Canada 4.0 : La révolution numérique et ses répercussions sur notre société et notre économie

Numéro de catalogue : 11-629-x

Numéro d'exemplaire : 2019003

Date de diffusion : le 10 février 2020

Canada 4.0 : La révolution numérique et ses répercussions sur notre société et notre économie - Transcription

André Loranger : Bon après-midi et bienvenue à la première série de conférences numériques jamais tenue par Statistique Canada. Je m'appelle André Loranger et je suis le statisticien en chef adjoint du Secteur des études analytiques, de la méthodologie et de l'infrastructure statistique à Statistique Canada. C'est un honneur pour Statistique Canada et ses partenaires d'ISDE de tenir cet événement. Il s'agit de la première d'une série de conférences numériques que nous avons organisée dans le but de trouver des façons de mieux mesurer notre économie numérique tout en fournissant aux Canadiens des statistiques fiables et accessibles. Les entreprises, les gouvernements et les citoyens ont plus que jamais besoin de données fiables et actuelles. La numérisation étant au premier plan de notre programme, il est important d'en apprendre davantage sur son incidence sur notre société et notre économie tout en répondant aux attentes des Canadiens. Les partenariats sont un élément clé de l'avenir de ce processus, et j'aimerais profiter de l'occasion pour remercier Innovation, Sciences et Développement économique Canada d'avoir organisé conjointement cette série d'événements numériques dans le cadre de l'initiative Canada 4.0. Ensemble, nous pouvons aider les Canadiens à trouver les renseignements dont ils ont besoin et, nous l'espérons, à tirer profit des possibilités économiques et sociales qu'offre la révolution numérique. Aujourd'hui, nous avons la chance d'avoir parmi nous le statisticien en chef du Canada, Anil Arora, qui animera la discussion cet après-midi. M. Arora compte plus de 20 ans d'expérience à Statistique Canada et a dirigé d'importantes initiatives de transformation comportant des partenariats entre les trois ordres de gouvernement. En 2016, il a été nommé statisticien en chef du Canada. M. Arora est au courant du pouvoir de transformation des données et s'efforce de fournir aux Canadiens des renseignements fiables et de grande qualité. Bienvenue parmi nous Anil Arora. Accueillons Anil Arora.

Anil Arora : Merci beaucoup André. Bienvenue à tous. L'« ubérisation », encore un autre mot. L'informatique en nuage, l'intelligence artificielle, les véhicules autonomes… la numérisation a une incidence profonde sur la société et l'économie canadiennes. Dans cet ordre d'idées, même si nos données sont le moteur de la société et de l'économie, et que bientôt, ce seront elles qui conduiront nos voitures, il en existe très peu pour informer les Canadiens sur la façon dont tous les aspects du numérique ont des répercussions sur leurs dépenses, leurs revenus, les prix qu'ils paient, leur sécurité, leur santé et leur bien-être global. Des besoins importants en données et des lacunes dans ce domaine sont en train d'émerger. Les organismes nationaux de statistique comme le nôtre, Statistique Canada, sont poussés à aller au-delà de leur zone de confort et de leur rôle traditionnel pour mieux mesurer les enjeux sociaux et économiques et les relations qui existent entre eux, afin de mieux définir, décrire et quantifier ces changements transformationnels. Dans le cadre de l'initiative Canada 4.0, Statistique Canada aide les Canadiens à mieux se positionner, grâce aux données et aux connaissances, pour comprendre l'incidence de la numérisation. L'initiative, qui est menée en partenariat avec Innovation, Sciences et Développement économique Canada, vise à recueillir les points de vue des Canadiens, de nos entreprises, des gouvernements et des experts internationaux sur leurs besoins en données émergents en cette ère de numérisation accrue. Étant donné que nous mesurons la numérisation, il semble tout à fait approprié que nous prenions l'initiative d'une série de discussions entre experts sur ce sujet, lesquelles seront présentées sous forme numérique et auront lieu au cours des six prochains mois. Chaque discussion en groupe permettra d'explorer un sujet numérique différent, comme la cybersécurité, l'emploi à la demande et la valeur des données elles-mêmes. Les discussions en groupe seront diffusées en direct, enregistrées et affichées sur le site Web de Statistique Canada. Chacune durera environ une heure. La première séance, qui se tient aujourd'hui, servira notamment à comparer les déplacements typiques effectués pour se rendre au travail le matin il y a 10 ans et ceux d'aujourd'hui. Il y a 10 ans, vous avez probablement pris l'autobus et payé à l'aide de billets en papier et vous avez probablement sorti un journal de votre porte-documents pour prendre connaissance des dernières nouvelles. Vous vous êtes peut-être arrêté pour prendre un café, que vous avez payé en argent, puis vous auriez appelé rapidement votre fille pour lui rappeler d'imprimer son dernier compte rendu de lecture, afin de pouvoir le remettre à temps. Aujourd'hui, c'est-à-dire 10 ans plus tard, ce qui n'est pas très long, vous prenez l'autobus au moyen de votre laissez-passer électronique qui débite votre compte immédiatement et permet en fait de suivre vos habitudes de déplacement. Vous lisez plusieurs journaux au moyen d'une application pendant votre trajet en autobus, de même que les fils de vos médias sociaux préférés, chacun de vos clics étant évidemment enregistré. Vous achetez un café en plaçant votre carte de débit ou votre iPhone sur un lecteur, ce qui envoie des signaux numériques à une myriade d'acteurs. Vous envoyez un message texte à vos enfants. Vous ne les appelez plus, vous les textez maintenant pour leur rappeler de soumettre leur rapport de lecture par l'entremise du tableau électronique de l'école, à temps pour l'échéance d'aujourd'hui et, évidemment, vous leur transférez de l'argent par voie électronique pour qu'ils puissent payer leur prochain camp de hockey. Le monde dans lequel nous vivons évolue rapidement et, avec lui, la façon dont nous effectuons des mesures et ce que nous mesurons. Voilà en quoi consiste l'initiative Canada 4.0. Il s'agit d'élaborer une feuille de route de l'information pour aider les Canadiens à obtenir celle dont ils ont besoin pour mieux comprendre ce monde en évolution rapide. À bien des égards, la discussion d'aujourd'hui jette également les bases de nos discussions futures. Cette séance portera sur les grands changements que nous vivons sur les plans social et économique. Nos distingués panélistes discuteront aujourd'hui des principales transformations qu'ils observent et ils nous feront part de leurs points de vue sur ce qui se profile à l'horizon numérique. Cette séance sera suivie de séances mensuelles, au cours desquelles nous examinerons plus en détail des questions clés comme la cybersécurité et l'emploi à la demande. Commençons par présenter nos panélistes.

Nous accueillons d'abord M. Eric Santor. M. Santor a été nommé conseiller auprès du gouverneur de la Banque du Canada en matière de numérisation, au mois de mars de cette année 2019. Dans ce nouveau rôle, il dirige les travaux de la Banque relatifs au virage numérique, y compris les recherches quant à l'incidence de la numérisation sur l'économie et le système financier. M. Santor chapeaute l'initiative visant à intégrer aux activités de la Banque des technologies comme l'intelligence artificielle et l'apprentissage automatique, ainsi que les mégadonnées. Cela nécessite de tirer parti de programmes comme les Partenariats en innovation et technologie, ou PIVOT, ainsi que de la relation de la Banque avec Creative Lab, désolé, Creative Destruction Lab. M. Santor a intégré la Banque en 2001 comme économiste au sein de l'ancien département des Études monétaires et financières. Il est passé au département des Analyses de l'économie internationale en 2003, où il a assumé des responsabilités de plus en plus importantes jusqu'à sa nomination au poste de directeur général en 2013. Avant d'être nommé conseiller du gouverneur en matière de numérisation, il était directeur général du département des Analyses de l'économie canadienne de la Banque.

