Section 4 Quelques secteurs clés pour la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire

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4.1 La santé
4.2 La justice
4.3 L'éducation
4.4 Médias, arts et culture
4.5 Vie communautaire
4.6 Caractéristiques de l'emploi et du revenu

La Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 investit dans des secteurs prioritaires, dont les cinq suivants : la santé, la justice, les arts et la culture, le développement économique et l'immigration. Nous présenterons dans cette section des statistiques portant sur quatre de ces secteurs prioritaires identifiés dans la Feuille de route. De plus, la Feuille de route comprend un appui financier à l'enseignement dans la langue de la minorité. Ce secteur d'activité a été identifié comme étant d'une grande importance pour l'avenir des minorités de langue officielle au Canada1; une section y sera donc consacrée.

À partir des données de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (EVMLO) et du recensement, nous présenterons de l'information générale sur la présence de l'anglais et la situation des anglophones dans chacun de ces secteurs.

4.1 La santé

Une langue commune entre les patients et les professionnels de la santé constitue un des éléments essentiels à l'accès aux services de soins de santé et à l'efficacité de ceux-ci. Les barrières linguistiques peuvent en effet faire en sorte que certains membres des communautés anglophones en situation minoritaire soient moins bien desservis par les services de soins de santé. Dans cette optique, il importe d'examiner l'état de la situation pour les communautés anglophones du Québec en ce qui concerne certaines dimensions de l'accès aux services de soins de santé.

Si l'on ne tient pas compte des anglophones qui ne connaissent pas le français, l'EVMLO révèle que 78 % des Anglos-Québécois déclarent qu'il est « très important » ou « important » pour eux d'obtenir des services de santé en anglais2.

Lors du Recensement de 2006, 86 % des médecins travaillant au Québec, soit 9 025 d'entre eux, ont déclaré pouvoir soutenir une conversation en anglais, alors que 51 % ont déclaré utiliser l'anglais au moins régulièrement3 dans le cadre de leur travail4. Chez les infirmières, dont l'effectif était de 61 320 en 2006, ces proportions sont de 45 % et 37 % respectivement.

La proportion des professionnels de la santé capables de soutenir une conversation en anglais et, dans une moindre mesure, de ceux faisant une utilisation au moins régulière de cette langue, est beaucoup plus élevée que la part relative des anglophones (13,4 %) au Québec. À cet égard, les résultats de l'EVMLO révèlent que la majorité des anglophones du Québec indiquent utiliser l'anglais lors des consultations avec les différents professionnels de la santé à propos desquels des renseignements ont été recueillis dans le cadre de cette enquête, soit les médecins de famille, les infirmières, et les professionnels des autres endroits fréquentés pour obtenir des soins. Toutefois, les proportions observées varient d'une région à l'autre. En outre, les consultations effectuées auprès des professionnels de la ligne téléphonique d'information (Info-santé) se font davantage en français : à l'échelle de la province, seuls 43 % des anglophones du Québec utilisent l'anglais avec ces professionnels. Le tableau 4.1 rend compte des langues utilisées avec les professionnels de la santé.

 Tableau 4.1 Pourcentage d'anglophones du Québec selon la langue utilisée avec les différents professionnels de la santé selon la région, 2006

On y constate que c'est avec le médecin de famille que la prévalence de l'anglais est la plus forte, en particulier dans la région de Montréal, alors que dans les interactions avec les autres professionnels de la santé, l'anglais est utilisé (seul ou avec le français) dans des proportions de 65 % avec les infirmières, environ 50 % lors de l'utilisation de la ligne d'Info-santé et 61 % dans les autres endroits où des soins sont prodigués. C'est dans la région de Québec et ses environs que l'usage de l'anglais est le plus faible, région où près de trois anglophones sur dix déclarent être plus à l'aise en français qu'en anglais. Notons cependant que dans plusieurs régions du Québec les anglophones déclarent utiliser le français avec les divers professionnels de la santé. Parce que c'est là qu'y vivent la très grande majorité des anglophones de la province, la situation qui prévaut à Montréal mérite une attention particulière. On y constate en effet que si plus de 80 % des anglophones y utilisent l'anglais (seul ou avec une autre langue) avec leur médecin de famille, cette proportion baisse à 69 % avec les infirmières, 55 % lors de l'utilisation de la ligne d'Info-santé et de 63 % lors des interactions avec les autres professionnels de la santé.

La méconnaissance de l'anglais par les professionnels de la santé, tel que perçue par les répondants, est la principale raison mentionnée par les anglophones pour expliquer l'absence de services dans cette langue lors de leurs consultations.

Dans l'ensemble, les résultats de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (EVMLO) et du recensement permettent d'observer que la proportion que composent les anglophones au sein de la région de résidence, la disponibilité de professionnels ayant une connaissance de l'anglais ainsi que la langue principale des demandeurs de service sont trois facteurs importants qui modulent le degré d'utilisation de l'une ou l'autre des langues avec les professionnels de la santé.

Si les régions de l'Outaouais et de Montréal se distinguent des autres régions du Québec, c'est principalement en raison d'une plus forte représentation des anglophones qui y résident. Ainsi, tel que présenté dans la section sur l'utilisation des langues dans la sphère publique, plus la proportion d'anglophones dans une région donnée y est élevée plus la présence de l'anglais sera répandue dans la sphère publique et, conséquemment, plus grandes seront les possibilités de l'utiliser dans les activités quotidiennes.

La présence de professionnels de langue anglaise et de professionnels capables de soutenir une conversation dans la langue minoritaire est non seulement susceptible d'augmenter l'accessibilité aux services de soins de santé dans cette langue, mais elle peut également favoriser une plus forte présence et une utilisation plus répandue de la langue dans ce secteur clé de la sphère publique.


Selon les statistiques du Recensement de 2006, c'est dans les régions de l'Outaouais, de Montréal et de l'Estrie et du Sud de la province que l'on retrouve les proportions les plus élevées de médecins (97 %, 90 % et 90 %, respectivement) capables de soutenir une conversation en anglais. Chez les infirmières ces proportions sont de 60 %, 61 % et 49 %, respectivement.

4.2 La justice

L'examen des résultats de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (EVMLO) portant sur le domaine de la justice jette également un éclairage sur l'étendue de la présence de l'anglais au sein des institutions qui assurent son utilisation par les anglophones du Québec. En ce sens, la mesure de l'accès aux intervenants de langue anglaise dans ce domaine ou à ceux qui sont en mesure de converser dans cette langue permet de documenter un phénomène perçu comme étant très important par les Anglos-Québécois.

Au Québec, les résultats de l'EVMLO révèlent que l'accès à ces services en anglais semble valorisé par les anglophones dans la mesure où 84 % sont d'avis que, s'ils avaient à utiliser les services d'un avocat, il serait « très important » ou « important » que celui-ci puisse parler l'anglais. En outre, environ trois adultes anglophones sur quatre ont également déclaré qu'ils se sentiraient à l'aise de parler en anglais s'ils avaient affaire aux services policiers.

Notons que les interactions avec les instances et les représentants du système judiciaire, notamment les avocats et la police, ne sont pas très répandues dans la population. En effet, sur les quelque 773 000 adultes anglophones du Québec, 30 % ont déclaré avoir utilisé les services d'un avocat au cours des deux années précédant l'enquête tandis que 38 % ont eu affaire aux services policiers, que ce soit pour l'obtention de services ou à la suite d'une infraction. Parmi ceux-ci, 75 % ont eu un contact avec la police municipale, 21 % avec la police provinciale et moins d'un demi de 1 % (7 700 personnes) avec la Gendarmerie Royale du Canada (GRC).

