Guide de l'utilisateur : Système canadien des comptes macroéconomiques
Chapitre 2 Historique des comptes macroéconomiques du Canada

Objet du présent chapitre

Ce chapitre présente un résumé historique de l’évolution du Système de comptabilité nationale (SCN) international depuis 1947 et de l’élaboration du Système canadien des comptes macroéconomiques (SCCM) depuis le début du XXe siècle.

2.1 Introduction

L’histoire du SCN international couvre le XXe siècle et le début du XXIe siècle, atteignant son point culminant avec la diffusion du SCN 2008. Les comptes nationaux du Canada sont apparus et ont évolué durant la même période. Le présent chapitre relate d’abord la progression de la norme SCN internationale, puis suit les progrès réalisés par le Canada au fil du temps dans la mise en œuvre de cette norme en constante évolution ainsi que sa contribution à l’élaboration de la norme.

L’élaboration et l’amélioration de la norme internationale ont été marquées par la publication de manuels à différentes étapes. Ces manuels ont d’abord été publiés par les Nations Unies, puis conjointement par plusieurs organismes internationaux, dont les Nations Unies. Le compte rendu historique du présent chapitre s’inspire principalement de ces manuels, qui sont cités aux endroits appropriés.

L’historique des efforts déployés par le Canada pour élaborer et améliorer ses comptes nationaux est très bien décrit dans un ouvrage du professeur Duncan McDowall intitulé La somme des satisfactions : le Canada à l’ère des comptes nationauxNote 1. Le résumé historique du présent chapitre s’inspire largement de cet ouvrage, surtout pour les premières années. Les lecteurs désireux d’en savoir plus à ce sujet sont encouragés à lire le livre de M. McDowallNote 2.

Les lecteurs qui ne sont pas familiers avec les comptes nationaux pourraient trouver ce chapitre difficile à lire, car il utilise des termes et renvoie à des concepts qui n’ont pas encore été expliqués. C’est pourquoi certaines personnes auraient probablement avantage à lire les autres chapitres avant celui-ci.

2.2 L’élaboration du Système de comptabilité nationale international

L’évolution du SCN international de l’après-guerre est résumée au tableau 2.1Note 3.

Tableau 2.1 Historique des versions du Système de comptabilité nationale
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau 2.1 Historique des versions du Système de comptabilité nationale. Les données sont présentées selon Année (titres de rangée) et Version du Système de comptabilité nationale(figurant comme en-tête de colonne).
Année Version du Système de comptabilité nationale
1947 Le SCN trouve son origine dans le Rapport du Sous-comité des statistiques du revenu national du Comité d'experts statisticiens de la Société des Nations, publié en 1947 sous la direction de Richard Stone. À sa première séance en 1947, la Commission de statistique des Nations Unies (CSNU) souligne la nécessité d'adopter des normes statistiques internationales pour le calcul et la mise à jour des statistiques comparables à l'appui d'un large éventail de besoins stratégiques. Étant donné l'importance accordée aux normes statistiques internationales tout au long de l'existence de la Commission, les normes de comptabilité nationale suivantes sont produites.
1953 Le SCN 1953 est publié sous les auspices du CSNU. Il consiste en un ensemble de six comptes types et un ensemble de 12 tableaux normalisés présentant des classifications détaillées et de rechange des flux de l'économie. Les concepts et les définitions des comptes s'appliquent en grande partie à la plupart des pays, y compris les pays en développement. Deux éditions légèrement modifiées de la norme SCN 1953 sont publiées.
1960 La première révision de 1960 tient compte des commentaires reçus à la suite de l'expérience des pays qui ont mis en œuvre le SCN 1953.
1964 La deuxième révision de 1964 permet une meilleure harmonisation au Manuel de la balance des paiements du Fonds monétaire international.
1968 Le SCN 1968 élargit substantiellement la portée des comptes nationaux en ajoutant des comptes d'entrées-sorties et des bilans, en accordant une plus grande attention aux estimations aux prix constants et en s'efforçant de rapprocher le SCN et le Système de comptabilité du produit matériel (CPM)Note 1.
1993 Le SCN 1993 représente une avance considérable de la comptabilité nationale et résulte d'une harmonisation plus complète du SCN avec d'autres normes statistiques internationales que dans les versions antérieures.
2008 Le SCN 2008, qui met à jour le SCN 1993, règle des problèmes découlant de l'évolution de l'environnement économique, des progrès de la recherche méthodologique et des besoins des utilisateurs.

2.2.1 Le Système de comptabilité nationale de 1947

La norme internationale de comptabilité nationale trouve son origine dans un rapportNote 4 du sous-comité des statistiques du revenu national du Comité d’experts statisticiens de la Société des Nations publié à Genève en 1947 sous la direction de Richard Stone du Royaume-Uni. Claude Isbister de Statistique Canada et Agatha Chapman de la Banque du Canada participent aux discussions, tout comme des statisticiens du Royaume-Uni, de l’Australie, des Pays-Bas, des États-Unis, du Mexique, de la Norvège et de la Suisse. Lors d’une réunion tenue en avril 1939, le Comité d’experts statisticiens décide de mettre l’accent sur la mesure du revenu national, mais les travaux sont suspendus après le déclenchement de la guerre, plus tard cette année-là; ils seront seulement repris en 1945.

Dans son rapport, le Comité propose un « système de comptes sociaux » qui s’articule autour des opérations menées et enregistrées pour cinq secteurs institutionnels :

Les unités institutionnelles aujourd’hui incluses dans les secteurs « administrations publiques » et « institutions sans but lucratif au service des ménages » sont réparties entre les autres secteurs, mais s’apparentent surtout aux consommateurs finals, car une forte proportion de leurs dépenses est axée sur la consommation finale individuelle et collective.
Le système recommandé comprend neuf tableaux sommaires concernant :

En outre, chaque secteur institutionnel a ses propres comptes « d’exploitation », « d’affectation », « de capital » et « de réserve », où les recettes et les paiements sont en équilibre. Les tableaux ressemblent beaucoup à ceux du SCN moderne, mais il y a aussi de nombreuses différences.
Le système met l’accent sur trois types de classifications statistiques :

Ces classifications restent importantes dans le SCN d’aujourd’hui, mais, comme on peut s’y attendre, elles ont été considérablement modifiées et améliorées au cours des sept dernières décennies.

2.2.2 Le Système de comptabilité nationale de 1953, 1960 et 1964

La première révision en bonne et due forme du SCN est effectuée en 1953Note 5 en se fondant sur l’expérience pratique acquise par les pays qui ont travaillé à la mise en œuvre de l’approche recommandée en 1947. La norme révisée est élaborée par un groupe d’experts nationaux dirigé encore une fois par Richard Stone du Royaume-Uni.

La norme révisée reconnaît quatre secteurs institutionnels : i) les particuliers et les institutions privées sans but lucratif au service des ménages; ii) les entreprises, y compris les entreprises constituées en sociétés et les entreprises non constituées en sociétés, les entreprises publiques, les institutions sans but lucratif au service des entreprises et les ménages en tant que propriétaires louant des habitations à eux-mêmes ou à d’autres personnes; iii) les administrations publiques; iv) les non-résidents. Cette sectorisation ressemble davantage à celle d’aujourd’hui, la plus grande différence étant que les entreprises non constituées en sociétés étaient autrefois regroupées avec les entreprises constituées en sociétés plutôt qu’avec les ménagesNote 6.

La norme de 1957 répertorie six comptes de base :

  1. le produit intérieur;
  2. le revenu national;
  3. la formation intérieure de capital;
  4. les ménages et les institutions privées sans but lucratif;
  5. les administrations publiques;
  6. les opérations externes (compte du reste du monde);

et douze tableaux normalisés :

  1. la dépense imputée au produit national brut;
  2. l’industrie d’origine du produit intérieur brut au coût des facteurs;
  3. le revenu national par type d’organisation;
  4. la distribution du revenu national;
  5. les finances de la formation intérieure brute de capital;
  6. la composition de la formation intérieure brute de capital;
  7. les recettes et les dépenses des ménages et des institutions privées sans but lucratif;
  8. la composition des dépenses de consommation privées;
  9. les revenus et dépenses des administrations publiques;
  10. la composition des dépenses de consommation des administrations publiques;
  11. les opérations externes;
  12. les recettes et débours du secteur rural.

Le dernier de ces tableaux est conçu pour être particulièrement pertinent pour les pays en développement dont les régions rurales sont souvent autonomes et ont fréquemment recours à des opérations non monétaires. Le tableau est toutefois supprimé lors des révisions subséquentes du SCN.

Le système est plus clair que celui de 1947, particulièrement en ce qui concerne les comptes de formation de capital. Les comptes de revenus, de dépenses et d’accumulation sont bien présentés. Cependant, il continue de s’apparenter davantage à un « ensemble de tableaux » qu’à un système complet, car les bilans d’ouverture et de clôture ne sont pas inclus. Il ne contient pas non plus de comptes d’opérations ni de comptes des ressources et des emplois, et il y a peu de discussions sur la décomposition prix-volume des agrégats du produit. La norme de 1953 est légèrement révisée en 1960, puis de nouveau en 1964Note 7.

2.2.3 Le Système de comptabilité nationale de 1968

C’est encore une fois Richard Stone qui préside les séances menant à la diffusion du SCN 1968Note 8. Comme la norme de 1953 et ses mises à jour de 1960 et 1964 avaient été reconnues comme incomplètes à certains égards au moment de leur parution, le SCN 1968 vise à combler leurs lacunes.

Une avancée importante dans cette version du système est l’introduction des stocks d’actifs et de passifs d’ouverture et de clôture, qui permet de compléter le système en définissant les flux depuis les stocks d’ouverture jusqu’à la production, la consommation et l’accumulation, les réévaluations et, enfin, les niveaux des stocks de clôture. Un autre changement majeur est la création des comptes des ressources et des emplois afin d’illustrer la ventilation de la production par industrie et par catégorie de produits et d’équilibrer l’offre et l’utilisation des produits. Le système propose une base d’analyse des entrées-sorties et comporte un chapitre complet sur ce sujet. Les comptes d’opérations financières rudimentaires sont également intégrés au système révisé. Un chapitre complet est d’ailleurs consacré aux statistiques des prix constants relativement à l’offre et à l’utilisation des biens et services. Les statistiques comptables et intégrées régionales sur la recherche et le développement sont reconnues comme étant des sujets à aborder à l’avenir.

2.2.4 Le Système de comptabilité nationale de 1993

De 1947 à 1968 et au cours des années suivant immédiatement cette période, l’élaboration du SCN est dirigée par les Nations Unies. Cependant, à compter du début des années 1980, la responsabilité de la direction du SCN international est partagée par les cinq institutions formant le Groupe de travail intersecrétariats sur la comptabilité nationale (ISWGNA) : les Nations Unies, le Fonds monétaire international, l’Organisation de coopération et de développement économiques, la Banque mondiale et la Commission des Communautés européennes (Eurostat). Ce groupe organise les discussions internationales et les travaux de rédaction qui mènent à la diffusion de la norme SCN en 1993Note 9. Il est associé à un groupe consultatif d’experts, qui comprend les représentants d’un large éventail de pays, dont le CanadaNote 10, et qui se réunit avec le ISWGNA pour discuter des enjeux à de nombreuses occasions au cours des années précédant la publication du SCN 1993.

Le SCN 1993 apporte de nombreuses améliorations au système. Il compte 814 pages, soit trois fois plus que le SCN 1968. Les changements sont bien résumés à l’Annexe I : Modifications par rapport au SCN 1968Note 11, sous neuf rubriques :

Grosso modo, la norme révisée représente la continuité avec l’ancienne version, soit le SCN 1968. Elle vise principalement à clarifier les concepts et à harmoniser le système avec d’autres normes statistiques internationales. « C’est ainsi que le nouveau SCN articule plus étroitement entre eux les comptes de production, du revenue, de capital, d’opérations financières et de patrimoine […] De plus, le nouveau système décrit en détail les relations entre le SCN et le système statistique apparenté du Fonds monétaire international (FMI) concernant la balance des paiements. Il y est prêté particulièrement attention à la définition de la frontière de la production, s’agissant de la production pour compte propre de biens et de services. De même, il y est proposé des critères plus précis de délimitation du secteur financier ainsi que d’identification et de classement des instruments financiers, au vu des nombreuses innovations intervenues ces dernières années dans ce domaine du fait de la déréglementation financière. Les tableaux entrées-sorties continuent de faire partie intégrante du cadre central du SCN révisé aux fins, plus particulièrement, des comparaisons entre l’offre et la demandeNote 12. » Le SCN 1993 introduit également certains nouveaux concepts, dont la notion des « comptes satellites ». Enfin, il est à noter que, contrairement aux versions précédentes, le SCN 1993 peut être utilisé pour tous les types d’économies, que le pays soit développé ou en développement, capitaliste ou communiste.