Notre panéliste suivante est Sarah Lubik. Sarah Lubik est directrice générale du Chang Institute for Entrepreneurship à l'Université Simon Fraser, responsable de l'harmonisation, du soutien et de la promotion de l'entrepreneuriat, de l'éducation et de l'incubation en début de croissance. Elle est également experte-conseil certifiée en affaires et joue le rôle de mentor à l'incubateur Venture Connection de l'Université Simon Fraser. En 2016, Dre Lubik a été désignée comme l'une des 10 chefs de file canadiens de l'innovation participant au programme d'innovation inclusif du gouvernement du Canada. Avant de se joindre à la Beedie School of Business, Dre Lubik a travaillé au Centre for Strategy and Performance de l'Institute for Manufacturing de l'Université de Cambridge. Elle a également été accompagnatrice d'entreprises, se spécialisant dans l'analyse du marché, ainsi qu'administratrice et coordinatrice de plusieurs projets internationaux européens à l'appui d'entreprises en démarrage, grâce à l'incubation et à des conseils financiers et stratégiques. Elle joue également un rôle actif comme entrepreneure à titre de cofondatrice et directrice du marketing de Lungfish Dive Systems. Dre Lubik est titulaire d'un baccalauréat spécialisé en administration des affaires de l'Université Simon Fraser, avec concentration en commerce international et en marketing, ainsi que d'une maîtrise et d'un doctorat de l'Université de Cambridge, où elle a également été boursière Nanoforum. En 2014, Dre Lubik a été nommée l'une des 40 meilleurs entrepreneurs de moins de 40 ans par Business in Vancouver. En 2016, elle a reçu le prix d'excellence en enseignement de TD Canada Trust.

Nous accueillons ensuite Erich Strassner. Erich Strassner est directeur associé des comptes économiques nationaux au Bureau de l'analyse économique aux États-Unis. M. Strassner supervise le calcul des statistiques économiques officielles qui permettent de suivre le rendement de l'économie américaine. Cela comprend notamment la mesure économique phare du Bureau de l'analyse économique, le produit intérieur brut, ainsi que ses principales composantes, comme les dépenses de consommation et les investissements des entreprises. M. Strassner a dirigé plusieurs nouveaux projets de données innovateurs; il a présidé à la création de statistiques mesurant l'évolution rapide de l'économie de la culture, ainsi que les effets des activités récréatives de plein air sur la performance économique du pays. En outre, M. Strassner dirige les efforts visant à explorer des mesures économiques allant au-delà du PIB pour mieux évaluer le bien-être des Américains. Il a reçu un certain nombre de prix pour son leadership et sa gestion, y compris des médailles d'or et d'argent du Département du commerce des États-Unis, les plus hautes distinctions accordées par ce département, et le prix Arthur S. Fleming pour service public exceptionnel. M. Strassner est titulaire d'une maîtrise en administration des affaires de la McDonough School of Business de Georgetown University et d'une maîtrise en économie de George Washington University.

Nous accueillons ensuite Daniel Ker, de l'OCDE. Il est coauteur de Measuring the Digital Transformation: A Roadmap for the Future, que l'OCDE a fait paraître avec une trousse d'outils d'accompagnement en ligne lors de son sommet sur la transformation numérique, Going Digital, en mars 2019. Les deux permettent une évaluation holistique de la transformation numérique dans les pays de l'OCDE et des BRICs, ainsi que la détermination des domaines de développement ultérieur à venir, grâce à une feuille de route servant à procéder aux mesures. Auparavant, Daniel a dirigé l'équipe responsable des statistiques et du cadre d'enquête sur la R-D à l'OCDE. Il a aussi été responsable du travail de capitalisation de la R-D dans les comptes nationaux du Royaume-Uni. Avant cela, Daniel a été codirecteur adjoint de la statistique du secteur public au Bureau de la statistique nationale du Royaume-Uni. Les points de vue des panélistes leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement ceux des organisations qu'ils représentent ici aujourd'hui. Je vous invite donc à vous joindre à moi pour leur souhaiter la bienvenue.

Applaudissements. Monsieur Santor, commençons par vous.

Eric Santor : D'accord.

Anil Arora : La numérisation est omniprésente et touche presque tous les aspects de la société et de notre économie aujourd'hui. Selon vous, quelles sont ses répercussions les plus importantes sur la société et l'économie?

Eric Santor : Je vous remercie, Anil, de me donner l'occasion d'être ici. C'est vraiment fantastique de discuter de ces questions. La numérisation est partout et, comme l'a si bien dit quelqu'un, dans l'expression économie numérique, il y a le terme économie. Cela a donc une incidence sur tous les aspects de la façon dont nous percevons l'économie et sur ce qui se passe dans tous les secteurs d'activité. Lorsque l'on regarde cela de plus près, on constate que, du point de vue des ménages, ce que nous consommons et la façon dont nous le faisons évoluent rapidement. Il y a des services numériques qui n'existaient tout simplement pas il y a 10 ans. Nous pouvons acheter presque tout en ligne, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, partout dans le monde et, si votre ménage est en quelque sorte comme le mien, vous recevez des colis quelques fois par semaine ou plus pour des choses que vous avez achetées en ligne. Il y a aussi beaucoup de biens que nous achetons maintenant qui comportent des services intégrés. Il suffit de penser à la voiture, à votre voiture, et à tous les logiciels qu'elle comporte par rapport à il y a 10 ans. De façon plus poussée, cela a aussi des répercussions sur les opérations d'affaires et, parmi les grandes idées qui ont été lancées récemment, il y a celle selon laquelle l'un des éléments moteurs sur le plan technologique du changement dans l'économie, de la transformation numérique, est l'utilisation de l'intelligence artificielle, de l'apprentissage automatique et des mégadonnées. Ajay Agrawal, de l'Université de Toronto, et ses coauteurs, Joshua Gans et Avi Goldfarb, résument cela très précisément, en disant que ces technologies réduisent essentiellement le coût des prédictions. Cela signifie que vous pouvez prendre n'importe quelle décision et l'améliorer grâce à l'AI, à l'IA, à l'AM et aux mégadonnées. Vous pouvez aussi prendre des décisions sur des sujets et en faire des problèmes de prédiction, alors qu'ils n'en étaient pas au départ. Cela signifie que les entreprises peuvent maintenant mieux réfléchir et prendre de meilleures décisions au sujet de ce qu'elles vont produire pour les consommateurs, de la façon dont elles vont produire ces choses et des prix qu'elles vont demander aux clients, de façon beaucoup plus efficace et efficiente qu'auparavant. Cela change donc radicalement leur modèle opérationnel, entraîne des perturbations dans les industries, permettant à des entreprises concurrentes d'entrer dans des industries où elles n'étaient pas encore présentes, et nous voyons donc cela se transposer dans l'économie. Ce qui est vraiment bien, c'est que récemment, Statistique Canada a mesuré le secteur numérique et a découvert à quel point il était vaste, ce qui est, selon moi, très impressionnant. Il surpassait celui de l'extraction minière, l'extraction de pétrole et de gaz et l'exploitation en carrière combinées. Nous avons donc réellement affaire à quelque chose d'imposant. Le dernier grand impact est bien sûr sur le marché du travail, mais nous y reviendrons plus tard. Au fond, la numérisation a des incidences sur la façon dont nous travaillons, le lieu où nous travaillons et, surtout, les compétences dont nous aurons besoin et les compétences dont nos enfants auront besoin pour fonctionner dans une économie numérique. Il va sans dire que cela revêt une grande importance pour la Banque du Canada, parce que, comme vous le savez, nous devons déterminer ce qui se passe du côté de la demande, quelle est l'offre au sein de l'économie, quel est le potentiel de production et qu'est-ce que cela signifie pour l'inflation, ce qui a évidemment de grandes répercussions sur la conduite de la politique monétaire dans les années à venir. Merci.

Anil Arora : Merci beaucoup Eric. Madame Lubik, vous avez une perspective unique en tant qu'universitaire et qu'entrepreneure. Selon vous, quels sont les changements les plus importants découlant de la numérisation?

Sarah Lubik : Il s'agit d'une question comportant de multiples facettes au sujet de laquelle ma réflexion ne cesse d'évoluer. Pour le moment, je dirais qu'il faudra tenir compte des craintes et de l'incertitude qu'expriment les Canadiens concernant l'avenir numérique, du nombre de personnes qui craignent d'être remplacées ou de passer à une économie d'emploi à la demande ou à ce genre de rôles, ainsi que du manque de confiance à l'égard des médias et de l'utilisation de nos données. Il existe aussi un défi au Canada concernant l'adoption des innovations; un examen des rapports produits par Deloitte montre donc de plus en plus la nécessité d'en adopter de nouvelles pour rester à l'affut, les entreprises moyennes au Canada ne semblant pas capables de le faire ou ne souhaitant pas le faire ou ne sachant pas quel soutien est offert à cet égard. Enfin, pour revenir à ce qu'a dit M. Santor, les compétences numériques vont beaucoup plus loin que le codage; elles ont beaucoup à voir avec la littératie numérique et avec le fait d'être à l'aise avec les changements que la technologie va entraîner dans notre monde.

