Section 4 : Étude de cas : Parc national des Mille-Îles

Le parc national des Mille-Îles, qui fait partie de l’écosystème des Mille-Îles dans l’est de l’Ontario (carte 4.1), a été sélectionné pour une étude de cas portant sur l’évaluation des biens et services écosystémiques (BSE). L’étude de cas intègre certains des concepts présentés dans les sections précédentes et montre comment la comptabilité des écosystèmes peut être utilisée. Le parc de 22,3 km2 1 , établi en 1904, est l’un des plus petits parcs nationaux du Canada et subit de nombreuses pressions influant sur l’état de son environnement 2 .

Les zones protégées aident à prévenir la détérioration des écosystèmes et des BSE et peuvent aussi accroître la valeur des BSE fournis par ces sites 3 . Le parc national des Mille-Îles, comme tous les parcs du Canada, fournit de nombreux services et a une très grande valeur pour les Canadiens 4 , 5  .

Dans le cadre de l’étude de cas, certaines pressions exercées sur le paysage ont été recensées, la couverture terrestre a été analysé pour le parc national et l’écosystème qui l’entoure, et deux méthodes d’estimation des valeurs monétaires des flux de services écosystémiques du parc national ont été appliquées. Pour en savoir davantage à propos de la zone visée par l’étude de cas, la méthodologie et les limites, consultez l’appendice G.

Le parc national des Mille-Îles a été créé principalement comme espace récréatif, notamment pour le pique-nique, le camping et la navigation de plaisance 6 . Depuis les années 1980, il est de plus en plus reconnu que le parc des Mille-Îles constitue un écosystème transfrontalier Canada-États-Unis unique et important, et des mesures de protection de l’environnement y ont été mises en oeuvre. L’écosystème est situé dans un prolongement du Bouclier précambrien, au centre d’un important habitat pour la faune allant du parc Algonquin en Ontario au parc des Adirondacks dans l’État de New York (qu’on appelle en anglais la région « A2A », Algonquin à Adirondack) et procure un habitat à plus de 30 espèces en péril qui ont perdu leur habitat à cause de l’activité humaine et de changements naturels.

Parmi les principales menaces à l’intégrité écologique du parc, citons les pressions associées aux visiteurs du parc, la fragmentation et la perte d’habitat, l’introduction d’espèces exotiques et la pollution 7 . Bien qu’une superficie de 10 km2, importante sur le plan écologique, ait été annexée en 2005, le parc lui-même est relativement petit et fragmenté et n’est pas représentatif de la totalité de l’écosystème de la grande région des Mille-Îles à laquelle il appartient.

Parcs Canada vise à intégrer deux objectifs : offrir des services récréatifs aux Canadiens tout en préservant et en protégeant les ressources vulnérables du parc 8  . La protection de l’intégrité écologique du parc doit toutefois se faire à une échelle plus grande que le parc lui-même, puisque les facteurs stressants du milieu proviennent aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur des limites du parc 9 , 10  . Il importe de mobiliser la collectivité, car la majorité des propriétés de la région sont privées 11  . La collectivité autochtone et Parcs Canada ont participé à des travaux conjoints visant à protéger le parc national.

Pressions s’exerçant sur le parc national des Mille-Îles

Le parc national des Mille-Îles est influencé par l’activité humaine qui a lieu dans le parc et par les pressions d’aménagement attribuables à la croissance de la population, à l’agriculture et à d’autres activités qui ont des répercussions sur le paysage environnant (cartes 4.2 à 4.8). Les zones protégées, qui contribuent à protéger les collectivités des risques pour l’environnement 12 , couvraient 564 km2 (1,7 %) du paysage dans un rayon de 100 km autour de l’écosystème des Mille-Îles en 2012 13 , 14 .

En 2011, près de deux millions de personnes vivaient dans un rayon de 100 km de l’écosystème des Mille-Îles 15 , ce qui représente une hausse de 47 % par rapport à 1981 (tableau 4.1). La densité de la population s’établissait à 59 personnes/km2 en 2011, comparativement à 49 personnes/km2 pour l’écosystème des Mille-Îles lui-même. Dans la sous-aire de drainage (SAD) voisine du lac Ontario et péninsule de Niagara – 02H, on comptait 272 personnes/km2, et 148 personnes/km2 dans la SAD du cours moyen du Saint-Laurent – 02O (tableau 1, appendice C).

En 2011, la zone tampon entourant l’écosystème des Mille-Îles, dont la majeure partie se draine dans le fleuve Saint-Laurent, soutenait plus de 9 100 exploitations agricoles. Toutefois, de 1981 à 2011, le nombre d’exploitations agricoles et la superficie des fermes ont diminué de 39 % et de 23 %, respectivement. Des tendances similaires ont été notées dans l’écosystème des Mille-Îles, où le nombre d’exploitations agricoles a diminué de 37 % et la superficie agricole, de 28 %.