2.2.5 Le Système de comptabilité nationale de 2008

La structure organisationnelle du SCN 2008Note 13 ressemble à celle du SCN 1993. Son élaboration est dirigée par le ISWGNA et un groupe consultatif d’expertsNote 14. Les changements apportés à la norme sont généralement moins importants que ceux du SCN 1993. L’ouvrage est volumineux, mais moins que son prédécesseur. En effet, il compte 662 pages, soit un cinquième de moins que la version antérieure. Cette norme internationale est encore en vigueur de nos jours.

L’annexe 3Note 15 du SCN 2008 résume les changements par rapport au SCN 1993. Les nombreux changements y sont regroupés sous les rubriques suivantes :

En termes généraux, « … le SCN 2008 introduit des traitements pour de nouveaux aspects des économies qui ont pris de l’importance, développe certaines questions qui sont de plus en plus au cœur de l’analyse et clarifie les orientations sur toute une série de questionsNote 16. » Un changement notable est que la recherche et le développement ne sont plus considérés comme des dépenses de consommation intermédiaire, mais plutôt comme une formation brute de capital dans la nouvelle catégorie des « produits de la propriété intellectuelle ». Les dépenses en systèmes d’armes sont également reconnues comme une formation de capital produit. Un autre changement est que la production des sociétés d’assurances dommages est mesurée d’après les indemnités ajustées plutôt que constatées. Dans le cas des indemnités extraordinaires, comme à la suite d’une catastrophe naturelle, les indemnités peuvent être comptabilisées à titre de transferts de capital plutôt que de transferts courants. Pour les régimes de pension à prestations définies, on détermine le niveau de la contribution de l’employeur en évaluant l’augmentation de la valeur actuelle nette des droits à pension que l’employé a acquis, plutôt que la contribution monétaire réelle. Lorsque les biens sont expédiés au-delà des frontières pour traitement, les importations et exportations sont enregistrées strictement sur la base du principe du changement de propriété, ce qui veut dire que le traitement est considéré comme un service plutôt qu’un bien.

Le SCN 2008 est une norme statistique très avancée et sophistiquée. Cette norme découle de l’expérience et des contributions cumulées d’un grand nombre de brillants économistes et statisticiens de multiples pays sur une soixantaine d’années. Elle est reconnue par presque tous les gouvernements et organismes statistiques du monde entier et fournit une solide base de comparaison internationale pour les statistiques macroéconomiques.

2.3 L’élaboration du SCN du Canada

2.3.1 La période qui précède et qui couvre la Première Guerre mondiale

Au début du XXe siècle, l’élaboration d’un système canadien des comptes macroéconomiques ne semble pas nécessaire. Les économistes et les décideurs estiment généralement que la macroéconomie se réglemente elle-même, et il semble y avoir peu de raisons justifiant une intervention gouvernementale dans l’économie ou la production de statistiques macroéconomiques à l’appui d’une telle intervention. De plus, les techniques d’enquête statistiques et les méthodes de calcul numériques raffinées d’aujourd’hui n’existent pas à l’époque. On n’a pas encore commencé à élaborer la norme internationale pour un système de ce genre, de sorte que si le Canada avait voulu en créer un, il aurait dû le faire lui-même, plus ou moins à partir de zéro.

Néanmoins, Duncan McDowall fait état d’une première étape clé durant la deuxième décennie du XXe siècle :

« Pressentant que la structure économique du Canada se transformait du tout au tout, George Foster fit jouer son autorité de ministre du Commerce au sein du gouvernement conservateur nouvellement élu de Robert Borden. En 1912, il nomma une commission chargée d’élaborer l’avant-projet d’un “système complet de statistiques générales répondant aux besoins du pays”. Parmi ses membres se distinguaient [le statisticien du gouvernement fédéral Robert] Coats et Adam Shortt, un économiste politique de l’Université Queen’s passionné d’étude empirique. Les commissaires furent sans ménagement dans leur évaluation. Si, en 1867, la Confédération avait confié à Ottawa la responsabilité des statistiques du jeune pays, “il n’existe pratiquement aucune donnée statistique sous une forme qui se prête à une application pratique”. Les Canadiens ignoraient quels “phénomènes au Canada” devaient être mesurés scientifiquement “pour éviter que le développement national se produise aveuglément ou s’en aille en direction défavorable”. Une centralisation vigoureuse de la statistique s’imposait, conclut la commission. Le Canada avait besoin d’un “bureau central de réflexion” en matière de statistique. Guidé par cette recommandation catégorique, Foster passa à l’action. Le 1er juillet 1915, il nomma Coats statisticien fédéral et commissaire du recensement; viendrait ensuite la création d’un organisme hautement centralisé. »

La première tâche importante que le ministre confie à Coats est d’estimer la valeur du patrimoine national du Canada. Son estimation de 16 293 500 000 $ pour 1915Note 18 s’accompagne toutefois de nombreuses mises en garde, car le système statistique de base en est encore à ses débuts. Quelques années plus tard, après avoir mis ses estimations à jour et avoir anticipé les débats continus sur les concepts du revenu et du patrimoine qui vont suivre dans les décennies à venir, Coats formule l’observation suivante : [traduction] « Le concept économique du patrimoine national est concret et purement matériel, car les sciences économiques ne peuvent pas embrasser l’immense étendue de la richesse intangible créée par les églises, les écoles et autres institutions qui développent la morale, la sagesse et le caractère au lieu de produire des biens, ni des facteurs tels que le climat, le lieu de résidence, la santé, etc. qui favorisent le bien-être individuel et national et sont souvent qualifiés de richesseNote 19. »

2.3.2 L’entre-deux-guerres

Dans les années 1920, l’attitude la plus répandue chez les économistes est la vision « classique » mettant l’accent sur la relation offre-demande microéconomique sous-tendue par des hypothèses de rationalité. On croit que les développements économiques peuvent s’expliquer par une combinaison de théorie économique et de logique déductive. Les données statistiques à l’appui ne sont ni essentielles ni, dans la plupart des cas, disponibles. La métaphore de la « main invisible » d’Adam Smith prédomine.

Certes, il existe des statistiques, notamment sur les différents types de production de biens. Mais, dans la perspective du XXIe siècle, celles-ci sont dispersées, incomplètes, peu fiables, mal intégrées et loin d’être à jour. Il n’existe pas de méthode universelle permettant de définir et de mesurer le revenu national. Cette situation prévaut sans soulever de préoccupations notables tout au long des années 1920, période de prospérité pour l’économie canadienne.

En 1929, les marchés boursiers mondiaux s’effondrent, et la Grande Dépression commence. La demande finale chute et les taux de chômage atteignent des niveaux sans précédent. La situation économique désespérée est évidente aux yeux de tous, mais il est difficile d’en cerner les causes sous-jacentes. Les quelques statistiques économiques alors disponibles auprès du Bureau fédéral de la statistique (BFS)Note 20 n’aident guère à comprendre le problème économique affectant l’ensemble du pays ni à trouver une solution.

Bien sûr, le Canada est loin d’être le seul pays en crise. Dans cet environnement, John Maynard Keynes du Royaume-Uni développe une hypothèse révolutionnaire concernant la macroéconomie. Publié en 1936, son livre, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, présente une théorie macroéconomique qui justifie les politiques interventionnistes des administrations publiques visant à contrer le cycle des affaires. Cependant, l’application de ces idées à ce moment-là est grandement entravée par le manque de données statistiques sur la macroéconomie. De plus, « Keynes n’était pas seul à posséder cette intuition. Depuis le début des années 1930, son collègue de Cambridge, Colin Clark, tentait d’identifier les tendances de la production, de la distribution et du revenu au sein de l’économie britannique […] Clark croyait qu’une fois l’économie répartie en ses opérations constituantes, elle pourrait être reconstruite dans son ensemble de manière à montrer l’apport respectif de chaque activité. On attribue généralement à Clark l’adoption du terme “produit national brut” pour désigner le chiffre représentant la valeur de tous les biens et services produits au sein d’une économie au cours d’une période donnéeNote 21. »

Aux États-Unis, Simon Kuznets, un autre théoricien de premier plan, défend des idées à peu près semblables. Il participe activement aux études du National Bureau of Economic Research sur les comptes et la mesure du revenu national.

Au Canada, le BFS prépare son propre état du revenu national et de ses composantes en 1934, mais les estimations et le cadre connexes sont rudimentaires. « Lorsqu’un marchand de céréales de Winnipeg se plaignit au statisticien fédéral que le Manitoba était devenu une région “misérable”, Coats répondit que “des statistiques exactes de la richesse et du revenu du Manitoba dissiperaient en grande partie la confusion et le risque de politiques erronées”, mais que le Bureau avait à peine amorcé une analyse. “Je crains que nous n’ayons pas accompli grand-chose”Note 22. » Il y avait un besoin croissant non seulement de statistiques fiables sur le revenu national, mais aussi de données provincialesNote 23.

En 1939, Coats établit un comité des statistiques nationales sur le revenu, mais le groupe ne peut faire que des progrès modestes avant l’arrivée de la guerre. En 1941, Sydney Smith, statisticien en chef dans le domaine des affaires au BFS, et son équipe produisent un volume de 149 pages intitulé National Income of Canada: 1919-1938Note 24, mais le contenu de cet ouvrage n’est pas à la hauteur du titre. Les critiques de John Deutsch, un économiste alors en poste à la Banque du Canada, sont particulièrement accablantesNote 25.

2.3.3 La naissance du Système canadien des comptes macroéconomiques

« Dans son état moderne, le Système de comptabilité nationale du Canada est né par une froide soirée d’avril 1942 […] au 295 de l’avenue Manor […] C’est à cette adresse qu’habitait Clifford Clark, ancien économiste politique de l’Université Queen’s et, depuis 1932, sous-ministre des Finances du Canada […] Il avait fallu deux semaines pour trouver un créneau dans l’emploi du temps très chargé de Clark, et encore, la réunion ne pouvait avoir lieu que le soir. Les voitures qui arrivaient chez Clifford Clark transportaient les membres les plus éminents de la bureaucratie d’Ottawa en temps de guerre […] Il y avait Graham Towers, brillant jeune gouverneur de la Banque du Canada, John J. Deutsch, [du] département des recherches de la Banque […] Robert Bryce, qui non seulement supervisait la recherche au ministère des Finances, mais était également secrétaire du tout-puissant Comité consultatif sur l’économie […] le sous-ministre du Commerce, Dana Wilgress, spécialiste chevronné du commerce canadien […] Les autres invités étaient Fraser Elliott, l’avocat qui dirigeait la division de l’impôt sur le revenu du ministère du Revenu national, et Sedley Cudmore, le successeur de Robert Coats au poste de statisticien fédéralNote 26. »

« Le sous-ministre fit d’abord pression sur Fraser Elliot, du Revenu national. Il lui fit rapidement promettre de fournir aux compilateurs du revenu national des données fiscales plus précises et plus faciles à exploiter […] Clark se tourna enfin vers Sedley Cudmore, le statisticien fédéral. Le BFS serait-il prêt à “établir un groupe spécial […] pour organiser et mener à bien le travail sur le revenu national”Note 27? »

« Bryce poussa Bangs [l’assistant de Sydney Smith] à lui faire d’autres révélations. “J’ai eu l’impression qu’à son avis, une bonne partie du travail du Bureau de la statistique était de piètre qualité […] une vérification révélerait bon nombre d’erreurs et de faiblesses […] le moral du personnel est plutôt bas. Il y a beaucoup de chamailleries, de jalousie et de rivalité.” Bryce fut surtout consterné d’apprendre que Smith était tellement pris par son travail qu’il emportait des données chez lui et demandait à des membres de sa famille de tenter de calculer le revenu national. Il n’en fallait pas plus pour amener Bangs, maintenant excédé, à convenir qu’on avait besoin d’un “nouvel homme” pour chapeauter le Système de comptabilité nationale du CanadaNote 28. »

« La quête qui avait commencé deux ans plus tôt dans un salon de Rockcliffe prit donc fin non loin de là, dans les locaux surpeuplés et décrépits du Bureau fédéral de la statistique sur l’île Verte […] La première nouvelle vraiment précise, au printemps 1944, fut la nomination, à vingt-neuf ans, de George Luxton au poste de chef du tout nouveau personnel de la Recherche-développement du BFSNote 29. »

Luxton en fait beaucoup pour lancer le projet d’un système canadien des comptes macroéconomiques. Il organise une équipe et commence à travailler à un ensemble initial de comptes de revenus et de dépenses. En septembre 1944, Richard Stone lui rend visite à Ottawa. Stone joue un rôle de premier plan dans l’élaboration de la norme internationale pour la comptabilité nationale et reçoit le prix Nobel commémoratif en sciences économiques pour son travail en 1984. Lui et Luxton se rendent ensemble à Washington pour participer aux discussions tripartites sur la mesure du revenu national avec Milton Gilbert de l’unité du revenu national du département du Commerce des États-Unis.

