Blogue de recherche : Productivité au Canada après 2000

4 avril 2018

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Chaque trimestre, dans le cadre du Blogue de StatCan, on publie un article sur la recherche à Statistique Canada, lequel est rédigé par un auteur invité. Le cinquième article a été écrit par Wulong Gu and Danny Leung, des chercheurs de la Division de l'analyse économique de Statistique Canada.

 

La productivité mesure l’efficacité avec laquelle une économie transforme les intrants en extrants. La croissance de la productivité est importante parce qu’elle est liée à notre niveau de vie, car la croissance de la production doit provenir soit de la croissance des intrants, soit de la croissance de la productivité.

La croissance de la productivité a ralenti dans le secteur des entreprises au Canada après 2000. Ce blogue décrit les recherches menées par Statistique Canada en vue de mieux comprendre les sources de ce déclin.

Tendances récentes dans le secteur des entreprises

La croissance de la productivité du travail, soit la valeur ajoutée réelle par heure travaillée, est passée de 1,7 % par année de 1980 à 2000 à 0,9 % par année de 2000 à 2016. La productivité du travail peut se décomposer en trois apports : l’intensité du capital, l’amélioration des compétences de la main-d'œuvre et la croissance de la productivité multifactorielle (PMF). La croissance de la PMF est souvent associée aux changements technologiques, aux changements organisationnels ou aux économies d'échelle.

La baisse de 0,8 point de pourcentage de la croissance de la productivité du travail après 2000 était presque entièrement attribuable à une diminution de la croissance de la PMF. La contribution de l’intensité du capital a peu fluctué, et celle de l’amélioration des compétences est passée de 0,4 % à 0,2 % entre les deux périodes.

Contribution de l’industrie à la croissance de la productivité

Un examen des tendances dans chaque industrie peut aider à comprendre la source du recul de la croissance de la productivité du travail dans le secteur des entreprises. Baldwin et Willox (2016) ont examiné les origines du ralentissement de la croissance de la productivité du travail après 2000 dans l’industrie et ont constaté que ce ralentissement est principalement attribuable à une diminution de la croissance de la productivité dans le secteur de la fabrication et dans celui de l’extraction minière et de l’extraction de pétrole et de gaz et, dans une moindre mesure, à un fléchissement dans les secteurs de la finance, des assurances et des services immobiliersFootnote 1. L’augmentation graduelle de la main-d’œuvre dans les industries plus productives, au détriment des industries moins productives, a eu un léger effet atténuant sur le ralentissement. Gu (2018) a étudié l’apport des secteurs de l’industrie à la croissance de la PMF et a tiré des conclusions comparables à celles de l’étude précédente. Le ralentissement de la croissance de la productivité du travail après 2000 était principalement attribuable au fléchissement de la croissance de la PMF dans le secteur de la fabrication et celui de l’extraction minière et de l'extraction de pétrole et de gaz.

La conclusion selon laquelle les secteurs de la fabrication, de l’extraction minière et de l'extraction de pétrole et de gaz étaient en grande partie responsables de la baisse agrégée de la productivité du travail et de la croissance de la PMF après 2000 laissait entendre qu’une analyse plus poussée des tendances dans ces secteurs était nécessaire.

Capital naturel et croissance de la productivité dans le secteur de l’extraction minière et de l’extraction de pétrole et de gaz

Comme nous l’avons mentionné plus tôt, la croissance de la PMF est normalement associée à des changements technologiques, à des changements organisationnels ou à des économies d’échelle. Toutefois, étant donné que la croissance de la PMF ne peut être calculée à partir de la croissance de la production d’un ensemble pondéré d’intrants mesurés, elle rend compte également des variations chez des intrants qui ne sont pas pris en considération. Les ressources minérales et énergétiques souterraines sont essentielles à la production de l’extraction minière et de l'extraction de pétrole et de gaz, mais la mesure de la PMF normalement publiée dans les Comptes canadiens de productivité et dans les comptes de productivité d’autres pays ne tient pas compte de l’épuisement des réserves de ressources naturelles ou du flux du facteur capital naturel.

Cette omission est pertinente parce que, dans le contexte de l’Australie, l’inclusion du capital naturel aide à expliquer une part importante du déclin de la PMF mesurée dans le secteur de l’extraction minière et de l’extraction de pétrole et de gaz de ce paysFootnote 2. Les explications à l’appui des constatations de l’Australie s’appliquent également à la situation du Canada. Au fil de l’augmentation de la demande d’intrants dans le secteur de l’extraction minière et de l’extraction de pétrole et de gaz dans les années 2000, ce secteur a mis en valeur des ressources naturelles de plus en plus difficiles à extraire, ce qui a entraîné une diminution de la croissance de la productivité du travail. Lorsque l’intrant capital naturel n’est pas inclus dans la mesure, la baisse de la productivité du travail est attribuée à un ralentissement de la croissance de la PMF plutôt qu’à une diminution de la croissance de l’intrant capital naturel.

