Statistique Canada
Symbole du gouvernement du Canada

Liens de la barre de menu commune

Section 3 : Étude spéciale

Avertissement Consulter la version la plus récente.

Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Revue de fin d'année : 2009

par Philip Cross 1 

Vue d’ensemble

La récession de 2008-2009 a été rapide et généralisée partout dans le monde, mais chaque pays a ressenti ses effets de différentes façons. Dans certains pays, la gravité et la longueur de la période de repli lui ont valu le surnom de « Grande récession », en référence à certains aspects du ralentissement le plus prononcé depuis la Grande Crise des années 1930. Par exemple, le taux de pertes d’emploi de 6% enregistré aux États-Unis au cours des deux dernières années a été bien plus élevé que les taux de perte observés en 1981-1982 et en 1974-1975 (même si la chute de 3,8 % du PIB des États-Unis en 2008-2009 était à peu près la même que pendant ces deux récessions et la même qu’en 1957) 2  .

Au Canada, à l’opposé, la récession a été moins profonde et plus courte que dans les autres pays du G7. Entre le troisième trimestre de 2008 et le deuxième trimestre de 2009, le PIB réel au Canada a chuté de 3,6 %. Ce taux est plus faible que le taux global de 3,8 % aux États-Unis en 2008-2009, et bien plus faible que les baisses qu’ont connues l’Europe et le Japon. La baisse du PIB canadien que l’on a pu observer pendant ces trois trimestres a également été moins longue que les baisses de quatre à six trimestres qu’ont connues les autres pays du G7 (figure 3.1).

La moindre ampleur de la récession au Canada était encore plus évidente en ce qui avait trait à l’emploi qu’en ce qui concernait le PIB, puisque l’emploi a connu un recul de 1,8 % entre le troisième trimestre de 2008 et le deuxième trimestre de 2009 (figure 3.2). Ce recul est en partie attribuable au fait que les ajustements à la main-d’oeuvre occupée au Canada étaient liés à une réduction de la semaine de travail plutôt qu’à une diminution de l’emploi.

Graphique 3.2

La récession de 2008-2009 au Canada n’a pas, non plus, été plus longue ni plus grave que les récessions connues en 1981-1982 et 1990-1992 : la dernière chute du PIB a été de 3,6 % au troisième trimestre comparativement à 4,9 % durant six trimestres en 1981-1982 et à 3,4 % pendant quatre trimestres au début des années 1990. Les emplois trimestriels ont diminué de 5,0 % en 1981-1982, de 3,2 % en 1990-1992 et de 1,8 % en 2008-2009. Le taux de chômage faisait aussi état de la moindre gravité de la récession sur le marché du travail. En 2008-2009, le taux de chômage a augmenté de 2,5 points de pourcentage pour passer à 8,7 % alors que l’augmentation était de 4,2 points en 1990-1992 et de 6,0 points en 1981-1982. En outre, les effets sur les industries ressemblaient de très près à ceux des récessions précédentes.

Une raison expliquant la faiblesse relative de la récession observée au Canada tenait à ce qu’il était en meilleure position pour faire face à la récession mondiale que d’autres grandes économies occidentales, principalement grâce aux épargnes telles qu’elles sont reflétées dans notre bilan national. Le déséquilibre de l’épargne et les prix des actifs ont, en effet, joué un rôle important dans la récession mondiale de 2008-2009, à la différence de la plupart des récessions d’après-guerre, où les déséquilibres des stocks ou les prix à la consommation étaient les facteurs décisifs.

C’est en matière de flux de commerce international (figure 3.3) que le PIB du Canada a senti les effets de la récession mondiale le plus directement. Les revenus de l’exportation ont chuté de 22 % en 2009, les reculs ayant été principalement observés pendant le quatrième trimestre de 2008 et les deux premiers trimestres de 2009 (alors que les exportations ont chuté de 35 % comparativement à des baisses d’environ 10 % dans les pires moments des deux récessions précédentes). Cette baisse portait à la fois sur les fortes pertes des volumes (-14 %) et des prix (-9 %). La chute rapide des exportations s’est répercutée sur les bénéfices des sociétés, qui ont baissé de 33 % en 2009 3  .

