Rapports sur la santé
Trouble d’anxiété généralisée (TAG) liminaire et infraliminaire, et idées suicidaires

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par Heather Gilmour

Date de diffusion : le 16 novembre 2016

Le trouble d’anxiété généralisée (TAG) se caractérise par des soucis excessifs, et souvent irrationnels, à propos d’événements ou de circonstances comme le travail, l’école, la santé, les relations, la situation financière ou les activités habituellesNote 1. L’anxiété persiste pendant au moins six mois, est difficile à contrôler et nuit au fonctionnement professionnel, social ou rattaché à d’autres domainesNote 1. Elle s’accompagne de symptômes comme de l’agitation, de la fatigue, des tensions musculaires, de l’irritabilité, des problèmes de sommeil et de la difficulté à se concentrer. Elle peut aussi s’accompagner de tremblements, de sudation, de migraines ou de symptômes gastrointestinauxNote 1. On a établi une association entre le TAG et certaines conséquences sociales et économiques négativesNote 2 ainsi qu’avec une moins bonne qualité de vie liée à la santéNote 3. Les estimations de la prévalence du TAG au cours des 12 derniers mois parmi la population se situent entre 1,1 % et 3,0 %Note 4Note 5Note 6Note 7Note 8Note 9Note 10.

Un diagnostic formel de TAG a pour but de faire une distinction entre ce trouble et des réactions normales au stress, ou encore entre le TAG et d’autres troubles d’anxiété ou de l’humeur. Il n’existe pas de définition normalisée du TAG infraliminaire, mais ce dernier se caractérise généralement par la présence de quelques-uns, mais pas de la totalité, des critères requis pour diagnostiquer un cas de TAG liminaireNote 6Note 7Note 8Note 11Note 12Note 13Note 14Note 15Note 16Note 17 – par exemple, on ne retrouve pas le nombre de symptômes requis pour poser un diagnostic formel, aucune altération significative du fonctionnement n’a été signalée, ou les soucis n’ont pas persisté pendant une période d’au moins six mois.

Le débat se poursuit concernant la question de savoir si les troubles infraliminaires sont conceptuellement différents des troubles liminaires ou s’ils sont simplement une forme moins sévère se situant sur un même continuumNote 18, et on discute aussi de la meilleure façon d’utiliser les approches catégorielles et dimensionnelles pour mesurer les troublesNote 19. Différentes études ont montré que la prévalence des cas de TAG infraliminaire est aussi élevée, voire plus, que le trouble patent, et que ceux-ci présentent une pertinence sur le plan clinique parce qu’ils sont associés à des altérations importantes du fonctionnement, à des situations de comorbidité et à l’utilisation de services, et qu’ils sont prédicteurs de psychopathologies subséquentesNote 6Note 7Note 8Note 12Note 14Note 15Note 17Note 20Note 21.

On a établi un lien entre les problèmes psychiatriques et les comportements suicidairesNote 22, mais les données relatives au TAG sont contradictoires à cet égard. Certaines études ont mis en lumière une association indépendanteNote 23Note 24Note 25Note 26, mais d’autres, nonNote 27Note 28Note 29Note 30. On s’interroge encore en vue de savoir si l’association reflète une comorbidité avec d’autres troubles mentaux (notamment la dépression), et de déterminer comment en tenir compte dans le cadre d’études analytiquesNote 26Note 31Note 32. Il y a eu peu de recherches menées sur la relation entre le TAG infraliminaire et les comportements suicidairesNote 12.

Dans la présente étude, on a procédé à l’estimation de la prévalence du TAG liminaire et du TAG infraliminaire au cours des 12 derniers mois parmi la population à domicile âgée de 15 ans et plus, à partir des données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale (ESCC–SM) de 2012. On a également examiné des corrélats sociodémographiques et psychiatriques du TAG. Une analyse multivariée a été menée afin de déterminer s’il existe une association indépendante entre, d’une part, le TAG liminaire et le TAG infraliminaire, et de l’autre, les idées suicidaires, après prise en compte de facteurs sociodémographiques et des troubles psychiatriques comorbides.

Source des données

L’ESCC–SM de 2012, qui est une enquête transversale, fournit des estimations nationales de la prévalence et des corrélats de troubles mentaux importants au sein de la population à domicile de 15 ans et plus des provinces. Étaient exclus du champ de l’enquête les personnes vivant dans les réserves et autres établissements autochtones, les membres à temps plein des Forces canadiennes et la population vivant en établissement. Le taux de réponse a été de 68,9 %, ce qui a donné un échantillon de 25 113 personnes représentant 28,3 millions de Canadiens âgés de 15 ans et plusNote 33.

Échantillon d’analyse

L’analyse a porté sur un échantillon de 24 785 participants à l’enquête qu’il était possible de classer en fonction de la présence ou non d’un TAG au cours des 12 derniers mois. L’âge moyen pondéré des membres de l’échantillon était de 45,6 ans, et 50,7 % de ces personnes étaient des femmes. Au moment de l’enquête, 60,1 % des participants avaient un conjoint, 12,9 % étaient séparés, divorcés ou veufs, et 27,0 % n’avaient jamais été mariés. La plupart (82,4 %) vivaient dans des centres urbains, et 78,0 % avaient un diplôme d’études postsecondaires.

