L'Enquête sur la population active : robuste et fiable

13 février 2015

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par Wayne R. Smith, statisticien en chef du Canada

Ces derniers mois, des erreurs de fait ont été commises dans les médias concernant le Programme de la statistique du travail de Statistique Canada. J'aimerais profiter de l'occasion pour mettre les choses au point et pour assurer les utilisateurs de données et tous les Canadiens que le Programme de l'Enquête sur la population active est tout aussi robuste aujourd'hui qu'il l'a toujours été. Il fournit un excellent guide concernant la situation du marché du travail lorsqu'il est utilisé avec les connaissances sommaires appropriées relatives à la façon dont les données sont produites et en mettant l'accent sur les tendances, plutôt que sur les variations d'un mois à l'autre.

En quoi consiste l'Enquête sur la population active et dans quel but a-t-elle été conçue?

L'Enquête sur la population active (EPA) a été établie en 1945, afin de fournir une analyse actuelle, abordable et exhaustive de l'état du marché du travail au Canada. Aujourd'hui, l'EPA est l'enquête-échantillon mensuelle la plus importante du Canada et touche, chaque mois, 56 000 ménages et environ 110 000 Canadiens. L'enquête est conçue pour produire des estimations clés de la population âgée de 15 ans et plus, de la population active, des personnes occupées et des chômeurs, ainsi que de leurs caractéristiques à l'échelle nationale et provinciale et selon la région métropolitaine de recensement et la région économique. Elle est aussi spécialement conçue pour fournir la meilleure mesure possible des changements d'un mois à l'autre des variables clés, dans un délai d'environ trois semaines après la collecte des données.

Pour bien gérer les coûts et obtenir les données en temps opportun, les réserves indiennes et certaines régions éloignées sont actuellement exclues de l'enquête. Étant donné la taille de la population active dans ces régions, il est très peu probable que tout changement à l'échelle locale puisse avoir des répercussions significatives sur les estimations de l'emploi et du chômage pour le Canada et les provinces. Toutefois, les petites régions géographiques sont importantes et Statistique Canada utilise l'Enquête nationale auprès des ménages pour mesurer les conditions de travail dans les régions éloignées.

Mythe : La qualité des données du Recensement de 2011 a nui à l'Enquête sur la population active.

C'est faux. Le processus d'estimation de l'EPA dépend seulement des données démographiques produites à partir du recensement de la population mené tous les cinq ans. Le Recensement de la population de 2011 a été mené de manière obligatoire et a obtenu des taux de réponse équivalents à ceux des recensements précédents. Les données de l'Enquête nationale auprès des ménages de 2011 ne jouent pas de rôle dans le processus d'estimation. Les données de l'EPA sont tout aussi robustes que dans le passé.

Mythe : Statistique Canada a réduit le financement du fonctionnement du Programme de l'Enquête sur la population active.

C'est faux. Statistique Canada n'a pas réduit le financement du Programme de l'EPA (ou de tout autre programme produisant des statistiques macroéconomiques clés). Au contraire, Statistique Canada procède à un investissement majeur dans l'enquête et son infrastructure.

Mythe : Les estimations de l'emploi de l'Enquête sur la population active sont plus volatiles que dans le passé.

C'est faux. Chaque mois, environ 600 000 personnes entrent sur le marché de l'emploi et un nombre similaire en sort. Au cours d'un mois donné, la taille de la population active réelle est sujette à des fluctuations aléatoires à la hausse et à la baisse, au fur et à mesure que des entreprises ouvrent leurs portes, ferment leurs portes et se réoutillent, et que des Canadiens entrent sur le marché du travail ou prennent leur retraite, sont mis à pied ou sont rappelés au travail. Il n'y a pas de raison de s'attendre à ce que les fluctuations réelles suivent une tendance uniforme à la hausse ou à la baisse d'un mois à l'autre.

En dépit de sa taille extraordinaire, l'EPA est une enquête-échantillon et, outre les fluctuations aléatoires réelles, elle fait intervenir un caractère aléatoire statistique supplémentaire au moment de mesurer les changements dans le nombre de personnes occupées. Les deux fluctuations aléatoires — réelle et statistique — ne sont pas corrélées et peuvent s'annuler partiellement l'une l'autre. Le nombre total de personnes en emploi au Canada se chiffre à 17,9 millions, de sorte que même une variation de 40 000 personnes d'un mois à l'autre représente environ 0,25 %, soit beaucoup moins de 1 % de l'emploi total. Une expansion très importante de l'échantillon de l'EPA serait nécessaire pour réduire de façon significative la composante statistique de ce caractère aléatoire d'un mois à l'autre des fluctuations du niveau de l'emploi, mais ne supprimerait pas les fluctuations aléatoires réelles.

Selon certains commentaires récents, les variations d'un mois à l'autre du nombre de personnes occupées mesuré par l'EPA sont devenues plus volatiles. Statistique Canada a donné suite à ces allégations en menant une étude pouvant facilement être reproduite, qui est toujours disponible dans le site Web de l'organisme, et qui suit l'historique des variations d'un mois à l'autre. L'étude a clairement démontré qu'il n'y a pas eu davantage de volatilité dans la taille des fluctuations d'un mois à l'autre. L'étude a aussi présenté des techniques qui peuvent être utilisées pour réduire le bruit aléatoire, dans l'éventualité où des analystes souhaiteraient le faire.

