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Mondialisation des marchés et comportements des PME manufacturières*


Pierre-André Julien
Université du Québec à Trois-Rivières

Depuis quelques années, il est de plus en plus difficile de parler de développement des PME sans faire le lien avec la mondialisation des marchés et ainsi de l'économie. On peut même se poser la question si cette mondialisation, qui semble en bonne partie liée au renforcement et à l'extension des entreprises multinationales, ne va pas freiner les petites entreprises pourtant à la base de la plus grande partie de la création d'emplois dans la plupart des pays industrialisés et de la restructuration industrielle de plusieurs de leurs régions dans les quinze ou vingt dernières années.

Cette mondialisation s'explique en particulier par l'application plus sévère et l'élargissement des règles du GATT ou de la future Organisation du Commerce International, par l'affermissement ou la création de zones de libre-échange et, surtout, par la multiplication des investissements étrangers et des accords de toutes sortes entre des entreprises de plusieurs pays. Elle est accélérée par l'abaissement des coûts de transport et des communications et par la pression provenant des nouveaux concurrents internationaux, notamment les nouveaux pays industriels asiatiques.

Cette mondialisation de l'économie, à l'encontre de la tendance traditionnelle à l'internationalisation, se manifeste d'abord par l'élargissement des échanges de biens et de services de toutes sortes, en particulier dans les pays en développement1. Une partie importante de ces échanges se réalise entre les filiales ou succursales des firmes multinationales (les échanges intra-firmes) qui, avec leur fort développement dans la dernière décennie ont accéléré ce que Michalet (1985) appelle la «production délocalisée»2. Mais, beaucoup d'échanges proviennent de la formation de nouvelles alliances ou ententes interentreprises comme on peut le constater dans les industries d'automobiles, de la chimie fine ou de l'informatique (OCDE, 1992).

On voit aussi la multiplication des investissements étrangers directs ou indirects, en particulier venant du Japon et des grands pays de la CEE, et réalisés notamment aux États-Unis; alors que durant les décennies d'avant 1980, c'était ce dernier pays qui était à la source du plus grand nombre d'investissement à l'étranger, en particulier vers l'Europe3. Et ces investissements se font de plus en plus dans les services4, expliquant une bonne partie de l'augmentation des échanges dans ce secteur et la formation de grandes firmes multinationales dans la finance et dans le transport5.

Une part de ces échanges de services se fait dans les transferts de brevets ou de droits pour des nouveaux produits ou pour de nouvelles formes de production, accélérant ainsi dans les entreprises la pénétration des nouvelles technologies venant de nombreux pays. Ils favorisent aussi une hausse rapide des flux transfrontières d'information économique et technologique, mais aussi politique et culturelle qui pourraient ainsi nous conduire à une certaine forme de «village global» dont parlait Marshal McCluhan dans les années 19706. Ces flux sont favorisés en particulier par les nouvelles découvertes en télématique et les nouvelles formes d'organisation de l'information à travers les échanges de documents informatisés.

Ainsi, le rapport de l'OCDE sur «La technologie et l'économie» définit cette nouvelle forme d'internationalisation «comme un large éventail de processus et de relations qui ont conduit les économies nationales, antérieurement assez distinctes les unes des autres, à devenir intimement liées et désormais économiquement interdépendantes à un degré sans précédent» (Rapport TEP, 1992: 232).

La conséquence de cette mondialisation sur les différents marchés de consommation est de faire en sorte que la variété des produits venant de plusieurs points de la planète augmente considérablement. De plus, la concurrence internationale accélère le changement, au point qu'un produit arrive de plus en plus vite à la fin de son cycle de vie. Cette concurrence accroît ainsi considérablement la volatilité des produits du fait que les biens et services nationaux entrent en concurrence avec des biens semblables ou substituts, souvent plus performants ou moins chers.

De plus, les entreprises nationales peuvent non seulement acheter des matières premières, des produits semi-finis ou des technologies dans un grand nombre de pays, mais elles doivent rechercher de nouveaux marchés à l'extérieur pour rentabiliser leurs produits afin d'allonger ce cycle de vie et être très innovantes pour compenser par la suite leur déclin.

Toutefois, l'importance des échanges diffère selon les pays. Ainsi, elle est très grande pour des petits pays industrialisés proches des grandes économies, comme les Pays-Bas ou le Portugal (dont les exportations représentent respectivement 36,7 et 50,3 % du PIB), alors qu'elle est relativement faible pour des grands pays avec déjà un très grand marché intérieur comme les États-Unis ou le Japon (10,3 et 7.5 % respectivement7).

Il existe aussi d'autres limites à cette mondialisation, telle que la segmentation d'un grand nombre de marchés avec la hausse des revenus, favorisant ainsi la multiplication d'interstices pour des productions localisées ou en petites séries et le développement d'exportations typées de certaines PME exportatrices. Cette segmentation des marchés est renforcée par le développement local plus cohérent et par la production de réseaux localisés de mieux en mieux organisés.

Par ailleurs, comme les gouvernements centraux n'ont plus les moyens de répondre à toutes les demandes des citoyens et prennent conscience des différences de besoins, ils se décentralisent vers les gouvernements locaux, ce qui favorise la différenciation et le recours aux productions régionales.

De même, beaucoup d'échanges internationaux continuent à échapper aux dispositions de l'entente du GATT, bien que les droits de douanes soient passés en moyenne de 40 % à 4 % de 1945 à nos jours. Ceci s'explique par la multiplication des accords de libre-échange entre deux ou plusieurs pays, par des ententes particulières (puisque la clause de la nation la plus favorisée est de moins en moins appliquée ou est contrainte par des accords particuliers comme l'accord multi-fibres), par le fait que les États recourent à toutes sortes de mesures indirectes pour bloquer les importations en se justifiant, par exemple, par la clause «anti-dumping» du GATT, et enfin parce que les échanges sont beaucoup plus fonction de l'évolution des parités monétaires gérées par des organismes évoluant en parallèle au GATT. Il faut ajouter en plus à ces restrictions les limitations juridiques telles que les brevets et les comportements monopolistiques des cartels internationaux ou des grandes alliances multinationales (Contractor et Lorange, 1988; Petrella, 1989).