Les entreprises ont réagi face aux recettes plus faibles en réduisant rapidement leurs dépenses : les investissements des entreprises ont reculé d’un taux record de 14 % 4  en 2009. Plus des trois quarts du recul ont pu s’observer dans les industries minières et de la fabrication, qui exportent la plupart de leurs produits. Les entreprises ont également réduit leurs stocks de près de 8 milliards de dollars. Dans l’ensemble, les entreprises ont réduit leurs acquisitions d’investissements non financiers de 41 milliards de dollars (figure 3.4), soit plus de quatre fois les réductions de 9,5 milliards de dollars que les entreprises ont appliquées à la rémunération de leurs employés. En tout, malgré une chute de 72 milliards de dollars des bénéfices en 2009, la capacité de financement des entreprises n’a baissé que de 3 milliards de dollars pour atteindre 51 milliards de dollars à la suite de ces mesures de réduction des coûts.

Bilans et épargnes

Pourquoi la récession a-t-elle été moins grave au Canada que dans d’autres pays, même si le pays est largement exposé à l’économie mondiale par ses recettes d’exportations et les marchés financiers? L’état des finances du Canada a constitué un facteur décisif à cet égard au début de la récession. En effet, les entreprises avaient alors utilisé des années d’excédents financiers record pour ramener le ratio des capitaux d’emprunts aux capitaux propres au niveau le plus bas qu’elles n’avaient jamais connu. Durant les dix années précédant la crise, les excédents commerciaux et gouvernementaux avaient pu abaisser la dette gouvernementale et extérieure et améliorer le taux d’épargne national du Canada. Ainsi, même avec un taux d’épargne personnel avoisinant les 2 % (environ le même taux qu’aux États-Unis), le taux d’épargne national du Canada est passé de 8 % à 14 % pendant le boom des produits de base (figure 3.5). Ce phénomène était issu de forts taux d’épargne au gouvernement et dans le secteur des sociétés. Par comparaison, le taux d’épargne national des États-Unis n’a jamais atteint ne serait-ce que 4 % après 2001, et se situait sous la barre du 1 % lorsque la récession a commencé à se faire sentir (et atteignait -3 % à sa fin). Les États américains ont connu de grands déficits pendant la dernière décennie, et les épargnes personnelles étaient à peine positives.

À mesure que la récession s’est fait sentir, le Canada a réduit son taux d’épargne national de 9 points de pourcentage en seulement trois trimestres pour maintenir les dépenses en dépit de revenus en déclin rapide. Ce phénomène a notamment pu s’observer dans le secteur des administrations publiques, le taux d’épargne personnel ayant peu changé. L’épargne des entreprises a d’abord chuté avec les bénéfices, mais ont repris rapidement avec la réduction des dépenses par les entreprises.

La rapidité avec laquelle les dépenses ont chuté aux États-Unis s’explique, entre autres raisons, par les bouleversements du système financier, allant de la faillite de plusieurs grandes institutions financières à la crise du marché du papier commercial en septembre 2008, qui ont entravé le flux de crédit. Toujours aux États-Unis, Fannie Mae et Freddie Mac ont été nationalisés; Lehman Brothers a liquidé ses actifs et toutes les autres banques d’investissement ont été rachetées ou sont devenues des banques commerciales; la Washington Mutual et Wachovia ont fait faillite et ont été reprises, et Citigroup et AIG ont eu grandement besoin de l’aide du gouvernement des États-Unis. De ces huit grands changements institutionnels, six ont eu lieu en septembre 2008. En Europe, 20 banques de 10 pays ont fait faillite entre juillet 2007 et février 2009 5  . Parmi les institutions financières européennes qui ont eu besoin d’aide gouvernementale, citons Hypo Real Estate en Allemagne, Fortis et Dexia en Belgique et en France, de même que la Royal Bank of Scotland et Bradford & Bingley au Royaume-Uni. Au Canada, aucune institution financière n’a dû avoir recours à des paiements de renflouement de la part du gouvernement.

