Canada d'un phénomène récent, car les cohortes d'immigrants du début des années 80 obtenaient un rendement de l'expérience acquise à l'étranger qui était semblable à celui que les personnes nées au Canada obtenaient de l'expérience acquise au Canada. À l'instar des résultats de ces études, lorsque nous introduisons dans la colonne 3 les variables liées à l'expérience acquise à l'étranger, les coefficients des effets d'arrivée des immigrants ne sont plus significativement différents de zéro; trois des quatre coefficients estimatifs deviennent même positifs. Parallèlement, tant chez les hommes que chez les femmes, le rendement de l'expérience acquise au Canada par les deux groupes d'immigrants n'est pas significativement différent de celui des natifs du Canada. Enfin, notons que l'ajout de l'effet de l'expérience acquise à l'étranger ne modifie pas le rendement de l'éducation, l'influence de la langue, ni les effets du pays d'origine.

Chez les immigrants des deux sexes, le rendement de l'expérience acquise à l'étranger est essentiellement nul. C'est ce faible taux du rendement de l'expérience acquise à l'étranger qui est à l'origine des effets d'arrivée négatifs des immigrants dans les colonnes 1 et 2 du tableau. En comparant les gains des immigrants à ceux des travailleurs nés au Canada comptant le même nombre total d'années d'expérience, on constate que les gains des immigrants sont nettement inférieurs, et ce, parce que les immigrants obtiennent un rendement nul d'une partie de ces années d'expérience. Après avoir neutralisé l'expérience acquise à l'étranger, nous comparons, en fait, les immigrants aux travailleurs nés au Canada comptant le même nombre d'années d'expérience acquise au Canada et nous constatons que les gains des travailleurs immigrants et ceux des travailleurs nés au Canada sont beaucoup plus semblables lorsqu'on les compare sur cette base. Cette constatation ne contredit pas le fait que les gains des immigrants sont inférieurs. Toutefois, elle nous aide à comprendre qu'une source importante de ce désavantage tient à l'incapacité de transférer au Canada le capital humain acquis sur un marché du travail étranger. Il convient aussi de mentionner que l'expérience acquise à l'étranger n'est pas soumise aux mêmes difficultés d'interprétation que l'expérience acquise au Canada par les immigrants, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'effet de cohorte lié au nombre d'années qu'un immigrant a travaillées avant d'arriver au Canada. Les immigrants des cohortes récentes et ceux des cohortes arrivées il y a quelques décennies présentaient peut-être tous la même distribution de l'expérience acquise à l'étranger avant d'immigrer. Il en va autrement de l'expérience acquise au Canada : les immigrants des premières cohortes en possèdent nécessairement davantage. Nous pouvons donc donner au coefficient de l'expérience acquise à l'étranger une interprétation courante liée à l'acquisition du capital humain, en grande partie comme nous l'avons fait dans le cas de l'expérience acquise au Canada2.

La colonne 4 du tableau 5.2 renferme la spécification que nous avons retenue. Nous l'avons établie en admettant d'abord un ensemble complet d'interactions de toutes les variables liées aux immigrants, à l'expérience et à l'éducation, puis en éliminant les interactions dont les tests justifiaient la suppression. Ainsi, par exemple, nous avons admis un rendement différent de l'éducation des immigrants ayant fait une partie de leurs études au Canada. Chez les hommes comme chez les femmes, nous n'avons pas pu rejeter la restriction selon laquelle les écarts entre ce rendement et celui obtenu par les personnes nées au Canada étaient nuls à n'importe quel niveau de signification ordinaire. Toutefois, nous constatons que le rendement de l'éducation est nettement inférieur chez les immigrants des deux sexes ayant étudié à l'étranger. Nous avons également admis la possibilité d'une interaction de chaque type d'expérience (acquise à l'étranger ou au Canada) avec chaque type de scolarité. Nous trouvons des indices d'interactions significatives de l'expérience acquise au Canada avec le niveau de scolarité chez les personnes nées au Canada et les immigrants ayant fait une partie de leurs études après leur arrivée au Canada. Ces coefficients des interactions sont négatifs tant chez les hommes que chez les femmes et augmentent (en valeur absolue) avec le niveau de scolarité. Ainsi, chez les personnes nées au Canada et les immigrants ayant étudié au Canada, l'influence positive de l'expérience sur les gains diminue à mesure que le niveau de scolarité augmente. Toutefois, il n'y a pas de preuve d'interactions semblables entre l'expérience et l'éducation chez les immigrants ayant fait leurs études avant d'arriver au Canada.