De plus, l'ouverture internationale ne veut pas dire la multiplication des échanges à tous vents. Dans beaucoup de cas, celles-ci permettent de revenir aux courants traditionnels d'échanges qui avaient été bloqués par la mise en place de mesures protectionnistes. Par exemple, en Europe, le marché commun a permis à la Catalogne de multiplier ses échanges avec le sud de la France et le nord de l'Italie comme c'était le cas durant la période occitane du Moyen-Age. Au Canada, l'Accord de libre-échange avec les États-Unis (et maintenant avec le Mexique) a donné un coup de fouet aux échanges nord-sud au détriment de celles canadiennes est-ouest.

Mais, de toute façon, les échanges multinationaux de toutes sortes s'accélèrent, ce qui a pour effet de hausser considérablement la concurrence sur un très grand nombre de marchés. De plus, le recours à des services de distribution dans un ou plusieurs autres pays, la multiplication d'alliances, l'achat de pièces à l'étranger, la croissance des emprunts sur le marché international, haussent l'interdépendance entre les systèmes de production et entraînent une certaine unification d'un bon nombre de marchés internationaux. Cette interdépendance est telle que les politiques nationales en sont perturbées et leur efficacité plus limitée.

Tout ceci augmente la complexité dans l'économie. La variable clef dans cette «complexification» des systèmes de production est l'information et ainsi son contrôle. L'information devient le «pétrole» de la troisième révolution industrielle tant pour les gouvernements nationaux que pour les entreprises. On peut penser que les PME dans cette «complexification» peuvent être déstabilisées, n'ayant pas les énormes ressources des entreprises multinationales pour s'ajuster à cette augmentation de la concurrence et de l'interdépendance. On peut ainsi supposer que la précarité constatée avec l'augmentation des taux de disparitions des petites entreprises plus ou moins en parallèle avec la forte création d'entreprises dans les 15 ou 20 dernières années devrait augmenter; bien que des études récentes aient montré que cette précarité était beaucoup moins forte que l'on pensait (Philipps et Kirchoff, 1988 ; van der Horst, 1992 ; Andersen, 1993). Mais, comme on sait que beaucoup de nouvelles PME ont tendance à s'implanter sur des marchés plus risqués ou nouveaux, la renaissance des PME dans la plupart des pays industrialisés peut être menacée dans ce processus de mondialisation économique.

Pour analyser cette menace potentielle pour les PME, on doit revenir aux divers éléments distinguant la mondialisation de l'internationalisation ou de la croissance antérieure des échanges internationaux et les appliquer aux petites entreprises de façon à vérifier si celles-ci peuvent y faire face ou y trouver de nouveaux avantages pour assurer leur dynamisme. Ces éléments sont 1) l'abaissement accéléré des barrières douanières ouvrant de nouvelles possibilités d'exportations. 2) En contrepartie, la disparition graduelle de ces barrières entraîne une augmentation de la concurrence pour les PME nationales. 3) Cette concurrence est accentuée par une diversification et un remplacement rapide des biens et services limitant la durée de vie des produits nationaux. 4) La concurrence passe aussi par une présence accrue des entreprises multinationales tant dans le secteur manufacturier que dans celui des services. 5) Mais, ces multinationales ont le pouvoir de prendre le contrôle des PME intéressantes pour leur développement, ou encore de conclure diverses alliances avec elles ou leur faire réaliser de la sous-traitance. 6) La globalisation peut donner en contrepartie aux PME l'accès à toutes sortes de ressources tant matérielles qu'immatérielles, notamment d'information, ou du moins les obligent à être systématiquement à l'écoute du changement dans le monde. 7) Enfin, les États ne pourront plus aider les PME aussi directement qu'elles ont pu le faire auparavant, compte tenu des nouvelles règles de concurrence mises en place par les organismes supranationaux.

C'est ce sur quoi nous allons nous arrêter dans cet article en présentant dans une première section la situation générale des PME tant par rapport à l'augmentation de la concurrence due à l'abaissement accélérée des barrières douanières que par rapport aux nouvelles possibilités du côté des importations et des exportations. Dans cette partie nous nous servirons de résultats d'enquêtes réalisées sur le sujet notamment au Québec. Dans une deuxième section, nous essaierons de définir un cadre d'analyse pour nous aider à distinguer différents types de comportements des PME selon leur niveau d'implication face à cette mondialisation des marchés. Dans une troisième section, nous expliciterons cette typologie en utilisant les résultats de plusieurs enquêtes ou études de cas récentes. Enfin, en conclusion, nous reviendrons sur les éléments de la mondialisation ou encore nous rappellerons les facteurs soutenant, favorisant, ou encore limitant les PME face à cette tendance.

 

1. PME et mondialisation: une première analyse générale

On peut donner une première réponse générale aux menaces que sembleraient courir les PME avec la mondialisation des marchés en étudiant d'abord l'évolution de leur compétitivité comparée aux grandes entreprises et à la concurrence étrangère. On peut aussi essayer de montrer que les PME profitent de la mondialisation en recourant de plus en plus aux ressources nouvelles qu'offre l'ouverture des frontières et, pour certaines d'entre elles, en augmentant leurs exportations soit directement, soit indirectement.