Le nombre de bovins a aussi diminué de 1981 à 2011 à la fois à l’intérieur de l’écosystème des Mille-Îles et dans la zone tampon (-47 %). Les terres cultivées sont demeurées relativement stables dans la zone tampon (-1 %) mais ont diminué de 11 % dans l’écosystème des Mille-Îles. Certaines mesures de l’activité agricole, comme la superficie traitée avec des herbicides et des insecticides ont augmenté dans les deux zones tandis que la superficie fertilisée est demeurée stable dans la zone tampon mais a diminué de 30 % dans l’écosystème des Mille-Îles.

Couverture terrestre de l’écosystème des Mille-Îles

Pour faciliter l’estimation de la valeur des BSE fournis par le parc national des Mille-Îles, on a analysé les actifs de la couverture terrestre au moyen d’images satellitaires (carte 4.9, graphique 4.1). On a comparé la couverture terrestre du parc national et celle de l’écosystème des Mille-Îles (tableau 4.2).

Les forêts (31 %), les terres cultivées et les champs (24 %) et l’eau (22 %) constituaient les couvertures terrestres les plus importantes dans l’écosystème des Mille-Îles; les milieux humides et les zones bâties couvraient 7 % et 6 % de la superficie, respectivement. Une plus grande part de la superficie du parc national des Mille-Îles est occupée par des forêts (82 %) et des milieux humides (10 %), et une plus petite part par des cultures et champs (2 %) et des zones bâties (2 %), comparativement à la zone de l’écosystème entier.

Évaluation monétaire des biens et services écosystémiques produits par le parc national des Mille-Îles

Il peut être utile d’estimer les valeurs monétaires des BSE fournis par le parc national des Mille-Îles pour diverses raisons, par exemple pour obtenir des renseignements sur les besoins en matière de conservation et de remise en état, pour soutenir les politiques et la prise de décisions et pour sensibiliser le public aux contributions de cette zone protégée au bien-être de l’humain. L’étude de cas a aussi été entreprise dans le but d’évaluer l’incidence de la qualité des données sur le calcul des valeurs monétaires qui alimenteraient la structure des comptes des écosystèmes proposée par le Système de comptabilité environnementale et économique intégrée (SEEA) : comptabilité expérimentale des écosystèmes. Deux exemples illustrent comment les valeurs monétaires des services écosystémiques fournis par le parc peuvent être estimées.

Dans le premier exemple, la valeur globale de plusieurs services écosystémiques fournis par le parc est estimée au moyen des valeurs monétaires des BSE déjà établies provenant d’un rapport visant le sud de l’Ontario 16 . Le deuxième exemple estime les valeurs monétaires de quelques services écosystémiques par type de couverture terrestre, en faisant appel aux études d’évaluation publiées et en appliquant (transposant) les valeurs monétaires trouvées aux zones comparables du parc national des Mille-Îles selon une méthode nommée « transposition des valeurs ». Ces estimations expérimentales montrent comment ce type d’approche peut être utilisé pour estimer les valeurs monétaires des BSE dans le contexte d’une étude de cas. Consultez l’encadré 3 pour en savoir davantage sur les méthodes de transposition des valeurs et l’appendice G pour en savoir davantage sur la méthodologie de l’étude de cas.

Encadré 3 : Méthodes d’évaluation par transposition des valeurs

L’estimation des valeurs des BSE peut se révéler un exercice gruge-temps et dispendieux; c’est pourquoi des méthodes ont été conçues pour transposer les travaux d’évaluation antérieurs portant sur d’autres sites à de nouvelles zones, les « sites à évaluer ». Cette méthode est généralement appellée « transposition des avantages », ou « transposition des valeurs ».

Il existe deux approches principales à la transposition des valeurs : 

  1. La « transposition des valeurs unitaires » transpose une valeur monétaire d’un site témoin au site à évaluer (p. ex., valeur en dollars par hectare ou valeur en dollars par bénéficiaire). Les valeurs unitaires sont souvent ajustées pour tenir compte des différences biophysiques ou socio-économiques entre les deux sites.
  2. La « transposition des valeurs fonctionnelles » est une méthode plus complexe qui fait appel à des techniques de régression pour associer la valeur des BSE aux caractéristiques biophysiques et socioéconomiques d’un site témoin pour estimer la valeur des BSE d’un deuxième site dont on connaît les caractéristiques biophysiques et socioéconomiques. Cette approche peut être fondée sur les résultats d’une seule étude ou de plusieurs études. Par exemple, dans le cas de la transposition de la méta-analyse, les données sont consolidées à partir d’un grand nombre d’études.