Anil Arora : Merci beaucoup, passons à M. Strassner. Bon nombre des innovations numériques avec lesquelles nous interagissons quotidiennement proviennent en fait des États-Unis, juste au sud de la frontière. À votre avis, quelles sont les répercussions les plus importantes de toutes ces innovations numériques?

Erich Strassner : Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de m'avoir invité à participer à cette discussion en groupe pour discuter de ces questions importantes. Donc, quand je réfléchis à votre question, Anil, ce que je pense vraiment, d'abord et avant tout, c'est que la numérisation fait du monde un endroit plus petit en reliant les entreprises et les ménages du monde entier à une échelle qui, franchement, était à peine imaginable même récemment. Cela peut sembler un cliché, mais le lancement du iPhone a été très important parce qu'il a permis à de nombreuses personnes d'avoir un ordinateur à portée de la main, leur donnant un accès au bout des doigts aux médias traditionnels, aux médias sociaux, aux applications de productivité et, évidemment, à un appareil photo. Dans votre présentation, Anil, vous avez parlé des nombreuses façons dont nous effectuons des transactions aujourd'hui, et ce qui importe peut-être encore davantage lorsqu'il est question du iPhone, c'est qu'il a permis aux nouvelles entreprises d'émerger et d'entraîner des perturbations dans les industries traditionnelles, facilitant réellement la création de ce que l'on appelle l'économie du partage ou l'économie à la demande. Lorsque nous réfléchissons à cette question dans la perspective de la mesure, comme économistes et statisticiens qui s'occupent des comptes nationaux, qui élaborent les comptes du PIB, cette perturbation numérique remet réellement en question nos méthodes de mesure traditionnelles. Elle pose un défi pour nos ensembles de données, qui ne parviennent généralement pas à intégrer ces changements. Cela pose réellement un défi du point de vue du calcul de la demande intérieure, des transactions frontalières, qui étaient plus facilement mesurables à partir de mouvements observables de biens et de prestation des services, au sujet de laquelle des données pouvaient être recueillies plus facilement dans des enquêtes ou par des méthodes administratives. Je pense à l'émergence de produits gratuits, par exemple, découlant souvent de transactions non observées. Ces produits gratuits, qui sont souvent soutenus par la publicité, le marketing ou des arrangements en matière de données, sont difficiles à traiter au moyen de nos sources traditionnelles, ce qui pose de graves défis au sein de la communauté chargée d'assurer la mesure.

Anil Arora : Merci beaucoup Erich. Passons à Daniel. M. Ker, selon vous, qui avez beaucoup réfléchi à ce sujet et l'avez examiné dans le contexte de l'OCDE, quelles sont les répercussions les plus importantes de la numérisation?

Daniel Ker : Oui, bonjour et permettez-moi de commencer en disant que c'est un plaisir d'être présent avec vous ce soir, ici en tout cas, pour discuter de la transformation numérique. Il y a évidemment beaucoup d'impacts de la transformation numérique avec lesquels nous sommes tous très familiers, franchement, dans nos vies personnelle et professionnelle. Et pour ceux qui ne connaissent pas bien ce sujet, peut-être que notre publication, si je peux me permettre, pourrait vous être utile. Toutefois, j'aimerais, comme plusieurs des autres intervenants, mettre davantage l'accent sur le monde du travail. Lorsque nous examinons ce qui a contribué aux hausses de l'emploi observées dans la plupart des pays de l'OCDE au cours des 10 dernières années, il est intéressant de constater que ce sont les secteurs les plus dépendants des technologies numériques qui ont eu tendance à contribuer particulièrement fortement, environ 4 nouveaux emplois sur 10 créés l'ayant été dans ces secteurs. Je devrais peut-être mentionner que, dans le cas du Canada, c'est plutôt un sur quatre. Cette forte contribution provient de nombreuses sources, mais elle semble au moins découler des impacts (inaudible), et nous voyons que les secteurs les plus dépendants des technologies numériques sont plus dynamiques et ont une croissance plus rapide. Nous voyons aussi l'émergence de certains nouveaux types de modalités, de sorte que les plateformes en ligne ouvrent réellement des marchés et en créent de nouveaux. Cela peut être un important catalyseur pour les entreprises, en particulier les petites entreprises. J'aimerais toutefois revenir brièvement à ces emplois, qui ne sont pas nécessairement comme ceux qui ont précédé, au (inaudible), et je suis certain que nous en parlerons davantage plus tard, mais nous voyons un certain nombre de personnes dont le travail est précaire, par exemple, comme conducteur pour Uber, ou comme livreur pour Deliveroo, et le débat concernant le fait qu'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise chose aura sans aucun doute lieu plus tard. Mais en fait, nous voyons que les emplois dans l'ensemble de l'économie deviennent de plus exigeants au chapitre des TIC. Cette exigence au chapitre des tâches va de l'utilisation des courriels à la programmation et au maintien des systèmes de TIC. En fait, lorsque nous nous penchons sur cette question, nous constatons que pour chaque personne qui occupe un poste de spécialiste des TIC, c'est-à-dire une profession fortement axée sur les TIC, il y a trois autres travailleurs qui occupent des postes qui sont exigeants au chapitre des TIC. Ce ne sont pas des postes de spécialistes, mais ils font néanmoins appel dans une très grande mesure aux TIC. Tous ces changements ont des répercussions réelles sur le monde du travail, sur le milieu de travail, en mettant l'accent sur les compétences et la formation. Je crois qu'Eric a mentionné que nous parlerions davantage de cela plus tard, mais une chose que nous voyons de ce côté-ci de l'Atlantique, c'est que 10 % des travailleurs des 28 pays de l'Union européenne croient avoir besoin de plus de formation en TIC pour pouvoir suivre les progrès de leurs emplois. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'en même temps, plus de 20 % des travailleurs ont l'impression que leurs compétences en TIC sont sous-utilisées. Ce sont donc des aspects de répartition ou d'efficacité que nous devons essayer de comprendre. Une dernière chose que j'aimerais souligner rapidement, c'est que les gens ont l'impression que les technologies numériques entraînent vraiment, en quelque sorte, des répercussions matérielles sur le terrain dans leur milieu de travail. Au bout du compte, on constate que les gens sont généralement d'avis que l'indépendance au chapitre de l'organisation des tâches et du recours à la collaboration s'est accrue. Toutefois, l'utilisation de la technologie pour suivre le rendement, qui sert davantage à augmenter le nombre d'heures de travail régulières, n'est peut-être pas une très bonne chose. Parallèlement, il convient de souligner que la technologie permet aux gens de choisir leur lieu de travail, environ 4 personnes sur 10, soit le tiers des personnes, travaillant à partir de chez elles une fois par semaine en Europe. Je devrais peut-être conclure en disant que c'est sur le monde du travail que le plus grand nombre de répercussions se font sentir, de même que sur nos téléphones. Toutefois, nous continuons d'avoir besoin de statistiques et d'analyses plus détaillées pour comprendre dans une certaine mesure ce que cela signifie de façon nuancée au chapitre des liens entre le bien-être et la productivité.

Anil Arora : Merci beaucoup. Donc, comme vous pouvez le voir, ce que nous entendons, c'est que les changements sont réels et profonds. Et ce dont nous parlons, ce sont des données, de la technologie et des idées qui convergent pour vraiment changer la façon dont nous travaillons, la façon dont nous interagissons, les différents mécanismes, et ces éléments ont un effet très perturbateur, du point de vue de la destruction créative dans un certain sens. En outre, bien que d'une part, nous assistons à une explosion, d'autre part, nous vivons aussi dans ce paradoxe où il n'y a pas suffisamment de données ou d'information sur la façon dont ces changements s'articulent, ce qui alimente une demande plus grande de statistiques et accentue le rôle des organismes nationaux de statistique. Alors permettez-moi d'aller un peu plus loin, et peut-être que je pourrais commencer par vous, Sarah, pour savoir comment l'horizon se profile. Je veux dire, où devrions-nous nous situer? Évidemment, nous devons traiter des enjeux de l'heure et nous devons intégrer de meilleures informations et données dans ce que nous produisons aujourd'hui, mais si nous voulons être à l'avant-garde comme statisticiens et être capable de mesurer ces phénomènes, vers quoi devrions-nous nous diriger à l'avenir, selon vous?