 

1.1 Les PME et la concurrence internationale

Dans le premier cas, une enquête récente auprès d'un échantillon représentatif de PME manufacturières (234 entreprises ayant entre 3 et 250 employés) dans trois régions québécoises et oeuvrant dans des industries touchées directement par l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis montre que celles-ci sont de plus en plus sensibles à la concurrence mondiale accrue. Ainsi, si peu d'entre elles (moins de 30%) sont bien informées de cet accord et ont pris des mesures spécifiques, près de 70% ont fait des investissements récents, réalisent de la R-D soit de façon organisée ou sporadique pour différencier leurs produits, organisent de mieux en mieux leur veille stratégique, etc. Elles semblent considérer qu'au delà de la concurrence nouvelle américaine due à cet accord, elles doivent de toute façon améliorer leur compétitivité afin de faire face à l'augmentation générale de la pression internationale, sinon rechercher des créneaux ou de nouvelles façons de faire afin de mieux pouvoir se distinguer de cette concurrence et ainsi d'assurer leur survie et leur développement (Julien, Joyal et Deshaies, 1994).

Cette étude est confirmée par une autre enquête au Québec auprès de 408 PME manufacturière sur leur recours croissant aux nouvelles technologies pour consolider leur compétitivité. Les résultats de cette étude montre que le recours à au moins une technologie informatisée ou une technologie dite de pointe est passée d'environ 13 % en 1986 à plus de 50 % en 1992 (Julien et Carrière, 1993). Ainsi, si plus de 80 % des grandes entreprises utilisent des systèmes informatisés de fabrication, ce pourcentage dépasse maintenant 60% dans les PME de plus de 20 employés, ce qui est relativement comparable à ce qui se passe ailleurs (Statistique Canada, 1991; Scarlatti, 1991).

Cette évolution relativise l'idée du retard des PME vis-à-vis des grandes entreprises quant au niveau de modernisation des processus de production pour pouvoir faire face à la concurrence internationale accrue. D'autant plus que toutes les PME n'ont pas besoin d'en faire usage. Comme on l'a dit plus haut, la segmentation des marchés et la multiplication des interstices ont ouvert d'autres marchés pour des productions artisanales ou de petites séries qui ne requièrent le plus souvent pas de technologie complexe. Ainsi, on peut trouver toutes sortes de PME dont certaines se limitent à des marchés typiques, oeuvrent sur des créneaux très particuliers, basent leur concurrence sur l'innovation systématique de produit ou sur une technologie qu'elles ont créée elles-mêmes ; d'autres travaillent en sous-traitance avec des donneurs d'ordre où le temps et la proximité sont très importants, etc. Par exemple, nos études montrent que dans l'industrie des ateliers d'usinage, 14,5 % des PME n'emploient aucune technologie soit générique soit spécifique; elles survivent parce qu'elles peuvent répondre en quelques heures seulement à la réparation de pièces pour des machines qui brisent, ou encore parce qu'elles sont situées dans des régions éloignées.

D'autres analyses rappellent que les PME s'appuient sur plusieurs types d'avantages pour améliorer leur compétitivité ou du moins pour se distinguer vis-à-vis de la concurrence. Par exemple, du côté de leurs capacités à l'innovation, de plus en plus d'études montrent que les petites entreprises, malgré des dépenses directes bien inférieures, réalisent beaucoup plus d'innovations radicales que les grandes (Mansfield, 1981 ; Acs et Audretsch, 1988), au contraire de ce qu'on pensait il y a encore peu de temps. D'autres recherches considèrent que plus de 50% des PME manufacturières font régulièrement de l'innovation, que ce soit de façon organisée ou sporadique, soit pas beaucoup moins que les grandes (Archibugi et Cesaretto, 1989 ; Bernard et Torre, 1994). Nos propres données d'enquête (Julien et Carrière, 1992) montrent que ce taux dépasse 40 % sauf pour les industries des pièces d'automobile et de matériel électrique et électronique.

De même, près de 60 % des firmes en moyenne font de la formation pour leurs employés. Une étude canadienne récente arrive à la conclusion que 57 % des firmes donne de la formation en informatique ; au total cette formation est en moyenne de 39 heures par année (CCPT, 1993). Une autre enquête réalisée au Québec montre que le tiers des entreprises sont engagées dans une démarche de qualité totale (BFD, 1992).

Ces données québécoises et canadiennes rappelant que la compétitivité des PME, sur leur marché spécifique n'est pas tellement plus faible que celle des grandes entreprises est confirmée par une analyse récente d'EUROSTAT (OEPME, 1994). Cette étude permet de comparer la productivité du travail des PME dans les industries manufacturières là où elles sont dominantes par rapport à celles où les grandes entreprises étaient les plus importantes. Comme on peut le voir au tableau 1, les résultats montrent que cette productivité des PME peut très bien se comparer à celles des grandes entreprises, avec un indice de 91 contre 96 pour les grandes entreprises dans les industries manufacturières (le coût du travail par employés étant relativement le même). Cette comparaison est beaucoup plus défavorable dans le cas des services, bien qu'ici encore la comparaison soit difficile puisque les petites offrent le plus souvent des services qui diffèrent beaucoup de ceux donnés par les grandes.

Cette capacité est d'ailleurs confirmée en quelque sorte par le recours de plus en plus systématique des grandes entreprises à la flexibilité particulière des PME, de façon à restaurer ou à améliorer leur propre rentabilité. Cette tendance à «l'externalisation» des grandes entreprises ne se limite pas aux seules activités de production: nombreuses sont en effet les grandes entreprises qui confient leurs activités tertiaires à des petites sociétés, tel l'informatique, l'entretien des locaux, le gardiennage, etc.

 

1.2 PME et importation

Une façon de profiter de la globalisation est de s'approvisionner à moindres coûts, par exemple dans les pays en développement, d'acheter des brevets étrangers pour mieux se différencier sur ses propres marchés, ou encore d'obtenir des informations de toutes sortes pour se positionner sur des nouveaux créneaux (Brown and Butler, 1993).