La perte de confiance dans les institutions financières aux États-Unis s’est traduite par une baisse de 10,3 % des emprunts dans le secteur financier en 2009, soit leur première baisse semblable jamais enregistrée. Cette baisse des emprunts a notamment touché les banques d’investissement, qui dépendent des crédits à court terme pour leur financement (puisque, contrairement aux banques commerciales, elles ne disposent d’aucun dépôt de détail) 6  . À l’inverse, les institutions financières au Canada ont pu augmenter leurs emprunts de 6 %.

Dans l’ensemble, on ne peut pas dire que le crédit ait baissé au Canada entre 2007 et 2009. Certains marchés ont été déstabilisés, on peut penser notamment à la crise du papier commercial non bancaire adossé à des actifs en août 2007. Les prêts des sociétés de financement de vente à crédit et autres sociétés de prêts de consommation ont baissé en 2008-2009, mais la baisse a été contrebalancée par l’augmentation des prêts des banques à charte, et le crédit des ménages, dans l’ensemble, a continué d’augmenter. Le gouvernement fédéral a acheté près de 50 milliards de dollars de valeurs hypothécaires aux banques à la fin de 2008 pour renforcer le bilan de ces dernières. Toutefois, ces manifestations des difficultés mondiales en matière de crédit étaient relativement mineures au Canada comparativement à la crise qu’ont pu connaître les États-Unis et les autres pays.

Puisque le système financier des États-Unis a connu des bouleversements, les emprunts des ménages ont commencé à ralentir régulièrement en 2007 pour devenir négatifs à fin de 2008 (figure 3.6). La baisse du crédit et la faible marge de manoeuvre qu’offre l’épargne ont fait chuter les dépenses des consommateurs aux États-Unis en 2008 et 2009, ce qui constitue la première baisse consécutive sur deux ans depuis 1933. Pour sa part, le Canada n’a connu qu’un faible ralentissement de la croissance des emprunts des ménages, qui est passée de 10 % en 2007 à 7 % l’année dernière, et une augmentation des dépenses de consommation en 2008 et 2009, ce qui a largement contribué à modérer la récession.

La stabilité des emprunts des ménages au Canada semble être attribuable à plusieurs facteurs. Les bilans des ménages au Canada n’ont pas été aussi touchés que ceux des ménages aux États-Unis, comme le montre l’évolution de la valeur nette à la figure 3.7. Aux États-Unis, cette valeur a baissé de 26,6 % sur près de deux ans, alors qu’au Canada, la baisse de 8,7 % s’est concentrée sur trois trimestres. Si le marché boursier s’est effondré des deux côtés de la frontière, la baisse plus longue et plus prononcée de la richesse des ménages aux États-Unis est issue du secteur du logement, une tendance qui s’est amorcée début 2007. L’offre de crédit au Canada n’a pas été aussi touchée qu’aux États-Unis, et, globalement, le financement est demeuré une option pour la plupart des ménages qui voulaient obtenir un crédit. Ce phénomène était évident pour les hypothèques, qui ont financé la reprise des reventes de maisons, celles-ci ayant atteint un sommet sans précédent à la fin de l’année. À l’inverse, le crédit hypothécaire aux États-Unis a baissé tant en 2008 qu’en 2009, ce qui reflète la faiblesse de l’offre et de la demande de crédit hypothécaire.

Les dépenses des ménages au Canada ont fléchi au quatrième trimestre de 2008, alors que les investissements dans le logement ont chuté de 6,3 % et les dépenses personnelles, de 0,8 %. Aucune de ces baisses ne peut être complètement expliquée par l’emploi ou les revenus disponibles, qui ont été constants au quatrième trimestre. Au lieu de cela, ce recul trouve son origine dans le déclin soudain de la richesse des ménages résultant de l’effondrement mondial des marchés boursiers. Ces baisses ont entraîné une perte de confiance des consommateurs au quatrième trimestre. Contrairement aux États-Unis, cependant, la confiance a repris rapidement au Canada.

Les données mensuelles sur les ventes d’automobiles et de maisons reflètent la nature abrupte de leurs baisses (figure 3.8). Les ventes d’automobiles ont diminué de 20 % au cours des deux mois précédant décembre, alors que les ventes de maisons existantes ont chuté de 34 % entre septembre et novembre 2008. Ces baisses ont été contrebalancées au début de 2009, ce qui traduisait que c’était l’ébranlement de la confiance et non pas un dérangement des canaux de crédit qui a suscité leur retraite brève mais prononcée à la fin de 2008.