Pour faciliter l'interprétation des résultats de la colonne 4 du tableau 5.2, nous présentons dans le tableau 5.3 les gains moyens rajustés d'un ensemble de cas spécifiques caractérisés par différents niveaux de scolarité et d'expérience. Pour produire les entrées de ce tableau, nous avons calculé des logarithmes moyens des gains rajustés dans le cas de base d'un travailleur né au Canada sans diplôme d'études secondaires et sans expérience acquise au Canada. Nous avons également calculé des logarithmes moyens des gains des travailleurs nés au Canada et des travailleurs immigrants possédant différents niveaux d'expérience et d'éducation acquises au Canada et à l'étranger. Dans le cas des immigrants, nous avons calculé les moyennes rajustées de telle sorte qu'elles soient pertinentes pour une personne qui termine ses études à l'étranger, qui n'est pas originaire des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Europe ni de l'Asie et dont la première langue est l'anglais ou le français. Les divers gains rajustés sont différenciés par rapport à ceux du cas de base de la personne née au Canada.

Tableau 5.3 Rendement rajusté de l'expérience et de l'éducation des immigrants et des personnes nées au Canada, sans effets des compétences. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Tableau 5.3
Rendement rajusté de l'expérience et de l'éducation des immigrants et des personnes nées au Canada, sans effets des compétences

L'examen des entrées du tableau correspondant aux personnes nées au Canada et aux immigrants ayant étudié à l'étranger sans diplôme d'études secondaires (soit, respectivement, les première et deuxième rangées des première et quatrième colonnes) révèle qu'en entrant sur le marché du travail canadien, les immigrants peu instruits gagnent beaucoup plus que les travailleurs nés au Canada et possédant le même niveau de scolarité. En parcourant les première et deuxième rangées, nous voyons les effets de l'accroissement de l'expérience acquise au Canada chez les travailleurs peu instruits. Cet accroissement est plus grand lorsqu'on parcourt la première rangée plutôt que la deuxième parce que les immigrants ayant étudié à l'étranger obtiennent de l'expérience acquise au Canada un rendement moins élevé que les personnes nées au Canada. Ainsi, l'avantage dont les immigrants bénéficient juste après la fin des études s'amenuise du fait que les personnes nées au Canada obtiennent, par rapport aux immigrants, un rendement plus élevé de l'expérience acquise au Canada3.

En parcourant les rangées 1, 4 et 7, nous voyons les effets de l'accroissement de l'expérience acquise au Canada chez les travailleurs nés au Canada et possédant différents niveaux de scolarité. Les gains augmentent avec l'expérience pour les trois catégories de niveau de scolarité, mais l'ampleur de l'accroissement est plus faible chez les travailleurs instruits que chez les travailleurs peu instruits.

Il est également instructif de parcourir chaque colonne pour constater l'influence de l'accroissement du niveau de scolarité pour un niveau donné d'expérience acquise au Canada. En comparant les rangées 1, 4 et 7 aux rangées 2, 5 et 8 de chaque colonne, on voit que le rendement estimatif de l'éducation est plus élevé chez les personnes nées au Canada que chez les travailleurs immigrants ayant étudié à l'étranger.

Enfin, les écarts entre les immigrants et les personnes nées au Canada présentent une caractéristique digne de mention : les tendances sont très semblables chez les hommes et chez les femmes.