Dans la plupart des pays, on ne possède pas de données sur les importations touchant particulièrement les PME. On peut toutefois considérer que les PME importent beaucoup moins que les grandes entreprises. Par exemple, en faisant le lien entre les industries dans lesquelles les PME sont majoritaires et les données générales d'importation par industries, comme dans la figure 1 pour le Québec, on peut voir que les industries dont l'emploi provient avant tout des PME (à droite et en bas du graphique) importent beaucoup moins que celles dominées par les grandes entreprises. Cette situation tend toutefois à changer, comme on peut le voir avec les flèches montantes indiquant l'évolution entre 1982 (ou 1981-83) et 1989 (1989-91). De plus, certaines industries plus modernes importent beaucoup, telles les industries des équipements (no 31 de la Classification Industrielle Standard), les industries diverses (39) et les industries du cuir (17).

 

Figure 1

Taux de pénétration des produits étrangers sur le marché canadien et importance des PME par industrie, 1981-1991.8

Légende:      
1982 (1981-83) 1986 (1985-1987) 1989 (1989-1991)  
10 Aliments 11 Boisson 12 Tabac 15 Caoutchouc
16 Produits de plastique 17 Cuir 18 Première transformation du textile  
19 Produits de textile 24 Vêtement 25 Produits du bois 26 Meuble
27 Produits du papier 28 Imprimerie 29 Première transf. des métaux  
30 Produits métalliques 31 Produits d'équipements 32 Produits de transports  
33 Produits électriques 35 Produits non métalliques 36 Produits du pétrole  
37 Produits chimiques 39 Produits divers    

 

1.3 PME et exportations

Par contre, du côté des exportations, on dispose de données beaucoup plus précises sur le nombre de PME qui exportent et sur leur part dans les exportations totales par pays. Ici encore, toutefois, on constate qu'en moyenne, les petites entreprises exportent moins que le grandes.

Mais cette idée de relation négative entre la taille et la capacité à exporter doit être nuancée. Par exemple, si Hirsch et Aden (1974) ou Cavesgill et Nevin (1981) arrivent à la conclusion que plus la taille de l'entreprise est grande, plus celle-ci exporte, Elfeld (1986), Holden (1986) ou encore Ali et Swiercz (1991) montrent que cette variable n'est pas significative ou peu claire.

En effet, il semble exister un certain seuil minimal de taille pour pouvoir exporter; ensuite la taille jouerait de moins en moins. Dans notre enquête de 1992, nous avons évalué ce seuil autour de 40 employés (Julien, Joyal et Deshaies, 1993). Ce seuil permettrait de posséder les ressources minimales pour réussir une stratégie d'internationalisation. Ce qui expliquerait les conclusions contradictoires selon que l'échantillon comprenne plus des moyennes que de petites entreprises ou touche à des industries où les PME exportent moins. Ainsi, en général dans les pays de l'OCDE, les exportations des industries traditionnelles ou à travail intensif, telles les industries du cuir, du bois ouvré et du meuble, sont dominées par les PME (notamment dans les pays scandinaves). Mais on trouve aussi des industries plus modernes, comme celles des produits en métal, de la machinerie et des produits de transport en Allemagne, où les PME exportatrices sont particulièrement présentes (OCDE, 1994). Une deuxième raison viendrait du fait que certains échantillons pourraient comprendre surtout des PME exportatrices «professionnelles», comme nous en discuterons plus bas.

Ces données ne montrent toutefois pas tout. Pour la plupart des PME exportatrices, leur part de la production exportée est relativement faible (moins de 20 %). Cette part ou même le nombre de PME peut varier selon la conjoncture nationale et internationale ou les variations dans les parités monétaires, etc. Par exemple, les exportations des PME japonaises ont fortement diminué dans les dernières années à cause de la hausse importante de la valeur du yen.

D'autres données montrent toutefois que l'implication des PME dans l'exportation augmente (Marchini, 1993). Ainsi, au Québec, si de 1982 à 1989 la part des PME dans les exportations totales a diminué à peu près pour toutes les industries, sauf pour les produits métalliques, la machinerie et les industries diverses, il n'en est pas de même pour les PME qui exportent déjà puisque leur part dans les livraisons totales est passée de 10,9% en 1980 à 11,8% en 1984 et à 12,3% en 1989. Des données toutes récentes sembleraient montrer que ce pourcentage dépasserait maintenant 18%. De même, la part des PME exportatrices dans le total des expéditions vers les États-Unis, qui constituent la première destination internationale des entreprises québécoises9, a augmenté encore plus, passant de 12,6 % en 1982 à 14,1 % en 1989 (Julien et Morin, 1996).

Cela semble aussi le cas ailleurs. Ainsi, au Danemark, les PME exportatrices (moins de 200 employés) ont vu leurs ventes internationales augmenter de 29,5 % entre 1986 et 1990 contre 17,8% pour les firmes exportatrices de plus de 500 employés. En Grèce, de 1983 à 1991, la croissance des exportations des petites firmes de moins de 50 employé a été de 7% en moyenne par année contre 4 % pour celles ayant plus de 100 employés (OCDE, 1994).

Cette implication pourrait s'accélérer si toutes les PME souhaitant exporter passaient aux actes, comme notre enquête sur les PME et l'Accord de libre-échange avec les États-Unis nous l'a montré. En effet, dans cette enquête, nous avons essayé d'évaluer parmi ces firmes celles qui avaient à peu près les mêmes caractéristiques que de celles qui exportaient déjà. On a ainsi trouvé que 37,1 % (ou 10,7 % de l'ensemble) de ces PME avaient ces caractéristiques; l'étude a permis de plus d'ajouter à ce nombre 2 % d'entreprises ne manifestant aucun intérêt pour l'exportation mais ayant ces caractéristiques. Ainsi, au total au Québec, près de 18 % des PME manufacturières exportent déjà et environ 13 % seraient aptes à exporter, pour un total possible de 31 %.

