Santé mentale positive et maladie mentale

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par Heather Gilmour

L’Organisation mondiale de la Santé définit la santé mentale comme « un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et d’une manière productive et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté »Note1. Cette définition souligne le fait que la santé mentale va au-delà de la seule absence de maladie mentale. Les connaissances sur la prévalence et les déterminants de la santé mentale sont importantes pour éclairer les programmes en matière de promotion et d’intervention.

Dans la présente analyse, on examine les pourcentages de Canadiens de 15 ans et plus appartenant à trois catégories de santé mentale, à savoir florissante, languissante et modérément bonne, telles que définies selon le questionnaire abrégé du Continuum de santé mentale (CSM)Note2. Conformément au modèle de la santé mentale complèteNote2, la santé mentale a été évaluée en combinaison avec la présence ou l’absence de six maladies mentales mesurées dans le cadre de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale (ESCC–SM) menée en 2012 : la dépression, le trouble bipolaire, le trouble d’anxiété généralisée, l’abus d’alcool ou la dépendance à l’alcool, l’abus de cannabis ou la dépendance au cannabis et l’abus d’autres drogues ou la dépendance à d’autres drogues. On s’est servi de la World Mental Health – Composite International Diagnostic Interview 3.0 pour évaluer ces troubles (voir Les données). Pour mieux comprendre les caractéristiques des personnes ayant les niveaux les plus élevés de santé mentale, on a examiné la prévalence et les rapports corrigés de cotes pour la santé mentale complète en fonction des corrélats sociodémographiques et de santé.

Modèle de la santé mentale complète

Dans le modèle à deux continuums de KeyesNote2, la santé mentale et la maladie mentale forment des axes distincts mais corrélés, l’un représentant la santé mentale (présence ou absence), et l’autre, la maladie mentale (présence ou absence). Telle qu’elle est mesurée dans le questionnaire abrégé du CSM, la santé mentale positive (ci-après appelée « santé mentale ») allie un sentiment positif à l’égard de la vie et une bonne santé fonctionnelle. L’échelle d’évaluation comprend 14 questions (annexe) qui servent à mesurer le bien-être émotionnel et certains aspects du fonctionnement psychologique et social des participants à l’enquête, aux fins de leur classement en fonction des catégories « florissante » (niveaux élevés de bien-être émotionnel et de fonctionnement positif), « languissante » (faibles niveaux de bien-être émotionnel et de fonctionnement positif ) et « modérément bonne » (ni florissante, ni languissante) de santé mentale. Des études ont montré que la santé mentale florissante protège contre la mortalité toutes causes confonduesNote3 et le comportement suicidaire, ainsi que contre le dysfonctionnement scolaire chez l’étudiantNote4, et qu’elle est prédictive du risque de dépression plus tardNote5. L’amélioration de la santé mentale a été associée à une cote exprimant le risque de maladie mentale plus faibleNote6.

Début de l'encadré

Annexe
Questions du Continuum de santé mentale – Questionnaire abrégé (CSM–QA)

Bien-être émotionnel

Au cours du dernier mois, à quelle fréquenceNote  vous êtes-vous senti...
  1. Heureux(se)?
  2. Intéressé(e) par la vie?
  3. Satisfait(e) à l'égard de votre vie?