Résultats avec variables liées aux capacités cognitives

Dans les tableaux 5.4 et 5.5, nous adoptons la spécification retenue dans les tableaux 5.1 et 5.2, mais en y ajoutant la note moyenne obtenue. Une comparaison de la première colonne des tableaux 5.4 (hommes) et 5.5 (femmes), où nous ajoutons simplement la variable liée aux compétences sans aucune interaction, avec la quatrième colonne des tableaux 5.1 et 5.2, respectivement, révèle l'influence directe des capacités cognitives et leur influence indirecte sur d'autres rendements. Le rendement des compétences est substantiel : une augmentation de 100 points des capacités cognitives relève les gains de près de 30 %4. L'influence des compétences sur les gains est remarquablement semblable chez les hommes et chez les femmes. Comme dans Green et Riddell (2003), les effets et les interactions de l'expérience ne varient pratiquement pas lorsqu'on neutralise les compétences. Toutefois, le rendement estimatif de l'éducation diminue nettement chez les personnes nées au Canada et les immigrants ayant étudié au Canada, ce qui révèle qu'une bonne part des estimations ordinaires du rendement de la scolarité découle de l'influence de l'éducation sur les compétences et de l'importance accordée aux compétences sur le marché du travail5. Lorsqu'on ajoute des variables de contrôle liées aux capacités cognitives, le rendement estimatif de la scolarité acquise à l'étranger diminue encore plus que dans le cas des natifs du Canada. En effet, chez les hommes, le rendement de l'éducation diminue d'environ 50 %; chez les femmes, le recul est encore plus important et, après neutralisation des compétences, ce qui reste du rendement de l'éducation n'est plus significativement différent de zéro. Aussi les capacités cognitives constituent-elles une grande partie de ce que la scolarité acquise à l'étranger semble offrir, du moins en ce qui concerne les compétences recherchées par les employeurs canadiens.

Tableau 5.4 Coefficients estimatifs des régressions des gains avec effets des compétences – hommes. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Tableau 5.4
Coefficients estimatifs des régressions des gains avec effets des compétences – hommes

Tableau 5.5 Coefficients estimatifs des régressions des gains avec effets des compétences – femmes. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Tableau 5.5
Coefficients estimatifs des régressions des gains avec effets des compétences – femmes

Comme nous l'avons mentionné plus haut, ce qui nous intéresse, c'est de savoir si le rendement des compétences est inférieur dans le cas des immigrants. Pour étudier cette question, nous présentons dans la colonne 2 des estimations fondées sur une spécification qui admet un rendement différent des compétences chez les immigrants et les personnes nées au Canada, mais qui n'admet pas d'interactions entre les compétences et les intrants du capital humain comme l'éducation et l'expérience. Ainsi qu'on l'a vu plus haut, en l'absence de ces effets d'interaction, les écarts entre les immigrants et leurs homologues nés au Canada en ce qui concerne le coefficient de la mesure moyenne des compétences peuvent être interprétés comme une mesure claire de la discrimination. Les estimations de la colonne 2 ne fournissent aucune preuve de discrimination dans le sens où les immigrants obtiennent un rendement inférieur de leurs capacités cognitives. En effet, les immigrants de sexe masculin obtiennent un taux de rendement qui est d'environ 50 % supérieur à celui des hommes nés au Canada (à une augmentation de 100 points des capacités cognitives correspond une amélioration de 37 % des gains des immigrants, contre 24 % dans le cas des hommes nés au Canada), alors que les immigrantes obtiennent un rendement égal à celui des femmes nées au Canada, soit une amélioration des gains de l'ordre de 28 %.

Dans la colonne 3, nous présentons une spécification plus générale qui admet un rendement différent des compétences dans les trois groupes, encore une fois estimé sans interactions avec les compétences. Chez les hommes, les immigrants ayant étudié à l'étranger obtiennent le rendement des compétences le plus élevé, suivis par les immigrants ayant étudié au Canada, et les personnes nées au Canada obtiennent le rendement le plus faible (quoique substantiel). Les écarts de rendement entre les personnes nées au Canada et les immigrants ayant étudié à l'étranger sont statistiquement significatifs, mais les écarts par paires entre les deux autres groupes (les personnes nées au Canada et les immigrants ayant étudié au Canada, ainsi que les immigrants ayant étudié au Canada et les immigrants ayant étudié à l'étranger) ne sont pas statistiquement significatifs aux niveaux ordinaires. Un test de l'hypothèse selon laquelle les trois coefficients sont égaux entre eux ne peut pas être rejeté au niveau de 10 %. Chez les femmes, les immigrantes ayant étudié à l'étranger obtiennent aussi le rendement le plus élevé, suivies par les femmes nées au Canada, et les immigrantes ayant étudié au Canada obtiennent le rendement le plus faible. En outre, les trois coefficients ne sont pas significativement différents entre eux au niveau de 10 %. Toutefois, dans une comparaison par paires des immigrantes ayant étudié au Canada et à l'étranger, nous pouvons rejeter l'égalité de l'influence des gains au niveau de 10 %.

