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	Destinations des livraisons manufacturières Division de la fabrication, de la construction et de l'énergie
	Étienne Saint-Pierre

INTRODUCTION

Il est possible, en comparant les données des années 1984, 1990 et 1993, d'observer des changements importants en ce qui concerne les destinations des livraisons manufacturières. La décennie couverte par ces trois années a été marquée par une libéralisation accrue des échanges et par le phénomène de mondialisation des marchés dont l'impact sur les exportations manufacturières est très visible. Le commerce inter-provincial s'est également modifié. Certains biens manufacturiers sont devenus moins dépendants du marché de la province d'origine et sont davantage livrés dans le reste du Canada. Les données de l'enquête annuelle sur les manufactures le démontrent.

Le secteur manufacturier occupe une place importante dans l'économie canadienne, comme en font foi les 310 milliards de dollars de livraisons enregistrées dans ce secteur en 1993. Les changements dans les destinations des livraisons ont donc eu une incidence directe dans l'économie du Canada et de ses provinces.

Cette étude traitera dans un premier temps des changements survenus dans les exportations, puis dans le commerce inter-provincial et finalement dans le commerce intra-provincial.

Les livraisons des industries manufacturières à l'extérieur du Canada se sont chiffrées en 1993 à plus de 115 milliards de dollars, ce qui représente 37% de la valeur totale des livraisons effectuées par les établissements manufacturiers canadiens durant cette année. Cette proportion était de 31% en 1990 et de 27% en 1984. En dix années, la part de la valeur des livraisons exportées s'est donc accrue de 10 points de pourcentage, illustrant ainsi l'importance croissante des marchés étrangers pour écouler les produits manufacturiers canadiens.

Les dix provinces canadiennes ont enregistré une hausse de la part des livraisons manufacturières qui était destinée à l'exportation entre 1990 et 1993. Par contre, Terre-Neuve et l'Île-du-Prince-Édouard avaient un pourcentage plus élevé des livraisons exportées en 1984 qu'en 1993. La Nouvelle-Écosse a eu la plus importante augmentation du pourcentage des livraisons exportées avec une hausse de 16 points de pourcentage entre 1984 et 1993 (Graphique 1).

C'est en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve que la part des livraisons manufacturières exportées était la plus élevée en 1993 (43%) alors que les provinces des Prairies ont été, au cours de la période étudiée, les provinces dont les livraisons étaient le moins destinées à l'extérieur du Canada. La distance relativement plus élevée qui sépare ces provinces des principales voies maritimes et des grands centres urbains du Nord-Est ou de la côte ouest des États-Unis peut être une des sources d'explication. Les industries fortement exportatrices se localiseront de façon à avoir accès au moindre coût à leur marché.

Graphique 1. Pourcentage de la valeur des livraisons manufacturières exportées, Canada, provinces, 1984, 1990, 1993.

Entre 1984 et 1993, il est possible d'observer qu'un peu plus de 50% de la valeur totale des livraisons manufacturières exportées provenait de deux groupes majeurs. En effet, au cours de cette période, en moyenne 41% des exportations du secteur manufacturier provenait de l'industrie des équipements de transport et 13% des industries du papier et produits connexes.

Les 22 groupes majeurs avaient augmenté le pourcentage de leurs livraisons à l'extérieur du pays en 1993 comparativement à 1984 et 1990. Au niveau des industries (CTI 4 chiffres), plus de 185 de celles-ci exportaient une part plus grande de leurs livraisons en 1993 qu'en 1984. Environ 25 industries ont réduit cette part durant la même période. Les industries qui sont le plus liées aux marchés extérieurs ont été, durant cette période, les industries des équipements de transports, les industries du papier et produits connexes et les industries des produits de caoutchouc. Quant aux industries de l'habillement, des aliments et de l'imprimerie, édition et industries connexes, elles sont fortement dépendantes de la demande domestique (Tableau 1).

Ce sont les industries des produits en caoutchouc et des textiles de première transformation qui ont vu la part des livraisons exportées subir la plus importante hausse, respectivement 28 et 22 points de pourcentage entre 1984 et 1993.

Tableau 1. Pourcentage des livraisons exportés par groupe majeur, 1984, 1990 et 1993.

Au niveau des industries (CTI 4 chiffres), il est également possible de noter le phénomène suivant: la distribution des industries selon le pourcentage des livraisons manufacturières exportées s'est modifiée au cours des trois années de l'étude. En général, le nombre d'industries qui exportait moins de 20% de la valeur de leurs livraisons a diminué et le nombre d'industries qui exportaient plus de 20% était en hausse (Graphique 2).

Graphique 2. Distribution des industries (CTI 4 chiffres) selon le pourcentage des livraisons exportés, 1984, 1990, 1993.

Le commerce inter-provincial s'est également modifié comme le démontrent les statistiques présentées dans ce chapitre. Tout comme la propension à exporter les biens provenant des manufactures a augmenté dans la très grande majorité de provinces et des groupes majeurs, un phénomène similaire est observable au niveau du commerce entre les provinces : une plus grande part des livraisons domestiques est destinée à des provinces différentes du lieu de fabrication.