 

1.4 Importations et exportations indirectes

Cette analyse des importations et des exportations des PME n'est toutefois pas très satisfaisante ou ne tient pas compte des particularités du monde des PME par rapport aux grandes entreprises. En effet, comme le font remarquer Grandinetti et Rullani (1994), plusieurs PME participent indirectement aux importations d'entreprises en amont et aux exportations d'entreprises en aval, du fait qu'elles se situent sur une chaîne de valeur orientée vers les échanges internationaux, ou encore parce qu'elles font partie d'un réseau d'entreprises ouvertes sur l'international. On peut trouver ainsi un bon nombre de sous-traitants travaillant pour le compte de grandes firmes fortement exportatrices. Ainsi, comme plus de 20% des PME manufacturières ayant 5 employés et plus font de la sous-traitance, on peut penser que le pourcentage de PME qui exportent directement et indirectement est plus élevé que les données peuvent le montrer.

 

2. Pour une typologie des PME face à la mondialisation

Cette façon de considérer les PME vis-à-vis de la mondialisation dans leurs comportement directs et indirects peut nous permettre de construire une typologie des PME en ajoutant à celles qui se positionnent pour mieux faire face à l'augmentation de la concurrence et à celles qui importent ou qui exportent ou qui font les deux tout un groupe de petites entreprises qui s'insèrent de plus en plus dans les échanges mondiaux en s'associant entre elles ou en travaillant pour des grandes entreprises résolument tournées vers l'international. Cette typologie est adaptée d'une approche de Fuguet et al. (1986) reprise par Torrès (1994) en tenant compte non seulement de la localisation du marché (de local à international, en passant par le régional et le national), mais aussi de la localisation des ressources obtenues sur différents marchés, localisation soit proche, soit de plus en plus internationale (appelé «l'espace de fonctionnement»). Ainsi, Torrès, pour spécifier les PME quant à leur niveau de globalisation, distingue quatre groupes. Le premier groupe touche les PME locales (ou régionales, ou nationales) qui se limitent à des ressources nationales pour assurer leur production et qui distribuent celle-ci sur un territoire relativement proche (local, régional, national). Le deuxième groupe de PME, qu'il appelle «glocales», comporte aussi des PME à marché intérieur mais qui s'approvisionnent en tout ou en partie sur le marché international. Dans le troisième groupe, les PME internationales, on trouve les petites entreprises exportatrices dont on a parlé plus haut. Enfin, le dernier groupe, les PME exportent et importent en même temps, possiblement dans des marchés de plus en plus multiples et complexes; celles-ci sont pour lui les seules «globales».

Comme notre objectif n'est pas de caractériser les PME selon leur niveau de mondialisation, mais plutôt de les situer face à cette tendance, on peut reprendre cette typologie un peu différemment en ajoutant à ces quatre types de PME, comme on peut le voir à la figure 2, les PME qui fonctionnent indirectement sur le marché mondial soit en réseau, soit en relation avec d'autres firmes internationales. Ces petites firmes recourent à des ressources internationales et exportent indirectement tout en ayant une localisation strictement territoriale10.

Cet ajout de «l'espace de fonctionnement» (où la firme trouve-t-elle ses divers facteurs de production, y compris l'information, pour fonctionner et se développer, et où se localise-t-elle?) à «l'espace de marché» (où vend-elle partiellement ou complètement?) nous permet de spécifier cinq façons de faire face à la mondialisation des marchés en tenant compte des comportements des PME du côté de l'international. Ces stratégies sont le développement d'une bonne compétitivité pour faire face «localement»11 aux importations croissantes (type 1), une stratégie d'ouverture internationale pour importer des ressources supplémentaires afin de mieux se distinguer de la concurrence (type 2), un comportement tourné vers l'exportation (type 3), une stratégie internationale tant du côté des intrants (une partie est importée) que des extraits (l'exportation) pour élargir et diversifier ses actions vis-à-vis de l'international (type 4), et enfin, l'association avec d'autres entreprises dans des réseaux de différentes formes pour fonctionner en même temps sur le local et sur l'international (type 5).

Nous avons situé ce dernier type au centre de la figure 2 puisqu'il peut comprendre des PME n'agissant qu'au niveau local (type 1), tout en recevant indirectement diverses ressources dont l'information des autres membres du réseau reliés à l'international. Certaines entreprises de ces réseaux font de l'importation (type 2), d'autres de l'exportation (type 3) et quelques unes les deux (type 4).

 

3. Une première application de la typologie

Ainsi, à l'encontre de l'analyse de Torrès, dans notre cas toutes ces stratégies sont «globalisées». En effet, notre analyse tient compte de toutes les PME qui fonctionnent jusqu'à un certain point avec une stratégie qui se préoccupe de la mondialisation des marchés. Même si elles n'importent ni n'exportent, elles sont influencées par cette tendance et agissent en fonction d'elle. Dans cette analyse, en reprenant l'idée de Gartner (1988) et comme nous l'avons montré en discutant du processus stratégique des PME (Chicha, Julien et Marchesnay, 1990), ce qui nous préoccupe ici, ce n'est pas ce que sont les PME, mais ce qu'elles font par rapport à la mondialisation des marchés. Nous pouvons trouver ainsi cinq types de PME «mondiales» ou "globales".