Adams et Wang (2015) ont évalué l’incidence de l’intégration du capital naturel dans la mesure de la PMF pour le secteur canadien de l’extraction minière et de l’extraction de pétrole et de gaz. Ils ont constaté qu’avant d’ajouter l’intrant capital naturel, la croissance de la PMF dans le secteur de l’extraction minière et de l’extraction de pétrole et de gaz entre 2000 et 2009 était de -7,0 % par année. L’inclusion du capital naturel a porté la croissance annuelle moyenne de la PMF à -5,3 %Footnote 3. Par conséquent, même si l’inclusion du capital naturel a contribué à expliquer la baisse de la croissance de la PMF, il reste à rendre compte de la croissance négative importante.

Croissance de la productivité dans le secteur de la fabrication

Les années 2000 ont présent bon nombre de défis pour le secteur de la fabrication. Pour la première fois depuis 1961, la croissance du PIB réel de ce secteur a stagné tandis que le PIB du secteur des entreprises a continué de croîtreFootnote 4. Des défis comme l’éclatement de la bulle technologique en 2001, l’essor des prix des produits de base et l’appréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain, alliés à une concurrence accrue de l’étranger, ont contribué à créer à court terme un excédent de capacité dans le secteur de la fabrication et sont venus intensifier les pressions pour améliorer la productivité de celui-ci.

Les pressions exercées pour améliorer la productivité peuvent se manifester par des hausses de productivité au sein des entreprises et/ou des transformations dans les parts de marché et les ressources qu’elles détiennent, les entreprises moins productives subissant les effets de cette migration au profit des entreprises plus productives. En ce qui concerne ce dernier point, la plupart des études sur le secteur de la fabrication réalisées après 2000, et plus récemment Gu et Li (2017), révèlent que cette réaffectation contribue favorablement à la croissance de la productivité et fait contrepoids aux baisses de la croissance de la productivité observées dans les entreprises en place entre les périodes d’avant et d’après 2000.

Baldwin, Gu et Yan (2013) ont examiné plus à fond la composante intraentreprise de la croissance de la productivité dans le secteur de la fabrication, et ils ont constaté que l’affaiblissement de cette composante de la productivité du travail observée de 2000 à 2006 était entièrement attribuable au ralentissement des usines causé par les activités d’exportation au cours de cette période. Ce phénomène fait ressortir l’incidence de l’appréciation du dollar canadien et de l’accroissement de la concurrence mondiale. Le ralentissement de ces usines était également lié en grande partie, sinon en totalité, à une diminution de l’utilisation de la capacité.

Les statistiques sur la productivité de Statistique Canada et de la plupart des autres organismes statistiques ne tiennent pas compte des changements à court terme de l’utilisation de la capacité pendant la mesure de la PMF. Lorsque les intrants sont utilisés en deçà de leur capacité, la croissance mesurée de la PMF est moindre, car les intrants ne sont pas utilisés à leur plein potentiel. Baldwin, Gu et Yan (2013) et Gu et Wang (2013) ont conclu que l’utilisation de la capacité a joué un rôle important dans le ralentissement de la productivité au début de la période d’après 2000. Toutefois, à long terme, lorsqu’on compare la période entière de 2000 à 2015 à celle de 1980 à 2000, on ne s’attend pas à ce que l’utilisation de la capacité soit un facteur déterminant. En effet, Gu (2018) a constaté que l’incidence de la diminution de l’utilisation de la capacité sur la PMF au début des années 2000 a été contrebalancée par l’augmentation de l’utilisation observée après 2009.

Recherches à venir

Les recherches se poursuivront à Statistique Canada afin d’améliorer notre compréhension du ralentissement de la productivité après 2000.

Des travaux sont en cours pour mettre à jour les études qui ont examiné l’incidence de la taille de l’entrepriseFootnote 5, des immobilisations incorporellesFootnote 6 et de l’infrastructure publiqueFootnote 7 sur la croissance de la productivité.

Les travaux portant sur de nouveaux domaines d’analyse progressent également. Le ralentissement de la croissance de la productivité du travail et de la PMF ne s’observe pas uniquement au Canada. Le phénomène se produit dans presque toutes les économies avancées. L’une des caractéristiques marquantes du ralentissement réside dans le fait qu’il s’est accompagné d’une forte croissance de la productivité du travail parmi les entreprises les plus productives au monde et d’un écart de productivité grandissant entre les entreprises les plus productives et toutes les autres entreprises, même à l’intérieur d’un même paysFootnote 8. Des études à venir examineront si cette divergence se produit également au Canada et elles porteront sur le degré de dynamisme entre les entreprises situées au seuil de la productivité et celles qui se trouvent sous ce seuil. Elles chercheront également à déterminer si l’écart de productivité grandissant et la faible croissance de la productivité parmi les entreprises sous le seuil de la productivité sont attribuables à des facteurs tels que le manque d’innovation, la transmission de l’innovation entre les entreprises au seuil de la productivité et celles sous ce seuil, le manque de concurrence et le déclin du dynamisme.