Le Graphique 3 démontre que toutes les provinces sauf Terre-Neuve et la Colombie-Britannique avaient augmenté leur part des livraisons domestiques destinées au reste du Canada. Alors qu'au Québec et en Ontario cette part est demeurée très stable, au Nouveau-Brunswick, celle-ci est passée de 47 à 62 % entre 1984 et 1993. C'est d'ailleurs dans cette province que cette part était la plus élevée. À l'opposé, Terre-Neuve a enregistré une baisse de ses "exportations" vers les autres provinces de 11 points de pourcentage au cours de cette période. Les industries de Terre-Neuve ont été à l'encontre du mouvement d'élargissement des marchés que l'on observe dans les autres provinces canadiennes et ont accru, au cours de cette période, leur propension à destiner leurs livraisons à l'intérieur de cette province.

Graphique 3. Part des livraisons destinées au reste du Canada (excluant les exportations), provinces d'origine, 1984, 1990, 1993.

Alors que le paragraphe précédent présentait les "sorties" vers les autres provinces, qu'en est-il des "entrées" provenant des autres provinces ? Comme on retrouve une concentration très importante de l'activité manufacturière au Québec et en Ontario, il n'est pas surprenant de constater que c'est dans ces deux provinces que le pourcentage de livraisons reçues des autres provinces est le plus faible. En effet, en 1993 seulement 17% des livraisons manufacturières reçues en Ontario provenaient des autres provinces. Ce chiffre était de 30% au Québec. De l'autre côté du continuum, les provinces de l'Atlantique (par exemple 76% pour l'Île-du-Prince-Édouard et 68% pour Terre-Neuve) et la Saskatchewan étaient les provinces dont la part des livraisons provenant du reste du Canada était la plus importante.

La "balance relative" des livraisons inter-provinciales permet de faire la synthèse des entrées et sorties des livraisons manufacturières au Canada. Cette mesure consiste à diviser l'excédent ou le déficit des livraisons inter-provinciales par la somme de l'ensemble des livraisons d'une province à destination du reste du Canada et l'ensemble des livraisons qu'elle a reçues en provenance du reste du Canada. Durant la période de 1984 à 1993, seuls le Québec et l'Ontario ont eu une balance relative positive (Tableau 2) ; c'est-à-dire que les livraisons à destination du reste du Canada pour chacune de ces provinces, étaient supérieures aux livraisons reçues des autres provinces. Le grand nombre d'industries dans ces deux provinces fait en sorte que celles-ci s'auto-approvisionnent en biens manufacturiers relativement plus facilement que les autres provinces et approvisionnent ces dernières en de nombreux biens manufacturiers.

Tableau 2. Balance relative, provinces, 1984, 1990, 1993.

Le déficit de la balance relative a diminué dans les trois provinces des Prairies au cours de la période, mais c'est à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick que la baisse a été la plus spectaculaire: plus de 20 points de pourcentage. Durant la même période, cet indicateur est demeuré stable au Québec et en Ontario ; alors qu'à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique, le déficit de la balance relative s'est accru. Il faut cependant noter que des balances de livraisons inter-provinciales négatives de biens manufacturés peuvent être compensées par des balances positives dans les resources primaires et les services aussi bien que dans les transferts gouvernementaux aux individus ou provinces désavantagés.

Au niveau des groupes majeurs, il est également possible de remarquer que la proportion des livraisons totales destinées au marché de la province d'origine a diminué. En effet, en 1984, pour 16 des 22 groupes majeurs, plus de la moitié des livraisons totales était effectuée à la province d'origine. En 1990, ce chiffre était de 13 pour finalement être de 10 en 1993. Seulement 2 groupes majeurs ont vu la part de la valeur des livraisons destinées à la province d'origine augmenter pendant cette période (industries de l'habillement et produits minéraux non-métalliques). Ainsi, les marchés dans lesquels la vaste majorité des produits manufacturiers sont écoulés tendent à s'éloigner du lieu de fabrication.

En 1993, les industries des boissons, de l'imprimerie, édition et ind. connexes et des produits minéraux non-métalliques étaient les industries dont la part des livraisons destinées à la province d'origine était la plus élevée (plus de 70%). À l'opposé, les produits des industries du tabac (24%), les industries des produits en caoutchouc (26%) et les industries du matériel de transport (18%) avaient une faible part de la valeur des livraisons destinées à la province d'origine.

Les manufacturiers canadiens ont élargi les marchés dans lesquels ils écoulaient leurs produits entre 1984 et 1993. Ces tendances s'observent pour la majorité des provinces et des industries. La forte demande qu'il est possible d'observer aux États-Unis et la faiblesse du dollar canadien par rapport au dollar américain devrait continuer à accentuer la propension des fabricants canadiens à exporter leurs produits.

Cet article a été rédigé par Étienne Saint-Pierre. Étienne est économiste à Statistique Canada à la Division de la fabrication, de la construction et de l’énergie.

Vous pouvez obtenir de plus ample information sur le secteur manufacturier canadien en consultant la publication, Produits par les fabricants canadiens (31-211-XPB au catalogue). Cette publication est disponible annuellement au coût de 67 $ au Canada et de 67$ US à l’extérieur du Canada. Vous pouvez commander cette publication par téléphone: 1-800-267-6677, par télécopieur: 1-800-889-9734 ou via Internet : Commander. Des informations sur les données manufacturières ou sur les séries chronologiques peuvent être obtenues auprès de l’unité de diffusion, Division de la fabrication, de la construction et de l’énergie au (613) 951-9497 ou via l'Internet : manufact@statcan.gc.ca