 

3.1 Les PME localement compétitives

Ainsi dans le quadrant sud-ouest, comme notre enquête l'a démontré (Julien, Joyal et Deshaies, 1994) et si on exclut environ 15% de près petites firmes fonctionnant sur des marchés très typés ou qui sont protégés de la concurrence internationale par le fait d'être situés dans des régions éloignés, on retrouve près de 26 % des PME manufacturières qui n'exportent12 pas mais qui doivent toutefois d'améliorer leur compétitivité de manière à pouvoir résister à la concurrence accrue due notamment à l'ouverture des frontières. Ces PME peuvent fonctionner dans des milieux particulièrement dynamiques. Les ressources obtenues pour maintenir ce dynamisme peuvent être aussi bien locales que nationales, selon la complexité recherchée (Deshaies, Julien et Joyal, 1992). Il serait toutefois surprenant que ces milieux dynamiques soient coupés de l'international, que ce soit au moins du côté de l'information technologique.

En ce sens, ce type 1 est plutôt un cas d'école alors que la plupart des PME dynamiques font plutôt partie du type 2 relié directement ou indirectement à l'international, au moins par la recherche d'information nationale et internationale.

 

3.2 Les PME recourant aux ressources internationales

Ainsi, dans ce deuxième cas (quadrant nord-ouest), on trouve des PME (environ 11%) dont une partie ou toutes les ressources naturelles ou encore les produits semi-finis sont importés. Dans le secteur des services, on voit beaucoup de ces importateurs. Dans les industries traditionnelles, telles les industries du cuir ou du vêtement, il existe aussi un bon nombre de petites firmes qui importent des biens, notamment venant des pays à faibles salaires, afin de compléter leur gamme de produits, se contentant de produire les biens de moyenne ou de haute gamme. Torrès (1994) a étudié des petites firmes conseil dont la spécialité était de rechercher systématiquement des informations internationales afin d'aider leurs clients locaux à mieux se développer. C'est le rôle de beaucoup d'organismes privés ou publics de transfert d'information technologique pour favoriser la diffusion des nouvelles technologies et ainsi améliorer la compétitivité des PME nationales (OCDE, 1993). Les PME peuvent difficilement se contenter d'informations purement nationales, ou du moins les informateurs "nationaux" doivent aussi s'abreuver aux canaux internationaux pour être à jour, notamment du côté de la R-D qui est par définition transnationale.

 

3.3 Les PME exportatrices

Les informations internationales obtenues peuvent permettre de connaître et ainsi d'agir sur les marchés internationaux ou d'exporter. Il existe deux grands courants théoriques pour expliquer l'exportation dans les PME. Le premier courant relève des théories des stades de croissance de l'entreprise affirmant que les petites entreprises doivent passer par différentes étapes avant de pouvoir exporter13. Le second consiste à l'identification de typologies opposant plusieurs profils types de comportement facilitant ou freinant les capacités exportatrices des PME14. La première approche a été critiquée à cause de la difficulté de s'entendre sur la délimitation des stades (Miesenbock, 1988) et parce qu'un grand nombre de PME ne dépassent jamais les premiers stades ou d'autres sautent directement aux stades finaux. La seconde est trop statique, n'expliquant pas comment on peut passer d'un profil à l'autre. Il vaut mieux définir un cadre global qui permette de discerner aussi bien les firmes ayant les capacités à exporter que celles qui peuvent passer d'un stade à l'autre.

Ces capacités ou les caractéristiques des PME qui exportent ont été relativement bien analysées (Beamish et Monroe, 1985). Celles-ci font le plus souvent de d'innovation; elles disposent d'un service de R-D plus ou moins organisé. Les PME dans les secteurs de moyenne ou de haute technologie ont ainsi plus de chance d'exporter que dans des secteurs de faible technologie. Elles font par conséquent plus de veille commerciale, concurrentielle et technologique, et ce de façon relativement bien organisée. Elles recourent à des technologies de gestion et de production normalement modernes sinon de pointe. Ajoutons que ces caractéristiques des PME exportatrices ou susceptibles d'exporter relèvent autant de la socio-psychologie de la direction (Kedia et Chhokar, 1985) que de la structure comportementale de l'entreprise et de ses capacités concurrentielles (Léo, Monneyer et Philippe, 1990).

Une étude que nous avons réalisée sur des PME québécoises exportatrices intégrant les comportements de leur direction, l'ampleur des ressources internes et externes mises en oeuvre pour l'exportation et l'importance de la stratégie marketing en ce sens, nous a permis de classer celles-ci en trois catégories (Julien, et al., 1997). La première catégorie est celles des PME «opportunistes». Chez celles-ci, les propriétaires-dirigeants consacrent peu de temps et peu de ressources de leur firme à l'activité exportatrice et surtout ils n'ont pas une stratégie marketing spécifique pour le marché international ; cette stratégie du côté international est très réactive, attendant tout simplement les opportunités ou les commandes non sollicitées de l'extérieur. La deuxième catégorie représente les PME «exportatrices professionnelles». Ces dernières dont on a parlé plus haut s'investissent résolument dans l'exportation, même si cette activité peut ne toucher (encore) qu'une faible partie de leur production. Elles développent une stratégie réfléchie et orientent plusieurs ressources clefs en ce sens. De plus, elles appliquent une stratégie marketing internationale de long terme. Dans le troisième cas, soit les PME «exportatrices en transition», ce sont des petites entreprises hésitant pour un temps plus ou moins long soit à s'engager plus résolument dans l'exportation, après avoir répondu a plusieurs commandes non sollicitées, soit à sortir du marché d'exportation, celui-ci demandant trop de ressources alors que le marché local ou national est mal desservi. Nous retrouvons dans ce dernier cas des PME du second type, préférant se consacrer au marché national tout en important des ressources et de l'information de l'international. Comme on l'a dit, ces différentes catégories ne dépendent pas de l'importance des exportations dans les expéditions.

Dans le quadrant sud-est, on trouve surtout des PME exportatrices opportunistes et en transition, soit environ 10 % des PME manufacturières.