Dans le cadre issu de ces discussions, les revenus et les dépenses sont mesurés et leurs totaux respectifs — qui correspondent tous les deux au produit national brut — sont équilibrés. Le modèle théorique keynésien, dans lequel la demande, l’épargne et l’investissement globaux jouent un rôle central, cadre bien avec cette structure. Les rôles distincts des trois grands secteurs institutionnels internes (les entreprises, les ménages et les administrations publiques) sont reconnus. C’est le genre de cadre dont les décideurs des secteurs financier et monétaire ont besoin pour guider leur réflexionNote 30.

Luxton décède en janvier 1945, après avoir accompli beaucoup de choses durant son bref mandat. Son successeur, Claude Isbister, est appuyé par un personnel de neuf spécialistes. Un autre statisticien à se joindre au groupe cette année-là, Simon Goldberg, va jouer un rôle très important dans l’élaboration des comptes au cours des années 1950 et 1960.

Le premier grand défi d’Isbister consiste à achever l’élaboration de séries chronologiques de comptes équilibrés des revenus et dépenses pour la période allant de 1938 à 1945, avec ventilation des salaires, traitements et autres revenus par province. Ces statistiques sont utilisées dans le cadre d’un nouveau programme fédéral de péréquation pour les provinces, qui entre en vigueur le 1er avril 1947. Elles sont aussi censées fournir des renseignements essentiels à l’appui des objectifs établis dans un livre blanc du gouvernementNote 31 : favoriser des niveaux d’emploi et de revenu élevés et stables durant la période de reconstruction de l’après-guerre. Le nouveau système des comptes macroéconomiques va jouer un rôle de confiance essentiel dans la fédération de l’après-guerre. Les premières estimations annuelles des comptes équilibrés des revenus et des dépenses sont publiées en avril 1946Note 32. Elles sont reproduites au tableau 2.2.

Tableau 2.2 Comptes des revenus et dépenses parus en avril 1946
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau 2.2 Comptes des revenus et dépenses parus en avril 1946 1938, 1939, 1940, 1941, 1942, 1943, 1944 et Préliminaire 1945, calculées selon millions de dollars unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
  1938 1939 1940 1941 1942 1943 1944 Préliminaire 1945
millions de dollars
Salaires, traitements et revenus supplémentaires du travail 2 449 2 540 2 860 3 529 4 233 4 790 4 969 5 037
Solde et indemnités militaires 9 32 193 386 641 910 1 068 1 089
Revenus de placements 692 782 1 110 1 518 1 765 1 809 1 785 1 811
Revenu net des entreprises individuelles, agricoles et autres 790 867 949 1 081 1 638 1 560 1 863 1 690
Revenu national net au coût des facteurs 3 940 4 221 5 112 6 514 8 277 9 069 9 685 9 627
Impôts indirects moins subventions 646 743 843 1 062 1 092 1 125 1 125 992
Déductions pour la dépréciation et les frais d'entreprises semblables 504 528 581 684 771 819 771 750
Erreur résiduelle d'estimation -15 3 92 75 156 111 190 -10
Produit national brut aux prix du marché 5 075 5 495 6 628 8 335 10 296 11 124 11 771 11 359
Dépenses des administrations publiques en biens et services 891 1 090 1 514 2 600 4 323 5 359 5 325 4 393
En période de guerre 37 210 826 1 952 3 585 4 407 4 542 3 726
Hors guerre 854 880 688 648 738 952 783 667
Investissements privés bruts au Canada 450 705 1 004 1 122 793 304 620 746
Investissements privés nets à l'étrangerNote 1 18 -97 -90 -268 -175 -324 -252 -365
Dépenses personnelles en biens et services de consommation 3 700 3 799 4 293 4 956 5 511 5 896 6 268 6 576
Erreur résiduelle d'estimation 16 -2 -93 -75 -156 -111 -190 9
Dépenses nationales brutes aux prix du marché 5 075 5 495 6 628 8 335 10 296 11 124 11 771 11 359

2.3.4 Les années 1950 et 1960

En 1950, Goldberg devient directeur du service central de recherche et développement du Bureau. Une des tâches cruciales du groupe consiste à calculer les estimations du produit national brut (PNB) aux prix constants, après suppression des effets des changements de prix. Ces estimations sont publiées pour la première fois en 1952. Les estimations trimestrielles sont calculées et les estimations des comptes sont désaisonnalisées au moyen de la méthode de la moyenne mobile sur 12 moisNote 33. Ces estimations trimestrielles désaisonnalisées du PNB réel, publiées pour la première fois à l’automne 1953, deviennent rapidement un des plus importants baromètres économiques infra-annuels du Canada.

Durant cette période et par la suite, le BFS continue de participer activement aux efforts internationaux de normalisation de la comptabilité nationale. Après la diffusion des lignes directrices officielles des Nations Unies en 1953, le Canada tâche d’aligner son système le plus possible sur celles-ci. « … Herbert Marshall [nommé statisticien fédéral en 1945] n’exagérait donc pas lorsqu’il affirma au ministre du Commerce, C.D. Howe, que les comptables nationaux du Canada “se classent aujourd’hui parmi les meilleurs du monde”Note 34. »

Les premiers travaux sur la mesure de la formation de capital fixe sont effectués par William Hood et Anthony Scott dans les années 1950, dans le cadre d’études pour la Commission royale d’enquête sur les perspectives économiques du CanadaNote 35. Hood et Scott estiment l’investissement dans les nouvelles installations et nouveaux équipements par industrie. Thomas Rymes poursuit leur travail en sa qualité d’économiste au service central de recherche et développement à compter de 1958.

Hood procède également à une étude exploratoire pour la commission sur les opérations financièresNote 36. Le BFS poursuit ses travaux d’élaboration sur ce sujet dans les années 1960 et, en 1969, il diffuse sa première série officielle de comptes des flux financiers (CFF) trimestriels, qui remontent à 1962. Les comptes du bilan correspondants, qui indiquent les stocks d’actifs et de passifs financiers, sont publiés par la suite. Ces deux ensembles de données contiennent des détails sur 30 secteurs et sous-secteurs institutionnelsNote 37.

En 1962, le Bureau diffuse une importante publication sur les comptes nationaux comprenant des tableaux des revenus et des dépenses annuels équilibrés de 1926 à 1956Note 38,Note 39. Les tableaux portent notamment sur l’épargne personnelle et le revenu disponible, le produit intérieur brut au coût des facteurs, les dépenses nationales brutes aux prix constants de 1949 et les indices des prix implicites connexes, ainsi que sur les comptes sectoriels pour les quatre secteurs institutionnels, à savoir les particuliers, les administrations publiques, les entreprises et les non-résidents. De plus, la publication présente la répartition industrielle du produit intérieur brut et la répartition du revenu personnel par province et territoire. Enfin, elle contient une explication détaillée du cadre conceptuel pour les comptes nationaux. Ce document est appelé le « livre brun ». Les graphiques 2.1 et 2.2 montrent les estimations du PNB provenant de cette source.

Graphique 2.1 Produit national brut selon le livre brun, 1926 à 1956

Tableau de données du graphique 2.1
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1. Les données sont présentées selon Années (titres de rangée) et Produit national brut aux prix de 1949, Produit national brut et Déflateur du PNB, calculées selon millions de dollars unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Années Produit national brut aux prix de 1949 Produit national brut Déflateur du PNB
millions de dollars
1926 7576 5152 68,0
1927 8270 5549 67,1
1928 9037 6046 66,9
1929 9061 6134 67,7
1930 8679 5728 66,0
1931 7567 4699 62,1
1932 6798 3827 56,3
1933 6359 3510 55,2
1934 7127 3984 55,9
1935 7678 4315 56,2
1936 8022 4653 58,0
1937 8820 5257 59,6
1938 8871 5278 59,5
1939 9536 5636 59,1
1940 10911 6743 61,8
1941 12486 8328 66,7
1942 14816 10327 69,7
1943 15357 11088 72,2
1944 15927 11850 74,4
1945 15552 11835 76,1
1946 15251 11850 77,7
1947 15446 13165 85,2
1948 15735 15120 96,1
1949 16343 16343 100,0
1950 17471 18096 103,6
1951 18547 21170 114,1
1952 20027 23995 119,8
1953 20794 25820 124,2
1954 20186 24571 121,7
1955 21961 27070 123,3
1956 23542 30098 127,8

Graphique 2.2 Produit national brut selon le  livre brun, variation annuelle en pourcentage, 1927 à 1956

Tableau de données du graphique 2.2
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2. Les données sont présentées selon Années (titres de rangée) et Produit national brut aux prix de 1949, Produit national brut, Déflateur du PNB et Déflateur du produit national brut, calculées selon variation en pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Années Produit national brut aux prix de 1949 Produit national brut Déflateur du PNB Produit national brut aux prix de 1949 Déflateur du produit national brut
  variation en pourcentage
1927 8270 5549 67,1 9,2 -1,3
1928 9037 6046 66,9 9,3 -0,3
1929 9061 6134 67,7 0,3 1,2
1930 8679 5728 66,0 -4,2 -2,5
1931 7567 4699 62,1 -12,8 -5,9
1932 6798 3827 56,3 -10,2 -9,3
1933 6359 3510 55,2 -6,5 -2,0
1934 7127 3984 55,9 12,1 1,3
1935 7678 4315 56,2 7,7 0,5
1936 8022 4653 58,0 4,5 3,2
1937 8820 5257 59,6 9,9 2,8
1938 8871 5278 59,5 0,6 -0,2
1939 9536 5636 59,1 7,5 -0,7
1940 10911 6743 61,8 14,4 4,6
1941 12486 8328 66,7 14,4 7,9
1942 14816 10327 69,7 18,7 4,5
1943 15357 11088 72,2 3,7 3,6
1944 15927 11850 74,4 3,7 3,0
1945 15552 11835 76,1 -2,4 2,3
1946 15251 11850 77,7 -1,9 2,1
1947 15446 13165 85,2 1,3 9,7
1948 15735 15120 96,1 1,9 12,7
1949 16343 16343 100,0 3,9 4,1
1950 17471 18096 103,6 6,9 3,6
1951 18547 21170 114,1 6,2 10,2
1952 20027 23995 119,8 8,0 5,0
1953 20794 25820 124,2 3,8 3,6
1954 20186 24571 121,7 -2,9 -2,0
1955 21961 27070 123,3 8,8 1,3
1956 23542 30098 127,8 7,2 3,7
Source : Statistique Canada

Au début des années 1960, les statistiques sur la balance des paiements internationaux (BPI) du Canada sont intégrées aux comptes des revenus et des dépenses. La BPI et le système statistique connexe, les estimations du bilan des investissements internationaux (BII), étaient élaborés séparément jusque-là. Les premières estimations expérimentales de la BPI sont calculées dès le début du siècleNote 40. Les statistiques officielles sont publiées pour la première fois en 1939 et couvrent la période écoulée depuis 1926Note 41. C’est Herbert Marshall qui dirige les statistiques sur la BPI à cette époque. Un livre volumineux publié en 1949 présente les estimations de la balance des paiements annuelle de 1926 à ce jour et décrit les sources d’information utilisées ainsi que les méthodes statistiques connexesNote 42. C.D. Blyth joue un rôle clé. Les estimations trimestrielles sont publiées pour la première fois en 1953Note 43. L’adoption, par le Parlement en 1962, de la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats, qui autorise le Bureau fédéral de la statistique à recueillir des renseignements financiers et autres sur les affaires des sociétés et des syndicats, marque une étape importante pour la BPI et le BII. Avec d’autres données, ces renseignements fournissent de précieuses informations sur le pays de contrôle des grandes sociétés. Un intervenant clé dans l’élaboration du programme de la BPI du Canada à ce moment-là est Bower Carty.

2.3.4.1 L’arrivée des ordinateurs

Les ordinateurs arrivent au BFS en 1960, lorsque le Bureau fait l’acquisition d’un IBM 705 pour le recensement de 1961, ce qui ouvre une multitude de possibilités pour la comptabilité macroéconomique. Sans ordinateurs, les estimations des comptes nationaux doivent être calculées laborieusement à la main et inscrites dans des registres géants. Il faudra quelques décennies avant que ces registres disparaissent complètement, mais leur élimination ultime est prédite en 1960. La figure 2.1 montre un registre datant de cette époque. Au cours des décennies qui suivent, les ordinateurs deviennent de plus en plus puissants et de plus en plus abordables, ce qui entraîne un remaniement fondamental des processus de travail associés aux comptes macroéconomiques.