Sarah Lubik : C'est une question importante, et je pense que l'une des choses les plus importantes pour l'avenir, parce que nous avons déjà parlé des compétences, c'est de nous rendre compte que nous sommes à la recherche de compétences très précises. Nous sommes à l'affût des lacunes en matière de compétences en STIM, mais nous ne nous occupons pas des changements d'attitude, nous n'examinons pas les changements d'état d'esprit, des choses qu'il est possible de suivre, ni les changements dans la façon dont les gens se sentent à l'égard de l'avenir. Nous avons donc une excellente occasion d'aller au-delà des mesures plus faciles ou plus évidentes. Par exemple, nous entendons beaucoup parler du fait que le codage devrait être la troisième langue au Canada, et que de nombreux emplois vont nécessiter ce type de compétence, ce qui représente à la fois une idée attirante et un manque de perspective, étant donné qu'une grande part des compétences numériques conviennent pour le moment, mais que de nombreuses autres seront automatisées au fil du temps. Nous devons donc faire la distinction entre le fait d'être à l'aise avec les compétences numériques et le fait de penser que certaines ne deviendront pas périmées. En effet, si l'on examine les types de compétences qui feront partie des compétences et des attitudes importantes pour l'avenir, nous continuons de penser à des choses comme la compassion, la réflexion non linéaire, la résolution de problèmes interdisciplinaires, et il sera donc important d'envisager le genre de programmes qui portent sur ces compétences et de déterminer quelle attitude nous avons à cet égard. En effet, nous devons nous rendre compte que pour progresser dans le monde numérique, il ne suffit pas d'être un chef de file dans la technologie, mais il faut aussi être un chef de file dans la façon dont nous l'utilisons. Dans le cadre d'un événement récent tenu à l'Université Simon Fraser sur le déploiement à l'échelle d'entreprises dont le chiffre d'affaires se situe à une centaine de million de dollars au Canada avec les responsables, on n'a pas beaucoup parlé du besoin d'un plus grand nombre d'employés détenant des compétences techniques, ce qui est évidemment le cas, mais il a été également question de la nécessité de disposer de personnes qui savent comment régler des problèmes mondiaux et qui comprennent les clients et les utilisateurs mieux que quiconque d'autre. Il faut donc veiller à ne pas nous intéresser uniquement aux compétences numériques et à tous les chiffres connexes, mais aussi à tous les éléments complémentaires qui nous permettront d'être concurrentiels et de résoudre les problèmes à l'avenir.

Anil Arora : Quels conseils donneriez-vous aux organismes nationaux de statistique, afin qu'ils puissent mesurer non seulement, comme vous l'avez dit, les compétences concrètes, mais aussi certains des attributs plus subtils? Quel type de recherches menez-vous et quel genre de modèles avez-vous examinés qui pourraient nous aider comme organisme national de statistique à mieux comprendre ces besoins et des lacunes qui se présenteront à l'avenir?

Sarah Lubik : Donc, en réfléchissant aux choses comme les compétences en affaires, qui vont de pair avec ces compétences technologiques, nous avons tenté de déterminer combien d'emplois nécessitent des compétences technologiques, n'est-ce pas? Il faut aussi savoir combien de postes comparables doivent être comblés, par exemple, en marketing et en ventes. Parce que c'est un peu ce que l'on entend quand on parle aux gens de la Silicon Valley. Ils disent qu'il est beaucoup plus facile de trouver des gens qui ont ces compétences là-bas qu'ici au Canada. Lorsqu'il est plutôt question d'éducation, d'attitude, d'innovation et du monde numérique, il y a un certain nombre d'études qui portent sur des aspects comme l'état d'esprit et la mesure dans laquelle les gens se sentent prêts pour l'avenir.

Anil Arora : Merci beaucoup. Permettez-moi de m'adresser à Erich Strassner. Nous avons deux Eric, ce qui m'oblige en quelque sorte à utiliser leurs noms de famille. Comment le Bureau de l'analyse économique aux États-Unis se positionne-t-il pour devancer cette courbe? Quels sont les genres de choses que vous devez tenter pour essayer de combler certaines de ces lacunes dans les données? Quelle est selon vous la meilleure façon d'aborder cette numérisation que vous constatez aux États-Unis?

Erich Strassner : Au Bureau de l'analyse économique et dans l'ensemble du système statistique américain, nous cherchons des sources de données non traditionnelles plus que jamais auparavant. Nous tentons d'établir de nouveaux partenariats publics-privés pour des choses comme les données des transactions par carte de crédit du secteur privé, de nouvelles utilisations d'autres ensembles de données administratives, ainsi que d'autres ensembles de mégadonnées, afin de déterminer s'il est possible ou non d'amalgamer les ensembles de données non traditionnels et les données de sources traditionnelles qui sont à la disposition des organismes statistiques, en vue de pouvoir relever certains de ces défis réels qui se posent quant à la mesure, en raison de la numérisation. Nous envisageons également d'utiliser nos ensembles de données actuels, comme ceux de nos enquêtes auprès d'entreprises multinationales, pour déterminer si nous pouvons mieux tirer parti de ces données pour comprendre la taille et la portée de ces entreprises multinationales. Beaucoup de ces multinationales fonctionnent dans cet espace numérique, et nous cherchons à comprendre quel rôle elles jouent dans l'économie américaine, et aussi à mieux comprendre les flux de propriété intellectuelle mondiaux qui en résultent. Au sein du Bureau de l'analyse économique et d'autres organismes de statistique aux États-Unis, nous avons aussi commencé à utiliser beaucoup plus de techniques liées à la science des données, comme l'apprentissage automatique, pour éclairer des choses comme l'évaluation des premières estimations des principales composantes du PIB. Tout cela vise à nous assurer que nous suivons le rythme de cette économie en constante évolution et que nous gardons ces statistiques à jour. L'un de nos principaux projets globaux a été d'établir un cadre multidimensionnel pour l'économie numérique, sous forme de compte satellite. Il sert effectivement à répondre au besoin des utilisateurs d'obtenir plus de données détaillées sur l'économie numérique. Il faut mettre l'accent sur celle-ci, afin de comprendre sa taille globale, ses tendances au fil du temps, ses impacts sur la production, la consommation, le marché du travail. La beauté, bien sûr, d'un compte satellite, ou d'un compte économique qui n'est pas un compte de base, c'est qu'il nous permet de publier rapidement des estimations, de réagir rapidement aux intérêts des utilisateurs, qu'il s'agisse ou non, en partant, d'estimations expérimentales ou de prototypes. En outre, avec un cadre de compte satellite, nous disposons d'un laboratoire pour pousser l'expérimentation, afin de pouvoir examiner des enjeux épineux, comme l'ajustement de qualité des prix des biens et services de technologie de pointe, les profils de dépréciation de ces biens et services, le monde de ce que l'on appelle les biens et services gratuits, qui sont appuyés par le marketing ou la publicité ainsi que les données, et les réflexions concernant d'autres façons de mesurer les comptes. En outre, en partenariat avec Statistique Canada, nous réfléchissons au rôle des données, des données numériques, et au fait qu'en 2019, il diffère profondément de ce qu'il était il y a 10 ans par exemple. Nous devons donc déterminer si le temps est venu ou non d'envisager nos cadres de mesure et de revoir le rôle des données globalement.

Anil Arora : Je pourrais peut-être aller plus loin concernant certaines de vos réflexions. Premièrement, vous avez parlé d'examiner et d'approfondir les différentes sources de données administratives et même les données détenues par le secteur privé. Bien évidemment, l'acceptabilité sociale de l'utilisation de données de nature délicate est nécessaire. Comment allez-vous avoir cette conversation avec les Américains au sujet de l'utilisation de ces données? Je veux dire que nous, en tant que bureau national de la statistique, avons travaillé fort pour établir la confiance, mais que faites-vous pour continuer à bâtir cette confiance et, deuxièmement, comment procédez-vous lorsque vous parlez de types expérimentaux ou de prototypes d'estimations? Comment vous assurez-vous que les gens comprennent, si vous voulez, les forces et les limites de certains de ces nouveaux types d'analyses que nous publions?