Lorsque nous admettons que l'influence des capacités cognitives sur les gains peut différer dans les trois groupes, le rendement de l'éducation diminue considérablement chez les immigrants ayant étudié à l'étranger et reste beaucoup plus faible que chez les personnes nées au Canada. En effet, chez les immigrants des deux sexes ayant étudié à l'étranger, les coefficients du niveau de scolarité ne sont plus significativement différents de zéro. Les immigrants ayant terminé leurs études avant d'arriver au Canada obtiennent un rendement des compétences nettement supérieur à celui des personnes nées au Canada, mais un rendement inférieur de la formation scolaire lorsque nous neutralisons les compétences. Dans notre cadre d'analyse, on est porté à conclure que les études poursuivies à l'étranger produisent des capacités cognitives comme les compétences en littératie, en numératie et en résolution de problèmes (puisque les coefficients du niveau de scolarité varient considérablement lorsqu'on introduit la variable liée aux compétences), mais qu'elles ne produisent pas d'autres compétences recherchées sur le marché du travail canadien (puisque les coefficients du niveau de scolarité ne sont pas significativement différents de zéro lorsqu'on neutralise les compétences).

En résumé, lorsque nous admettons que l'influence des capacités cognitives sur les gains peut différer dans les trois groupes, rien ne prouve que le rendement des compétences des personnes nées au Canada soit supérieur à celui des immigrants ayant étudié au Canada ou à l'étranger. En effet, chez les immigrants de sexe masculin ayant étudié à l'étranger, les gains liés à des compétences supplémentaires sont nettement supérieurs à ceux des hommes nés au Canada, alors que ceux des immigrants ayant étudié au Canada ne sont pas tellement différents de ceux des hommes nés au pays. Chez les femmes, l'amélioration des gains liée aux compétences qu'obtiennent les femmes nées au Canada n'est pas tellement différente de celle qu'obtiennent les immigrantes ayant étudié au Canada ou à l'étranger. Ces estimations ne fournissent donc aucune preuve de discrimination dans le sens où les employeurs rémunèrent moins les immigrants pour les mêmes compétences que les travailleurs nés au Canada. Il convient de souligner que ce résultat concerne ce que nous appelons les compétences « utilisables ». Les immigrants peuvent obtenir des notes supérieures en capacités cognitives s'ils subissent le test dans leur langue d'origine et l'on pourrait soutenir que ces compétences sont sous-estimées, mais les immigrants obtiennent un rendement des compétences, mesuré en anglais ou en français, qui n'a rien à envier à celui obtenu par les travailleurs nés au Canada.

La dernière spécification de la colonne 4 résulte de la recherche d'interactions des notes moyennes obtenues aux tests avec l'éducation et l'expérience. Les résultats indiquent certaines interactions des compétences avec l'expérience chez les hommes et les femmes nés au Canada et chez les immigrants de sexe masculin (mais non chez les immigrantes). Ici, nous regroupons les deux groupes d'immigrants parce que les effets d'interaction de l'expérience (acquise à l'étranger) sur les compétences des deux groupes n'étaient pas significativement différents entre eux. Ces effets d'interaction sont positifs, ce qui donne à penser que les immigrants de sexe masculin ainsi que les hommes et les femmes nés au Canada possédant des niveaux de compétence élevés obtiennent un rendement supérieur de leur expérience de travail. Les effets d'interaction sont de taille modeste; par exemple, une augmentation de 25 points des compétences relève le rendement de l'expérience d'environ deux points de pourcentage. Dans le cas des hommes, l'interaction est un peu plus importante chez les immigrants que chez les hommes nés au Canada, mais ce n'est pas le cas chez femmes, car rien ne prouve une interaction entre l'expérience (acquise au Canada ou à l'étranger) et les compétences des immigrantes.