Figure 2.1 Registre des comptes des revenus et des dépenses

Figure 2.1 Registre des comptes des revenus et des dépenses

Description de la figure 2.1

Registre des comptes des revenus et des dépenses. Cette figure consiste en deux photos. L’une des photos montre un registre des comptes des revenus et des dépenses, ouvert à une page choisie au hasard. Le registre a une couverture rigide et, lorsqu’il est ouvert, mesure environ 1,5 mètre de large sur 0,50 mètre de haut. L’autre photo est un gros plan d’une page, choisie au hasard, du registre qui montre les centaines de nombres inscrits à la plume ou au crayon ainsi que quelques notes textuelles écrites à la main dans les marges de la page.

L’arrivée des ordinateurs permet notamment aux utilisateurs des données du BFS d’accéder aux statistiques en ligne. Les macroéconomistes canadiens concentrent de plus en plus leurs efforts sur la construction de modèles économétriques, ce qui nécessite des bases de données informatisées. « Il était entendu que les chiffres des comptes nationaux des revenus et dépenses du BFS devaient constituer le pivot d’une base de données […] Au début, les procédures étaient extrêmement lentes : chaque jour, on envoyait les cartes perforées par autobus à l’Université de Montréal, qui les traitait sur son ordinateur central, imprimait les résultats et les retournait par autobus à Ottawa. Tous ces efforts aboutirent au Système canadien d’information socio-économique (CANSIM) en 1969, un “service public de statistique offert à l’entreprise, à l’industrie et au monde de l’enseignement au Canada” […] La comptabilité nationale venait d’entrer dans l’ère électroniqueNote 44. »

2.3.4.2 Les comptes des ressources et des emplois

L’arrivée des ordinateurs facilite aussi grandement l’élaboration des comptes des ressources et des emplois, appelés tableaux d’entrées-sorties (e-s) à l’époque. « Simon Goldberg fut, comme d’habitude, le premier à flairer la bonne affaire. L’analyse e-s avait pour lui un double attrait. Elle offrait la promesse de mettre la comptabilité nationale en contact plus étroit avec l’économie, de démêler l’écheveau des opérations intermédiaires qui constituaient le pouls économique quotidien du pays. Elle offrait également un puissant moyen de vérifier la cohérence des statistiques des comptes nationaux : à chaque intrant devait correspondre une donnée en contrepartie du côté des sorties. »Note 45 En fait, cette dernière fonction constitue un outil de vérification puissant pour la plupart des statistiques économiques du Bureau, autant pour les résultats des enquêtes que pour la production des comptes nationaux.

Ces comptes nécessitent une énorme quantité de données de base sur la production et la consommation intermédiaire des établissements commerciaux canadiens et les dépenses de consommation finale des secteurs institutionnels. Le système d’enquêtes-entreprises du Bureau doit être remanié de fond en comble afin de permettre une collecte efficace et exhaustive des données requises, et les mesures à prendre à cette fin se poursuivent depuis des décenniesNote 46.

Un premier tableau expérimental des entrées-sorties est produit pour l’année 1949, puis publié en 1956. Il est ventilé entre 42 industries. Ce travail est dirigé par Jack Sawyer. Dans les années 1960, il est décidé de créer un programme de tableaux d’entrées-sorties rectangulaires annuels des industries par catégorie de produits. Une division des statistiques d’entrées-sorties est établie. En font partie les économistes Terry Gigantes, Shaila Nijhowne et Kishori Lal, qui joueront chacun un rôle important dans les décennies à venir. Le programme des statistiques d’entrées-sorties prend de l’ampleur au fil des ans et devient le pilier du système de comptes macroéconomiques équilibrésNote 47, Note 48.

2.3.4.3 La productivité

Les statistiques des tableaux d’entrées-sorties répondent parfaitement aux besoins d’un autre programme apparu dans les années 1960 qui vise à mesurer les variations de la productivité canadienneNote 49. Ce domaine présente encore de nos jours de nombreux défis, car il met l’accent sur la différence entre le taux de croissance des entrées et celui des sorties. Il exige des mesures très précises des deux taux, qui doivent être comparables sur le plan de la définition, de la couverture, de l’évaluation et de l’actualité. Au début, l’attention est concentrée sur la productivité du travail, c’est-à-dire le rapport entre la production totale d’une industrie et l’intrant travail total de cette industrie. On s’intéresse ensuite à la productivité multifactorielle, qui est le rapport entre la production totale d’une industrie et la moyenne pondérée de tous les intrants utilisés par cette industrie (capital, travail, énergie, matières, services).

2.3.4.4 La révision historique de 1969

Les années 1960 se terminent par la diffusion d’une importante révision historique des comptes nationaux du CanadaNote 50. Cette révision couvre la période de 42 ans allant de 1926 à 1968 et intègre les changements conceptuels convenus à l’échelle internationale dans la norme SCN 1968Note 51 ainsi que les modifications statistiques découlant de l’exploitation d’un certain nombre de sources de données nouvelles ou améliorées. Entre autres changements, les dépenses d’investissement des administrations publiques à l’exclusion des dépenses en capital pour la défense sont reconnues comme faisant partie de la formation brute de capital fixe, tout comme les coûts de transfert sur la vente ou l’achat des immobilisations existantes. Avec l’arrivée de l’assurance-maladie universelle, les hôpitaux publics sont transférés du secteur des particuliers au secteur des administrations publiques. Ces changements et d’autres modifications entrées en vigueur dans le cadre de la révision sont résumés au tableau 2.3. Le PNB est haussé de 6,1 % par rapport aux estimations précédentes, et ce changement de niveau est intégré aux statistiques des années antérieures.

Tableau 2.3 Changements mis en œuvre lors de la révision historique de 1969
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau 2.3 Changements mis en œuvre lors de la révision historique de 1969. Les données sont présentées selon Numéro de changement (titres de rangée) et Description(figurant comme en-tête de colonne).
Numéro de changement Description
1 La définition de la formation brute de capital fixe est étendue aux dépenses en immobilisations publiques (sans les dépenses au titre de la défense) et à tous les frais de mutation relatifs à la vente et à l'achat d'immobilisations existantes. Auparavant, les dépenses des administrations publiques et les frais de mutation des biens d'équipement étaient considérés comme des dépenses courantes. La formation de capital sous forme de stocks est étendue aux variations des actifs de surplus de guerre et des stocks des organismes publics s'occupant de produits. Le loyer imputé sur les immeubles appartenant aux administrations publiques est abandonné.
2 En 1961, les hôpitaux publics sont transférés du secteur des particuliers au secteur des administrations publiques. Les hôpitaux publics, quel que soit leur propriétaire réel, étaient auparavant considérés comme des établissements privés sans but lucratif du secteur des particuliers, toutes les dépenses hospitalières finales étant classées dans les dépenses personnelles en biens et services de consommation.
3 Les cotisations patronales et salariales aux caisses d'assurance sociale et de pension du service public sont considérées comme un paiement de transfert (de nature fiscale) des particuliers au secteur public, et non plus comme une déduction intéressant le revenu personnel. Cette nouvelle méthode fournit des estimations plus appropriées du revenu des particuliers, et elle est conforme au SCN 1968. Le revenu personnel disponible reste inchangé, le revenu personnel et les impôts payés augmentant d'un montant égal.
4 Le revenu net des particuliers au titre de la location, auparavant classé dans les intérêts et revenus de placements divers, est désormais inclus dans le revenu net des entreprises individuelles non agricoles.
5 À compter de 1949, les revenus de placements des administrations publiques comprennent uniquement les bénéfices reversés des entreprises publiques, plutôt que les bénéfices totaux. La partie reversée est considérée comme correspondant à la distribution sous forme de dividendes des bénéfices des sociétés, tandis que les bénéfices non déclarés restent dans l'épargne des sociétés et des entreprises publiques. Cette méthode est conforme à celle recommandée dans le SCN 1968. Les impôts payés par les entreprises publiques sont inclus dans les impôts directs des sociétés.
6 À compter de 1947, le revenu du secteur public sous forme de redevances au titre des ressources naturelles est redéfini comme un revenu de placements au lieu d'une rentrée d'impôts indirects.
7 Les bénéfices des régies provinciales des alcools sont transférés des revenus de placements des administrations publiques aux impôts indirects.
8 Les retenues fiscales sont considérées comme faisant partie des revenus des non-résidents tirés de la production canadienne. Elles apparaissent donc dans les comptes sectoriels, comme paiement de transfert des non-résidents aux administrations publiques.
9 Les nouveaux comptes sectoriels prévoient des paiements de transfert dans le compte des non-résidents et permettent donc de mieux traiter différents éléments, notamment les contributions officielles de l'État et les pensions versées à l'étranger, ainsi que les sommes versées par des particuliers et destinées à l'étranger ou au Canada. Ces éléments, auparavant comptabilisés dans les dépenses finales, figurent désormais dans les transferts intersectoriels.
10 Les créances irrécouvrables dues par des particuliers à des sociétés et amorties dans les livres comptables sont considérées comme un paiement de transfert des sociétés aux particuliers et sont donc transférées des ajustements divers aux bénéfices des sociétés. Les créances irrécouvrables dues par des particuliers à des entreprises individuelles sont également reportées des ajustements divers au revenu net des entreprises individuelles non agricoles.
11 La partie non productive des intérêts sur la dette de consommation est considérée comme un paiement de transfert des particuliers aux sociétés, afin de mieux représenter les dépenses des particuliers. Aucune modification n'est apportée à l'épargne des entreprises ni à celle des particuliers, car cet élément est déjà exclu des revenus et des dépenses de chaque secteur.
12 Les services de distribution d'eau des municipalités sont reclassés des entreprises publiques vers les administrations publiques. Un traitement inverse est appliqué à la Société Radio-Canada à compter de 1959.
13 Les revenus de placements des régimes de pensions en fiducie visant les fonctionnaires sont reclassés comme revenus de placements des particuliers.
14 Les cotisations de l'employeur aux régimes de pensions des Forces armées sont reclassées de salaires, traitements et revenus supplémentaires vers la solde et les indemnités militaires.
15 L'ancien compte d'affectation des revenus de placements est remplacé par un compte des revenus et des dépenses des sociétés et des entreprises publiques. Il existe donc des comptes des revenus et des dépenses pour les quatre secteurs : les particuliers (y compris les établissements privés sans but lucratif) et les entreprises individuelles; les administrations publiques; les sociétés et les entreprises publiques; les non-résidents.
16 Outre le recensement de 1961, une importante nouvelle source de renseignements sur les salaires, les traitements et les revenus supplémentaires du travail est la totalisation des salaires et traitements à partir des formules T4 relatives aux gains des salariés transmises par les employeurs, totalisation entreprise par le ministère du Revenu national par suite de l'introduction du Régime de pensions du Canada.
17 Les estimations des provisions pour consommation de capital des sociétés se fondent désormais sur les estimations de l'« amortissement » par les sociétés plutôt que sur les « déductions pour amortissement du capital ». Les dernières sont touchées par les politiques fiscales du gouvernement, tandis que les premières se rapprochent davantage de l'amortissement économique. De plus, les déductions pour amortissement des administrations publiques sont évaluées au coût de remplacement.
18 Le nombre de construction résidentielle neuve pour la période allant de 1926 à 1950 est réévalué sur la base des marchés attribués au cours de la période précédant la Seconde Guerre mondiale, des données du Recensement de la construction pour les années de guerre, des permis de construction et des mises en chantier recensées par la Société centrale d'hypothèques et de logement pour la période d'après-guerre. Auparavant, les estimations se fondaient sur les fluctuations intercensitaires du parc immobilier déduites des données censitaires et interpolées sur les variations de l'indice de consommation annuelle de certains matériaux de construction.
19 Des ajustements de productivité et de marge bénéficiaire sont intégrés aux déflateurs de la construction résidentielle et non résidentielle. Étant donné l'absence d'indices des prix du marché, il est nécessaire de construire ces déflateurs à partir des indices de prix aux coûts de production. Les anciens déflateurs laissaient à désirer, car ils retranchaient des estimations en dollars courants non seulement les fluctuations pures des prix, mais aussi les modifications attribuables aux fluctuations de la productivité et des marges bénéficiaires.

2.3.5 Les années 1970 et 1980

Les années 1970 et 1980 sont des années de consolidation pour les comptes macroéconomiques. Ceux-ci sont désormais fermement établis au Canada, et leurs principaux éléments sont déjà en place. Le nouveau défi consiste à améliorer et à élargir un système déjà solide et assez complet.