Erich Strassner : Oui, merci pour ces questions. Ce sont des questions importantes que nous devons examiner au fur et à mesure de notre travail, et je pense qu'une façon de répondre aux deux questions est d'assurer la transparence de nos activités. Je crois qu'il s'agit de la meilleure façon d'aller de l'avant avec ce cadre, d'être transparents dans nos collaborations avec nos fournisseurs de données, de déterminer les sources des données que nous pouvons utiliser dans nos comptes, de tenir vraiment compte de la protection de la vie privée. Dans le cadre de tous les travaux que nous effectuons au Bureau de l'analyse économique, nous protégeons la confidentialité des données. Nous ne divulguons pas de microdonnées; nous ne divulguons pas de caractéristiques concernant des particuliers ou des entreprises. Il existe des lois très sévères aux États-Unis qui appuient ces efforts, nous essayons donc d'être les plus transparents que possible quant à la façon dont nous utilisons ces ensembles de données de rechange, ces ensembles de données non traditionnels. Et cela vaut aussi pour la transparence concernant la nature de ces expériences. Nous tentons d'être très clairs lorsque nous produisons de nouvelles estimations ou des estimations de rechange, et nous tentons de le faire de façon à ce que cela puisse être reproduit, à ce que cela soit clair et facilement explicable. Nous déployons beaucoup d'efforts pour tenter de communiquer ce que nous faisons grâce à divers canaux et nous réagissons lorsqu'il est nécessaire de nous améliorer.

Anil Arora : Merci beaucoup. Daniel, peut-être puis-je me tourner vers vous, l'OCDE étant bien connue pour ses projections et veillant toujours à ce que son radar fonctionne correctement. Qu'entrevoyez-vous à l'horizon, d'après votre travail avec les pays de l'OCDE et certaines des recherches approfondies que vous avez menées?

Daniel Ker : Il me fait plaisir de dire que nous sommes en voie d'élaborer une nouvelle boule de cristal sous forme d'une technologie (inaudible), laquelle nous sommes en voie d'établir et qui vise à repérer et suivre les grandes tendances qui émergent sur le plan technologique spécifiquement, mais sur le plan numérique plus généralement. À l'heure actuelle, au cours de cette période de deux ans, nous mettons beaucoup l'accent sur l'IA et la chaîne de blocs. Du côté de l'intelligence artificielle, c'est-à-dire le secteur qui relève de ma direction, la direction des sciences, de la technologie et de l'innovation, l'accent est mis en grande partie sur la recherche d'une perception commune à l'échelle internationale de ce qu'est l'IA, en quelque sorte, sous forme de définition, mais aussi en ce qui a trait aux répercussions pratiques et éthiques et aux recommandations de politiques concernant son utilisation. Toutefois, nous tentons également de définir comment nous suivons et contrôlons à la fois son développement et son offre, ainsi que son adoption et sa diffusion, principalement dans les entreprises, mais aussi auprès des particuliers, qui sont souvent les utilisateurs finaux de certaines formes de technologie d'intelligence artificielle, par exemple, l'assistant vocal qui se trouve dans votre ménage. L'idée, c'est que le forum sur la prospective technologique continuera de prendre de l'expansion et de porter sur d'autres technologies, au fur et à mesure qu'elles émergent. Pour l'avenir, j'espère vraiment que nous allons envisager de nouvelles formes de fabrication, en particulier l'impression 3D et les technologies de ce genre, parce que ce genre de technologie a vraiment le pouvoir, le potentiel, de modifier à la fois le mode et le lieu de production. Par exemple, à l'heure actuelle, si j'ai besoin d'un crochet à vêtements pour ma maison, je vais à la quincaillerie et j'en achète un ou je vais sur Amazon ou un autre détaillant en ligne, je choisis un produit, j'attends quelques jours, et il arrive. À l'avenir, je pourrais être en mesure d'aller en ligne, de trouver un élément de PI qui me fournit une maquette de crochet à vêtements que j'aime vraiment, beaucoup plus que quoi que ce soit d'autre que je pourrais acheter, et je pourrais l'imprimer directement chez moi ou le faire imprimer dans un poste d'impression local. Cela va donc vraiment changer les méthodes de production et brouiller davantage les limites entre les entreprises et les ménages dans nos cadres statistiques. Cela aura pour effet de créer de nouveaux défis ou d'accentuer certains de ceux auxquels nous faisons déjà face. Il y a aussi d'autres choses qui existent depuis un certain temps déjà, mais que nous devons encore tenter de mesurer et de comprendre, comme les plateformes en ligne et les services en nuage, et nous avons eu le grand plaisir, avec le soutien du gouvernement du Canada, de tenir un atelier l'an dernier qui nous a permis de déterminer comment envisager ces phénomènes et de définir ce que nous voulons savoir à leur sujet, notamment. Tout d'abord, tout le monde s'entend pour dire que ce sont des questions importantes que nous devons examiner et comprendre, mais aussi que certaines des bases nécessaires pour les statistiques ne sont pas vraiment là, ou ne correspondent pas à ce que nous souhaiterions. Par exemple, l'OCDE a récemment élaboré une définition des plateformes en ligne, mais nous devons mettre au point des taxonomies et des classifications qui nous permettront d'envisager le regroupement de différents types de plateformes, selon des caractéristiques pertinentes, afin de produire des statistiques qui nous aideront à comprendre ce qui se passe sur ces plateformes et les répercussions de ces dernières sur les secteurs commerciaux et nos économies.

Anil Arora : Merci pour vos réflexions, Daniel. J'ai quelques questions de suivi. Tout d'abord, vous parlez de différents types de modèles et de la façon dont l'intelligence artificielle continue de prendre forme et d'accélérer, dans une certaine mesure, quelques-uns des changements que nous voyons. Comment les organismes de statistique peuvent-ils ou devraient-ils être mieux intégrés au chapitre des stratégies et des flux de données, et dans quelle mesure? Deuxièmement, quel est selon vous l'avenir du genre d'appareils que vous avez mentionné auxquels il est possible de parler et qui prennent de plus en plus de place dans nos foyers? Je sais que chez moi, cela fait maintenant partie intégrante de notre quotidien. Quel effet cela a-t-il en termes de fonction d'attraction, ou d'augmentation de la demande de données et d'information et, encore une fois, quels rôles d'attraction et d'impulsion les organismes nationaux de statistique peuvent-ils jouer selon vous? J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.

Daniel Ker : D'accord, parlons donc des assistants vocaux en premier. Si j'ai bien compris votre question, vous vous demandez quel effet ils ont sur les flux de données et l'information qui en découle.

Anil Arora : Essentiellement, cela crée cette demande d'information instantanée provenant d'une source crédible. Vous savez, il ne s'agit plus seulement de la capacité des bureaux de statistique d'élaborer des tableaux, des diagrammes circulaires. Nous allons nous retrouver dans un monde où il y a un nombre croissant de producteurs de données et de demandes de données instantanées, ce à quoi la prochaine génération, si je vous comprends bien, est habituée. Cela a donc un effet sur le rôle traditionnel des organismes nationaux de statistique.

Daniel Ker : Dans une certaine mesure, cela s'inscrit dans la même visée de ce que nous avons vu avec l'essor des nouvelles 24 heures sur 24. Les gens veulent avoir accès à tout, de plus en plus rapidement et constamment. Pour les organismes de statistique, bien sûr, cela crée le problème de trouver des façons de produire l'information afin de répondre à cette demande le plus rapidement possible. Un point intéressant avec les technologies d'assistants à domicile, les technologies d'assistants intelligents, c'est que, comme vous avez mentionné, les gens veulent de l'information provenant d'une source fiable et que c'est une façon pour eux de l'obtenir. Évidemment, grâce à ces types d'assistants, vous n'obtenez pas nécessairement la réponse d'une source fiable. Vous obtenez la réponse de la source que Google ou Amazon a jugé la plus pertinente, compte tenu de votre question. Et la façon dont ils décident cela peut être liée à l'argent qu'ils ont reçu. La question se pose peut-être de savoir si les organismes de statistique trouveront une façon de jouer le jeu et verseront l'argent nécessaire pour que leurs réponses à certaines questions soient les premières, ou accepteront que les réponses à certaines questions qui sont posées ne proviennent pas de nos tableaux, qui sont peut-être extraordinaires et robustes, mais pas suffisamment accessibles ou lisibles par machine, mais soient fournies dans ces canaux. D'autres acteurs pourraient combler cet espace.

Anil Arora : Merci. Je me tourne vers vous, Eric, Eric Santor. Vous êtes conseiller auprès du gouverneur, Stephen Poloz, mais quel genre de conseils exactement lui donnez-vous en ce qui a trait aux perturbations numériques émergentes, en fait, quels conseils lui donnez-vous relativement à l'évolution du rôle de la Banque proprement dit?