Parce que la barrière linguistique peut entraver l'égalité d'accès à la justice, le gouvernement canadien s'est donné comme priorité de former des professionnels qui peuvent assurer un service dans la langue officielle minoritaire. Selon le Recensement de 2006, le Québec comptait 16 225 avocats capables de soutenir une conversation en anglais, ce qui représente près de 85 % de tous les avocats de la province. En ce qui a trait aux policiers du Québec, 63 % ont déclaré pouvoir soutenir une conversation en anglais. À cet égard, on observe bien sûr des différences régionales, les régions de l'Outaouais et de Montréal comptant les plus grandes proportions d'avocats (90 % dans les deux régions) et de policiers (respectivement 82 % et 73 %) capables de soutenir une conversation en anglais.

En plus de ces statistiques sur la disponibilité ou le bassin potentiel de professionnels du système judiciaire qui peuvent utiliser l'anglais lorsqu'ils interagissent avec les anglophones du Québec, les tableaux 4.2.1 et 4.2.2 rendent compte de la connaissance de l'anglais par ces professionnels et leur utilisation de cette langue dans le cadre de leur travail.

 Tableau 4.2.1 Connaissance et utilisation de la langue minoritaire par les policiers (sauf cadres supérieurs), Québec et ses régions, 2006

 Tableau 4.2.2 Connaissance et utilisation de la langue minoritaire par les avocats, Québec et ses régions, 2006

Au Recensement de 2006, plus de 60 % des avocats du Québec ont déclaré utiliser l'anglais au moins régulièrement au travail. Cette proportion varie entre 23 % et 36 % dans les régions où l'on trouve de faibles proportions d'anglophones, soit la région de Québec et ses environs et les régions de l'Est et du Reste du Québec. Cette proportion est de 51 % pour les policiers. En outre, dans chacune des régions du Québec, le taux d'utilisation de l'anglais au travail est moindre que la proportion de policiers qui peuvent soutenir une conversation en anglais5.

Notons que les données du recensement révèlent que le nombre d'avocats et de policiers qui utilisent l'anglais dans le cadre de leur travail au Québec est largement supérieur au nombre d'avocats et de policiers anglophones. Ainsi, alors que près de 12 000 avocats ont déclaré utiliser l'anglais au moins régulièrement dans le cadre de leur travail, 2 500 avocats ont cette langue comme première langue officielle parlée (PLOP), soit 13 % des avocats de la province, une proportion égale au poids de la population dont l'anglais est la PLOP.

Bien que le nombre de policiers qui déclarent utiliser l'anglais dans le cadre de leur travail soit beaucoup plus élevé que le nombre de policiers anglophones, les résultats de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (EVMLO) révèlent que les interactions qu'ont les anglophones du Québec avec la police municipale et la police provinciale6 se font généralement en français (voir les graphiques 4.2.1 à 4.2.2). Ainsi, près du tiers (32 %) des anglophones ont utilisé seulement ou surtout l'anglais lors de leurs interactions avec la police municipale et près d'un quart (23 %) avec la police provinciale. Les anglophones de la région de l'Outaouais se démarquent de ceux des autres régions en raison de leur usage plus fréquent de l'anglais avec les policiers : plus de 40 % d'entre eux ont utilisé seulement ou surtout l'anglais avec la police municipale (44 %) et avec la police provinciale (45 %). Dans la région de Montréal, ces proportions sont de 33 % et de 17 % respectivement.

Quant à l'utilisation de l'anglais avec les avocats, les résultats de l'EVMLO révèlent que 61 % des anglophones du Québec en font un usage prédominant (voir graphique 4.2.3). Dans toutes les régions de la province, l'usage de l'anglais prédomine lors des interactions avec les avocats, exception faite de la région de Québec et ses environs et de celle du Reste du Québec. Bien que le français soit tout de même présent dans une proportion non négligeable, l'utilisation répandue de l'anglais avec les avocats traduit le fait que l'utilisation des services d'un avocat relève généralement de services privés et implique un choix personnel quant à la langue du fournisseur de services. Il s'agit là d'une situation fort différente de celle impliquant les interactions avec les services de police, lesquels relèvent de l'administration publique.

 Graphique 4.2.1 Proportion des anglophones selon la langue utilisée avec la police municipale, Québec et ses régions, 2006

 Graphique 4.2.2 Proportion des anglophones selon la langue utilisée avec la police provinciale, Québec et ses régions, 2006

 Graphique 4.2.3 Proportion des anglophones selon la langue utilisée avec les avocats, Québec et ses régions, 2006

4.3 L'éducation

4.3.1 Chez les enfants

La problématique de l'accès à l'école de langue anglaise pour la minorité anglophone du Québec est fort différente de celle à laquelle font face les francophones vivant en situation minoritaire à l'extérieur de cette province. Alors que pour ces derniers la gestion des systèmes scolaires et l'accès à des écoles dans la langue de la minorité sont des phénomènes relativement récents, dans le cas des anglophones du Québec la gestion des écoles de langue anglaise par les anglophones ainsi que l'accès à de telles écoles est un phénomène beaucoup plus ancien.

Ainsi, bien avant la Confédération de 1867, la communauté anglophone du Québec a à sa tête une élite puissante dont l'influence est très importante (Rudin, 1985, p. 223). Peu après son entrée dans la Confédération, la première loi sur l'instruction publique permet, en 1869, de distinguer nettement les secteurs catholique et protestant et leur reconnaît une autonomie en créant deux comités confessionnels provinciaux.

De 1875 à 1964 — année de la création du ministère de l'Éducation du Québec —, le système québécois d'écoles confessionnelles est dirigé par deux comités confessionnels différents et chacun est responsable de son enseignement respectif. Ainsi, aux fins d'éducation, les Québécois, sans égard à leur langue maternelle, sont départagés entre catholiques et protestants. Durant cette période, la qualité et la pleine autonomie du système scolaire protestant sont assurées grâce à la force économique de ses membres. Les taxes résidentielles, commerciales et industrielles levées par les commissions scolaires protestantes servent alors entièrement à financer les écoles protestantes et procurent, en particulier dans la région de Montréal, un statut supérieur au secteur scolaire protestant au sein du système scolaire québécois (Rudin, 1985, Martel, 1991).

Au cours du XXe siècle, le système québécois d'éducation fait face à des difficultés particulières dans la mesure où il doit accommoder les divers groupes religieux et linguistiques qui immigrent au Québec. Ainsi, étant donné que plusieurs de ces groupes vont intégrer la communauté de langue anglaise, les difficultés auxquelles est confronté le système éducatif québécois vont alors refléter les changements qui surviennent dans la composition de la population québécoise de langue anglaise.

Alors qu'en 1969, un des articles du projet de loi 63 donne aux parents le droit de choisir la langue d'instruction de leurs enfants, en 1974, le projet de loi 22 fait du français la langue officielle du Québec et l'inscription aux écoles anglaises est restreinte aux enfants qui possèdent déjà une connaissance suffisante de cette langue. En 1977, la Charte québécoise de la langue française ou loi 101 restreint l'inscription à l'école anglaise aux enfants dont les parents ont reçu la majorité de leur instruction primaire dans cette langue au Québec ou dont un frère ou une soeur a reçu l'instruction dans cette langue. En 1984, l'article 73 de la loi 101 est donc jugé inconstitutionnel par la Cour suprême du Canada parce qu'il contrevient à l'article 23 de la Charte adopté en 1982 sur le droit à l'enseignement dans la langue de la minorité. Dès lors, la loi sera modifiée de sorte à permettre aux parents anglophones qui ont fait leurs études primaires en anglais au Canada (et non seulement au Québec) d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise au Québec; ce changement prendra le nom de « clause Canada ».