2.3.5.1 La nouvelle documentation

En mars 1975, Statistique Canada publie de la documentation exhaustive en trois volumes sur les comptes nationaux, appelée informellement le « livre orange ». Le volume 1 présente la série complète des estimations annuelles des comptes des revenus et des dépenses pour la période allant de 1926 à 1974. Le volume 2 renferme les estimations trimestrielles de 1947 à 1974. Le volume 3 contient une explication détaillée des définitions, des concepts, des sources de données et des méthodes associés aux comptes des revenus et des dépenses, rédigée par le directeur de la Division des comptes des revenus et des dépenses en poste à ce moment-là : Robert Crozier. Le volume 3 est disponible en format PDF sur le site Web de Statistique CanadaNote 53.

2.3.5.2 Les doutes entourant le concept du PNB

À l’arrivée des années 1970, le concept du produit national brut est si profondément ancré dans les rouages des entreprises et des administrations publiques du Canada que certains commencent à mettre en question sa domination croissante au cœur des discussions nationales sur la politique économique. Est-il raisonnable de considérer le PNB comme une mesure indirecte du bien-être national, comme beaucoup semblent le faire, et de plus en plus? « Le gouvernement du Canada et le Bureau fédéral de la statistique étudient-ils la possibilité d’inclure dans le calcul du produit la valeur de la femme d’intérieur et des services ménagers à la maison? », demande Ed Broadbent, député à la Chambre des communes, en 1970Note 54. Quatre ans plus tard, le premier ministre Pierre Trudeau déclare : « La prospérité est partout le cri de ralliement des hommes politiques. Mais qu’advient-il du bonheur dans tout cela? […] Dans notre aveuglement, combien de fois réfléchissons-nous au fait que les ordinateurs qui calculent le PNB magique considèrent sur un pied d’égalité la fabrication d’un véhicule motorisé et un accident d’automobile mortel (…) Si l’on dépense de l’argent, le PNB augmente. L’économie en bénéficie (…) En notre for intérieur, nous savons que c’est faux. »Note 55

Aux États-Unis, les professeurs James Tobin et William Nordhaus suggèrent qu’on pourrait avoir accordé une trop grande attention à l’indicateur désormais bien établi du PNB. En 1972, ils élaborent un autre indicateur du bien-être qu’ils qualifient de « mesure du bien-être économique ». En prenant le PNB comme point de départ, ils apportent des rajustements à la hausse pour la valeur imputée des loisirs et des services associés au travail non rémunéré et soustraient la valeur imputée des dommages environnementaux attribuables aux activités de production et de consommation.

2.3.5.3 La valeur imputée des travaux ménagers

Aucune estimation de la mesure du bien-être économique comme telle n’est élaborée pour le Canada durant les années 1970, mais Statistique Canada étudie la questionNote 56 et génère des estimations expérimentales de la valeur imputée des travaux ménagers. En 1978, Hans Adler et Oli Hawrylyshyn produisent des estimations pour 1961 et 1971 et affirment qu’en multipliant des taux bien choisis de rémunération du marché par le temps consacré aux travaux ménagers — cette dernière information provenant des enquêtes sur l’emploi du temps —, on obtient des résultats équivalant à 40 % du PNB du Canada. Ces estimations seront mises à jour de temps à autre au cours des années subséquentes.

2.3.5.4 Les statistiques environnementales

Dans les années 1970, on commence à déployer des efforts afin de produire des statistiques pertinentes sur la relation entre l’économie et l’environnement, mais les progrès sont lents au Canada et dans d’autres pays. Un des principaux problèmes est que le coût des effets préjudiciables de la pollution de l’air, des eaux et des sols n’est pas évalué sur le marché et que seule une évaluation indirecte est possible. En outre, Statistique Canada n’a pas encore mis au point les instruments d’enquête nécessaires pour évaluer les dépenses privées et publiques associées à la dépollution et à d’autres activités de nature environnementale. Un nouveau recueil de statistiques intitulé L’activité humaine et l’environnement est néanmoins publié pour la première fois en 1978. Ce recueil rassemble un large éventail de données qui font la lumière sur la relation entre l’environnement et l’économie et qui proviennent de Statistique Canada, d’Environnement CanadaNote 57 et d’autres sources. Le livre sera mis à jour et republié à de nombreuses reprises par la suite.

2.3.5.5 L’actualité des comptes nationaux

Une réalisation importante du milieu des années 1970 est l’amélioration de l’actualité des estimations trimestrielles des comptes des revenus et dépenses et de la balance des paiements. Jusque-là, les estimations étaient rendues publiques dans les 95 à 100 jours suivant le trimestre de référence. Cependant, d’autres pays produisent leurs données plus rapidement, et les utilisateurs des comptes demandent une réduction importante des délais de diffusion. Les États-Unis, en particulier, diffusent des estimations préliminaires du PNB seulement deux semaines après le trimestre de référence. En 1979, Cyril Hodgins mène une étude afin d’examiner les options et les compromis qui aideraient à accélérer la diffusion des comptes des revenus et dépensesNote 58. Les efforts déployés, conjugués à certains compromis, permettent de réduire le délai de diffusion des estimations officielles à 60 jours, délai qui est encore en vigueur aujourd’hui.

2.3.5.6 Les révisions excessives des années 1970

Le programme des comptes macroéconomiques de Statistique Canada traverse une crise qui prend graduellement de l’ampleur tout au long des années 1970. La croissance très rapide de l’économie au début de la décennie faisant monter l’inflation. De ce fait, deux des principales enquêtes de base des comptes des revenus et dépenses — l’enquête sur l’emploi et l’enquête sur le commerce de détail — sous-estiment de façon constante et substantielle la croissance du revenu nominal. Le nombre d’entreprises en exploitation augmente rapidement, mais le système d’enquête d’alors n’est pas en mesure d’appréhender cette dimension de l’économie croissante. Du côté des revenus, les salaires et traitements sont largement sous-évalués dans les estimations préliminaires et, du côté des dépenses, les estimations des dépenses des ménages en biens et services sont elles aussi trop faibles. Il faudra un certain temps avant que l’organisme reconnaisse pleinement cette sous-estimation, mais il finit par la diagnostiquer et la corriger en tirant des données repères très fiables sur le revenu du travail de la base de données T4 de l’Agence du revenu du Canada (alors appelée Revenu Canada). Les estimations des revenus et dépenses subissent une importante révision à la hausse. La réputation de Statistique Canada en prend toutefois un coup, d’autant plus que l’organisme connaît d’autres graves problèmes à ce moment-làNote 59.

Pour faire face à la situation, le gouvernement établit deux commissions chargées de faire enquête sur l’organisme, l’une dirigée par le cabinet d’experts-conseils Price-Waterhouse et l’autre, par sir Claus Moser, un célèbre statisticien britannique. Les principales conclusions des deux rapports sont qu’il existe un problème avec la direction de l’organisme et qu’une plus grande priorité doit être accordée aux questions méthodologiques liées aux statistiques des entreprises et des comptes nationaux. Certains changements importants sont apportés à la direction en réponse aux rapports, dont la nomination, en 1981, d’un nouveau statisticien en chef de l’extérieur de Statistique Canada : Martin Wilk.

Wilk prend de vigoureuses mesures pour réorienter Statistique Canada, mais doit prendre sa retraite en 1985 pour des raisons de santé. Ivan Fellegi lui succède. « Néanmoins, pendant près de quatre décennies, il [Fellegi] avait assisté au développement, en taille et en maturité, du petit groupe de comptabilité nationale au pré Tunney. Il avait connu Simon Goldberg. Il comprenait les données qui alimentaient les comptes nationaux à partir du vaste filet des enquêtes de l’agence. Une fois installé dans le bureau du statisticien en chef, Ivan Fellegi comprit, et c’est ce qui fait sa force, qu’il fallait doter l’équipe de la comptabilité nationale d’une base organisationnelle solide, ne pas laisser entrer le loup budgétaire dans la bergerie et encourager constamment de nouvelles applications des comptes nationaux au profit de la société civile. Forts de cette protection, les comptables nationaux de Statistique Canada furent libres de poursuivre sur leur lancée créative pendant la dernière partie des années 1980 et durant les années 1990Note 60. »

2.3.5.7 Le Comité consultatif sur le système de comptabilité nationale

Dans les années 1980, pour rétablir sa réputation, Statistique Canada s’efforce de communiquer plus fréquemment et plus directement avec ses utilisateurs et ses fournisseurs de données. En 1984, l’organisme établit un Comité consultatif sur le système de comptabilité nationale constitué d’une douzaine d’économistes hautement qualifiés de tout le Canada qui s’intéressent de près aux statistiques des comptes nationaux. La plupart des membres sont des professeurs d’université et des chercheurs dans le domaine de l’économie. Le Comité compte aussi des membres de haut niveau de Finances Canada et de la Banque du Canada. Il se réunira deux fois l’an à partir de ce moment et fournira une foule de bons conseils à l’organisme sur le Système canadien des comptes macroéconomiques.

2.3.5.8 La révision historique de 1986

En 1986, Statistique Canada diffuse une révision historique des comptes nationaux couvrant la période de 1961 à 1985Note 61. En 1985, le PNB est révisé à la hausse de 1,8 %, et la révision est reportée sur les années précédentes. La plus importante révision concerne les dépenses de construction résidentielle pour les améliorations et modifications majeures et se fonde en grande partie sur les nouvelles données tirées des résultats de l’Enquête sur les dépenses des familles (EDF) de 1982, qui comportait des questions conçues pour répondre aux exigences des comptes nationaux. Le tableau 2.4 présente une liste des plus importants changements apportés lors de cette révision historique.

Avant cette révision, il n’était pas obligatoire que les principaux agrégats des comptes nationaux soient les mêmes dans tout le système. Par exemple, le total des dépenses des particuliers en biens et services de consommation (comme cela s’appelle à l’époque) dans les comptes des revenus et dépenses diffère du total correspondant des tableaux des ressources et des emplois, bien qu’il s’agisse du même concept. À la suite de cette révision, ces agrégats devront être les mêmes dans toutes les parties du Système des comptes macroéconomiques.

Dans le cadre de la révision, les estimations des dépenses aux prix constants sont rajustées en prenant 1981 comme année de base. Par ailleurs, les comptes adoptent un indice de prix hédonique pour les ordinateurs qui a été mis au point conjointement par le Bureau of Economic Analysis (BEA) des États-Unis et l’IBM Corporation. L’indice auparavant utilisé pour exprimer en prix constants la partie informatique des investissements en machines et matériel et les importations de matériel informatique ne subit que des rectifications modestes pour les changements de qualité et affiche des hausses graduelles des prix avec le temps. Par contraste, le nouvel indice des prix BEA-IBM reflète l’amélioration considérable de la qualité des ordinateurs au fil du temps et les baisses substantielles des prix. En conséquence, les estimations aux prix constants pour les investissements en machines et matériel et les importations de machines et de matériel subissent une importante révision à la hausse.

Dans le cadre de la révision, Statistique Canada adopte le produit intérieur brut (PIB) comme principale mesure des comptes nationaux, au lieu du produit national brut (il continue quand même de produire des estimations du PNB). Le PIB évalue le revenu gagné et la production à l’intérieur des frontières géographiques du pays, peu importe que ceux qui perçoivent le revenu soient résidents ou non. Par contraste, le PNB mesure le revenu gagné par les résidents du pays, que le revenu soit gagné au pays ou à l’étranger. Autrement dit, le PIB est égal au PNB plus le revenu canadien gagné par les non-résidents moins le revenu étranger gagné par les résidents. Le PNB est un meilleur indicateur du revenu des résidents canadiens, mais le PIB est une mesure supérieure de la production à l’intérieur des frontières canadiennes et est en corrélation plus étroite avec d’autres indicateurs macroéconomiques tels que l’emploi et l’inflation. En outre, l’utilisation du PIB, plutôt que du PNB, comme principal agrégat des comptes des revenus et dépenses cadre mieux avec les comptes provinciaux et les comptes fondés sur l’industrie, qui sont tous regroupés avec le PIB. Le SCN 1968 des Nations Unies met l’accent sur l’agrégat du PIB, et la plupart des pays focalisent aujourd’hui leurs systèmes de comptabilité macroéconomique sur cet agrégat.

