Chapitre 4. Les migrations interprovinciales

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La migration interne est l'un des facteurs démographiques qui joue sur l'évolution des groupes linguistiques au Canada. La question de savoir de quelle façon les immigrants de langue française migrent à l'intérieur du pays permet d'éclairer leur dynamique démographique. Au Canada, l'examen des mouvements migratoires des immigrants francophones à l'extérieur du Québec comporte deux volets. Le premier est constitué des mouvements de ces immigrants vers le Québec; l'autre est représenté par les mouvements dans l'autre sens, soit du Québec vers le reste du Canada. Est-ce que ces échanges se contrebalancent ou contribuent-ils plutôt à créer des déséquilibres démographiques? C'est la principale question que nous posons ici.

La migration interprovinciale est mesurée à partir des réponses à la question posée aux recensements sur le lieu de résidence cinq ans auparavant. Le recensement permet donc de saisir une migration par individu sur une période de cinq ans précédant le recensement1.

La migration interprovinciale des immigrants de langue française résidant à l'extérieur du Québec

La migration interprovinciale des immigrants de langue française résidant à l'extérieur du Québec se distingue de celle des autres immigrants, mais s'apparente à celle des francophones nés au Canada. La forme générale en « cloche » de la courbe par groupe d'âge des taux de migration interprovinciale est typique chez tous les groupes linguistiques, avec un sommet chez les 25 à 29 ans, bien que celles des francophones (natifs ou immigrants) se situent à un niveau plus élevé et ce pour tous les groupes d'âge (graphique 4.1a). Ainsi, à son sommet chez les 25 à 29 ans, le taux de migration des immigrants de langue française atteint plus de 140 pour mille, et est de 165 pour mille dans le cas des francophones nés au pays. Chez les natifs non francophones, le taux de migration chez les 25 à 29 ans y est deux fois moindre (87 pour mille), tandis que les immigrants non Francophones enregistrent le taux le moins élevé, soit 45 pour mille. Alors que les taux des immigrants et des natifs de langue française sont semblables d'un groupe d'âge à l'autre (leur courbe se croise à deux points, 15 à 19 et 30 à 34 ans), celle des immigrants non francophones se situe nettement en deçà de celles des natifs non francophones aux âges adultes, affichant un écart substantiel entre 20 et 34 ans.

Graphique 4.1a Taux (pour mille) de migration interprovinciale de la population selon le statut d'immigrant et la première langue officielle parlée après redistribution de la catégorie français et anglais par groupe d'âge, Canada moins le Québec

La comparaison des taux par âge indique qu'il y a aussi une différence notable entre l'intensité de la migration interprovinciale des immigrants de PLOP français et celle des immigrants de première langue officielle parlée (PLOP) français-anglais. Ce dernier groupe affiche des taux par âge qui s'apparentent davantage aux taux des immigrants et des natifs non francophones, sauf chez les 30 à 34 ans où le taux atteint un sommet (135 pour mille) et rejoint celui des immigrants de langue française (graphique 4.1b).

Graphique 4.1b Taux (pour mille) de migration interprovinciale de la population immigrante de première langue officielle parlée française avant redistribution de la catégorie français et anglais par groupe d'âge, Canada moins le Québec

Des résultats similaires sont observés à chacun des recensements depuis 1991. Pour chacune des périodes de migration quinquennales observées, l'ordre des groupes est le même, après comme avant redistribution de la catégorie français-anglais. Dans le premier cas, ce sont les immigrants francophones qui affichent le taux de migration interprovinciale le plus élevé, suivi par les natifs francophones (graphique 4.2a). Ces deux groupes présentent des taux très proches les uns des autres, surtout entre 1996 et 2006. Bien en deçà de ces tendances on retrouve les taux de migration interne des non francophones, immigrants et natifs, dont les taux de migration sont près de deux fois moindre. Le taux de migration a baissé entre 1991 et 2006 chez les immigrants et les natifs non francophones, passant de 34 à 24 pour mille chez le premier groupe et de 39 à 33 pour mille chez le deuxième. L'évolution de cette migration chez la population de langue française (tant chez les natifs que chez les immigrants) a été marquée par une baisse importante entre les Recensements de 1991 et 1996, suivie par une légère hausse jusqu'en 2006. Ainsi, chez les immigrants francophones, le taux de migration, qui se situait à 84 pour mille en 1991, est passé à 60 pour mille cinq ans plus tard, pour ensuite légèrement remonter jusqu'à 66 pour mille en 2006.

Graphique 4.2a Taux total (pour mille) de migration interprovinciale (standardisé par groupe d'âge) de la population selon le statut d'immigrant et la première langue officielle parlée après redistribution de la catégorie français et anglais, Canada moins le Québec

Cette tendance caractérise aussi les schémas de migration interprovinciale des immigrants de PLOP français et de PLOP français-anglais entre 1991 et 2006 (graphique 4.2b). L'écart entre ces deux groupes est demeuré élevé tout au long de cette période, les taux de migration du premier groupe pouvant être du double du second (en 1996 et 2001, notamment).