Eric Santor : En ce qui a trait au rôle de la Banque, pour nous, il s'agit de mener des politiques monétaires, des politiques qui sont à l'avantage de tous les Canadiens sur le plan économique, et nous devons comprendre ce qui se passe, tant du point de vue de, comme je l'ai mentionné auparavant, (inaudible) l'économie réelle, mais aussi comprendre les changements qui se produisent dans le système financier. Nous voyons que l'utilisation de l'IA, de l'apprentissage automatique et des mégadonnées a plusieurs répercussions sur le système financier et que ces dernières évoluent rapidement. Donc, si je pense aux trois principaux, spontanément je dirais les entreprises de technologie financière, qui innovent, qui tentent d'accaparer des parties de la chaîne de valeur d'un produit ou d'un service financier particulier, ce qui aura des répercussions sur l'évolution du système financier. Il y a des conseillers robots, il y a des portefeuilles sélectionnés au moyen de l'IA, il y a tout cela qui se passe, et les échanges d'algorithmes existent depuis un certain temps, ce qui va affecter les marchés financiers. Dans le domaine des assurances, qui se prête bien à l'apprentissage automatique et aux mégadonnées, si l'on pense au coût des prédictions qui diminue, les gens (inaudible) font en sorte que les technologies élargissent la zone d'assurabilité, parce qu'ils pourront cibler davantage les produits et calculer plus précisément les risques, ainsi que fournir ces services concernant une gamme de plus en plus vaste d'éléments qui peuvent être assurés. Cela va donc favoriser le développement des marchés financiers dans une certaine mesure. Et en dernier lieu, bien sûr, il y a les paiements. Il y a eu une explosion des prêts entre pairs, des paiements entre pairs, et aujourd'hui, ce matin, il y a eu une annonce d'un acteur important au sujet de sa propre monnaie, de la cryptomonnaie et des cryptoactifs. Nous devons comprendre tout ce qui se passe, afin de nous assurer que nous sommes en mesure de mener notre politique efficacement dans ce domaine.

Anil Arora : Et comment vous acquittez-vous de ce rôle jusqu'à maintenant?

Eric Santor : Je suis inondé d'informations pour le moment, et ce que nous faisons, c'est tenter de miser d'abord et avant tout sur la numérisation, et ce, dans chaque aspect de nos activités, avec l'idée simple d'intégrer ces nouvelles technologies : l'apprentissage automatique, les mégadonnées, l'IA, afin de mieux informer nos analystes pour qu'ils prennent des décisions éclairées. Il faut à la fois réfléchir aux données qui arrivent, pour les comprendre, mais aussi à un niveau très fondamental, utiliser ces outils, afin, nous l'espérons, de mieux comprendre comment l'économie fonctionne dans ce nouveau monde numérique.

Anil Arora : Comment pouvons-nous vous aider, en tant qu'organisme statistique, à fournir ce type de conseils?

Eric Santor : Donc, la meilleure chose que vous puissiez faire, c'est de nous fournir les données que nous utilisons pour faire nos analyses, les intrants, la matière première. Et vous savez, en ce sens, vous avez été très transparents pour ce qui est de déterminer où vous pensez qu'il y a de grandes lacunes à l'heure actuelle. Certaines de ces lacunes se transforment en investissements, des investissements qui avaient l'habitude d'être faits dans les usines et de l'équipement et qui se font maintenant au chapitre des TI et des immobilisations corporelles, dans les données, dans le logiciel comme service. Il s'agit aussi de la façon dont nous les intégrons dans les comptes nationaux pour avoir une meilleure idée des décisions d'investissement de la part des entreprises. Il y a le commerce des services numériques, si vous pensez à tous les services qui sont offerts sous forme numérique à l'heure actuelle, souvent dans l'espace des microtransactions, que nous devons mieux mesurer. Il est plus facile de mesurer des choses concrètes et plus difficile de mesurer les services numériques. Il y a aussi les prix, évidemment, un grand nombre d'entre eux étant fixés en ligne maintenant, et nous devons nous assurer d'en rendre compte de façon appropriée. Il s'agit d'une autre lacune que vous avez déterminée. Et le dernier élément est, bien sûr, la production des ménages pour les ménages. Vous savez, lorsque les comptes nationaux ont été établis, on n'avait pas vraiment prévu dans quelle mesure les ménages pourraient créer des liens directs avec d'autres ménages, non seulement à l'intérieur du Canada, mais aussi au-delà des frontières, pour la production de biens et de services destinés à être échangés entre eux. Évidemment, en regroupant tout cela, nous devons comprendre comment le marché du travail va évoluer et très bien le mesurer, parce que les gens vont être perturbés par cela et vont en profiter. Cela fait en sorte que nous avons donc besoin d'une meilleure mesure, de la meilleure mesure, de la façon dont cela évolue, afin de veiller à ce que, en tant que société, nous fournissions aux gens le soutien approprié, dont un filet de sécurité sociale, des formations et d'autres formes d'appui pour faciliter leur transition à cette époque très intéressante que nous vivons.

Anil Arora : Merci beaucoup. Je crois que nous sommes conscients de ces exigences et que cela mène à beaucoup d'efforts de modernisation, non seulement à Statistique Canada, mais aussi dans de nombreux autres organismes internationaux. Il y a selon moi une occasion à saisir ici. Je suis en présence de quatre grands penseurs, non seulement dans le domaine économique, mais aussi dans celui de l'entrepreneuriat et dans le domaine universitaire, et nous devons profiter de… On a beaucoup parlé de l'économie numérique et peut-être pas autant de la société numérique et des répercussions sociales de choses comme le temps passé devant un écran et notre dépendance à l'ordinateur qui, comme nous l'avons mentionné plus tôt, fait maintenant presque partie intégrante de nous. Selon vous, quels sont certains de ces grands changements?

Eric Santor : Selon mon expérience personnelle, et je suis assez converti au numérique moi-même, nous ne nous rendons pas pleinement compte à quel point nos enfants ont adopté le numérique et continueront de le faire. J'utilise souvent cette anecdote de mon fils de 12 ans qui ne m'a appelé que deux fois au bureau. Les deux fois, c'était pour me dire qu'Internet ne fonctionnait pas parce qu'il y avait une panne de courant. On voit là l'importance que cela revêt pour la génération qui nous suit. Ils veulent être connectés, et nous devons l'être aussi, pour le meilleur et pour le pire, et nous devons donc comprendre comment ils vont fonctionner dans ce monde. Ce que cela signifie pour le marché du travail, et c'est là-dessus que nous mettons beaucoup l'accent en ce moment, est lié à la façon dont l'économie à la demande va évoluer dans cet espace. Il convient de mettre cela en contexte, je veux dire l'économie à la demande, dont nous n'avons pas une bonne mesure et, de façon plus précise, nous menons un sondage à la Banque concernant les attentes des consommateurs et nous avons publié plus tôt cette année un document à ce sujet intitulé How Big is the Gig? (De quelle taille l'emploi à la demande est-il?), afin de tenter de mesurer cela. Nous avons constaté, comme vous le savez, qu'il y a une proportion importante de personnes qui travaillent à la demande, à temps partiel, et qui préféreraient des emplois à temps plein. La question est donc de savoir dans quelle mesure la numérisation affecte cette répartition, cette partie du marché du travail. Ce qu'il faut garder en contexte, cependant, et je pense que Daniel l'a mentionné tout à l'heure, c'est que, d'une part, des gens sont perturbés et nous devons les appuyer, et d'autre part, qu'il y a beaucoup de croissance de l'emploi dans le secteur numérique. D'après vos propres estimations du secteur numérique, la croissance de l'emploi dans ce secteur au Canada depuis 2010 a été de 40 %, ou presque 40 %. Le reste de l'économie connaît une croissance de l'emploi de 8 % ou 9 %; il est donc important de se rappeler que les personnes qui occupent ces emplois-là achètent ce qui est produit dans le reste de l'économie et que nous achetons, comme des maisons et des voitures, et qu'ils vont au restaurant et achètent des services. Nous devons donc garder à l'esprit que lorsqu'il y a eu de telles grandes transformations, au cours de l'histoire, vous savez, nous sommes à 4,0, ce qui veut dire qu'il y a eu 1,0, 2,0 et 3,0, cela s'est soldé dans l'ensemble par un avantage net. Il y a eu une augmentation nette de l'emploi du fait que les utilisateurs de la nouvelle technologie créent de la demande dans le reste de l'économie. Nous devons simplement nous assurer que les personnes qui sont perturbées reçoivent un soutien approprié dans ce processus. Je pense donc que nous sommes à l'ère numérique et que nous devons nous assurer du mieux que nous le pouvons que les gens sont prêts à vivre et à travailler dans cette ère.