Tableau 2.4 Changements mis en œuvre lors de la révision historique de 1986Note 62
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau 2.4 Changements mis en œuvre lors de la révision historique de 1986. Les données sont présentées selon Numéro de changement (titres de rangée) et Description(figurant comme en-tête de colonne).
Numéro de changement Description
1 À partir de cette révision, les agrégats tels que le produit national brut (PNB), les dépenses des particuliers en biens et services de consommation et le total des salaires, traitements et revenus supplémentaires du travail, doivent être les mêmes dans toutes les parties du Système canadien des comptes macroéconomiques.
2 Les dépenses de construction résidentielle pour les améliorations et modifications majeures sont considérablement majorées, surtout sur la base des nouvelles données tirées des résultats de l’Enquête sur les dépenses des familles (EDF) de 1982, qui contenait des questions conçues pour répondre aux exigences des comptes nationaux. Ces révisions ont un effet marqué sur les estimations de la construction résidentielle, des loyers nets, des dépenses des particuliers en biens de consommation et de l'épargne des particuliers.
3 La solde et les indemnités militaires comprennent désormais les contributions versées par l'employeur au titre des régimes d'assurance-maladie pour le compte du personnel militaire.
4 Les bénéfices des sociétés sont révisés à la hausse en raison de l'élimination de la radiation des créances irrécouvrables des entreprises en tant que dépenses courantes dans le calcul des bénéfices des banques et de l'inclusion des retenues fiscales versées à des gouvernements étrangers (figurant comme transferts à des non-résidents dans les comptes des revenus et des dépenses).
5 Les impôts indirects des administrations locales moins les subventions sont révisés à la baisse en raison de la reclassification des frais de scolarité et des redevances d'eau du Québec dans la catégorie des ventes de biens et services. Les subventions octroyées par les administrations locales aux réseaux de transport en commun sont incluses dans les subventions. En outre, une partie des intérêts sur les investissements par les administrations publiques, incluse par erreur dans les impôts indirects divers, est désormais incluse dans les revenus de placements.
6 Les dépenses en biens et services liées à la défense sont réduites par suite de l'exclusion des subventions à la recherche en matière de défense, qui sont désormais traitées comme aide en capital.
7 Les dépenses de formation de capital des administrations publiques sont réduites par suite de la reclassification du secteur des administrations publiques au secteur des entreprises, des dépenses en immobilisations de la Société canadienne des postes et des écoles privées.
8 Un changement important est apporté au calcul de la valeur de la variation matérielle des stocks des fabricants, qui est désormais effectué par stade de fabrication. Ce changement est mis en œuvre rétroactivement à 1961.
9 Les exportations et importations de services sont révisées en raison de l'inclusion des retenues fiscales versées au gouvernement du Canada par les non-résidents et des dépenses en services d'éducation et de santé des résidents à l'étranger et des non-résidents au Canada.
10 Dans le cadre de la révision, les estimations des dépenses aux prix constants sont réévaluées en fonction de l'année de base 1981.
11 Un indice hédonique des prix est adopté pour les ordinateurs; il a été mis au point conjointement par le Bureau of Economic Analysis (BEA) des États-Unis et la société IBM. Le nouvel indice de prix reflète les énormes progrès réalisés dans le domaine de l'informatique au fil du temps et les baisses substantielles de prix. En conséquence, les estimations aux prix constants sont substantiellement majorées pour les dépenses d'investissement en machines et matériel et les importations de machines et de matériel.
12 Statistique Canada adopte le produit intérieur brut (PIB) en tant que principale mesure des comptes nationaux, en remplacement du produit national brut (mais il produit encore des estimations du PNB). Bien que les estimations du PNB réel ne soient plus diffusées, le conseil suivant est offert : « L'utilisateur qui souhaite calculer le PNB aux prix constants peut le faire en déflatant les revenus de placements nets reçus des non-résidents au moyen de l'indice implicite de prix global du PIB, puis en ajoutant le résultat au PIB aux prix constants. »
13 De nouveaux tableaux sont ajoutés au Système de comptes macroéconomiques permettant d'intégrer plus de détails sur les dépenses des particuliers en biens et services de consommation et sur l'investissement en capital fixe et en stocks, aux prix courants et aux prix constants de 1981. D'autres détails sont fournis sur le revenu du travail et les provisions pour consommation de capital par secteur. Le tableau des revenus et des dépenses publics est réparti en tableaux distincts pour chaque ordre de gouvernement.
14 Des changements sont apportés à la classification des dépenses en biens des particuliers selon la catégorie de durabilité afin d'assurer une plus grande conformité aux recommandations des Nations Unies.
15 La formation brute de capital fixe est définie de manière à inclure le capital fixe des administrations publiques (à l'exclusion des dépenses en défense) ainsi que tous les frais de mutation relatifs à la vente et à l'achat d'immobilisations existantes.
16 La formation du capital dans les stocks est étendue aux variations des actifs de surplus de guerre et des stocks des organismes publics s'occupant de produits.
17 Le loyer net imputé des immeubles appartenant à des administrations publiques est abandonné.

Seulement trois ans après la révision historique, Statistique Canada publie le Guide de l'utilisateur pour le Système de comptabilité nationale du CanadaNote 63, qui, comme le guide actuel, vise à décrire les concepts et la structure des comptes tels qu’ils existent à ce moment-là.

Les participants clés à la révision historique de 1986 comprennent Stewart Wells, Kishori Lal, Barbara Clift, Albert Meguerditchian et John Randall, qui ont rédigé le Guide de l’utilisateur.

2.3.5.9 L’amélioration des comptes financiers et de bilan

Publiés en 1983-1984, les premiers comptes du bilan national du Canada couvrent les actifs financiers et non financiers, les passifs et la valeur nette de tous les secteurs de l’économie, y compris un bilan national consolidé intégrant le bilan des investissements internationaux. Ces comptes se fondent en partie sur les lignes directrices provisoires des Nations Unies sur les comptes du bilan et le rapprochement des stocks et des flux, publiées en 1978. Les comptes de rapprochement des stocks et des flux sont aussi publiés en 1985.

En 1987, des agrégats de crédit sont introduits dans les comptes financiers du Canada en tant qu’extension des comptes du bilan national, à la suite des travaux précurseurs de Benjamin M. Friedman, qui soutient que les banques centrales doivent surveiller les agrégats de crédit plutôt que les agrégats monétairesNote 64. Ces agrégats figurent parmi les séries les plus fréquemment citées du compte du bilan trimestriel.

2.3.6 Les années 1990 et 2000

L’élaboration du Système des comptes macroéconomiques du Canada se poursuit dans les années 1990 et 2000. Les principales améliorations comprennent la création de comptes provinciaux et territoriaux et de plusieurs nouveaux comptes satellites. Des études sont menées sur la taille possible de l’économie non mesurée, aussi appelée « économie souterraine », et les comptes financiers sont mis à jour. La période est caractérisée par d’importantes révisions historiques en 1997 et 2012-2015.

2.3.6.1 Les comptes provinciaux et territoriaux

Un des principaux thèmes du développement des comptes macroéconomiques dans les années 1990 est l’expansion et l’amélioration des comptes économiques provinciaux et territoriaux. Les premières estimations des comptes des revenus et dépenses pour les 10 provinces sont produites sur une base expérimentale dans les années 1980. Ces estimations sont ensuite étendues aux trois territoires du Nord, et la décomposition prix-volume est appliquée à ces comptes au début des années 1990. L’échéancier de diffusion officielle est aussi considérablement amélioré.

En 1996, un « Projet d’amélioration des statistiques économiques provinciales » (PASEP) quinquennal est lancé à l’initiative de Finances Canada. L’objectif est d’élaborer un système de comptes de ressources et d’emplois annuels pour les provinces et territoires. Ces comptes doivent constituer une source de statistiques pour une nouvelle formule de répartition des recettes de la taxe de vente harmonisée (TVH) entre le gouvernement fédéral et les provinces. L’entente entre les administrations participantes est signée le 23 octobre 1996, mais la taxe même entre en vigueur le 1er avril 1997. Les statistiques doivent être fiables et mériter la confiance de toutes les administrations participantes. Au début, quatre administrations participent directement à l’entente : Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et le gouvernement fédéral. Le Québec participe également, mais d’une façon différente. On s’attend à ce que les autres provinces signent l’entente dans l’avenir.

L’atteinte des objectifs du projet nécessite une expansion et une refonte majeures du système d’enquête. Il faut accroître la taille des échantillons et repenser les stratégies d’échantillonnage de nombreuses enquêtes existantes pour couvrir toutes les provinces et tous les territoires de façon adéquate. Il faut également lancer de nouvelles enquêtes afin de combler des lacunes statistiques. D’autres données administratives, particulièrement de l’Agence du revenu du Canada, doivent être acquises, organisées et préparées en vue de leur utilisation avec les données d’enquête. Le registre des entreprises — une vaste base de données contenant des renseignements de base sur toutes les entreprises canadiennes ayant un revenu annuel de plus de 30 000 $ — doit être élargi et amélioré. Ce ne sont là que quelques-unes des mesures nécessaires pour recueillir l’énorme quantité de données requises pour produire les tableaux des ressources et des emplois des provinces et territoires.

À la fin du projet en 2001, le Canada se retrouve avec le système de comptes régionaux le plus détaillé et le plus complet au monde, ce qui est encore vrai de nos jours.

2.3.6.2 L’économie souterraine

En 1994, Statistique Canada publie une étude importante examinant l’ampleur de l’économie non mesurée ou économie souterraine. L’étude examine chacune des enquêtes et sources de données administratives utilisées pour produire les estimations du produit intérieur brut et pose la question : dans quelle mesure ces sources de données sont-elles invariablement sous-estimées? Des limites supérieures de l’erreur possible de sous-estimation continue sont attribuées à chacune des principales sources de données, sur la base des connaissances et du jugement des experts des comptes nationaux et des statisticiens des enquêtes-entreprises qui utilisent ces sources de données et qui en sont responsables. Cela permet de calculer une estimation de la limite supérieure de la mesure dans laquelle le PIB pourrait être systématiquement sous-estimé. Des études semblables sont réalisées chaque année depuis 2009. Il est important de surveiller la taille potentielle de l’économie souterraine pour que le Canada dispose d’une mesure globale de l’activité économique. Toutes les études effectuées à ce jour indiquent que la valeur maximale de l’économie souterraine du Canada pourrait correspondre à 2 % ou 3 % du produit intérieur brut.

2.3.6.3 Les comptes des flux financiers et du bilan national

Les comptes financiers sont améliorés durant cette période. Le Guide des comptes des flux financiers et du bilan national, un manuel détaillé, est publié en 1989Note 65.

Entre 1992 et 1996, le délai de diffusion des comptes des flux financiers trimestriels passe d’environ 90 jours à environ 60 jours après la fin de la période de référence, ce qui correspond au délai de diffusion des autres composantes des comptes nationaux trimestriels. Cela permet de synchroniser l’analyse de la demande globale et de ses composantes avec celle des opérations financières et ouvre la voie aux comptes sectoriels intégrés diffusés en 1997.

En 2003, la fréquence de diffusion des comptes du bilan national et des estimations du bilan des investissements internationaux passe d’annuelle à trimestrielle. De plus, certains types d’actifs de ces comptes sont désormais exprimés à la valeur marchande plutôt qu’à la valeur comptable.

Un nouveau compte satellite des pensions diffusé en 2010 présente les composantes secteur privé et secteur public du système de pensions canadien dans un cadre dynamique d’actifs et de réserves/de flux de revenus et de contributions.

En 2012, les estimations du bilan des investissements directs contenues dans le compte du bilan des investissements internationaux sont converties d’une évaluation au coût historique à une évaluation au prix du marché. Les titres non cotés sont également évalués aux prix du marché pour la première fois, ce qui signifie que l’ensemble du bilan est évalué aux prix du marché.

En 2015, les estimations des comptes du bilan national sont étendues aux estimations trimestrielles des actifs en ressources naturelles.

2.3.6.4 Les comptes satellites

Les années 1990 voient également la création d’un certain nombre de « comptes satellites » canadiens. Ces structures statistiques sont étroitement liées à la norme du Système de comptabilité nationale et adoptent une grande partie de ses concepts, conventions et classifications, tout en s’éloignant de la norme sur certains points importants. Cette approche assouplit le Système des comptes macroéconomiques et permet de régler certaines questions importantes qui ne cadrent pas naturellement avec le système standard.

2.3.6.4.1 Le compte satellite des ressources environnementales et naturelles

La comptabilité satellite des ressources environnementales et naturelles est introduite au Canada au début des années 1990. En 1991, le gouvernement affecte un financement permanent à Statistique Canada à cette fin. En 1994, une importante conférence internationale sur les comptes nationaux et l’environnement tenue à Londres, en Angleterre, stimule considérablement les efforts de comptabilité environnementale. Il faudra plusieurs années pour élaborer les enquêtes et préparer les comptes nécessaires, mais le Canada possède aujourd’hui un des meilleurs systèmes de comptabilité satellite environnementale au monde. Des comptes de flux physiques annuels ainsi que certaines enquêtes environnementales sont désormais disponibles. De surcroît, le Canada mène des travaux de recherche dans le domaine de l’évaluation des écosystèmes et crée un compte des terres. En 2012, la Commission de statistique des Nations Unies adopte la première norme internationale pour ce genre de comptabilité, appelée Système de comptabilité économique et environnementale (SCEE).