Depuis 1998, le territoire québécois est divisé en conseils scolaires anglophones et francophones plutôt que catholiques et protestants. Selon les données du gouvernement du Québec (2006), 107 742 élèves sont inscrits aux niveaux préscolaire, élémentaire et secondaire dans près de 360 écoles de langue anglaise sous la juridiction de commissions scolaires anglophones. En outre, près de 15 000 élèves sont également inscrits dans l'une ou l'autre des 48 écoles privées de langue anglaise.

Comme le souligne Lamarre (2008, p. 63), la loi 101 a eu des répercussions considérables sur le système scolaire de langue anglaise au Québec. Ainsi, alors que près de 248 000 élèves étaient inscrits dans une école de langue anglaise en 1971, en 2006 ce nombre était inférieur à 108 000 élèves. La diminution de la population anglophone d'âge scolaire découlant d'un indice de fécondité inférieur au seuil de remplacement des générations explique en partie la baisse du nombre d'inscriptions. Toutefois, l'important solde migratoire négatif qu'a connu la population anglophone du Québec au cours des années 1970 couplé aux changements majeurs découlant de l'application de la Charte québécoise de la langue française en matière d'accès à l'école anglaise a profondément transformé le système scolaire anglophone. À cet égard, mentionnons que, selon les données du gouvernement du Québec (2004), près de 90 % des immigrants de première génération sont aujourd'hui inscrits à l'école française. En 1971, 85 % étaient inscrits à l'école anglaise (Québec, 1996).

En utilisant le critère de la première langue officielle parlée, les données de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (EVMLO) révèlent que des 191 380 enfants de parents anglophones inscrits à l'école au moment de cette enquête, environ 52 % fréquentent une école primaire ou secondaire de langue anglaise, dont 22 % un programme d'immersion en français (graphique 4.3.1-a). Si l'on ne tient compte que des enfants dont au moins l'un des parents a l'anglais comme langue maternelle, cette proportion atteint 58 % (graphique 4.3.1-b) alors qu'en considérant les enfants dont au moins un parent a fait une partie ou toutes ses études primaires en anglais au Canada, cette proportion se situe plutôt à 65 % (graphique 4.3.1-c). À la lumière de l'information présentée ci-haut, on comprendra que la langue de l'école fréquentée par les jeunes anglophones dépend de plusieurs facteurs, dont l'un des plus importants est celui des limites qu'impose la législation linguistique québécoise. S'y ajoute également la proportion importante des unions exogames français-anglais ainsi que la volonté des parents anglophones de favoriser l'apprentissage du français et de l'anglais chez leurs enfants.

 Graphique 4.3.1-a Pourcentage des enfants dont au moins un parent a l'anglais comme première langue officielle parlée (après répartition de la catégorie Anglais-Français) selon la langue de l'école fréquentée, Québec et régions, 2006

 Graphique 4.3.1-b Pourcentage des enfants dont au moins un parent est de langue maternelle anglaise (réponses uniques seulement) selon la langue de l'école fréquentée, Québec et régions, 2006

 Graphique 4.3.1-c Pourcentage des enfants dont au moins un parent a fait une partie ou toutes ses études primaires en anglais au Canada selon la langue de l'école fréquentée, Québec et régions, 2006

En outre, les variations régionales que l'on observe dans ces graphiques illustrent bien l'influence probable des caractéristiques démolinguistiques propres à ces régions sur le choix de la langue de scolarisation des enfants de parents anglophones. Pensons notamment à la proportion ou à la concentration d'anglophones dans la municipalité de résidence de même qu'à la langue principale des parents, notamment dans le cas des couples exogames, tous deux des facteurs importants dans le taux de transmission de la langue anglaise aux enfants et dans le choix de la langue de scolarisation. À titre d'exemple, c'est dans la région de Québec et ses environs que la proportion des jeunes anglophones fréquentant l'école anglaise est la plus faible (25 %). En comparaison, c'est dans l'Est de la province que cette fréquentation est la plus élevée, soit approximativement 61 % (tableau 4.3.1). Trait significatif du portrait sur la fréquentation scolaire des enfants de langue anglaise, la proportion de ceux qui fréquentent un programme d'immersion en français au sein d'une école anglaise est importante. Dans la région de Montréal, cette proportion (26 %) est quasi similaire à celle des enfants qui fréquentent le programme régulier. Ce constat vaut également selon qu'on prend en compte la situation où au moins l'un des parents est de langue maternelle anglaise ou lorsque celui-ci a fait ses études primaires au Canada en anglais.

La popularité des programmes d'immersion en français n'a cessé de croître auprès des parents anglophones québécois depuis leur création sur la Rive-Sud de Montréal au cours des années 1960 (Lamarre, 2008, p. 69). En revendiquant de meilleurs programmes d'enseignement du français langue seconde, les parents anglophones du Québec ont ainsi fait en sorte que le niveau de bilinguisme de leurs enfants se soit accru de façon remarquable.

La croissance des unions exogames français-anglais explique en partie le fait que plusieurs parents anglophones choisissent d'inscrire leurs enfants à l'école française. Selon les données de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (EVMLO), 40 % des enfants dont le parent répondant a l'anglais comme langue maternelle vivent dans des familles endogames anglaises. Environ la moitié d'entre eux vivent dans des familles exogames anglaise-française. En outre, on constate que parmi les 32 350 enfants dont le parent de langue maternelle anglaise a un conjoint de même langue maternelle, 78 % étaient inscrits à l'école anglaise au moment de l'enquête. À l'inverse lorsque le conjoint du parent de langue maternelle anglaise a le français comme langue maternelle, 37 % des enfants sont inscrits à l'école anglaise et 61 % à l'école française. En ce qui a trait aux enfants dont le parent anglophone a un conjoint de tierce langue maternelle, près de deux sur trois fréquentent l'école anglaise.

Outre la croissance de l'exogamie, notons que certains éléments de nature historique permettent de mieux comprendre les motifs des parents à cet égard. Ainsi, au cours des années 1970, suite aux restrictions imposées par la loi 101 en matière de fréquentation scolaire, les conseils scolaires protestants ont commencé à ouvrir des écoles françaises pour la population immigrante ne pouvant fréquenter l'école anglaise. Selon Lamarre (2008, p. 70), un tel changement a créé une nouvelle option pour les familles anglophones qui pouvaient désormais inscrire leurs enfants dans une école française protestante sous le contrôle de la communauté anglophone.

On a ainsi assisté à l'émergence du phénomène selon lequel les familles d'ayants droit ont choisi volontairement d'envoyer leurs enfants dans les écoles françaises, au moins au niveau primaire (McGlynn et al, 2008, Laperrière, 2006). De plus, alors que plusieurs parents choisissaient d'inscrire leurs enfants dans un programme d'immersion en français, plusieurs autres ont choisi d'exercer des pressions afin qu'on améliore l'enseignement du français langue seconde dans les écoles anglaises, particulièrement le français écrit. En raison du lien étroit entre un niveau élevé de bilinguisme et de bonnes opportunités d'emploi pour les jeunes anglophones de la province, il ne s'agissait donc pas seulement de faire en sorte que les enfants de parents anglophones soient bilingues à l'oral, mais que leur littératie en français soit au niveau de celle des locuteurs natifs du français.