Anil Arora : Je vous remercie. Je vais peut-être m'adresser à vous, Daniel. Ma question pour vous va dans le sens de ce qu'Eric vient de dire, c'est-à-dire que, d'une part, il faut alimenter et faire progresser ces possibilités de nouveaux emplois et de nouveaux modèles d'entreprises et sociétaux, mais que, par ailleurs, il est réellement nécessaire de préserver et de protéger ceux qui vont être perturbés. Quel genre de recherches l'OCDE fait-elle? Quel genre de projets menez-vous sur certaines de ces grandes questions et tendances sociétales?

Daniel Ker : Il s'agit d'un domaine où nous devons encore dans une large mesure tenter de déterminer où se situe l'équilibre. Parmi les exemples des travaux menés dans ce domaine figure le (inaudible) à l'OCDE. On a produit une publication intitulée How's Life in the Digital Age? (Comment va la vie à l'ère du numérique?), qui a permis de recueillir toutes les mesures ou tous les indicateurs possibles liés aux retombées de la transformation numérique sur le bien-être des gens. Nous ne savons pas clairement vers quoi nous nous dirigeons, et un grand nombre d'effets pourraient être positifs, par exemple, les réseaux sociaux permettent aux personnes d'être davantage reliées les unes avec les autres, de garder le contact avec les autres, mais il y a de nombreux aspects qui pourraient être mauvais, comme l'inclusion technologique, l'intrusion, l'incursion du travail à la maison, comme je l'ai mentionné plus tôt, ce qui fait que les personnes sont toujours connectées et que cela a pour effet de les déprimer et rendre malheureuses. L'une des vraies choses, l'un des messages qui ressort de cela pour nous, les statisticiens, c'est qu'il est vraiment nécessaire d'essayer d'élaborer des indicateurs plus détaillés, plus nuancés et, encore une fois, plus détaillés. Pour y arriver, il faudrait peut-être inclure des questions sur le bien-être dans les enquêtes sur les TIC, afin de pouvoir commencer à examiner, au moyen du même outil, les liens entre le recours à différents types de technologie et certaines mesures de haut niveau du bien-être. Un autre domaine qui mérite d'être souligné est celui de la confiance. Ce que je veux dire, c'est qu'il est très clair que les technologies numériques, mais surtout les réseaux sociaux et le commerce électronique, font en sorte qu'il est très difficile pour les gens de savoir à qui, à quelles organisations ou à quels renseignements, ils peuvent faire confiance en ligne. L'OCDE travaille donc avec les organismes nationaux de statistique et d'autres organisations pour essayer de trouver des façons d'élaborer des mesures à cet égard, et nous en avons quelques-unes. Il y a tout un chapitre sur la confiance dans la publication que j'ai mentionnée, mais si vous regardez, vous verrez que les indicateurs sont plutôt à la périphérie, et nous n'avons toujours pas réussi à trouver la formule magique pour procéder à ces mesures. Cela vient du fait que la confiance est vraiment difficile à définir, et encore plus difficile à mesurer, parce qu'elle est contextuelle et qu'elle est interprétée différemment par les gens, ce qui fait qu'on y accorde encore beaucoup d'importance. Il y a un dernier impact plus global que je veux soulever, parce que je pense qu'en fait, on l'oublie très souvent et on le comprend mal. Il s'agit de l'impact de la technologie numérique sur l'environnement. Nous disposons de la preuve anecdotique que le minage de bitcoin utilise plus d'énergie que certains pays, mais lorsque le temps est venu de trouver des indicateurs pour notre publication, le mieux que nous avons pu faire, c'était d'utiliser certaines estimations sur les déchets électroniques générés, afin d'obtenir un point de vue sur les répercussions environnementales de la technologie numérique. Soit dit en passant, il a été démontré qu'en 2016, le Canada a produit 20 kilogrammes de déchets électroniques par habitant. Cela me semble beaucoup. Toutefois, je dois dire que la Norvège, qui n'est pas parmi les pires, a produit 30 kilogrammes par habitant en 2016. Il y a beaucoup de questions sur la façon dont nous abordons cela, et ce n'est qu'un infime élément des impacts environnementaux de la transformation numérique, de notre utilisation de la technologie numérique et de notre appétit insatiable pour ces appareils presque jetables que nous transportons sur nous aujourd'hui. Nous devons donc vraiment comprendre l'ensemble de l'impact de cette technologie sur l'environnement qui nous entoure.

Anil Arora : Merci beaucoup, Daniel. Ce que vous dites essentiellement, c'est que rien n'est gratuit. Eric, si vous me permettez de m'adresser à vous, Eric Santor, il nous reste environ cinq minutes dans cette séance. Que faites-vous pour rendre visibles certains des éléments invisibles, surtout dans les domaines du marché du travail et de l'emploi? Eric Santor, oui.

Eric Santor : Pour ce qui est de ce que nous faisons à la Banque, nous avons donc notre propre enquête, nous avons l'enquête auprès des consommateurs, l'enquête auprès des consommateurs sur les attentes des Canadiens. Nous utilisons cette enquête pour poser des questions sur la façon dont les gens travaillent, le genre d'emplois qu'ils occupent, la proportion de travail à temps partiel, leurs préférences pour un emploi à temps plein, le lien avec l'activité à la demande strictement définie dans un espace numérique. Nous utilisons cette enquête, ou nous tentons de le faire, pour avoir une mesure de cela, et nous avons publié une partie de cette recherche en ligne. Nous travaillons avec Statistique Canada pour essayer d'améliorer nos mesures et notre compréhension de ce qui se passe sur le marché du travail à l'aide de microdonnées, mais aussi, comme vous le savez, pour fournir des conseils et du soutien, afin d'obtenir de meilleures mesures de l'activité sur le marché du travail. De façon plus générale, nous tentons aussi de tirer parti des mégadonnées et de l'analyse (inaudible), et nous examinons d'autres indicateurs de l'activité et du comportement économiques des gens, au moyen des mégadonnées et, à cette fin, nous adoptons de nouvelles technologies à la Banque dans les domaines de l'apprentissage automatique, des mégadonnées et de l'IA. Il est utile d'élaborer une infrastructure à cet égard pour pouvoir utiliser cela judicieusement.

Anil Arora : Merci beaucoup. Sarah, je pourrais peut-être m'adresser à vous. Nous avons tous parlé de ce concept de confiance et nous voyons que la demande augmente en ce qui a trait à une meilleure utilisation des données par les organismes nationaux de statistique, et même des traces numériques, et parallèlement, nous faisons face à des défis réels concernant l'acceptabilité du public à l'égard de la protection des renseignements personnels. Quels seraient vos conseils pour les organismes nationaux de statistique en vue d'atteindre cet équilibre?

Sarah Lubik : Vous savez, de ce point de vue, je crois que l'un des aspects pour lesquels il existe de grandes possibilités est celui qui consiste à aligner nos possibilités actuelles et les cadres politiques ou analytiques que nous devons établir pour veiller à ce que chacun comprenne quelles sont les données importantes, quelles sont celles qui ne le sont pas, en sachant bien ce que nous faisons. Il arrive souvent que nous soyons très excités à l'idée de créer autant de données, mais en même temps il y a beaucoup de données qui ne sont tout simplement pas très utiles, alors nous n'avons pas à nous préoccuper autant de cette question. Donc, lorsqu'il est question d'établir la confiance, je crois aussi qu'il est important de se rendre compte que la population canadienne n'est pas un bloc monolithique. Lorsqu'il est question de confiance, dans le cas des entreprises en génomique, par exemple, cela a peut-être davantage à voir avec les politiques et la garantie que les clients se sentent en sécurité et que les données sont utilisées de façon éthique et n'entraîneront pas de problèmes à l'avenir. Nous avons l'exemple au Canada d'une entreprise qui faisait des tests en génomique et qui s'est rendu compte qu'elle devait s'assurer qu'une politique était en place pour interdire l'utilisation de ces données par quiconque qui tenterait de limiter l'accès des clients de cette entreprise aux services d'assurance. Il faut donc s'assurer que les répercussions politiques de ce que nous créons permettent à nos entrepreneurs de réussir. Il faut aussi se rendre compte qu'il y a d'autres populations, par exemple les étudiants, que nous devons connaître davantage en tant qu'une génération. Par exemple, la génération des milléniaux aimait vraiment beaucoup les médias sociaux au départ et n'avait pas de problème à mettre ses données en ligne, croyant que c'était ce que tout le monde faisait. Toutefois, nous voyons maintenant, à tout le moins dans le cadre d'une étude effectuée par la Chambre de commerce de Vancouver, que les étudiants du secondaire n'aiment plus autant les médias sociaux et qu'ils se préoccupent vraiment beaucoup de l'isolement social, ainsi que de l'interaction entre leurs données et leur utilisation du numérique avec la santé mentale. Je pense donc qu'il faut considérer la population canadienne comme étant constituée d'un certain nombre de groupes d'intervenants différents.