2.3.6.4.2 Le compte satellite du tourisme

Un compte satellite du tourisme est également créé dans les années 1990, avec l’appui financier de la Commission canadienne du tourisme. Ces travaux commencent en 1991Note 66. L’idée est de combiner les renseignements disponibles sur les nombreuses industries qui vendent des biens et des services aux particuliers, résidents ou non, qui se rendent à une distance considérable de leur résidence. Ces statistiques permettent d’analyser les effets du tourisme sur la production et l’emploi au Canada.

2.3.6.4.3 Le compte satellite des établissements sans but lucratif et du bénévolat

Un compte satellite des établissements sans but lucratif et du bénévolat est créé en 2005 afin de déterminer la contribution économique du secteur sans but lucratif du Canada et d’aider à comprendre ses interactions avec d’autres secteurs de l’économie. Le compte contient un ensemble de statistiques économiques décrivant le secteur sans but lucratif du Canada. Il regroupe un ensemble de comptes économiques standard et une extension hors marché afin d’attribuer une valeur économique au travail bénévole non rémunéré.

2.3.6.4.4 Le compte satellite de la culture

Un compte satellite de la culture est créé en 2010. Il fournit des mesures de l’importance économique de la culture (y compris les arts et le patrimoine) et du sport au Canada en termes de production, de produit intérieur brut et d’emploi.

2.3.6.5 La révision historique de 1997

En 1993, une importante mise à jour de la norme internationale pour la comptabilité nationale, appelée SCN 1993, est publiée. À peu près à la même époque, le Fonds monétaire international publie la cinquième édition du Manuel de la balance des paiements (MBP5). Après la parution de ces documents, Statistique Canada entreprend de modifier les comptes macroéconomiques du Canada afin de se conformer le plus possible aux nouvelles normes. Comme lors des mises à jour antérieures visant à assurer la conformité avec les normes internationales, le Canada s’efforce d’aligner ses comptes sur les normes afin de faciliter les comparaisons internationales. Il juge toutefois opportun de s’éloigner des normes à certains égards afin de mieux refléter les sources de données disponibles et la structure institutionnelle du pays. La révision historique des comptes canadiens est publiée en novembre 1997 et couvre la période écoulée depuis le premier trimestre de 1961Note 67. Le tableau 2.5 souligne les principaux changements mis en œuvre lors de cette révision.

Tableau 2.5 Changements mis en œuvre lors de la révision historique de 1997Note 68
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau 2.5 Changements mis en œuvre lors de la révision historique de 1997. Les données sont présentées selon Numéro de changement (titres de rangée) et Description(figurant comme en-tête de colonne).
Numéro de changement Description
1 Les indemnités de retraite (indemnités de départ) sont incluses dans les revenus supplémentaires du travail à compter de 1990, année où les données de l'Agence du revenu du Canada ont été mises à la disposition de Statistique Canada. Ces indemnités étaient auparavant omises en raison d'un manque de données de base.
2 Certains impôts sur la masse salariale des employeurs sont exclus des revenus supplémentaires du travail parce qu'il n'y avait aucun avantage économique connexe direct pour les employés. Ils sont reclassifiés comme impôts sur la production.
3 À compter de 1961, les dépenses pour soins médicaux et hospitalisation ne sont plus déduites des revenus de cotisations des commissions des accidents du travail lors de l'estimation des contributions de l'employeur.
4 L'ajustement T4 pour sous-estimation de l'Agence du revenu du Canada pour les pourboires sur les repas, l'hébergement et la coiffure est étendu aux
services des porteurs dans les gares. On rajuste aussi à la baisse l'estimation des pourboires sur les services de coiffure et de beauté.
5 Les coûts de transfert sur la vente de logements existants sont étendus non seulement aux commissions de courtage, mais aussi aux frais juridiques et autres frais liés au transfert de logements existants.
6 Avant la révision historique, tous les achats d'équipement et d'installations par la Défense nationale étaient considérés comme des dépenses courantes. Dans le cadre de la révision et conformément au SCN 1993, les dépenses engagées pour des installations et des équipements utilisés par les forces armées qui peuvent aussi servir à des fins civiles (aéroports, quais, routes, hôpitaux, avions de transport, etc.) sont traitées comme des dépenses en immobilisations avec une imputation associée pour la consommation de capital au cours des périodes comptables subséquentes. Les achats d'armes de destruction et de leurs systèmes de soutien continuent d'être traités comme des dépenses courantes.
7 Avant la révision historique, un ajustement à la hausse était apporté chaque année aux dépenses en immobilisations au titre des machines et du matériel au sol, puisque les entreprises déclarent généralement les petits articles du compte capital comme dépenses d'exploitation plutôt que comme dépenses en immobilisations. Cet ajustement est supprimé dans le cadre de la révision, conformément au SCN 1993 et parce qu'il y a peu de renseignements disponibles sur lesquels fonder une telle correction.
8 La définition des dépenses capitalisées au titre de la prospection minière est étendue aux dépenses de prospection générale engagées par les sociétés minières pour leur propre compte, ou par des sociétés de prospection sous contrat, ainsi qu'aux dépenses encourues pour des relevés géologiques et géophysiques dans la prospection pétrolière et gazière.
9 Les paiements échelonnés sur plusieurs périodes comptables pour d'importantes acquisitions d'immobilisations sont reclassifiés comme flux financiers, plutôt que comme dépenses en immobilisations, pour les opérations entre résidents et non-résidents. Pour les opérations entre résidents, ces flux continuent d'être traités comme des dépenses en immobilisations en raison des limitations des données de base.
10 Les véhicules automobiles acquis par bail financier sont maintenant alloués au secteur utilisateur, comme le recommande le SCN 1993. Tous les autres biens d'équipement acquis par contrat de location continuent d'être alloués au secteur du propriétaire plutôt qu'à celui de l'utilisateur, en raison des limitations des données de base.
11 La recommandation du SCN 1993 d'enregistrer la valeur des exportations et importations de biens FAB à la frontière de l'économie exportatrice est adoptée. Les exportations et importations étaient auparavant évaluées à l'usine, et les coûts de transport de l'usine à la frontière étaient considérés comme un échange de services. Dans les tableaux des ressources et des emplois, on continue d'enregistrer les importations détaillées CAF incluant les droits de douane, lesquels sont compensés au niveau agrégé, de sorte que la valeur totale des importations de biens et services est la même que dans la balance des paiements.
12 Comme le recommande le SCN 1993, tous les biens importés pour transformation, puis réexportés sont réputés changer de propriétaire à la frontière et sont classés dans la catégorie du commerce de biens plutôt que de services. Ce changement touche surtout les importations d'uranium et d'or.
13 Comme le recommande le MBP5, le compte des voyages internationaux est reconfiguré : il inclut désormais un large éventail de biens relatifs aux voyages ainsi que les dépenses de voyage engagées à des fins éducatives et médicales, et il exclut les billets de transport (qui passent au compte des transports) et établit une nouvelle distinction entre voyage d'affaires et voyage personnel.
14 La méthode suggérée dans le SCN 1993 pour les services d'intermédiation financière indirectement mesurés (SIFIM), qui s'applique déjà aux banques, est étendue à d'autres sociétés financières. En outre, les SIFIM sur les opérations commerciales des caisses de crédit passent de la consommation des ménages à la consommation intermédiaire, et les SIFIM sont calculés pour la première fois sur les dépôts et les emprunts des administrations publiques.
15 Le partage de la production des SIFIM entre les déposants et les emprunteurs est recalculé en fonction de la valeur des dépôts et des prêts en souffrance, et la part attribuée aux déposants de chaque secteur se fonde sur la part des dépôts du secteur.
16 La recommandation du SCN 1993 d'affecter les SIFIM aux exportations et importations est adoptée dans les comptes des revenus et des dépenses et les tableaux des ressources et des emplois. Aucune affectation de ce genre n'est effectuée dans la balance des paiements, conformément aux différentes recommandations du MBP5.
17 La recommandation du SCN 1993 d'inclure les revenus de placements des réserves techniques dans la production des sociétés d'assurances est adoptée.
18 Conformément aux recommandations du SCN 1993, la catégorie « redevances gouvernementales sur les ressources naturelles » est éliminée, de même que le paiement de ces redevances sur la consommation intermédiaire des industries qui utilisent ces ressources.
19 Avant la révision historique, les producteurs non marchands n'apparaissaient pas dans les tableaux des ressources et des emplois. Leurs entrées étaient allouées directement à la consommation finale. Dans le cadre de la révision, les producteurs non marchands sont inclus dans les tableaux des ressources et des emplois, conformément aux recommandations du SCN 1993.
20 Les statistiques sur les comptes des flux financiers désaisonnalisés sont produites à un niveau d'agrégation sectoriel suffisant pour établir la correspondance avec les estimations sectorielles désaisonnalisées des comptes des revenus et dépenses.
21 Avant la révision historique, les opérations sur or étaient traitées de manière spéciale et inhabituelle. Après la révision, l'or non monétaire est traité comme un produit normal, et les opérations sur or non monétaire sont enregistrées comme des variations de stocks. La transformation d'or en actif financier par les autorités monétaires est désormais enregistrée dans le compte des autres changements d'actifs. Ce traitement est appliqué rétroactivement à 1968.
22 La recommandation du SCN 1993 d'inclure les titres garantis par des actifs dans le compte financier et celui du bilan est adoptée. Ces titres sont désormais enregistrés dans la catégorie « titres autres que les actions ». La plupart des actifs titrisés sont associés à un nouveau secteur institutionnel appelé « émetteurs de titres garantis par des actifs ».
23 Les universités sont retirées du secteur des ménages et deviennent un sous-secteur des administrations provinciales et territoriales. Les collèges sans but lucratif sont aussi classés dans ce sous-secteur. Les conseils scolaires de Terre-Neuve-et-Labrador, auparavant inscrits dans le secteur des ménages, deviennent un sous-secteur des administrations publiques locales. Les hôpitaux sans but lucratif, qui étaient auparavant un sous-secteur distinct des administrations publiques, deviennent un sous-secteur des administrations provinciales et territoriales. Tous les organismes d'assurance-dépôts, dont certains étaient auparavant classés comme entreprises commerciales, sont transférés au secteur des administrations publiques. Les sociétés d'habitation des administrations provinciales et locales passent du secteur des entreprises au secteur des administrations publiques. Toutes les modifications apportées à l'univers du secteur public entrent en vigueur à la date de création de l'unité institutionnelle ou en 1961, la date la plus récente étant retenue.
24 Tous les crédits d'impôt remboursables, dont certains étaient auparavant déduits des revenus fiscaux, sont considérés comme des dépenses.
25 La recommandation du SCN 1993 de considérer comme des impôts indirects les paiements effectués par les ménages pour obtenir des autorisations ou des permis précis, comme l'autorisation d'utiliser ou de posséder un véhicule, est adoptée. Certains de ces paiements étaient auparavant traités comme des impôts directs.
26 La recommandation du SCN 1993 de traiter les paiements effectués pour couvrir les pertes sur la production courante comme une subvention et ceux effectués pour couvrir d'importants déficits d'exploitation accumulés sur deux ans ou plus comme un transfert de capital est adoptée.
27 Les dettes annulées par les administrations publiques sont traitées comme des transferts de capital, conformément aux recommandations du SCN 1993. Les dettes radiées par des entreprises sont traitées comme des ajustements au bilan dans le compte des autres changements d'actifs.
28 Avant la révision historique, on attribuait une petite part de l'impôt sur le revenu des sociétés perçu auprès des compagnies d'assurance-vie au secteur des ménages. Cet ajustement disparaît après la révision. On considère plutôt que ces sociétés paient l'impôt en entier, et le revenu attribué au secteur des ménages est enregistré après déduction dudit impôt.
29 Les transferts de capital des administrations locales à leurs propres entreprises publiques, à d'autres entreprises ou à des particuliers, qui n'étaient pas enregistrés auparavant, sont désormais enregistrés comme transferts de capital des administrations locales.
30 Les subventions tenant lieu d'impôt payées par l’administration fédérale et les administrations provinciales aux administrations locales sont traitées comme des impôts indirects plutôt que comme des transferts.
31 Un passif de l'administration fédérale est désormais enregistré au titre des provisions pour pertes sur les prêts à l'étranger de la Société pour l'expansion des exportations et de la Commission canadienne du blé. Ces provisions pour prêts étaient auparavant déduites des actifs de l'administration fédérale dans ces sociétés.

Quatre ans après la révision historique, un autre changement recommandé dans la norme SCN 1993 entre en vigueur : la transition des estimations des dépenses en produits aux prix constants, auparavant fondées sur l’indice en chaîne rebasé tous les cinq ans de Laspeyres, à l’indice enchaîné trimestriellement de Fisher. Ce changement vise à atténuer le problème d’indexation du « biais de substitution » et à rendre les estimations du PIB réel du Canada comparables à celles des États-Unis et d’autres pays avancésNote 69.