Si la croissance des crédits des ménages a peu changé au Canada malgré la récession, la dette gouvernementale, quant à elle, s’est envolée. Les quatres trimestres ayant suivi le début de la récession, les emprunts de tous les ordres de gouvernement ont augmenté de 21 %, alors qu’ils avaient peu changé pendant la plupart des dix dernières années (figure 3.9). Cette augmentation provient de l’augmentation constante des dépenses courantes et de la hausse des transferts et des dépenses d’investissement, alors que les revenus fiscaux se sont effondrés avec la baisse des revenus personnels et des sociétés.

Graphique 3.9

Les emprunts des sociétés ont également été bouleversés pendant la récession. Après avoir augmenté jusqu’à environ 8 % en 2007, la croissance d’une année à l’autre des emprunts des entreprises privées non financières a augmenté de 11 % lorsque la récession s’est fait sentir au quatrième trimestre de 2008, ce qui témoigne du bon fonctionnement des marchés du crédit au Canada au plus fort de la crise ailleurs dans le monde. Lorsque la récession s’est ralentie, les emprunts des sociétés ont suivi le pas, situation semblable à ce que l’on a pu observer en 1992-1993 et 2002. Les besoins d’emprunt ont également été réduits par une remontée marquée des émissions de titres qui ont atteint 40 milliards de dollars en 2009.

Les bilans solides des entreprises canadiennes au début de la récession ont eu des répercussions sur le nombre de faillites, qui était moins élevé. En effet, ce nombre a baissé en 2008 et 2009, phénomène jusqu’alors inconnu pendant une récession. En 1982, les faillites avaient augmenté de 33 %, et elles avaient augmenté de 23 % entre 1990 et 1992. Même dans le secteur de la consommation, l’augmentation de 45 % des faillites était inférieure à l’augmentation de près de 100 % que l’on avait pu observer en 1990-1991 et 1981-1982.

Lorsque la crise financière mondiale a éclaté en août 2007, les Canadiens ont résisté à la tendance globale de l'investissement dans le refuge sûr des valeurs du gouvernement américain et ils ont plutôt rapatrié des fonds sur les marchés canadiens, améliorant du coup la liquidité de ces derniers. Cette tendance s'est poursuivie en 2008, alors que la crise financière mondiale s’aggravait, le rendement de certaines valeurs du gouvernement américain allant jusqu'à devenir négatif au sommet de la crise. En 2009, les investisseurs mondiaux se sont joints aux Canadiens pour investir davantage dans les actifs canadiens. Les non-résidents en 2009 ont acheté une somme record de 109,4 milliards de dollars de valeurs canadiennes, surtout des obligations. Les placements en actions ont également rebondi pour se chiffrer à 26,2 milliards de dollars en 2009, alors que le marché boursier canadien reprenait.

Développements de l’industrie

Les conséquences de la récession que le pays vient de vivre sur la production de l’industrie au Canada ressemblaient pas mal à celles des deux récessions précédentes en 1981-1982 et au début des années 1990. La production de l’industrie de la fabrication représentait seulement un peu plus de la moitié (51 %) de la baisse du PIB total entre le troisième trimestre de 2008 et le troisième trimestre de 2009 (dates qui devraient délimiter la récession, même si des révisions pourraient changer cette situation). Cette contribution est légèrement en deçà des chiffres obtenus en 1981-1982 et 1990-1991, alors que les fabricants représentaient respectivement 68 % et 58 % des baisses de production (figure 3.10 et tableau 3.1).

Le secteur de la construction a représenté de 12,7 % des pertes totales de production au cours de la dernière récession, ce qui est à peu près équivalent à sa contribution moyenne de 14,8 % durant les deux ralentissements précédents. Ces pertes ont été légèrement plus élevées en 1990-1991, alors que l’industrie des logements s’adaptait à la TPS qui faisait augmenter le prix des logements. Cependant, si le secteur résidentiel accusait le gros des pertes de construction en 1981-1982 et 1990-1991, les baisses de la plus récente récession étaient presque égales entre les secteurs résidentiel et non résidentiel. Cette situation provient de baisses radicales dans les chantiers d’ingénierie, tels que les sables bitumineux.