Graphique 4.2b Taux total (pour mille) de migration interprovinciale (standardisé par groupe d'âge) de la population selon le statut d'immigrant et la première langue officielle parlée avant redistribution de la catégorie français et anglais, Canada moins le Québec

L'ampleur de la migration interprovinciale chez les populations des provinces et territoires à l'extérieur du Québec varie selon qu'on est un francophone ou non. Il en va de même des destinations choisies par l'un ou l'autre de ces groupes. On observe en effet que les personnes de langue française (après redistribution de la catégorie français-anglais), qu'elles soient natives ou immigrées, migrent principalement vers la province de Québec, alors que les autres optent pour des destinations beaucoup plus diversifiées. Parmi les migrants interprovinciaux de la période 2001 - 2006 (saisies au recensement de 2006), 62 % des natifs francophones et 68 % des immigrants francophones se sont dirigés majoritairement vers la province de Québec (tableau 4.1). L'Ontario et l'Alberta, dont l'attrait respectif comme provinces de destination est semblable, ont attiré respectivement 9 % et 10 % des migrants interprovinciaux de langue française. Parmi les non francophones (natifs ou immigrants), trois provinces se disputent la majorité des migrants : la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario. Ensemble, ces trois provinces ont accueilli 68 % des natifs et 78 % des immigrants non francophones qui ont effectué une migration interprovinciale entre 2001 et 2006. En comparaison, ces mêmes trois provinces ont reçu 25 % des migrants de langue française résidant à l'extérieur du Québec.

Tableau 4.1 Population de migrants interprovinciaux (2001 à 2006) de première langue officielle parlée après redistribution de la catégorie français et anglais selon la région de destination, migrants originaires du Canada à l'extérieur du Québec

Cette caractéristique de la migration interprovinciale des personnes qui résidaient à l'extérieur du Québec en 2001 et qui distingue les francophones du reste de la population s'observe à tous les recensements entre 1991 et 2006. Ainsi, la part du Québec comme destination pour les migrants interprovinciaux de langue française s'est maintenue au-delà de 54 % tant chez les natifs que chez les immigrants, et a atteint un sommet au Recensement de 2006 (graphique 4.3). À l'inverse, chez les autres migrants interprovinciaux, la part du Québec est demeurée en deçà de 10 % dans le cas des immigrants et en deçà de 5 % dans le cas des natifs non francophones au cours de la période considérée.

Graphique 4.3 Pourcentage des migrants interprovinciaux qui se sont établis au Québec, population immigrante ou non immigrante de première langue officielle parlée après redistribution de la catégorie français et anglais, migrants originaires de l'extérieur du Québec

La migration interprovinciale au Québec et le solde migratoire

Les différences de comportements migratoires entre les individus de langue française et le reste de la population au Canada à l'extérieur du Québec se manifestent également au Québec, à la différence près que les comportements y sont ici inversés. Ainsi, les taux de migration interprovinciale en provenance du Québec, observés à chacun des recensements de 1991 à 2006, sont nettement supérieurs chez les natifs et les immigrants non francophones à ceux des natifs et des immigrants de langue française (graphique 4.4). Le portrait de la situation est l'inverse de ce que l'on a pu observer dans le Canada à l'extérieur du Québec et les écarts entre les deux groupes y sont encore plus importants.

Graphique 4.4 Taux total (pour mille) de migration interprovinciale (standardisé par groupe d'âge) de la population de certains groupes définis selon la première langue officielle parlée (PLOP) après redistribution de la catégorie français et anglais et le statut d'immigrant au Canada, taux en provenance du Québec vers le reste du Canada. Canada moins le Québec

Les échanges migratoires entre le Québec et le reste du Canada sont en général favorables à ce dernier (tableau 4.2). Entre 1991 et 2006, le solde migratoire quinquennal pour quatre des cinq groupes définis par la première langue officielle parlée (PLOP) et le statut d'immigrant a été positif pour le Canada à l'extérieur du Québec, sauf en ce qui concerne les personnes natives francophones dont les migrations interprovinciales ont favorisé le Québec lors de trois périodes (1986 à 1991, 1991 à 1996 et 2001 à 2006). Chez les natifs non francophones, le solde net se situait entre 20 000 et près de 30 000 au cours des trois premiers lustres, mais s'est réduit à un peu plus de 8 000 entre 2001 et 2006. On constate une tendance analogue chez les immigrants non francophones : entre 10 000 et 16 000 immigrants ont quitté le Québec pour s'établir dans le reste du Canada à chaque période entre 1991 et 2001, mais ce nombre a ensuite diminué à un peu moins de 8 000 entre 2001 et 2006, rejoignant ainsi le niveau des personnes nées au pays.

Tableau 4.2a Solde migratoire entre le Québec et le reste du Canada de la population immigrante ou non immigrante de première langue officielle parlée après redistribution de la catégorie français et anglais

Tableau 4.2b Solde migratoire entre le Québec et le reste du Canada de la population immigrante ou non immigrante de première langue officielle parlée après redistribution de la catégorie français et anglais

Les immigrants de langue française affichent également un solde net positif à l'avantage du reste du Canada, mais à un niveau moindre. C'est entre 1996 et 2001 que le solde net a atteint un sommet, soit 4 055. À l'inverse, la migration des natifs francophones a favorisé le Québec. Pour l'essentiel, le solde migratoire net de l'ensemble de la population de langue française a connu des fluctuations importantes, suivant en cela celles observées tant chez les natifs que chez les immigrants francophones.