À ces études destinées à mieux comprendre les tendances à long terme s’ajoutent des travaux permanents visant à obtenir des données supplémentaires dans d’autres domaines liés à l’analyse de la productivité, tels que : la productivité multifactorielle ajustée en fonction de l’environnement — une mesure élargie de la productivité qui tient compte des améliorations technologiques dans le secteur de la production et dans l’atténuation des effets de la pollution; l’incidence de la dispersion croissante de la productivité entre les entreprises sur la dispersion de la rémunération des travailleurs; et l’incidence des robots et des technologies numériques sur la croissance de la productivité.

References

ABS (Australian Bureau of Statistics). 2014. Introduction of Mining Natural Resources into Australia Productivity Measures, 2012-13.

Adams, P. et W. Wang. 2015. Comptabilisation du capital naturel dans la productivité du secteur de l’extraction minière et de l’extraction de pétrole et de gaz. Direction des études analytiques : documents de recherche, no 372, Statistique Canada, numéro au catalogue 11F0019M. Ottawa.

Baldwin, J.R., D. Leung et L. Rispoli. 2013. Différences de productivité du travail au Canada selon les catégories de taille d'entreprise, 2002 à 2008. La revue canadienne de productivité, no 32, Statistique Canada, numéro au catalogue 15-206-X. Ottawa.

Baldwin, J.R. et M. Willox. 2016. Les sources industrielles des baisses de rendement de la productivité du travail au Canada et le rôle de l’ajustement structurel dans les années 1990 et 2000. Direction des études analytiques : documents de recherche, no 373, Statistique Canada, numéro au catalogue 11F0019M. Ottawa.

Baldwin, J.R., W. Gu, et B. Yan. 2013. “Export growth, capacity utilization and productivity growth: Evidence for Canadian manufacturing plants.” Review of Income and Wealth 49: 665-688 [en anglais seulement].

Baldwin, J.R., W. Gu, et R. Macdonald. 2012. Immobilisations incorporelles et croissance de la productivité au Canada. La revue canadienne de productivité, no 29, Statistique Canada, numéro au catalogue 15-206-X. Ottawa.

Clarke, S., et L. Couture. 2017. Croissance réelle du secteur canadien de la fabrication depuis 2000. Aperçus économiques, no 74. Statistique Canada, numéro au catalogue 11-626-X. Ottawa.

Gu, W. 2018. Explication du ralentissement de la croissance de la productivité dans le secteur canadien des entreprises après l’an 2000 : les questions de mesure importent-elles? Direction des études analytiques : documents de recherche, à venir, Statistique Canada, numéro au catalogue 11F0019M. Ottawa.

Gu, W., et J. Li. 2017. Entreprises multinationales et réaffectation : croissance de la productivité dans le secteur canadien de la fabrication. Direction des études analytiques : documents de recherche, no 398, Statistique Canada, numéro au catalogue 11F0019M. Ottawa.

Gu, W. et R. Macdonald. 2009. L'effet de l'infrastructure publique sur les estimations de la productivité multifactorielle au Canada. La revue canadienne de productivité, no 21, Statistique Canada, numéro au catalogue 15-206-X. Ottawa.

Gu, W., et W. Wang. 2013. Croissance de la productivité et utilisation de la capacité. Série de documents de recherche sur l'analyse économique, no 85, Statistique Canada, numéro au catalogue 11F0027M. Ottawa.

OECD, 2015. Future of Productivity. Paris, OECD [en anglais seulement].

OECD, 2016. The Productivity-Inclusiveness Nexus. Paris, OECD [en anglais seulement].

Tang, J. 2014. “Are small or large producers driving the Canada-U.S. labour productivity gap? Recent evidence from manufacturing.” Canadian Journal of Economics. Vol. 47, issue 2: 517-539 [en anglais seulement].

Topps, V., and T. Kuluys. 2014. “On productivity: The influence of natural resource inputs.” International Productivity Monitor 27: 64-78. [en anglais seulement].

Veldhuizen, E., and M. de Haan. “The Dutch growth accounts: Measuring productivity with non-zero profits.” Paper prepared for the 32nd General Conference of the International Association for Research in Income and Wealth, Boston, Massachusetts, August 5 to 11, 2012. [en anglais seulement].

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