Le choix des parents anglophones d'inscrire leurs enfants à l'école française vise principalement l'école primaire. Selon Lamarre (2008, p. 71), lorsque les élèves atteignent le niveau secondaire, la préoccupation de l'acquisition des compétences en français perd du terrain au profit du besoin d'obtenir de bonnes notes en préparation à l'éducation postsecondaire en anglais.

À cet égard, les résultats de l'EVMLO confirment le phénomène selon lequel la fréquentation de l'école anglaise semble être un choix plus répandu au niveau secondaire. Ces résultats révèlent en effet que l'exposition au français est importante aux niveaux prématernelle et maternelle (53 %) ainsi qu'au niveau primaire (48 % dans une école française et 32 % dans un programme d'immersion française à l'école anglaise). De fait, au niveau primaire, seuls 17 % des jeunes anglophones fréquentent un programme régulier en anglais comparativement à 38 % au niveau secondaire. Ce dernier constat vaut pour toutes les régions de la province, quoique dans l'Est la proportion de jeunes anglophones qui fréquentent le programme d'enseignement régulier au niveau primaire (34 %) soit quasi similaire à celle observée au niveau secondaire.

 Tableau 4.3.1 Effectifs et pourcentages des enfants de parents anglophones (première langue officielle parlée) selon la langue de l'école et le niveau scolaire, Québec et ses régions, 2006

4.3.2 Chez les adultes

4.3.2.1 Plus haut niveau de scolarité atteint

Le portrait des adultes anglophones du Québec en matière de scolarisation témoigne de l'existence historique d'institutions économiques, sociales et culturelles vigoureuses ainsi qu'un réseau d'enseignement unique au Canada anglais. Bien avant le début de la Confédération, les anglophones du Québec constituaient en effet une élite au sein du Canada. En outre, l'avantage des anglophones face à leurs homologues francophones québécois tient également à des facteurs historiques d'ordre politique et culturel, dont la plus faible fréquentation scolaire des francophones et une valorisation moindre de l'éducation chez ces derniers. De fait, ce n'est vraiment qu'à partir des années 1960 et au travers de la mouvance de la Révolution tranquille qui a vu naître, entre autres, la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province (Commission Parent) ainsi que le ministère de l'Éducation du Québec que le rapport des francophones à l'éducation s'est profondément transformé.

Afin d'illustrer le phénomène, examinons d'abord les résultats présentés au graphique 4.3.2.1 qui portent sur la situation observée en 2006. On y constate qu'un anglophone sur cinq (20 %) ne détenait aucun certificat, diplôme ou grade comparativement à un francophone sur quatre (26 %). Outre les personnes ne détenant aucun certificat, diplôme ou grade, l'écart observé entre les deux grands groupes linguistiques chez les personnes ne détenant pas de diplôme ou de grade postsecondaire tient essentiellement au fait que les anglophones sont proportionnellement plus nombreux à avoir complété au moins un diplôme d'études secondaires alors que leurs homologues francophones sont proportionnellement plus nombreux à détenir un certificat d'une école de métiers ou un diplôme d'apprenti. Les statistiques portant sur les diplômes, certificats ou grades obtenus au niveau postsecondaire révèlent également qu'il existe un écart important au chapitre des grades ou diplômes universitaires à l'avantage des anglophones. Ces derniers détiennent en effet de tels diplômes ou grades dans une proportion de près de 25 % comparativement à un peu plus de 15 % chez les francophones.

 Graphique 4.3.2.1 Plus haut certificat, diplôme ou grade obtenu selon la première langue officielle parlée, Québec, 2006

Le graphique 4.3.2.2 montre que chez tous les groupes d'âge, la proportion d'anglophones ne détenant aucun certificat, diplôme ou grade est plus faible que celle des francophones quoique cet écart soit beaucoup plus important chez les personnes âgées de 65 ans et plus. Signe du poids de facteurs historiques, la proportion de francophones de ce groupe d'âge qui ne détient aucun diplôme ou certificat est de 48 % comparativement à 36 % chez les anglophones. À l'inverse, la population dont l'anglais est la première langue officielle parlée est proportionnellement plus nombreuse à détenir un certificat, diplôme ou grade universitaire que la population de langue française. Chez les personnes de 25 à 34 ans, l'écart entre les deux groupes est de plus de 12 points de pourcentage. Notons à cet égard que l'écart entre ces deux groupes est un peu plus important que lorsque le critère de la langue maternelle est utilisé, une différence principalement attribuable au poids plus important de l'immigration au sein de la population de langue anglaise et à la plus forte proportion de diplômés universitaires au sein de la population immigrante.

Mentionnons cependant que lorsqu'on ne tient compte que des personnes de ce groupe d'âge qui résident sur le territoire de la Région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal, l'écart entre les deux groupes linguistiques se rétrécit d'environ 5 points de pourcentages alors qu'il devient négligeable sur le territoire de l'île de Montréal. Dans les autres grandes agglomérations où résident les anglophones, soit l'Outaouais et Sherbrooke on n'observe pratiquement aucun écart entre les deux groupes pour ce qui est de la proportion de détenteurs de diplômes universitaires. En d'autres termes, puisque la proportion de diplômés universitaires est beaucoup plus importante dans les grands centres urbains et qu'une proportion importante de la population québécoise vit à l'extérieur de ces grands centres, l'analyse des écarts de scolarité entre les deux groupes doit être modulée par la prise en compte de cette réalité.

 Graphique 4.3.2.2 Plus haut certificat, diplôme ou grade obtenu selon la première langue officielle parlée et le groupe d'âge, Québec, 2006

Comme nous venons d'y faire allusion, l'examen de la situation des jeunes adultes en matière de scolarisation doit tenir compte d'un facteur important, soit le lieu de naissance des anglophones. On sait, par exemple, que tant chez les anglophones que chez les francophones, les immigrants sont généralement plus susceptibles de détenir un grade universitaire, en raison notamment du fait que le niveau de scolarité constitue l'un des critères de sélection des immigrants au Canada. En 2006, chez les anglophones âgés de 25 à 34 ans, on constate que 46 % de ceux nés à l'extérieur du pays détiennent un diplôme universitaire, comparativement à 41 % de ceux nés dans une autre province (dans la plupart des cas, en Ontario) alors que 31 % des anglophones nés au Québec détiennent un tel diplôme (voir le graphique 4.3.2.3). Aux niveaux inférieurs de scolarité, on observe le corollaire de cette situation, c'est-à-dire que les anglophones nés au Québec sont beaucoup plus susceptibles de détenir un diplôme d'études secondaires ou d'études collégiales comme plus haut niveau de scolarité atteint que les autres anglophones du Québec.

 Graphique 4.3.2.3 Proportion des anglophones (première langue officielle parlée) âgés de 25 à 34 ans selon le plus haut certificat, diplôme ou grade obtenu et le lieu de naissance, Québec, 2006

L'un des changements les plus marquants ayant découlé des profondes mutations sociales et des réformes scolaires des années 1960 est sans conteste l'inscription en grand nombre des femmes dans les établissements d'enseignement postsecondaire, en particulier dans les universités. En 1971, la proportion des femmes détenant un grade universitaire était de deux à trois fois moins élevée que celle des hommes, selon le groupe d'âge. En 2006, parmi les anglophones du Québec, on constate que chez les personnes âgées de 65 ans ou plus, soit ceux qui avaient au moins 30 ans en 1971, la proportion des femmes qui détiennent un diplôme universitaire est de 11 %, comparativement à 20 % chez les hommes de ce groupe d'âge (voir le tableau 4.3.2.1). En revanche, chez les 20 à 24 ans on observe la situation inverse : la proportion de détenteurs d'un tel diplôme n'est que de 12 % chez les hommes alors qu'elle atteint près de 20 % chez les femmes. En somme, les femmes de moins de 35 ans sont proportionnellement plus nombreuses à détenir un diplôme ou un grade universitaire que leurs homologues masculins alors que ces derniers sont proportionnellement plus nombreux à être faiblement scolarisés ou à détenir un diplôme professionnel ou d'une école de métiers.