La déduction la plus intéressante qu'on puisse tirer de la quatrième colonne est sans doute l'indication probante d'une interaction positive entre l'éducation et les compétences des immigrantes ayant étudié à l'étranger. Cet effet est surtout lié aux études universitaires, suivies par les études secondaires. Si l'on inclut ces paramètres d'interaction, le coefficient de la note moyenne des immigrantes ayant étudié à l'étranger devient nul. On peut en déduire que les femmes ayant fait des études secondaires partielles obtiennent un rendement nul de leurs compétences supplémentaires, alors que chez celles qui possèdent au moins un diplôme d'études secondaires, une augmentation de 100 points des compétences se traduit par une amélioration des gains de l'ordre de 35 % (dans le cas des diplômées d'études postsecondaires non universitaires) à 71 % (dans celui des diplômées universitaires). Toutefois, le rendement des compétences ne varie pas avec le niveau de scolarité dans le cas des femmes nées au Canada et des immigrantes ayant étudié au Canada. Les paramètres d'interaction entre l'éducation et les compétences ne sont pas plus statistiquement significatifs chez les hommes. Les raisons de ces écarts entre les immigrants ayant étudié à l'étranger et les deux autres groupes dans l'influence combinée des compétences et de l'éducation sur les gains, ainsi que les écarts entre les hommes et les femmes dans la nature de ces interactions, méritent une analyse plus poussée.

Enfin, la variable fictive correspondant aux hommes dont les notes ont été imputées révèle que l'incapacité (ou le refus) d'accomplir les tâches principales est corrélée positivement avec les gains. Ces hommes, dont bon nombre sont des immigrants, gagnent environ 10 % de plus qu'on ne s'y attendrait, vu leurs notes imputées et d'autres caractéristiques. Ce coefficient positif semble concorder avec les résultats d'autres études faisant état de l'importance d'enclaves d'immigrants pour permettre aux immigrants de réussir mieux que prévu sans acquérir la langue du pays d'accueil (Edin et coll., 2003). Toutefois, on n'observe pas le même résultat chez les femmes, le fait de ne pas accomplir les tâches principales n'ayant aucune influence sur les gains.

Pour faciliter l'interprétation des résultats de la quatrième colonne des tableaux 5.4 et 5.5, nous répétons l'exercice consistant à calculer des logarithmes moyens des gains rajustés pour divers types de travailleurs mais, cette fois, en maintenant constante la note moyenne à 283 (moyenne pondérée de l'échantillon des deux sexes). Les résultats figurent dans le tableau 5.6. En les comparant à ceux du tableau 5.3, on observe à peu près les mêmes tendances que lorsque les compétences ne sont pas maintenues constantes.

Tableau 5.6 Rendement rajusté de l'expérience et de l'éducation des immigrants et des personnes nées au Canada avec effets des compétences. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Tableau 5.6
Rendement rajusté de l'expérience et de l'éducation des immigrants et des personnes nées au Canada avec effets des compétences

Une question intéressante se dégage de ces estimations : quelle est l'importance relative des faibles niveaux de compétence des immigrants pour expliquer les écarts salariaux entre les immigrants et les personnes nées au Canada? Pour étudier cette question, nous avons construit une série d'écarts salariaux moyens rajustés, tous fondés sur la quatrième colonne des tableaux 5.4 et 5.5. Nous construisons d'abord des estimations distinctes des logarithmes moyens des gains des immigrants et des natifs du Canada en utilisant les coefficients estimatifs avec les valeurs moyennes pertinentes des variables explicatives6. Ces estimations supposent, chez les hommes ayant fait des études secondaires, un désavantage salarial moyen des immigrants de 11 points logarithmiques par rapport aux travailleurs nés au Canada et, chez leurs homologues féminines, un avantage des immigrantes d'un point logarithmique. Dans le cas des diplômés universitaires, les estimations correspondantes supposent un désavantage des immigrants de 22 points logarithmiques chez les hommes et de 19 points chez les femmes. Nous avons ensuite répété cet exercice, mais en attribuant aux immigrants le même rendement de l'expérience acquise à l'étranger que celui de l'expérience acquise au Canada par les personnes nées au Canada. Les résultats sont les suivants : chez les hommes ayant fait des études secondaires, le désavantage des immigrants de 11 points logarithmiques est remplacé par un avantage de 46 points logarithmiques, soit une variation nette de 57 points de pourcentage dans l'écart salarial et, chez leurs homologues féminines, l'avantage des immigrantes d'un point logarithmique augmente à 13 points logarithmiques, soit une variation nette de 12 points de pourcentage. Chez les diplômés universitaires, le désavantage des immigrants de 22 points logarithmiques est remplacé par un avantage de 28 points logarithmiques chez les hommes, soit une variation nette de 50 points de pourcentage dans l'écart salarial, et le désavantage des immigrantes de 19 points logarithmiques passe à 8 points logarithmiques chez les femmes, soit une variation nette de 11 points de pourcentage. Ces résultats concordent avec ceux d'études antérieures, décrits plus haut, selon lesquels le faible rendement de l'expérience acquise à l'étranger joue un rôle important pour expliquer les écarts salariaux entre les immigrants et les personnes nées au Canada, surtout chez les hommes. L'importance du faible rendement de l'expérience acquise à l'étranger est beaucoup plus grande chez les hommes que chez les femmes mais, de part et d'autre, elle est semblable pour tous les groupes de niveau de scolarité.