Anil Arora : Merci beaucoup. Dans les quelques minutes qu'il nous reste, je vais demander à chacun d'entre vous quel serait votre conseil, dans ce monde de plus en plus numérique, à Statistique Canada et, bien sûr, à d'autres organismes nationaux de statistique qui participent virtuellement aujourd'hui. Comme je l'ai dit, je vais demander à chacun d'entre vous de nous donner un dernier conseil. Je vais peut-être commencer par vous, Daniel.

Daniel Ker : Merci, oui, je ne manque jamais une occasion de faire la promotion de la publication que nous avons lancée en mars. Je vous encouragerais à jeter un coup d'œil à la feuille de route des mesures qui s'y trouve. Elle comprend neuf mesures, dont quatre sont d'ordre général, et dont cinq sont plus précises au sujet de certaines technologies ou de certains phénomènes que nous voyons. Faute de temps pour élaborer sur ces enjeux, je veux simplement dire que je pense que le Canada, et Statistique Canada en particulier, devraient continuer de faire preuve de leadership dans ce domaine, tout comme Erich Strassner au Bureau de l'analyse économique et d'autres. Vous savez, l'une des mesures qui se trouvent dans cette publication-là consiste à rendre l'économie numérique visible dans les statistiques économiques. Nous avons besoin de chefs de file comme vous pour faire progresser les efforts en matière de développement de comptes satellites du numérique, par exemple. Il faut aussi nous aider à élaborer et à promouvoir le cadre de l'OCDE pour les tableaux de l'offre et de l'utilisation numériques, ce qui, nous l'espérons, servira concrètement à rallier la communauté internationale. J'aimerais aussi souligner qu'il y a également une mesure portant sur la nécessité d'améliorer la mesure des données et des flux de données, et il a été plusieurs fois fait mention aujourd'hui de l'importance des données. Il y a un certain temps, on disait que les données étaient le nouveau pétrole, mais apparemment, ce n'est plus la même chose. Nous savons toutefois qu'elles sont importantes et nous voulons déterminer une façon d'élaborer une théorie à leur sujet et au sujet du rôle qu'elles jouent, et trouver une façon d'en bien tenir compte dans nos analyses. La semaine dernière, Statistique Canada a publié une ébauche très intéressante d'une approche de mesure de la valeur des données dans le cadre des comptes nationaux, et je crois que ce genre de leadership est très important.

Anil Arora : Merci beaucoup, Daniel. Nous avons hâte de poursuivre notre partenariat avec vous. Je vais maintenant me tourner vers Erich Strassner pour obtenir un autre conseil. Nous travaillons en partenariat dans le cadre d'un grand nombre d'initiatives et nous pouvons profiter de votre expérience.

Erich Strassner : Oui, donc, la numérisation se compte maintenant parmi des éléments comme la mondialisation et les impacts économiques en tant que catalyseur, en vue de chercher à améliorer les nouvelles mesures de l'économie, pour qu'elles tiennent compte d'enjeux comme le bien-être économique et la durabilité économique. Donc, de notre point de vue, deux des principaux sujets qui s'imposent sont le développement de ce compte satellite de l'économie numérique dont nous avons parlé aujourd'hui et l'expérimentation de nouvelles mesures, de nouvelles méthodes, qui nous permettront de comprendre les changements découlant de l'économie numérique. Mais nous ne devons pas nous arrêter là, aux répercussions de haut niveau, par exemple sur le PIB ou le revenu des particuliers, et nous devons comprendre les répartitions du revenu, de la richesse, de la consommation, pour nous permettre de déterminer ce qu'il faut pour aller au-delà du PIB. Il faut en savoir davantage sur ces répercussions sur le bien-être économique et la durabilité économique, et c'est pourquoi ces éléments sont à l'avant-plan des systèmes du Bureau de l'analyse économique et des systèmes américains, et nous pensons que cela devrait être le cas dans la plupart des pays.

Anil Arora : Merci beaucoup, Erich. Beaucoup de gens ne savent peut-être pas que nous avons un partenariat approfondi et de longue date avec le Bureau de l'analyse économique. Nous continuons à collaborer sur de nombreux projets, et je vous remercie Erich d'être parmi nous aujourd'hui. Je vais maintenant donner la parole à Sarah, pour un conseil, une leçon à retenir.

Sarah Lubik : Je pense que je vais poursuivre dans la même veine qu'Erich, en ce sens que je pense qu'il est important d'adopter une perspective large lorsqu'il s'agit des données que vous recueillez sur les compétences et les attitudes de l'avenir. C'est donc dire que l'on continuera de mettre l'accent sur les STIM, mais que l'on changera d'orientation et que l'on se préoccupera plutôt des STIAM, de l'état d'esprit, des attitudes à l'égard de l'avenir, ce qui sera très important pour que nous disposions des données nécessaires pour prendre des décisions en matière d'éducation, de compétences et de politiques.

Anil Arora : Excellent, merci encore pour ce partenariat élargi. Il a beaucoup été question des traces numériques et des STIAM aujourd'hui, ce qui est très bien. Merci beaucoup Sarah, de vous être jointe à nous aujourd'hui. Le dernier, mais non le moindre, Eric, ici, à nos bureaux de Statistique Canada.

Eric Santor : Donc, un conseil, d'après notre propre expérience et lorsqu'il est question de la façon dont nous pouvons tirer profit des technologies, il faudrait examiner tous les processus que nous avons et nous demander comment nous pouvons utiliser l'IA, l'apprentissage automatique, les mégadonnées pour prendre de meilleures décisions. Mais en faisant cela, en les améliorant, il faut tenir compte du fait que le coût des prédictions est plus faible. La façon dont vous pouvez prendre de meilleures décisions, cela fait en sorte de réduire le coût des prédictions, ce qui fait augmenter la valeur relative de notre jugement. Nous devons donc nous assurer de faire preuve de jugement lorsque cela est nécessaire et veiller à ce que les dirigeants, les gestionnaires, sachent comment s'en servir, et je vois bien le jour où vous demanderez à un gestionnaire ce qu'il fait et qu'il vous répondra qu'il gère une équipe de 15 personnes, de 4 algorithmes et de 500 téraoctets de données. Il faut donc réfléchir à la façon dont nous agirons comme chef de file à cet égard, à comment nous allons gérer tout cela et le faire efficacement, afin de réellement profiter de cette technologie, ainsi qu'à la façon dont nous travaillons au service des Canadiens.

Anil Arora : Merci beaucoup Eric. Malheureusement, le temps file. Je sais que nous avons eu quelques questions de la part de gens. Je sais que littéralement plus d'un millier de personnes se sont jointes à nous aujourd'hui, et je sais qu'il y a eu quelques questions qui nous ont été posées. J'espère que nous avons pu répondre à certaines d'entre elles par le biais du dialogue et de la discussion que nous avons eus qui, j'ajouterais, ont été très enrichissants. Si je peux vous inviter tous à vous joindre à nous la semaine prochaine. Nous aurons une autre séance, le 25 juin, sur la cybersécurité. Ainsi, tous les participants inscrits recevront plus d'information sur la séance de la semaine prochaine et les séances à venir que nous continuerons d'organiser pour élargir et approfondir cette discussion. Je remercie donc tous nos panélistes, les personnes qui se sont jointes à nous physiquement, ainsi que virtuellement. J'espère que cela vous donne une meilleure idée du rôle que jouent Statistique Canada et d'autres organismes nationaux de statistique pour mieux comprendre les diverses répercussions du nouveau monde numérique ambitieux. Un grand merci à tous.

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