 Tableau 4.3.2.1 Proportion d'anglophones (première langue officielle parlée) selon le plus haut certificat, diplôme ou grade obtenu, le groupe d'âge et le sexe, Québec, 2006

La propension à être fortement ou peu scolarisé varie habituellement selon que les individus résident dans de grands centres urbains ou dans des milieux ruraux. C'est dans les grands centres urbains, par exemple, qu'on trouve les universités et les employeurs susceptibles d'embaucher beaucoup de diplômés universitaires.

Chez les anglophones du Québec, en 2006, les régions de Québec et ses environs et de Montréal comptaient les plus fortes proportions de détenteurs d'un diplôme ou d'un grade universitaire, respectivement près de 28 % et de 27 % (graphique 4.3.2.4). C'est dans l'Est de la province ainsi que dans les régions de l'Estrie et du Sud du Québec et dans le « Reste du Québec » que l'on enregistre les plus faibles proportions de détenteurs de tels diplômes, soit environ 7 %, 14 % et 11 % de la population respectivement. Inversement, l'Est de la province et le « Reste du Québec » comptent des proportions importantes de leur population anglophone qui ne détient aucun certificat, diplôme ou grade, soit près de 43 % et 35 % respectivement. Ces résultats reflètent la structure par âge différentielle des communautés anglophones des diverses régions du Québec. Ainsi, alors que près de 13 % de population anglophone montréalaise est âgée de 65 ans et plus, les régions de l'Estrie et Sud du Québec, l'Est de la province et le « Reste de la province » affichent des proportions de 21 %, 18 % et 15 % respectivement. En contrepartie, alors que 15 % de la population anglophone de Montréal est âgée de 25 à 34 ans, ces trois mêmes régions affichent des proportions de 9 %, 10 % et 12 % respectivement d'adultes faisant partie de ce groupe d'âge.

 Graphique 4.3.2.4 Proportion d'anglophones de 15 ans ou plus (première langue officielle parlée) selon le plus haut certificat, diplôme ou grade obtenu et la région, Québec, 2006

4.3.2.2 Langue d'enseignement chez les adultes

Les résultats de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (EVMLO) nous ont permis de constater que, dans l'ensemble du Québec, les enfants dont au moins un parent est de langue anglaise sont inscrits dans le programme régulier d'une école primaire de langue anglaise dans une proportion de 17 % et dans un programme d'immersion en français dans une proportion de 32 %. Au niveau secondaire, ces proportions sont respectivement de 38 % et de 21 %. Qu'en est-il de la langue de scolarisation des adultes ayant répondu à l'EVMLO? Aux diverses questions de l'enquête portant sur la langue dans laquelle les répondants ont effectué une partie ou toutes leurs études en anglais, la présence de l'anglais varie d'un groupe d'âge à l'autre et d'un niveau de scolarité à l'autre.

Ainsi, comme en rend compte le tableau 4.3.2.2, la proportion d'adultes qui ont fait une partie ou la totalité de leurs études en anglais est relativement importante et varie parfois de façon importante selon le groupe d'âge et le niveau de scolarité. Ainsi, alors que chez les 25 ans ou plus, la proportion de ceux qui ont fait leurs études en anglais oscille entre 52 % et 72 % pour les études primaires et secondaires, cette proportion est plus faible chez les jeunes âgés de 18 à 24 ans, une conséquence directe de l'obligation légale pour de nombreux anglophones de tierce langue maternelle de fréquenter l'école française. Aux niveaux postsecondaires préuniversitaire et universitaire, on constate un changement marqué dans le taux de fréquentation des institutions de langue anglaise. Ainsi, alors que 64 % des jeunes anglophones âgés de 18 à 24 ans déclarent avoir fait la totalité ou une partie de leurs études primaires en anglais, cette proportion atteint 85 % au niveau postsecondaire préuniversitaire et près de 90 % pour les études universitaires.

 Tableau 4.3.2.2 Proportion d'anglophones de 18 ans ou plus ayant poursuivi toutes ou une partie de leurs études en anglais selon le groupe d'âge et le niveau des études, Québec, 2006

4.4 Médias, arts et culture

Le soutien aux arts et à la culture est l'un des éléments clés ciblés par la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne. On y reconnaît notamment leur rôle essentiel à l'épanouissement des communautés de langue officielle en milieu minoritaire.

L'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle cible six médias pour mesurer l'accès aux éléments culturels dans la langue de la minorité, soit la télévision, l'Internet, la radio, les journaux, les livres et les spectacles ou les événements artistiques. De nos jours, l'Internet et la câblodistribution facilitent l'accès à ces médias dans plusieurs langues et en provenance de nombreux pays, ce qui permet d'accroître la disponibilité des divers produits culturels de langue anglaise à travers le pays.

Les résultats de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle révèlent que les anglophones du Québec, tout comme leurs homologues francophones, sont de grands consommateurs de médias, dont le plus important est la télévision (voir tableau 4.4.1).

 Tableau 4.4.1 Proportion des anglophones et francophones selon l'utilisation de certains médias, Québec, 2006

Les données du tableau 4.4.2 montrent que, chez les anglophones, la consommation des divers médias se fait essentiellement en anglais. Ils sont en effet majoritairement portés à déclarer que l'écoute de la télévision et de la radio, la lecture de livres et de journaux, et l'accès à l'Internet se font « seulement » ou « surtout » en anglais. L'utilisation de l'Internet (86 %) et l'écoute de la télévision (82 %) sont les médias pour lesquels la prédominance de l'anglais est la plus forte, alors que la lecture des journaux uniquement ou surtout en anglais enregistre la proportion la moins élevée, soit 67 %. Malgré la domination de l'anglais dans la consommation des divers médias, notons que, à l'échelle du Québec, l'écoute de la radio se fait en français (seul ou aussi souvent qu'en anglais) dans une proportion de 20 % alors que c'est le cas deprès de trois anglophones sur dix pour ce qui est de la lecture des journaux. À Montréal, cette dernière proportion se situe à 26 %.

 Tableau 4.4.2 Pourcentage des anglophones selon la langue de consommation de certains médias, Québec et ses régions, 2006

Les résultats de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle révèlent une fois de plus que la région où résident les anglophones et, par conséquent, la proportion qu'y représente cette population influent sur le choix de la langue de consommation des médias. En dépit du fait que la concentration d'anglophones au sein des municipalités soit plus élevée dans la région de Montréal que dans celle de l'Outaouais, les anglophones habitant cette dernière sont aussi sinon plus portés que les anglophones des autres régions à déclarer que leur consommation des divers médias se fait « seulement » ou « surtout » en anglais (voir tableau 4.4.2). Ce phénomène s'explique principalement par la proximité de l'Ontario et de la ville d'Ottawa en particulier où la langue anglaise prédomine nettement. Les anglophones de la région de Québec et ses environs et, dans une moindre mesure, ceux de l'Est de la province sont proportionnellement moins nombreux à écouter la radio uniquement ou surtout en anglais que ceux des autres régions. En raison de l'accès très répandu à la câblodiffusion et à l'Internet, les disparités régionales sont beaucoup moins importantes en ce qui a trait à la présence de l'anglais dans la consommation de ces médias. Toutefois, la lecture des journaux dans cette langue demeure un phénomène très minoritaire chez les anglophones de la région de Québec et ses environs alors qu'elle est une pratique courante chez au moins un anglophone sur deux dans l'Est de la province et dans le « Reste du Québec ».