Fonctionnement positif

Au cours du dernier mois, à quelle fréquenceNote  avez-vous senti / vous êtes-vous senti...
  4. que vous aviez quelque chose d'important à apporter à la société? (contribution sociale)
  5. que vous aviez un sentiment d'appartenance à une collectivité (comme un groupe social, votre quartier, votre ville, votre école)? (intégration sociale)
  6. que notre société devient un meilleur endroit pour les gens comme vous? (croissance sociale)
  7. que les gens sont fondamentalement bons? (acceptation sociale)
  8. que le fonctionnement de la société a du sens pour vous? (cohérence sociale)
  9. que vous aimiez la plupart des facettes de votre personnalité? (acceptation de soi)
  10. que vous étiez bon(ne) pour gérer les responsabilités de votre quotidien? (maîtrise de l'environnement)
  11. que vous aviez des relations chaleureuses et fondées sur la confiance avec d'autres personnes? (rapports positifs avec d'autres)
  12. que vous viviez des expériences qui vous poussent à grandir et à devenir une meilleure personne? (croissance personnelle)
  13. capable de penser ou d'exprimer vos propres idées et opinions? (autonomie)
  14. que votre vie a un but ou une signification? (but dans la vie)
Florissante exige la réponse « presque tous les jours » ou « tous les jours » à au moins l'une des 3 questions sur le bien-être émotionnel, et à au moins 6 des 11 questions sur le fonctionnement positif.
Languissante exige la réponse « une fois ou deux » ou « jamais » à au moins l'une des 3 questions sur le bien-être émotionnel, et à au moins 6 des 11 questions sur le fonctionnement positif.
Santé mentale modérément bonne s'entend de la santé mentale des personnes qui n'ont pas une santé mentale florissante ou languissante.

Source : Keyes.Note33

Fin de l'encadré

L’absence de maladie mentale ne veut pas dire que la santé mentale existe pour autant, pas plus que la santé mentale n’implique l’absence de maladie mentaleNote2,Note7. Le modèle de la santé mentale complète met la santé mentale (florissante, languissante et modérément bonne) et la maladie mentale (absence ou présence) en présence l’une de l’autre pour classer les personnes en fonction de six états. Ainsi, l’état « santé mentale complète » regroupe les personnes ayant une santé mentale florissante qui n’ont pas de maladie mentale. Le classement dans une catégorie autre que « santé mentale complète » a été associé à des limitations dans l’accomplissement des activités de tous les jours, à des jours de travail manqués, à des problèmes physiques et à une plus grande utilisation des services de soins de santé de courte durée et des médicaments sur ordonnanceNote2,Note8-11.

La majorité a une santé mentale florissante

En 2012, les pourcentages de Canadiens classés comme ayant une santé mentale florissante, modérément bonne ou languissante étaient de 76,9 %, 21,6 % et 1,5 %, respectivement. Les pourcentages ayant une santé mentale florissante étaient plus élevés que ceux observés pour les États-UnisNote4,Note23-25, les Pays-BasNote16, l’Afrique du SudNote14, la FranceNote17 et la CoréeNote18, lesquels allaient de 11,7 % à 69,1 %. Cependant, les enquêtes menées antérieurement ont été réalisées par téléphone, par la poste et par Internet, et ont porté sur des échantillons représentatifs et de commodité, ainsi que sur des groupes d’âge, des sous-populations et des niveaux géographiques différents. Chacun de ces éléments a vraisemblablement eu un effet sur l’étendue de la prévalence de la santé mentale florissante. Les données pourraient être biaisées si les personnes en mauvaise santé mentale étaient moins susceptibles que les autres de participer à l’ESCC–SM, ou encore, si la santé mentale varie beaucoup entre les trois territoires et parmi les groupes exclus de l’ESCC–SM. Cela étant dit, les territoires représentent 0,3 % de la population cibleNote26, et les exclusions, environ 3 %Note27.

Dans une étude européenne de plusieurs pays fondée sur des méthodes d’enquête compatibles, la prévalence du bien-être positif variait beaucoup d’un pays à l’autreNote28. Selon une mesure similaire sur le plan conceptuel au questionnaire abrégé du CSM, la prévalence de la santé mentale « florissante » quadruplait entre le pays où elle était la plus faible et celui où elle était la plus élevée (9,3 % comparativement à 40,6 %), ce qui laisse supposer que les facteurs  culturels peuvent entrer en jeu. En outre, une comparaison du questionnaire abrégé du CSM dans trois pays (Pays-Bas, Afrique du Sud et Iran)Note29 a permis de conclure que les éléments de l’échelle fonctionnaient de la même façon d’une culture à l’autre; ainsi, les différences concernant le questionnaire et ses associations avec les résultats en santé étaient attribuables à des différences culturelles et non au fonctionnement de l’échelle.