Dans notre dernière analyse hypothétique, nous ramenons le rendement de l'expérience acquise à l'étranger à sa valeur initiale, mais nous attribuons aux immigrants les notes moyennes observées chez les travailleurs nés au Canada et possédant le même niveau de scolarité. Chez les hommes ayant fait des études secondaires, cette estimation fait passer le désavantage des immigrants mentionné plus haut (soit 11 points logarithmiques) à un avantage de 5 points logarithmiques, soit une variation nette de 16 points de pourcentage; chez les femmes ayant fait des études secondaires, elle accroît l'avantage des immigrantes en le faisant passer d'un à 14 points logarithmiques, soit une variation nette de 13 points de pourcentage. Dans le cas des diplômés universitaires, elle réduit le désavantage des immigrants en le faisant passer de 22 à 11 points logarithmiques chez les hommes et de 19 à un point logarithmique chez les femmes, soit, respectivement, des variations nettes de 11 et de 18 points de pourcentage. Encore une fois, les variations des écarts salariaux sont semblables pour les deux groupes de niveau de scolarité. Par conséquent, le faible niveau de compétence semble constituer un facteur important pour expliquer le désavantage salarial des immigrants de sexe masculin, mais beaucoup moins que le faible rendement de l'expérience acquise à l'étranger. Toutefois, chez les femmes, le faible niveau de compétence constitue un facteur un peu plus important pour expliquer les écarts salariaux entre les immigrantes et les femmes nées au Canada que le faible rendement de l'expérience acquise à l'étranger.


Notes

  1. Green et Riddell (2007) présentent, à partir des données de l'EIAA de 1994 et de l'EIACA de 2003, une analyse des effets de cohorte et des effets du vieillissement chez les personnes nées au Canada, et Willms et Murray (2007) présentent une analyse de la perte et de l'ajout de compétences avec le temps. Dans une prochaine étude, nous prévoyons examiner les effets de cohorte à partir des données de l'EAPIO de 1998 et des observations concernant l'Ontario dans les données de l'EIACA de 2003.
  2. Toutefois, Green et Worswick (2002) soulignent qu'on peut aussi répartir en cohortes les gains des personnes nées au Canada, ce qui permet de mieux comprendre les variations d'une cohorte d'immigrants à l'autre. Ils constatent notamment qu'environ 60 % de la baisse des gains des cohortes d'immigrants durant les années 80 sont attribuables à une baisse générale des gains des cohortes de nouveaux entrants de toutes sortes sur le marché du travail canadien.
  3. Notons que tous ces énoncés reposent sur l'interprétation selon laquelle les coefficients de l'expérience acquise au Canada dénotent le rendement réel de l'expérience plutôt que les effets de cohorte.
  4. Toutefois, ce rendement estimatif des compétences est inférieur à celui observé dans notre étude antérieure sur les travailleurs nés au Canada à partir des données de l'EIAA (Green et Riddell, 2003) et sur les immigrants à partir des données de l'EAPIO (Ferrer, Green et Riddell, 2006). Ces écarts méritent une étude plus poussée.
  5. Par exemple, l'amélioration des gains liée aux études universitaires (par rapport aux études secondaires partielles) recule de 18 points de pourcentage chez les hommes et de 15 points chez les femmes.
  6. Nous avons construit séparément les gains moyens rajustés des deux groupes d'immigrants; les estimations concernant l'ensemble des immigrants sont des moyennes pondérées des gains rajustés des immigrants ayant étudié au Canada ou à l'étranger.