Mythe : Statistique Canada a apporté une correction importante aux estimations de l'emploi en janvier 2015.

C'est faux. Pour maintenir l'exactitude de l'EPA, Statistique Canada rajuste la base des estimations de l'EPA après chaque recensement, en utilisant les estimations démographiques annuelles mises à jour. Il s'agit d'une pratique statistique courante. En janvier 2015, les estimations révisées ont été publiées et ont donné lieu à une baisse de l'estimation du nombre d'emplois total à l'échelle nationale, passant de 17 953 600 emplois déclarés au départ en décembre 2014 à 17 851 500, soit une révision à la baisse de 0,6 %. Un rajustement de cette ampleur sur une période de cinq ans est très petit dans le monde des enquêtes sur échantillon.

À la suite des révisions, la croissance mesurée de l'emploi entre décembre 2013 et décembre 2014 est passée de 186 000 à 121 000. Certains analystes ont souligné qu'il s'agissait d'une révision importante. En fait, l'ampleur de cette révision était similaire à celle des révisions précédentes de l'EPA, à l'exception de celle de 2005 qui a affiché peu de variation (+72 000 en 2000 et −70 000 en 2011).

Mythe : Les estimations américaines sont meilleures que les estimations de l'Enquête sur la population active.

C'est faux. Les États-Unis produisent des renseignements sur le marché du travail à partir de deux enquêtes différentes. L'enquête américaine qui produit des estimations du chômage est une enquête auprès des ménages qui a été conçue dans une large mesure comme l'EPA du Canada. Les estimations de l'emploi publiées proviennent d'une autre enquête américaine qui est menée auprès des employeurs et qui englobe seulement certaines catégories de travailleurs et la plupart des industries, mais pas toutes. Par contre, l'EPA du Canada couvre toutes les industries et toutes les catégories de travailleurs.

L'enquête américaine auprès des employeurs, qui mesure l'emploi, génère une estimation initiale chaque mois sur la base d'une réponse partielle et révise cette estimation chaque mois pendant une période de trois mois, au fur et à mesure que d'autres données deviennent disponibles. En outre, en mars de chaque année, les données de l'enquête auprès des employeurs sont révisées à nouveau, afin de rendre compte des nouvelles données repères de la base d'échantillonnage et des nouvelles estimations des tendances saisonnières. Ces révisions peuvent être importantes.

Même si le Canada a aussi une enquête auprès des employeurs, son approche consiste à utiliser un ensemble de données cohérentes au niveau interne découlant de l'EPA, pour mesurer à la fois l'emploi et le chômage. Les données de l'EPA sont généralement fondées sur un taux de réponse de 90 % et ne font pas l'objet de révisions au cours des mois ultérieurs. Les données de l'EPA sont révisées chaque année afin d'incorporer les nouveaux facteurs saisonniers. Des révisions périodiques sont effectuées pour rendre compte des nouvelles estimations démographiques (comme cela a été fait récemment). Cette approche des révisions fournit aux utilisateurs des données comparables historiquement.

Rien de ce qui précède ne laisse supposer que l'une ou l'autre approche est préférable. Chaque pays a adapté son programme selon ses propres besoins et priorités.

Mythe : Statistique Canada ne peut pas produire d'enquête équivalente à l'enquête américaine sur l'emploi actuel ou aussi à jour que celle-ci.

C'est faux. Comme il est mentionné ci-dessus, Statistique Canada produit déjà une enquête sur l'emploi auprès des employeurs. Cette enquête est décalée par rapport à l'EPA. Ce décalage est attribuable à l'utilisation de quantités importantes de données administratives, plutôt que de données d'enquête, pour réduire les coûts de production et le fardeau de réponse pour les entreprises canadiennes.

Au besoin, Statistique Canada pourrait remanier l'enquête pour qu'elle soit aussi à jour que la version américaine, mais cela entraînerait un fardeau de réponse et un coût beaucoup plus importants. Statistique Canada est d'avis que cela n'est pas justifié. Même si l'EPA et l'enquête auprès des employeurs mesurent les variations d'un mois à l'autre de l'emploi rémunéré, ces variations ne sont pas toujours de la même ampleur et ni dans la même direction; pourtant, les tendances à court et à long terme sont semblables. On peut se demander si les renseignements supplémentaires obtenus justifieraient le coût et le fardeau pour les entreprises.

Conclusion

L'Enquête sur la population active au Canada est robuste et en bonne santé. L'emploi réel fait l'objet de variations aléatoires d'un mois à l'autre, et il est inutile de tenter de deviner l'ampleur des fluctuations d'un mois à l'autre, compte tenu des fluctuations aléatoires de l'emploi réel. Les utilisateurs devraient centrer leur attention sur les tendances à court, à moyen et à long terme.

Cet article du blogue est une version étoffée d'un commentaire du statisticien en chef du Canada publié dans le Globe and Mail le 6 février 2015.

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