Puisque la construction et le secteur de la fabrication étaient en tête de lice des pertes de production pendant les récessions, il n’est pas étonnant de constater que les secteurs de manutention, du commerce de gros et des transports ont affiché les baisses les plus importantes dans le secteur des services. Ces deux industries, combinées, représentaient environ 20 % de la baisse accusée en matière de production en 2008-2009, soit un chiffre légèrement plus bas que la moyenne des deux dernières récessions. Comme on pouvait s’y attendre, les services aux consommateurs (le commerce de détail ainsi que l’hébergement et l’alimentaire), ont connu de faibles déclins au cours de la dernière récession, bien que moins importants que lors des deux récessions précédentes.

La récession de 2008-2009 a connu quelques développements industriels étonnants. La production a chuté rapidement dans le secteur primaire (notamment l’industrie minière), contrairement à ce qui s’est passé au cours des deux récessions précédentes où ce secteur n’avait pas connu de baisse de production avant le début de la reprise du reste de l’économie. Cette chute plus rapide dans la récession que nous venons de connaître vient de l’effondrement du prix des produits de base et du taux de change, qui ont abaissé la rentabilité des sociétés du secteur des ressources (leurs bénéfices d’exploitation ont chuté de 60 % entre le troisième trimestre de 2008 et le deuxième trimestre de 2009). Les services aux entreprises 7  ont également connu une baisse de la demande pendant la dernière récession, à l’opposé des deux précédentes récessions. Les chutes qu’ont connues les industries primaires et les services aux entreprises ne ressemblent en rien à celles qu’ont connues les autres biens pour ce qui est de leur contribution globale à la récession, mais elles sont de telle nature que l’on doit y porter une attention particulière pour les prochains cycles. Les finances et les services des administrations publiques 8  ont pris de l’expansion au cours des trois récessions.

Globalement, le cycle de rendement de l’industrie ressemblait aux cycles précédents, mais la baisse cyclique de 2009 s’est accompagnée de changements structurels en profondeur dans certaines industries. Les industries automobiles et forestières en sont deux exemples patents, puisqu’elles ont connu des baisses phénoménales ces dernières années. Pour ce qui est des automobiles, les ventes aux États-Unis ont commencé à diminuer de façon constante en 2006, tandis que la part des ventes de véhicules d’importation en Amérique du Nord croissait. Le secteur forestier a été accablé de nombreux problèmes, allant de l’infestation de dendroctones du pin ponderosa en Colombie-Britannique à l’affaiblissement des marchés du logement aux États-Unis, en passant par la transition continue des médias imprimés vers Internet.

Les pertes de production dans ces deux secteurs se sont accélérées rapidement lorsque la récession a affaibli davantage la demande. Dans l’ensemble, la production des secteurs automobile et forestier (y compris la foresterie, le bois, l’imprimerie et le papier) a fini ces dix dernières années à 56 % et 36 % en deçà de leur sommet de production atteint en 2005 (figure 3.11).

Les chaînes de montage d’automobiles au Canada ont connu un sommet, avec 2,7 millions de véhicules en 1999, puis ont commencé à décliner doucement, mais sûrement, pendant les dix années suivantes pour atteindre 2,1 millions de véhicules en 2008. La chute des ventes aux États-Unis et les procédures de faillite de deux grands producteurs en Amérique du Nord ont accéléré cette baisse, portant la production à 1,5 million de véhicules en 2009, soit le niveau le plus bas jamais atteint en 30 ans. Le volume d’exportation représentait la plus grande part de cette chute, une baisse de 62 % entre le quatrième trimestre de 2005 et le premier trimestre de 2009.

Le type de véhicules produits au Canada a radicalement changé. Les voitures particulières, qui représentaient la moitié des véhicules produits en 1997, représentaient 84,4 % de la production en 2009 (et 98,5 % en juin 2009, après la fermeture d’une usine d’assemblage de camions en mai). Cette situation représente une baisse constante de la production de camions et de mini-fourgonnettes, qui est passée de 1,2 million de véhicules en 1997 à seulement 0,2 million l’année dernière.