4.5 Vie communautaire

L'implication des individus au sein de leur communauté et la participation à des activités communautaires sont généralement reconnues comme des dimensions de la vie en société qui contribuent à la création et au maintien de réseaux de soutien social. En outre, « [le] capital social (défini en termes généraux comme la participation aux réseaux sociaux) est de plus en plus considéré comme une composante clé du développement communautaire ou comme un aspect essentiel de la « capacité » d'une collectivité de se développer »7.

Les données de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (EVMLO) permettent de mesurer certaines dimensions de la participation des anglophones à la vie communautaire. Les statistiques concernant la participation à des activités de bénévolat, le fait d'être membre d'organismes communautaires ou de prodiguer des soins dans un contexte informel permettent en effet d'examiner dans quelle mesure les anglophones s'impliquent dans la vie associative et communautaire de leur milieu de vie.

Les résultats de l'EVMLO révèlent qu'environ un quart des anglophones du Québec participent à l'une ou l'autre des activités pour lesquelles des données ont été recueillies dans cette enquête. Ainsi, ce sont 22 % des adultes anglophones qui ont déclaré avoir été membres d'un organisme, d'un réseau ou d'une association au cours des 12 derniers mois ayant précédé l'enquête alors que 24 % ont déclaré faire du bénévolat et 26 % ont fourni du soutien non rémunéré pour les activités de tous les jours à quelqu'un qui n'habitait pas dans leur ménage.

Plusieurs facteurs sociodémographiques et économiques influent sur la participation communautaire, notamment l'âge, la scolarité, le milieu de résidence, le statut socio-économique, etc. Toutefois, l'analyse de ces facteurs dépasse l'objectif du présent document.

Le type d'activités communautaires dans lesquelles sont impliqués les anglophones varie peu d'une région à l'autre. Leur niveau de participation à ces activités est à peu de choses près la même dans toutes les régions du Québec. Toutefois, la langue dans laquelle se déroulent ces activités varie notamment selon le type d'activités et la région. Par exemple, le soutien social pour les activités de tous les jours à des personnes qui n'habitent pas dans le ménage se déroule en anglais dans une plus forte proportion que dans le cas de l'implication des anglophones au sein d'organismes, de réseaux ou d'associations et des activités de bénévolat. En outre, à l'exception de ce qu'on observe dans la région de Québec et ses environs, les disparités régionales semblent moins importantes dans le cas du soutien pour les activités de tous les jours que dans le cas des autres activités communautaires.

 Graphique 4.5.1 Proportion d'anglophones selon la langue d'usage pour les activités communautaires, Québec et régions, 2006

Soulignons que les enfants et les autres membres de la famille (51 %) et les amis (30 %) sont plus souvent bénéficiaires du soutien pour les activités quotidiennes. Par ailleurs, la famille et les amis semblent compter pour beaucoup dans les réseaux des anglophones du Québec. Ainsi, en cas de maladie, 18 % se tourneraient vers leurs enfants alors que 51 % déclarent qu'ils se tourneraient vers les autres membres de leur famille pour du soutien. De plus, près de 15 % des anglophones se tourneraient vers des ressources communautaires, des organismes bénévoles ou encore vers les institutions publiques de services sociaux pour obtenir du soutien dans l'éventualité où ils tomberaient malades. En général, l'utilisation de l'anglais dans les activités de soutien social semble donc associée principalement au domaine privé.

L'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle (EVMLO) révèle que 79 % des anglophones déclarent qu'il est « très important » ou « important » pour eux que des personnes ou des organismes travaillent au développement de la communauté anglophone. À cet égard, on observe également des variations selon la région et la concentration d'anglophones au sein de la municipalité de résidence. Ainsi, dans la région de l'Est où l'indice moyen de concentration d'anglophones au sein de la municipalité de résidence est le plus élevé après celui des anglophones de Montréal, les répondants sont proportionnellement les plus nombreux (85 %) à déclarer qu'ils trouvent « très important » ou « important » que des personnes ou des organismes travaillent au développement de la communauté anglophone. Inversement, cette dernière proportion est la plus faible dans la région de Québec et ses environs (70 %), où nous trouvons la plus faible proportion et la plus faible concentration d'anglophones. Dans le reste des régions du Québec, les proportions de ceux qui considèrent qu'il est « très important » ou « important » que quelqu'un travaille au développement de la communauté varient peu, soit de 73 % à 79 %.

Bien que 79 % des anglophones déclarent qu'il est « important » ou « très important » pour eux que des personnes ou des organismes travaillent au développement de la communauté anglophone, moins de 12 % de ceux qui sont membres d'organismes, de réseaux ou d'associations le sont dans le but de promouvoir ou de défendre les intérêts des anglophones8. De plus, cette dernière proportion ne varie pratiquement pas selon la concentration ou la proportion que représentent les anglophones dans la municipalité de résidence.

4.6 Caractéristiques de l'emploi et du revenu

Nous avons jusqu'à maintenant examiné l'ampleur des niveaux différentiels de scolarité entre les principaux groupes linguistiques au Québec. Tant les données du recensement que de l'EVMLO permettent d'examiner dans quelle mesure les anglophones du Québec œuvrent dans des secteurs d'industrie différents ou non de ceux des francophones. On peut donc y identifier les similarités et les différences dans la répartition des groupes linguistiques entre les divers secteurs d'industrie.

L'analyse sommaire des données du Recensement de 2006 révèle que les anglophones du Québec sont proportionnellement plus nombreux que les francophones à œuvrer dans certains secteurs tels celui des services professionnels, scientifiques et techniques, celui des services administratifs et de gestion ou encore celui du commerce de gros. Dans ces trois secteurs, on retrouve en effet respectivement 8,7 %, 4,8 % et 6,7 % des anglophones de la province comparativement à 5,8 %, 3,5 % et de 3,9 % des francophones. Ces derniers, pour leur part, sont proportionnellement plus nombreux à occuper des emplois dans les secteurs du commerce de détail (12,4 %), des soins de santé et assistance sociale (11,4 %), de l'administration publique (6,6 %), et de la construction (5,5 %). Par comparaison, ces quatre secteurs regroupent 10,7 %, 8,9 %, 3,6 %, et 3,5 % respectivement des anglophones de la province. Dans les autres grands secteurs d'industrie, on observe des écarts moins importants entre les deux groupes.

 Graphique 4.6.1 Proportion de travailleurs selon le secteur d'industrie et la première langue officielle parlée, Québec, 2006

La participation et la présence des Anglo-Québécois au sein des institutions de l'administration publique ont fait l'objet de plusieurs écrits et constitue un dossier qui préoccupe les intellectuels, les porte-parole ainsi que les chefs de file de cette communauté9.

Bien que 3,6 % des travailleurs anglophones et 6,6 % des travailleurs francophones du Québec travaillent dans le secteur de l'administration publique, qu'en est-il de la part relative des anglophones au sein de l'ensemble des travailleurs de ce secteur d'emploi?

Les données du Recensement de 2006 révèlent que la proportion des Anglos-Québécois employés dans la fonction publique (7,0 %) est inférieure à leur poids relatif au sein de l'ensemble des secteurs d'industrie (13,3 %) alors que chez les francophones on observe le phénomène inverse, à savoir une surreprésentation (93 %) comparativement à leur poids relatif au sein de l'ensemble des travailleurs (86,5 %).