 

3.4 Les PME importatrices et exportatrices

Comme on l'a dit, la plupart des PME de notre première catégorie importent une partie parfois importante de leurs pièces pour les intégrer dans leurs produits finals avant d'exporter. Elles doivent donc obtenir de l'information internationale tant du côté intrant que du côté extrant pour connaître l'évolution des marchés et des produits, et donc de la concurrence en amont et en aval. Ainsi leur veille commerciale, concurrentielle et technologique constitue un élément majeur du succès des exportations pour les PME (Verhoeven, 1988: Seringhaux, 1988; Ali et Swiercz, 1991). Cette veille doit être vue dans le processus d'apprentissage nécessaire pour mieux assurer la stratégie d'exportation.

 

Cet apprentissage permet aux firmes de prendre de l'expérience en commençant normalement à exporter dans des pays proches géographiquement et culturellement (Bilkey et Tesar, 1977; Ursic et Czinkota, 1984). Mais, on rencontre de plus en plus de petites firmes qui sont commencent à exporter dès leur création et ce possiblement dans plusieurs pays. Ainsi, le cheminement des PME exportatrices n'est pas toujours linéaire, même si l'apprentissage continue à jouer un rôle important, en particulier pour le développement d'un bon système d'information «international» (Christensen, 1991).

Par exemple, dans deux des dix cas des firmes québécoises dites «exportatrice professionnelle», après avoir exporté aux États-Unis dans des États proches, elles ont commencé à le faire au Mexique. Une autre a décidé de s'attaquer directement à un marché un peu plus lointain, soit la Californie, en considérant ce marché comme le plus difficile et en affirmant que si cette expérience fonctionnait bien, il serait facile de l'élargir ensuite aux États plus proches. Enfin, trois des petites firmes exportaient aussi, bien que de façon moins importante, dans d'autres pays européens et asiatiques. Les processus de globalisation des PME sont beaucoup plus complexes que l'on pense. On peut donc voir ces PME exportatrices professionnelles dans le quadrant nord-est, soit environ 8 % des PME manufacturières.

 

3.5 Les réseaux internationaux de PME

Enfin, comme on l'a vu plus haut, il existe un bon nombre de PME qui agissent ensemble en se disposant sur une chaîne de valeurs pour exporter, ou encore qui sont reliés à des firmes intervenant fortement sur les marchés internationaux. Dans le premier cas, l'exemple des districts industriels est éloquent. On sait que ces districts regroupant parfois plusieurs milliers de petites entreprises dans une même industrie ont une production telle qu'ils doivent exporter dans plusieurs pays; d'un autre côté, ces districts doivent importer diverses ressources pour soutenir leur production et maintenir leur compétitivité vis-à-vis de la concurrence internationale. Ainsi, dans ces districts, alors que la plupart des firmes n'agissent pas directement sur le marché international, quelques unes appelées firmes-pivot y sont directement reliées soit pour importer diverses matières premières, soit au plan du marketing et de la distribution pour surveiller et développer les marchés (Sengenberger, Pyke et Piore, 1990; Conti et Julien, 1991).

On retrouve des organisations semblables dans des entreprises-réseaux organisées dans un système de partenariat et de sous-traitance «d'intelligence» de façon à créer une forte synergie entre les firmes membres afin de développer des produits «de classe mondiale» pouvant soutenir la concurrence où que ce soit. Normalement, dans ces systèmes, seules la firme leader et les firmes sous-traitantes de premier niveau qui ne travaillent pas exclusivement pour celle-ci exportent; mais mêmes les PME sous-traitantes de deuxième ou de troisième niveau participent indirectement aux exportations et peuvent importer tout en étant reliés au réseau d'information internationale de façon à faciliter l'innovation diffuse (Leclerc, 1993; Julien, 1994).

Dans le deuxième cas, les petites firmes profitent de la tendance à l'externalisation et à la force de vente des grandes entreprises alors que ces dernières bénéficient de la flexibilité des PME. Toutefois, cette tendance peut affecter positivement ou négativement les PME nationales. Ainsi, dans certains cas, une entreprise multinationale qui s'installe dans un pays va entraîner à sa suite certaines PME de son pays qui collaborent déjà avec elle, augmentant ainsi la concurrence vis-à-vis des petites entreprises nationales établies sur le même marché et les forçant possiblement à faire faillite.

Un tel comportement peut toutefois profiter aux sous-traitants nationaux qui travaillent efficacement avec un grand donneur-d'ordre se développant à l'étranger: soit que celui-ci augmente les commandes à ses sous-traitants, soit qu'il incite ceux-ci à implanter une filiale près de leur nouvelle usine. Tout dépend de la capacité des sous-traitants d'affronter la concurrence internationale et de répondre aux besoins du donneur-d'ordre.

Une autre façon de fonctionner en réseau sur les marchés internationaux est de créer des alliances avec d'autres petites firmes étrangères. Nous avons étudié de telles alliances internationales de PME québécoises avec des firmes des pays africains de langue française; leur succès était fonction de leur capacité à développer de l'information et ainsi à échanger des savoirs et des savoirs faire complémentaires profitant aux partenaires (Marcotte et Julien, 1994). Ainsi, au centre de la figure 2, on peut voir environ 30 % des PME provenant des quatre quadrants et agissant ainsi sur le marché international de façon directe et surtout indirecte.

 

4. Conclusion

Comme nous l'avons dit, on pourrait penser que les petites entreprises important et exportant sur plusieurs marchés sont plus «globales» que les autres. Dans une définition stricte de la mondialisation, en relation avec les notions générales dont nous avons parlées dans l'introduction, il est vrai que ces entreprises opèrent sur des réseaux de plus en plus mondiaux. Mais, dans une application plus générale de ce concept, un plus grand nombre de PME s'impliquent par rapport à cette mondialisation, qu'elles opèrent sur des marchés locaux ou internationaux. Elles doivent donc se positionner par rapport à cette transformation de nos économies dans un environnement de plus en plus mondial ou global.