À peu près à la même époque, les dépenses en logiciels préemballés et sous licence et en logiciels personnalisés et internes sont capitalisées dans les comptesNote 70. Ce changement affecte le bilan national ainsi que la formation brute de capital dans les comptes des revenus et dépenses et des ressources et emplois. Il aligne les pratiques du Canada sur celles des États-Unis et d’autres pays avancés qui ont intégré les logiciels à leurs estimations des investissements au cours des années précédentes. Il les aligne également sur la recommandation de la norme SCN 1993 selon laquelle les achats de logiciels par les entreprises et les administrations publiques doivent être traités dans les comptes nationaux comme des investissements plutôt que des dépenses courantes.

La recommandation du SCN 1993 selon laquelle les œuvres artistiques et créatives originales, les acquisitions nettes d’objets de valeur, les animaux utilisés pour produire année après année et les arbres cultivés dans des plantations doivent tous être capitalisés n’est pas adoptée en raison des limitations des données de base. Par ailleurs, la recommandation voulant que l’on reconnaisse cinq grands secteurs institutionnels intérieurs — les ménages (y compris les entreprises non constituées en sociétés), les institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM), les sociétés non financières, les sociétés financières et les administrations publiques — au lieu des trois secteurs d’alors — les particuliers et les entreprises non constituées en sociétés (y compris les ISBLSM), les sociétés et les entreprises publiques, et les administrations publiques — n’est pas adoptée à ce moment-là, mais elle le sera lors de la révision historique de 2012. De même, la recommandation qu’une distinction soit faite entre les dépenses de consommation finale et les dépenses de consommation finale réelle n’est pas mise en œuvre en 1997, mais elle est inscrite sur la liste des futures priorités au moment de la rédaction du présent article.

2.3.6.6 Les révisions historiques de 2012 et 2015

La dernière révision historique est diffusée en deux étapes — en 2012 et 2015 — et il reste d’autres chapitres à venir. Elle applique bon nombre des changements de la norme SCN 2008 et certains changements de la norme SCN 1993. Elle couvre les estimations remontant au premier trimestre de 1981. Les principaux éléments de cette révision historique sont répertoriés au tableau 2.6.

Tableau 2.6 Changements mis en œuvre lors des révisions historiques de 2012 et 2015Note 71
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau 2.6 Changements mis en œuvre lors des révisions historiques de 2012 et 2015. Les données sont présentées selon Numéro de changement (titres de rangée) et Description(figurant comme en-tête de colonne).
Numéro de changement Description
1 Les dépenses en recherche et développement sont transférées de la consommation intermédiaire à la formation brute de capital, comme le recommande le SCN 2008. Ces dépenses, ainsi que les statistiques existantes sur les investissements dans les logiciels et la prospection minière, sont classées dans une nouvelle catégorie d'investissements : les produits de la propriété intellectuelle.
2 Les dépenses en systèmes d'armes militaires, auparavant traitées comme des dépenses courantes des administrations publiques, sont reclassées dans la catégorie des dépenses en immobilisations, comme le recommande le SCN 2008.
3 Pour estimer la consommation de capital fixe, on utilise désormais la méthode du coût de remplacement par dépréciation géométrique. Les estimations des sociétés, des entreprises non constituées en sociétés et des entreprises publiques se fondaient auparavant sur le coût d'origine par amortissement linéaire. Le SCN 2008 recommande la méthode du coût de remplacement.
4 Le capital des entreprises non cotées et du capital inter-sociétés est estimé à la valeur marchande, comme le capital des sociétés cotées et des autres actifs et passifs du bilan national et du bilan des investissements internationaux.
5 Le classement des produits et des industries utilisé dans le Système canadien des comptes macroéconomiques (SCCM) est mis à jour de manière à fournir plus de détails qu'avant sur les services et les industries qui fournissent des services, et moins de détails sur les biens et les industries productrices de biens. Pour les dépenses de consommation des ménages, on adopte la classification internationale des dépenses de consommation individuelle selon la destination (COICOP).
6 Les six secteurs institutionnels recommandés par le SCN 2008 – les ménages, les institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM), les sociétés non financières, les sociétés financières, les administrations publiques et les non-résidents – sont adoptés. Le SCCM distinguait auparavant quatre grands secteurs : les particuliers et entreprises individuelles (y compris les ISBLSM), les sociétés (financières ou autres), les administrations publiques et les non-résidents. Un nouveau sous-secteur des administrations publiques est défini : les administrations publiques autochtones. Ces unités institutionnelles étaient auparavant incluses dans le secteur des ménages.
7 Un changement substantiel est apporté à la présentation des revenus et des dépenses. Avant 2012, le Canada suivait la présentation recommandée dans la norme SCN 1968. Le format « séquence de comptes » du SCN 2008 adopté lors de la révision historique aligne la présentation sur celle utilisée par d'autres pays.
8 Des estimations nouvelles et améliorées des statistiques du secteur des administrations publiques sont introduites, après de vastes efforts visant à adopter les concepts expliqués dans le Manuel de statistiques de finances publiques 2014 du Fonds monétaire international et à exploiter les données auparavant non disponibles des grands livres généraux des administrations provinciales, territoriales et locales. Les nouveaux concepts et méthodes comptables et les sources de données améliorées permettent de produire des mesures plus exactes des revenus, des dépenses, des soldes d'exploitation et des actifs et passifs des administrations publiques.
9 Les cotisations aux régimes de retraite à prestations déterminées, auparavant comptabilisées en trésorerie, sont désormais enregistrées selon la comptabilité d'exercice, ce qui signifie que les recettes des régimes de retraite sont enregistrées comme un revenu au moment où le travail est effectué.
10 L'amélioration des données de base entraîne une révision à la hausse des services financiers achetés par les ménages en échange de charges explicites (une composante des dépenses de consommation finale) et une réduction correspondante des services financiers achetés par les entreprises en échange de charges explicites (une dépense de consommation intermédiaire). Les frais de courtiers en valeurs immobilières payés par les ménages sont aussi révisés à la hausse.
11 Les estimations du patrimoine des ressources naturelles, calculées dans le cadre des efforts déployés pour créer un compte satellite environnemental, sont ajoutées au compte du bilan national trimestriel.
12 On améliore les estimations de la valeur marchande des biens immobiliers résidentiels en utilisant les données de base des fichiers de l'Enquête sur la sécurité financière et des fichiers d'évaluation foncière. Ces statistiques étaient auparavant calculées au moyen de la méthode de l’inventaire permanent.
13 La durée de vie de divers types d'actifs non résidentiels, de machines et de matériel est révisée, ce qui entraîne une hausse des estimations de la consommation de capital fixe et une baisse des estimations du stock de capital net.
14 Les estimations des investissements dans les structures résidentielles sont révisées à la hausse en conséquence de l'amélioration des renseignements disponibles sur la valeur des améliorations foncières transférée par les promoteurs immobiliers aux municipalités, par suite de l'aménagement de lotissements résidentiels.
15 Les subventions liées à l’assurance-récolte offertes aux agriculteurs sont reclassifiées comme subventions sur la production plutôt que sur les produits.
16 Dans le cadre des efforts déployés pour assurer une plus grande conformité aux normes comptables macroéconomiques internationales, les obligations sécurisées, les billets de dépôt au porteur et les autres titres émis par des banques à charte passent de la catégorie « passif-dépôts des banques à charte » à la catégorie « obligations et autres titres à court terme » des comptes des flux financiers.
17 Le compte des autres changements d'actifs, qui combine le compte des autres changements de volume d'actifs et le compte de réévaluation, est introduit dans la séquence des comptes, comblant ainsi la dernière lacune de la séquence qui détermine la différence entre le bilan d'ouverture et le bilan de clôture d'une période comptable donnée. Les deux composantes de ce compte, soit le compte des autres changements de volume d'actifs et le compte de réévaluation, ne sont pas encore identifiées de façon distincte.
18 La révision historique permet également d'améliorer les méthodes d'estimation pour certaines composantes des comptes nationaux, particulièrement le revenu des entreprises individuelles, la répartition sectorielle du revenu en dividendes et du revenu du travail, les estimations des indices de prix du commerce international, les estimations des dépenses de voyage, les dépenses des ménages en véhicules d'occasion ainsi que les exportations et importations de services.

Encadré 2.1

Versions des comptes des revenus et des dépenses

1. Version de 1946

La première version des comptes des revenus et des dépenses contient les statistiques annuelles de 1938 à 1945 et est conforme à la norme internationale en voie d’élaboration à ce moment-là, mais qui n’a pas encore été formalisée. Pour les statistiques mêmes et d’autres détails, veuillez consulter : Bureau fédéral de la statistique, avril 1946, Comptes nationaux, revenus et dépenses, 1938-1945, Ottawa, Edmond Cloutier, Imprimeur du Roi.

2. Version de 1962 (SCN 1953)

Cette version présente les statistiques annuelles de 1926 à 1956. Ces statistiques sont conformes à la norme SCN internationale de 1953. Pour les statistiques mêmes et d’autres détails, veuillez consulter : Bureau fédéral de la statistique, 1962, Comptes nationaux, revenus et dépenses, 1926-1956, produit no 13-502 au catalogue de Statistique Canada, Ottawa.

3. Version de 1974 (SCN 1968)

Cette version présente les statistiques annuelles de 1926 à 1974 et les statistiques trimestrielles de 1947 à 1974. Ces statistiques sont conformes à la norme SCN internationale de 1968. Les statistiques originales mêmes sont disponibles sur papier dans : Statistique Canada, 1975, Les comptes nationaux des revenus et des dépenses, volume 1, Les estimations annuelles, et volume 2, Les estimations trimestrielles, produit no 13-549-F au catalogue de Statistique Canada. Ces statistiques sont mises à jour jusqu’en 1997, année où elles sont remplacées par de nouvelles statistiques fondées sur la norme SCN 1993. Les statistiques trimestrielles de 1947 à 1997 sont disponibles dans les tableaux CANSIM 380-0500 à 380-0513 inclusivement. Les statistiques annuelles de 1926 à 1986 sont disponibles dans les tableaux CANSIM 380-0515 à 380-0569 inclusivement.

4. Version de 1997 (SCN 1993)

Cette version présente les statistiques annuelles et trimestrielles de 1961 à 1997. Ces statistiques sont conformes à la norme SCN internationale de 1993. Elles sont mises à jour jusqu’en 2012, année où elles sont remplacées par de nouvelles statistiques fondées sur la norme SCN 2008. Les statistiques trimestrielles de 1961 à 2012 sont disponibles dans les tableaux CANSIM 380-0001 à 380-0015 inclusivement. Les statistiques annuelles de 1961 à 2011 sont disponibles dans les tableaux CANSIM 380-0016 à 380-0062 inclusivement.

5. Version de 2012 (SCN 2008)

Cette version est encore en vigueur. Elle comprend les statistiques trimestrielles de 1981 à ce jour. Ces statistiques sont conformes à la norme SCN internationale de 2008. Les statistiques trimestrielles sont disponibles dans les tableaux CANSIM 380-0063 à 380-0088.

Fin de l'encadré 2.1

2.4 Conclusion

Le présent chapitre raconte l’histoire du SCCM, depuis sa création durant la première moitié du XXe siècle jusqu’à ce qu’il devienne graduellement la vaste base de données statistiques sophistiquée et essentielle d’aujourd’hui.

Comme nous l’avons expliqué, la croissance et l’amélioration des comptes au fil des décennies ont été facilitées par plusieurs développements plus ou moins parallèles. L’un d’eux est l’évolution constante du cadre conceptuel du Système de comptabilité nationale international, décrite plus tôt dans le présent chapitre. Mentionnons également la progression continue des méthodes et systèmes de calcul numérique durant cette même période, qui ont aidé les comptables nationaux et les statisticiens des enquêtes-entreprises à créer des bases de données plus vastes et plus à jour grâce à des méthodologies plus raffinées. La science mathématique des enquêtes statistiques s’est aussi beaucoup améliorée, permettant au SCCM de bénéficier de données plus fiables et mieux ciblées. Les bases de données administratives — particulièrement celles de l’Agence du revenu du Canada et de l’Agence des services frontaliers du Canada — sont devenues plus importantes, plus détaillées et plus faciles d’accès pour Statistique Canada avec le temps. Par ailleurs, le nombre et les niveaux de scolarité des employés travaillant, directement ou indirectement, aux comptes ont beaucoup augmenté. Ce ne sont là que quelques-uns des facteurs qui ont permis le développement de ce qui est aujourd’hui une base de séries chronologiques macroéconomiques remarquablement fiable et complète.

Bien sûr, l’histoire ne s’arrête pas là. Il ne fait aucun doute que le SCCM continuera d’évoluer et de s’améliorer dans l’avenir, au fur et à mesure de l’évolution de l’économie du Canada et des besoins de sa population.

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