Les statistiques sur les administrations publiques fédérales (incluant les services de défense), provinciales et territoriales, et locales, municipales et régionales révèlent également une sous-représentation d'anglophones et une surreprésentation de francophones au sein de chacun de ces groupes d'administrations, tout particulièrement au sein de la fonction publique provinciale. Ainsi, au Québec, l'administration publique fédérale est composée de 11,7 % d'anglophones et de 88,2 % de francophones. Pour ce qui est de la fonction publique québécoise, la part relative des anglophones n'est que de 2,8 % alors que les francophones y forment 97,2 % de la main-d'œuvre. Finalement, les anglophones représentent 7,0 % de l'ensemble des travailleurs des administrations publiques locales, municipales et régionales comparativement à 93,0 % de francophones.

La sous-représentation des anglophones au sein des divers paliers de l'administration publique a été observée dans toutes les régions du Québec. En outre, bien que les régions de Montréal et de l'Outaouais affichent de plus fortes proportions d'anglophones œuvrant dans le secteur de l'administration publique que dans les autres régions du Québec, ces proportions sont inférieures au poids relatif qu'ils représentent au sein de l'ensemble des secteurs de l'industrie de leur région respective. De fait, bien que les anglophones composent 22,1 % de l'ensemble des travailleurs de la région métropolitaine de Montréal, leur part relative y est inférieure au sein des fonctions publiques fédérale (15,9 %), provinciale (4,9 %), et municipale (7,2 %). En contrepartie, bien que les francophones représentent 77,5 % de l'ensemble des travailleurs de cette région, ils composent respectivement 84 %, 95 % et 92,7 % des employés des fonctions publiques fédérale, provinciale et municipales, locales ou régionales. De même, dans la région de l'Outaouais, les anglophones forment 17,3 % de l'ensemble des travailleurs de tous les secteurs d'industrie, mais composent respectivement 15,5 %, 6,7 % et 8,7 % de la main-d'œuvre des administrations publiques fédérale, provinciale, et locales ou municipales.

4.6.1 Répartition au sein des secteurs d'emploi selon la région de résidence

Au Québec, la répartition des anglophones au sein des différents secteurs d'emploi varie énormément selon les régions. Ainsi, il n'est pas surprenant que, dans les régions de l'Outaouais et de Québec et ses environs, respectivement 18,6 % et 11,9 % des travailleurs œuvrent dans la fonction publique comparativement à 2,5 % des anglophones qui résident dans les autres régions de la province (voir le tableau 4.6.1). À l'inverse, comme en rend compte ce tableau, alors qu'on retrouve proportionnellement peu de travailleurs anglophones de l'Outaouais (5,3 %) occupant un emploi dans le secteur de la fabrication, dans toutes les autres régions la proportion relative de ces travailleurs est bien plus considérable : par exemple, 20,3 % dans la région de l'Estrie et du Sud du Québec et 14,4 % à Montréal. Par ailleurs, on observe une forte proportion (15,8 %) de travailleurs œuvrant dans les services de l'enseignement dans la région de Québec et ses environs, soit plus du double de ce que l'on retrouve en Outaouais (6,0 %) et une proportion bien supérieure à celle observée dans les autres régions du Québec. Enfin, le commerce de détail est un secteur prisé par les travailleurs anglophones (entre 8,0 % et 11,0 %) dans toutes les régions.

 Tableau 4.6.1 Répartition des travailleurs anglophones (première langue officielle parlée) entre les différents secteurs d'industrie selon la région de résidence, Québec, 2006

4.6.2 Utilisation de la langue anglaise au travail selon le secteur d'industrie

Parmi l'ensemble des travailleurs du Québec âgés de 15 ans ou plus, 40 % (1 722 830) déclarent utiliser l'anglais « le plus souvent » ou « régulièrement » au travail. Chez les 576 049 travailleurs anglophones, cette proportion atteint près de 92 %, soit environ 74 % le plus souvent et 19 % régulièrement (c'est à dire moins souvent que la langue prédominante)10. Près de 66 % (381 885) des anglophones déclarent utiliser « le plus souvent » ou « régulièrement » le français dans le cadre de leur travail, respectivement près de 35 % « le plus souvent » et près de 32 % « régulièrement ».

Dans tous les secteurs d'industrie, à l'exception du secteur des services publics, la majorité des anglophones du Québec déclarent utiliser l'anglais le plus souvent au travail. Cette utilisation varie de 61 % dans le secteur des administrations publiques à 84 % dans le secteur des services d'enseignement. Les travailleurs anglophones du secteur de la gestion de sociétés et d'entreprises arrivent bon seconds en ce qui a trait à l'utilisation de l'anglais au travail, soit 82 % le plus souvent et 12 % régulièrement. Toutefois, ce sont les travailleurs anglophones du secteur des services publics qui déclarent faire usage de l'anglais au moins régulièrement au travail dans une plus forte proportion, soit 49 % le plus souvent et 29 % régulièrement.

 Graphique 4.6.2 Utilisation de l'anglais le plus souvent ou régulièrement au travail par les anglophones selon le secteur d'industrie, Québec, 2006

4.6.3 Écarts différentiels de revenu

Historiquement, les anglophones au Canada, en particulier ceux d'origine anglo-saxonne, ont été avantagés sur les plans économique et social (revenu, niveau de scolarité, structure occupationnelle, etc.)11. Tel que nous l'avons mentionné, les anglophones du Québec ont quant à eux longtemps constitué une élite au sein de l'anglophonie canadienne. Dans la mesure où le niveau de revenu des individus est fortement tributaire de leur niveau de scolarité, de leur profession et du secteur d'industrie dans lequel ils œuvrent (pour ne nommer que ces facteurs), on peut donc croire que les mutations importantes qu'ont connues les communautés anglophones et francophones du Québec au cours des 40 dernières années ont eu des répercussions majeures sur leur niveau de revenu.

Les transformations majeures qui ont traversé la société québécoise depuis les années 1960 sur les plans culturel, social, économique et démographique, ont notamment entraîné une diversification importante de sa population. Les Anglos-Québécois ne font pas exception dans la mesure où la composition ethnique de ce groupe, principalement des personnes d'origine Anglo-saxonne à l'aube du XXe siècle, s'est diversifiée considérablement, en particulier au cours des trente dernières années. En 2006, 37 % des quelque 320 000 immigrants qui composent la population d'expression anglaise du Québec étaient nés en Europe, comparativement à 38 % qui étaient nés en Asie et au Moyen-Orient. Parmi les immigrants s'étant établis au Canada entre 2001 et 2006, ces proportions étaient de 19 % et 53 % respectivement.

L'analyse des facteurs ayant influencé l'évolution des écarts différentiels de revenu entre les groupes linguistiques dépasse l'objet et la portée du présent rapport. Toutefois, les statistiques du Recensement de 2006 portent à croire que l'écart entre les revenus des anglophones et les francophones a diminué au fil du temps. D'une part, les mutations importantes qu'a connues la société québécoise depuis la Révolution tranquille ont amélioré considérablement le statut et la position socio-économique des francophones au sein de la société québécoise. D'autre part, le départ de nombreux anglophones de la province durant les années 1970 et l'arrivée d'un nombre croissant d'immigrants internationaux en provenance notamment de pays en voie de développement ont contribué à modifier le tissu démographique, ethnique et socio-économique de ce groupe linguistique.