Des études montrent que les deux méthodes peuvent donner lieu à des incertitudes et à diverses erreurs. Par exemple, des essais ont montré que les erreurs de transposition des valeurs unitaires sont de l’ordre de ±40 % ou plus 17 . On peut toutefois réduire ces erreurs en veillant à ce que les sites témoins et les sites à évaluer partagent des caractéristiques semblables 18 , 19 .

Évaluation des biens et services écosystémiques par type de couverture terrestre

La zone du parc national des Mille-Îles fournit un grand éventail de services à l’humain aussi bien dans le parc qu’aux alentours. Par exemple, les milieux humides contribuent à filtrer les sédiments et à maintenir les débits d’eau au bénéfice des plantes, des animaux et des populations humaines. Les forêts procurent des habitats à la faune et offrent un milieu propice aux activités récréatives et touristiques ainsi qu’au bien-être de l’humain.

Ces BSE procurent une vaste gamme d’avantages dont la valeur monétaire peut être estimée. La présente évaluation applique des valeurs monétaires aux flux des BSE par hectare provenant d’un rapport visant le sud de l’Ontario 20  et regroupe la valeur de ces BSE par type de couverture terrestre 21 . L’évaluation porte sur les BSE suivants : régulation atmosphérique; régulation de la qualité de l’eau, des éléments nutritifs et des déchets; régulation de l’approvisionnement en eau; rétention du sol et lutte contre l’érosion; habitats et biodiversité; pollinisation et dispersion; évitement des perturbations; activités récréatives; esthétique et commodités; autres services culturels 22 .

Au moyen de cette approche expérimentale, des estimations de la valeur annuelle des BSE produits par le parc national des Mille-Îles ont été établies; elles vont de 12,5 millions de dollars à 14,7 millions de dollars pour 2012, selon la résolution des données satellite et l’exactitude de la classification (tableau 4.3). Parmi les compilations de couverture terrestre disponibles qui permettraient aussi l’analyse d’autres parcs situés ailleurs au pays, LANDSAT-TM de Parcs Canada est celle qui offre la meilleure résolution de la couverture terrestre, ce qui convient le mieux à cette étude régionale. Selon cette source de données, les forêts et les milieux humides apportent les contributions les plus importantes aux valeurs des BSE estimées pour ce site, soit 70 % et 28 %, respectivement. Toutefois, d’après la source de données de Troy et Bagstad, 50 % de la valeur des BSE est attribuable à la couverture forestière, 45 % aux milieux humides et 5 % à l’eau. Ces valeurs constituent des estimations des flux des BSE produits par le parc national des Mille-Îles pour l’année; elles ne correspondent pas à la valeur totale du parc national ni de la superficie de ses terres.

La source des données utilisée pour établir les données statistiques sur la couverture terrestre a une incidence sur les valeurs monétaires estimées pour les BSE produits par le parc national des Mille-Îles. La résolution des images disponibles et la classification des couvertures terrestres doivent être évaluées avant de sélectionner la source de données qui convient le mieux à l’exercice d’évaluation.

Évaluation des biens et services écosystémiques individuels selon le type de couverture terrestre

Les valeurs de certains services écosystémiques ont été estimées, notamment les valeurs des services récréatifs du parc ainsi que les valeurs d’option, de legs et d’existence associées aux milieux humides du parc, qui représentent 10 % de sa superficie.

Après application de la méthode de transposition des valeurs, la valeur annuelle des services récréatifs pour tous les types de couverture terrestre présents dans le parc national était estimée à 3,9 millions de dollars (dollars de 2012), alors que les valeurs annuelles d’option, de legs et d’existence des milieux humides du parc allaient d’environ 434 000 $ à 530 800 $ (dollars de 2012) 23 .

Ces valeurs sont importantes pour les gestionnaires du parc; elles représentent les avantages que le parc fournit aux visiteurs et à ceux qui profitent simplement du fait de savoir que le parc existe. Bien que cet exercice d’évaluation expérimentale soit axé sur seulement quelques-uns des types de BSE fournis par le parc, les résultats montrent que le parc a une valeur monétaire, outre les droits perçus à l’entrée du parc.

Il importe de souligner que les valeurs des BSE peuvent aussi être représentées par des méthodes non monétaires. Par exemple, la valeur du parc peut être mise en contexte à l’aide d’information concernant le nombre et les caractéristiques des populations vivant à proximité, sans associer aux BSE une valeur en dollars.

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