Santé mentale autoévaluée

Pour vérifier la validité conceptuelle, on a comparé les estimations de la prévalence de la santé mentale florissante selon l’ESCC–SM et celles tirées de la composante annuelle de l’ESCC de 2012 sur la santé mentale autoévaluée. L’autoévaluation de la santé mentale reposait sur la question suivante : « Comment évaluez-vous votre santé mentale? »  Bien que celle-ci soit moins complète que le questionnaire du CSM, on s’attendrait que les deux instruments mesurent les mêmes concepts. Le pourcentage de Canadiens ayant évalué leur santé mentale comme étant « excellente » ou « très bonne » (comparativement à « bonne », « passable » ou « mauvaise ») correspondait au pourcentage qui avaient une santé mentale florissante (figure 1), même si les deux instruments de mesure donnaient des résultats divergeants chez les personnes âgées. Cela donne du poids à l’estimation plus élevée de l’ESCC–SM relative à la santé mentale florissante, par comparaison aux autres enquêtesNote4,Note14,Note16-18,Note23,Note24.

Trouble mental et santé mentale

En 2012, 10,1 % des Canadiens de 15 ans et plus (2,8 millions) répondaient aux critères relatifs à au moins l’un des six troubles mentaux ou de consommation d’alcool ou de drogues au cours des 12 mois ayant précédé l’ESCC–SM. Ces données reflètent les réponses autodéclarées à l’instrument d’enquête WMH-CIDI (voir Les données) et n’englobent pas tous les troubles mentaux. Comme on pouvait s’y attendre, il en ressort un rapport inverse entre la santé mentale et le trouble mental (figure 2).

Selon des études d’évaluation de la santé mentale et la maladie mentale conjuguéesNote2,Note7, en 2012, environ 72,5 % des Canadiens de 15 ans et plus (19,8 millions) ont été classés comme ayant une santé mentale complète, c’est-à-dire qu’ils avaient une santé mentale florissante et ne répondaient pas aux critères des troubles mentaux (tableau 1). Ce pourcentage est plus élevé que ceux se dégageant d’études américaines, qui s’établissent à 32,7 % chez les adultesNote16, 37,9 % chez les adolescentsNote23, et 49,3 %Note4 et 60,7 %Note24 chez les étudiants de niveau collégial. Outre les facteurs mentionnés précédemment (groupes d’âge, sous-populations, méthodes de collecte d’enquête et facteurs culturels), des différences de mesure du trouble mental pourraient expliquer la variation entre ces études.

Même si cela est beaucoup moins répandu, la santé mentale florissante ou modérément bonne peut exister en présence d’une maladie mentale (4,5 % et 4,7 %, respectivement), et la santé mentale languissante, en présence ou en l’absence d’un trouble mental (0,9 % et 0,6 %, respectivement). Dans la présente étude, le score continu de santé mentale n’était que modérément corrélé avec quelconque trouble mental (-0,31), trouble de l’humeur (-0,31), trouble de consommation d’alcool ou de drogues (-0,13) ou avec le trouble d’anxiété généralisée (-0,23) (p < 0,01), ce qui souligne le fait que la santé mentale va au-delà de l’absence de maladie mentale.

Qui a une santé mentale complète?

Une compréhension des caractéristiques des personnes ayant une santé mentale complète peut servir à éclairer les programmes en matière de promotion et d’intervention en santé mentaleNote30,Note31. Les études des corrélats de la santé mentale complète sont peu nombreuses et aucune n’a porté sur la population canadienne.