Dans l'ensemble, la migration interprovinciale à l'extérieur du Québec a joué un rôle relativement modeste sur l'évolution relative de la population non francophone, principalement en raison du fait que l'effectif de cette population est élevé. Malgré des nombres absolus moins élevés, le solde migratoire net a des répercussions démographiques plus importantes chez les populations de langue française dont les effectifs sont relativement peu élevés dans le reste du Canada. Chez les immigrants en particulier, le solde net pour 1 000 immigrants dans le Canada à l'extérieur du Québec s'est établi à 17,8 pour mille entre 2001 et 2006, après avoir atteint des niveaux plus élevés au cours des recensements antérieurs, par exemple, 48 et 60 pour mille au cours des périodes 1991 à 1996 et 1996 à 2001, respectivement (tableau 4.2b).

Les origines des immigrants francophones ayant effectué une migration interprovinciale

Les immigrants francophones résidant à l'extérieur du Québec en 2006 et ayant effectué une migration interprovinciale entre 2001 et 2006 provenaient en majorité de cinq grandes villes (régions métropolitaines de recensement) canadiennes, en particulier de Montréal. Dans l'ensemble, au moins 30 % des immigrants francophones provenaient de la RMR de Montréal, avec cependant de grandes variations selon la région de résidence : 64,5 % dans le cas de l'Ontario, 49 % dans le cas de la Colombie-Britannique, mais 33 % pour la région regroupant les quatre provinces atlantiques (tableau 4.3). Dans cette dernière région, la ville de Québec a contribué pour près de 20 % des migrants. Les principales autres villes d'où sont partis les migrants sont Ottawa-Gatineau et Toronto. Seule la région formée par les deux provinces des Prairies (Manitoba et Saskatchewan) a attiré un pourcentage relativement important de migrants (immigrants francophones) en provenance de la RMR de Vancouver. Le reste du pays (incluant la province de Québec à l'extérieur des villes de Montréal et Québec) a contribué pour moins du tiers des migrants, et en Ontario pour moins de 15 %, Montréal constituant pour cette province le principal pôle d'origine des migrants interprovinciaux entre 2001 et 2006 en ce qui concerne le mouvement des immigrants francophones.

Tableau 4.3 Région de résidence hors Québec en 2006 des immigrants de première langue officielle parlée après redistribution de la catégorie français et anglais ayant effectué une migration interprovinciale entre 2001 et 2006 selon le lieu d'origine

Les tendances pour six villes de destination des migrants sont similaires (tableau 4.4). C'est toujours Montréal qui constitue le principal bassin fournissant des migrants issus de l'immigration francophone au Canada à l'extérieur du Québec. À Toronto, par exemple, 77 % des migrants interprovinciaux proviennent de la métropole québécoise. Montréal représente le principal fournisseur pour trois autres villes : Ottawa, Winnipeg et Vancouver, soit 54 %, 55 % et 59 % respectivement. La RMR de Toronto contribue également de façon non négligeable à la migration interprovinciale des immigrants francophones. Ainsi, de ceux ayant choisi Moncton, Calgary et Vancouver, respectivement 23 %, 19 % et 15 % provenaient de Toronto. On constate également une mobilité non négligeable entre Ottawa et Gatineau. Le quart des migrants issus de l'immigration francophone établis à Ottawa provenaient en effet de Gatineau, de l'autre côté de la rivière des Outaouais.

Tableau 4.4 Lieu de résidence hors Québec en 2006 des immigrants de première langue officielle parlée français après redistribution de la catégorie français et anglais ayant effectué une migration interprovinciale entre 2001 et 2006 selon le lieu d'origine

En résumé, la migration interprovinciale est très différentiée selon que l'on est un francophone ou un non francophone habitant le Canada à l'extérieur du Québec. Alors que les francophones tendent à s'établir au Québec lorsqu'ils migrent à l'intérieur du Canada, les non francophones choisissent plutôt une des neuf autres provinces, surtout l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta. Au Québec on observe les tendances inverses : les francophones du Québec, qu'ils soient natifs ou immigrants, migrent relativement peu vers les autres provinces alors que les non francophones quittent la province dans une proportion beaucoup plus élevée. Au total, le mouvement des immigrants francophones du Canada vers le Québec n'arrive pas à compenser le mouvement inverse du Québec vers le reste du Canada et le solde migratoire interprovincial des immigrants francophones favorise nettement le Canada à l'extérieur du Québec. En terme relatif, le solde migratoire des immigrants francophones est même plus important que celui des francophones nés au pays et que celui des immigrants non francophones.


Note

  1. Le recensement comprend également une question sur le lieu de résidence un an auparavant. Toutefois, cette information n'est pas utilisée dans le cadre de ce rapport en raison de la faible taille des effectifs de migrants interprovinciaux d'immigrants de première langue officielle française qui en résulterait.

 

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