Les industries liées à la foresterie ont également connu une accélération rapide de leur déclin. Les lecteurs ont continué de passer très rapidement à des sources d’information sur Internet. En conséquence, le volume des exportations de papier journal a baissé de 37 % par rapport à son dernier sommet à la fin de 2004. Au Canada, plusieurs quotidiens ont éliminé un numéro par semaine, et une chaîne nationale a déposé un dossier de faillite. L’industrie du bois a été encore plus touchée, puisque les volumes d’exportation ont chuté de 54 % en moins de quatre ans en raison de l’effondrement des mises en chantier d’habitations aux États-Unis.

Le ralentissement de la circulation des journaux et magazines a entraîné des pertes généralisées de production. La production de l’industrie de l’imprimerie est passée à moins de 5 milliards de dollars (en dollars constants de 2002), soit son niveau le plus bas depuis 1981. La fabrication du papier, quant à elle, est passée à 8,2 milliards de dollars, son niveau le plus bas depuis 1982. Ajoutons à cela la baisse de la demande de bois, et la production de la foresterie passe à 3,5 milliards de dollars, son niveau le plus bas depuis que les données ont commencé à être consignées en 1986, ce qui porte les pertes cumulatives à 44 % en seulement quatre ans. Alors que la chute de 12,2 milliards de dollars depuis 2005 dans la production de véhicules a été largement publicisée, la perte de 13,4 milliards de dollars dans les industries liées à la foresterie a eu des répercussions plus importantes sur le PIB au cours de cette période.

Alors que la récession a accéléré la baisse à long terme de certains secteurs, elle a aussi renforcé des augmentations dans d’autres secteurs. Avant que la récession mondiale n’arrive, les industries minières et de la construction étaient celles qui connaissaient la plus grande croissance entre 2000 et 2006 en termes nominaux, témoignant des envolées de prix pour l’énergie, les minéraux et le logement. Après un recul pendant la récession, les industries minières et de la construction ont repris leur rang de secteurs ayant la plus forte croissance de PIB depuis l’été dernier (avec le secteur de la fabrication). Cela rend compte de la reprise rapide du prix des produits de base et du logement en 2009.

Au cours des décennies précédentes, les récessions inversaient complètement les augmentations du prix des produits de base pendant la phase de dynamisme du cycle commercial, et l’indice du prix des produits de base de la Banque du Canada revenait à environ 90 (1982-1990 = 100) chaque fois. Cependant, pendant la récession de 2008-2009, le plus bas niveau du prix des produits de base était supérieur de 50 % au creux précédent (figure 3.12). La progression des prix la plus marquée touchait le pétrole brut et les métaux, qui ont commencé à récupérer en 2009 des niveaux déjà deux fois plus élevés qu’ils étaient en 2002.

La croissance du prix des produits de base s’est répercutée sur les marchés boursiers et les taux de change. Après s’être écroulé de 40 % à la fin 2008, le marché boursier de Toronto, en 2009, a récupéré les trois quarts de ses pertes, principalement dans les actions de métaux et d’énergie. Après être tombé de la parité à 0,80 $ US au pire de la crise fin 2008, le dollar canadien s’est retrouvé proche de la parité encore une fois au début de 2010. Les investissements étrangers élevés en obligations et en actions ont également dynamisé le taux de change.

Conclusion

Étant donné que la récession mondiale de 2008-2009 est intimement liée aux bilans, la bonne santé des bilans du Canada a permis au pays d’endurer la récession et d’entrer en phase de reprise. La récession a été plus courte et moins forte au Canada que dans d’autres pays du G7, en partie parce que le flux de crédit n’a pas été perturbé comme il l’a été dans d’autres pays, et que l’épargne a permis de financer les dépenses lorsque les revenus ont temporairement baissé. Cette situation est due à la bonne santé des bilans obtenus pendant le commerce florissant des produits de base de 2003-2008 et à l’absence de problèmes dans les grandes institutions financières que l’on a pu voir aux États-Unis et en Europe.

Suivant | Précédent