Dans la présente étude, les hommes et les femmes étaient aussi susceptibles les uns que les autres d’être classés comme ayant une santé mentale complète (tableau 2). Les résultats d’études antérieures sont ambigus. Dans une étude des adultes américainsNote7, la prévalence de la santé mentale complète était plus élevée chez les hommes que chez les femmes, mais seulement chez ceux de race noire. Une étude néerlandaise sur les adultes a, quant à elle, observé que les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d’avoir une santé mentale complèteNote16. Cette même étude a trouvé que les différences de santé mentale complète liées à l’âge cessaient d’être significatives dans une analyse multidimensionnelleNote16. Par comparaison, selon les résultats de l’ESCC–SM, l’association positive avec l’âge persistait, même lorsque les facteurs sociodémographiques et de santé étaient pris en compte. Qui plus est, les personnes ayant un partenaire étaient plus susceptibles que les personnes veuves, séparées, divorcées ou célibataires d’avoir une santé mentale complète.

Les Canadiens se classant dans le quintile de revenu du ménage le plus faible qui étaient sans études postsecondaires et sans emploi ou incapables de travailler en permanence étaient moins susceptibles de déclarer une santé mentale complète. Aux États-Unis, il existait également une association positive entre le niveau de scolarité et la santé mentale complèteNote7. Aux Pays-Bas, la santé mentale n’était pas associée de façon significative au revenu, mais il existait un lien entre l’état matrimonial et la maladie complète (santé mentale languissante et maladie mentale)Note16.

Bien que des pourcentages relativement élevés d’immigrants récents (au Canada depuis 0 à 4 ans) et moins récents (au Canada depuis 15 ans et plus) ont déclaré une santé mentale complète, l’association entre le statut d’immigrant et la santé mentale complète ne s’est pas révélée significative dans l’analyse multidimensionnelle. Étant donné que les immigrants ne forment pas un groupe homogène, il faudrait mener des analyses intégrant le type d’immigrant et le pays d’origine pour démêler les associations éventuelles.

Une association bidimensionnelle entre le statut d’Autochtone (vivant à l’extérieur des réserves) et la faible prévalence de la santé mentale complète n’a pas persisté dans une analyse multidimensionnelle. Des recherches fondées sur des échantillons de taille assez importante pour permettre d’étudier les Premières Nations, les Métis et les Inuits séparément, en incluant la population vivant dans les réserves, sont nécessaires pour mieux comprendre le rapport entre le statut d’Autochtone et la santé mentale complète.

Les personnes vivant en milieu urbain étaient significativement moins susceptibles (72 %) que celles vivant en milieu rural (77 %) d’avoir une santé mentale complète.

Des recherches ont observé un lien entre la religion ainsi que la spiritualité et la santé mentaleNote32. Dans la présente étude, les personnes ayant déclaré avoir une spiritualité forte étaient significativement plus susceptibles d’avoir une santé mentale complète que celles non classées comme ayant une spiritualité forte (76 % par rapport à 66 %).

La santé physique était elle aussi associée à la santé mentale. Le fait d’avoir un problème de santé chronique ou trois problèmes de santé ou plus était associé à une santé mentale complète dans l’analyse bidimensionnelle comme multidimensionnelle; le fait d’avoir deux problèmes de santé chroniques ne l’était pas. L’association entre la douleur chronique et la santé mentale complète fait ressortir un gradient évident : 75 % des personnes n’ayant pas de douleur avaient une santé mentale complète, comparativement à 66 % de celles chez qui la douleur n’empêchait que peu d’activités, voire aucune, et 55 % de celles chez qui elle empêchait quelques activités ou la plupart d’entre elles. Ce gradient s’est maintenu dans l’analyse multidimensionnelle.

Mot de la fin

Les estimations de la santé mentale florissante et complète fondées sur l’ESCC sont plus élevées que celles tirées d’études antérieures. Les résultats appuient le modèle à deux continuums de Keyes, d’après lequel la santé mentale et la maladie mentale représentent des phénomènes liés mais distincts. D’autres études sont nécessaires afin de mieux comprendre dans quelle mesure les différences de méthode d’enquête expliquent les variations observées dans la prévalence de la santé mentale florissante et déterminer si les Canadiens sont plus susceptibles que d’autres populations d’avoir une santé mentale florissante et, le cas échéant, quels facteurs sociodémographiques ou culturels pourraient intervenir.

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