Cette implication répond aux éléments majeurs de la mondialisation. Ainsi, de plus en plus de PME recourent aux nouvelles technologies matérielles et immatérielles pour augmenter leur productivité. Elles font de l'innovation pour prolonger la vie utile de leurs produits ou pour changer ces produits. Elles s'associent avec les grandes entreprises ou travaillent en réseau pour augmenter leurs forces de frappe. De plus, ces réseaux leur fournissent de l'information internationale pour ne pas être dépassé par le changement. Mais compte tenu des limites de la mondialisation, certaines PME peuvent échapper à l'augmentation de la concurrence en se situant sur des crénaux particuliers. La mondialisation peut offrir autant des opportunités pour les PME dynamiques que des obstacles pour celles qui tardent à moderniser leur processus de production ou à développer ces créneaux les mettant à l'abri, du moins momentanément, aux pressions de la concurrence nouvelle.

Mais de toute façon, la mondialisation pose de nouveaux défis aux PME en les amenant à intégrer, du moins partiellement, cette idée du global et des changements qui sans suivent dans leur stratégie. L'élargissement des marchés ne veut pas dire que seules les grandes entreprises pourront profiter pleinement de cette tendance. Il n'y a pas de corrélation entre grand marché et grande entreprise. Aussi, les gouvernements n'ont pas raison de favoriser coûte que coûte les fusions et les acquisitions pour favoriser la compétitivité des grandes entreprises nationales. De toute façon, un poisson devenu de plus en plus gros dans son aquarium va se faire manger lorsqu'il arrivera à la mer ; il vaut mieux lui apprendre à se battre petit pour pouvoir affronter la concurrence où qu'elle soit.

L'étude de l'OCDE (1996) qui vient de se terminer sur la «globalisation des marchés et les PME» montre, d'un côté, que les principaux facteurs soutenant ou accélérant la mondialisation des PME relèvent aussi bien de la dynamique interne des petites entreprises que du support de l'environnement. Dans le premier cas, la recherche d'une croissance diversifiée, une production spécifique basée sur l'innovation, une attitude de la direction ouverte et capable d'engager les ressources spécialisées appropriées, expliquent une bonne partie du comportement des PME ouvertes sur le global. Dans le cas de l'environnement, cela suppose des ressources régionales efficaces en conseil, en financement et en logistique pour soutenir les exportations.

D'un autre côté, les facteurs internes freinant la mondialisation des PME sont une expérience trop faible de celles-ci, des ressources insuffisantes et une perception du risque trop élevée. Les facteurs externes sont avant tout des réseaux d'information nationaux inadéquats ou peu branchés sur l'international, des ressources complémentaires régionales insuffisantes et des programmes d'aide mal adaptés aux besoins des PME. Il semble que dans plusieurs pays les facteurs positifs sont en train de l'emporter sur ceux négatifs.

 

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Notes

* Une première version de cet article a été présentés au Congrès international francophone des PME à Carthages, 2/-23 octobre 1993; une deuxième version a obtenu un des deux premiers prix de la meilleure communication au 39th Conference of the International Congress of Small Business à Strasbourg, le 27-29 juin 1994. Une troisième version est parue en anglais dans Entrepreneurship and Regional Development, 8(1), 1996, p. 57-74. Cette dernière version a été toutefois remaniée pour les besoins de ce colloque.

1 Par exemple, si les exportations avaient augmenté en volume entre 1961 et 1975 de 7,7% par année entre les pays industrialisés contre 3,8 % entre les pays en développement non pétroliers, ces taux s'inversaient entre 1976 et 1990 avec 5,1 % pour les pays industrialisés contre 8,8 % pour les pays en développement. Source : Fonds monétaire international, «Perspectives de l'économie mondiale, mai 1993», Washington, tableau 19.

2 Voir les tableaux 44 et 45, pp. 242 et 243 du rapport TEP (1992) sur l'importance des échanges interfirmes dans beaucoup de pays de l'OCDE.

3 Ibidem p. 237.

4 Voir le Rapport TEP(1992), p. 241.

5 Dans ce dernier cas, par exemple, avec le mouvement de rationalisation dans le transport aérien.

6 Ces tranferts d'information peuvent toutefois augmenter la cacophonie ou l'excès d'information. De même que «l'autoroute électronique», compte tenu des problèmes de création d'information efficace et de la difficulté à gèrer les différences culturelles, ressemble actuellement plus à un «égout électronique» dans lequel les moyens dépassent largement la quantité et surtout la qualité les communications qui y circulent.

7 Données de 1987. Source : A.R. Thurik (1992).

8 Source : P.A. Julien et M., Morin, Mondialisation de l’économie et PME québécoises , Québec, Les Presses de l’Université du Québec, 1996, p. 100.

9 A noter que près de 75 % des exportations québécoises et canadiennes se font avec le puissant voisin.

10 Il faut mentionner ici que dans les autres cas, les PME ont aussi le plus souvent une localisation "nationale" (et donc le plus souvent «locale»); à moins d'avoir quelques filiales étrangères comme dans le cas des grandes entreprises ou d'avoir développé des alliances, notamment des coentreprises avec des firmes étrangères.

11 Ibidem.

12 Dans notre enquête, 42 entreprises (sur 134) exportaient. Celles-ci avaient évidement un comportement actif sinon proactif vis-à-vis l'Accord de libre-échange. En soustrayant ces dernières, on trouve 63% qui continuent d'avoir une stratégie dynamique vis-à-vis cet Accord.

13 Sur les stades de croissance et son application aux théories d'exportation des PME, voir par exemple Bilkey et Tesar (1977) ou Kaynak et Kothary (1980).

14 Voir par exemple, Cavusgil et Naor (1987), Burton et Schlegelmilch (1987) ou Amesse et Zaccour (1990).



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Date de modification : 2012-03-09 Avis importants