La comparaison des revenus médians et des revenus moyens des anglophones et des francophones procurent une information contrastée. Les statistiques de 2006 révèlent que les personnes ayant l'anglais comme seule première langue officielle parlée (PLOP) ont un revenu moyen supérieur de 3 100 $ à celui des personnes ayant le français comme seule PLOP, alors qu'en ce qui a trait au revenu médian, celui des anglophones est de 1 900 $ inférieurs à celui des francophones. La différence est encore plus importante lorsqu'on ventile ces données selon le sexe : 3 900 $ chez les hommes et 2 200 $ chez les femmes (voir tableau 4.6.2).

Si l'on utilise le critère de la langue maternelle plutôt que celui de la PLOP, l'écart est encore plus important. La population de langue maternelle anglaise a en effet un revenu moyen de 4 800 $ supérieur à celui de la population de langue maternelle française, alors que le revenu médian des anglophones est inférieur de 800 $ à celui des francophones (données non montrées).

Ces résultats donnent donc à penser que les écarts de revenu au sein du groupe anglophone sont plus importants qu'au sein du groupe francophone, un plus grand nombre d'anglophones ayant déclaré des revenus élevés. Les données du Recensement de 2006 sur le revenu révèlent en effet que 4,0 % des personnes ayant l'anglais comme seule première langue officielle parlée gagnaient un revenu de 100 000 $ ou plus comparativement à 2,3 % de celle ayant le français comme PLOP. Chez les hommes, ces proportions sont de 6,4 % et de 3,7 % respectivement. En revanche, 23 % des Anglos-Québécois ont un revenu annuel inférieur à 10 000 $ comparativement à 19 % chez les francophones. En utilisant le seuil de faible revenu, on constate que 22 % des anglophones ont un revenu qui les situe sous le seuil de faible revenu comparativement à 16 % pour les francophones12. Dans la région métropolitaine de Montréal, ces proportions sont de 23 % et 19 % respectivement.

En outre, on constate que les revenus moyens et médians des personnes ayant et l'anglais et le français comme premières langues officielles parlées sont de beaucoup inférieurs à ceux des deux autres groupes. Chez la population de double langue officielle parlée, les revenus inférieurs s'expliqueraient en raison du fait qu'il s'agit essentiellement de personnes immigrées. De nombreuses études ont déjà montré qu'en dépit d'un niveau de scolarité supérieur, les immigrants ont un taux de chômage supérieur et des revenus inférieurs à ceux des personnes nées au Canada.

 Tableau 4.6.2 Revenu moyen et revenu médian des femmes et des hommes selon la première langue officielle parlée, Québec, 2006

À la lumière du contexte historique décrit plus haut, on sait que les revenus médians et moyens des deux groupes linguistiques sont fonction de l'âge, les anglophones plus âgés affichant des revenus médian et moyen supérieurs à celui des francophones. Les statistiques présentées aux graphiques 4.6.3-a et 4.6.3-b rendent compte du fait que tant chez les hommes que chez les femmes dont l'anglais est la première langue officielle parlée, le revenu médian de ceux âgés de 65 ans ou plus est supérieur à celui des francophones, soit de 3 400 $ chez les hommes et de 2 500 $ chez les femmes. Chez les personnes âgées de 25 à 64 ans, on observe le résultat inverse, soit un écart entre 4 000 $ et 5 000 $ selon le groupe d'âge. En revanche, les graphiques 4.6.3-c et 4.6.3-d révèlent que les écarts entre les revenus moyens des hommes anglophones et francophones sont beaucoup plus importants chez ceux âgés de 65 ans ou plus (14 600 $ à l'avantage des anglophones) et chez ceux âgés de 45 à 64 ans (près de 7 500 $ à l'avantage des anglophones). Finalement, chez les 25 à 44 ans, l'écart entre les revenus moyens des deux groupes est pratiquement inexistant. Par ailleurs, on observe un phénomène similaire chez les femmes, quoique les écarts de revenus soient moins importants.

En poussant l'analyse plus loin, notamment en utilisant la technique de l'analyse statistique multivariée, on constate que la comparaison des revenus entre les groupes linguistiques appelle à la prudence, notamment en raison de la multitude des facteurs qui influent sur ces écarts.

De fait, alors que les résultats portant sur l'ensemble de la population révèlent que les revenus moyens des anglophones sont supérieurs à ceux des francophones (tableau 4.6.2), on constate que certains facteurs clés permettent d'expliquer ces écarts. Ainsi, l'analyse des données portant sur les revenus moyens d'emploi des hommes faisant partie de la population active révèlent que les francophones affichent un revenu moyen supérieur à celui des anglophones lorsqu'on maintient constant l'influence de l'âge, de la scolarité, de la région de résidence, du secteur d'industrie et du statut d'immigrant (résultats non montrés). L'écart entre les revenus est plus important si l'on utilise le critère de la langue maternelle (2 700 $) que celui de la première langue officielle parlée (1 900 $). Chez les femmes les écarts sont très faibles, soit de 700 $ et 300 $ respectivement. En d'autres termes, une grande partie de l'écart observé entre le revenu moyen des anglophones et des francophones tient aux différences dans la structure par âge, le niveau de scolarité, la région de résidence, le secteur d'industrie et le statut d'immigrant.

 Graphique 4.6.3-a Revenu médian des femmes selon le groupe d'âge et la première langue officielle parlée, Québec, 2006

 Graphique 4.6.3-b Revenu médian des hommes selon le groupe d'âge et la première langue officielle parlée, Québec, 2006

 Graphique 4.6.3-c Revenu moyen des femmes selon le groupe d'âge et la première langue officielle parlée, Québec, 2006

 Graphique 4.6.3-d Revenu moyen des hommes selon le groupe d'âge et la première langue officielle parlée, Québec, 2006


Notes

  1. Rapport sur les consultations du gouvernement du Canada sur la dualité linguistique et les langues officielles, février 2008.
  2. Cette proportion passe à 87 % si l'on inclut ceux qui ne peuvent soutenir une conversation qu'en anglais et à qui la question n'a donc pas été posée.
  3. C'est-à-dire soit le plus souvent soit régulièrement.
  4. Voir à ce propos le tableau 2.1 du rapport intitulé Professionnels de la santé et minorités de langue officielle au Canada : 2001 et 2006, par C. Blaser, 2006,  91-550-X au catalogue.
  5. Tout comme dans le cas des professionnels de la santé, l'utilisation de l'anglais par les avocats et les policiers dépend de plusieurs facteurs, dont la proportion d'anglophones dans un milieu donné. L'analyse de ces facteurs dépasse toutefois le cadre du présent portrait statistique.
  6. En raison du très petit nombre des membres de la minorité de langue officielle qui ont eu des contacts avec la Gendarmerie Royale du Canada, les données obtenues dans le cadre de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle ne permettent pas de tirer des conclusions à leur égard.
  7. Rothwell, Neil et Martin Turcotte (2006). « L'influence de la scolarité sur l'engagement communautaire : différences entre les régions rurales et urbaines du Canada ». Bulletin d'analyse – Régions rurales et petites villes au Canada, vol 7,  1, juillet,  21-006-XIF au catalogue, page 1.
  8. Chez les francophones de l'Ontario, cette proportion atteint 32 %.
  9. Voir notamment Jedwab (2008, p. 16) et gouvernement du Québec (2003).
  10. Les données de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle ont révélé que lorsque les répondants déclarent utiliser une langue régulièrement, en plus de celle utilisée le plus souvent, cette utilisation est quotidienne.
  11. Voir par exemple, Porter (1965), Pineo (1977), Curtis et Scott (1979).
  12. Il s'agit du revenu avant impôt. En ce qui a trait au revenu après impôt, ces proportions sont de 16,5 % et de 11,4 % respectivement.
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