Mesures

Dans le cadre de l’ESCC–SM de 2012, on a utilisé la version de l’Organisation mondiale de la Santé du Composite International Diagnostic Interview (WHO-CIDI), version 3.0Note 34, un instrument normalisé servant à l’évaluation des troubles mentaux d’après les critères du DSM-IV (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e édition)Note 1. L’ESCC–SM de 2012 incluait six troubles mentaux (au cours de la vie et au cours de la dernière année) : dépression; trouble bipolaire; trouble d’anxiété généralisée; abus d’alcool et dépendance à l’alcool; abus de cannabis et dépendance au cannabis; abus d’autres drogues et dépendance à d’autres drogues. À l’aide d’algorithmes de diagnostic, on a identifié les participants à l’enquête qui remplissaient les critères servant à déterminer la présence de ces troubles.

Pour déterminer la présence d’un TAG au cours des 12 derniers mois, il faut d’abord établir si la personne a eu un TAG au cours de sa vie. Un participant remplissait les critères servant à déterminer la présence d’un TAG au cours de sa vie s’il déclarait :

Concernant la présence d’un TAG au cours des 12 derniers mois à l’intérieur de l’échantillon, ce dernier a été subdivisé en trois groupes :

  1. TAG liminaire au cours des 12 derniers mois :le participant : (a) remplissait les critères servant à déterminer la présence d’un TAG au cours de la vie; (b) a déclaré un épisode d’anxiété généralisée qui a duré au moins six mois au cours des 12 mois ayant précédé l’interview; (c) a déclaré avoir ressenti une souffrance cliniquement significative ou une altération significative du fonctionnement social, professionnel ou rattaché à un autre domaine important.
  2. TAG infraliminaire au cours des 12 derniers mois : le participant a rempli deux des trois critères relatifs au TAG liminaire au cours des 12 derniers mois.
  3. Aucun TAG : le participant n’a pas rempli les critères relatifs au TAG liminaire ou au TAG infraliminaire au cours des 12 derniers mois.

Les troubles de l’humeur (trouble bipolaire ou dépression) et les troubles liés à la consommation d’alcool et d’autres drogues (y compris le cannabis)ont également été évalués au moyen du WHO-CIDI, selon le classement suivant : au cours des 12 derniers mois; au cours de la vie, mais pas au cours des 12 derniers mois; aucun trouble.

Dans le cas de la schizophrénie, de la psychose et du trouble de stress post-traumatique (TSPT), l’évaluation a reposé sur des questions d’autodéclaration distinctes. On a demandé aux participants de déclarer les troubles ayant duré ou devant durer six mois ou plus et ayant été diagnostiqués par un professionnel de la santé.

Dans le cas des idées suicidaires au cours des 12 derniers mois, on a demandé aux participants sélectionnés pour répondre aux questions du module sur la dépression si, durant la période de deux semaines ou plus où leurs symptômes étaient les plus sévères ou fréquents, ils avaient sérieusement pensé à se suicider. On a également demandé aux participants non sélectionnés pour ce module s’ils avaient déjà sérieusement pensé à se suicider. Ceux qui ont répondu oui devaient indiquer si cela s’était produit au cours des 12 derniers mois.

Au total, quatre groupes d’âge ont été définis : 15 à 24 ans, 25 à 44 ans, 45 à 64 ans, et 65 ans et plus. L’âge a été incorporé aux modèles de régression logistique sous forme de variable continue.

Les catégories utilisées en ce qui touche le plus haut niveau de scolarité du ménage étaient : diplôme d’études postsecondaires, et pas de diplôme d’études postsecondaires.

Il y avait trois catégories d’état matrimonial : conjoint (époux ou conjoint de fait); divorcé, séparé ou veuf; et jamais marié.

Pour ce qui est du lieu de résidence, les catégories étaient : région rurale et centre de population. Un centre de population est une zone bâtie en continu qui a une concentration démographique d’au moins 1 000 habitants et une densité de population d’au moins 400 habitants au kilomètre carré.

Techniques d’analyse

Des statistiques descriptives ont été produites afin de déterminer le pourcentage de Canadiens âgés de 15 ans et plus qui remplissaient les critères correspondant à un TAG liminaire et à un TAG infraliminaire, à la fois dans l’ensemble et en fonction de caractéristiques sociodémographiques et psychiatriques, de même que la prévalence des idées suicidaires selon la situation des participants à l’égard du TAG. Une analyse de régression logistique a servi à établir les associations indépendantes entre, d’une part, le TAG liminaire et le TAG infraliminaire, et de l’autre, les idées suicidaires, en tenant compte de différentes variables sociodémographiques et de la présence de troubles psychiatriques comorbides. Des analyses distinctes ont été effectuées pour les hommes et pour les femmes.

Toutes les analyses ont été menées en utilisant la version 9.3 de SAS. On a appliqué des poids d’échantillonnage afin que les résultats des analyses soient représentatifs de la population canadienne. Afin de tenir compte de la sous-estimation des erreurs types attribuable au plan de sondage complexe, on a appliqué des poids bootstrap au moyen de la version 11.0 de SUDAAN, appelable en SASNote 35.

Résultats

En 2012, 2,6 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus (environ 721 700 selon les estimations) remplissaient les trois critères servant à diagnostiquer les cas de TAG au cours des 12 derniers mois (tableau 1), et ils étaient presque aussi nombreux (2,3 %, ou 654 700) à remplir deux des trois critères de diagnostic. On a désigné ces deux groupes par celui des personnes ayant un TAG liminaire et celui des personnes ayant un TAG infraliminaire, respectivement.

La plupart (61 %) des personnes faisant partie du groupe ayant eu un TAG infraliminaire au cours des 12 derniers mois remplissaient le critère relatif à la présence d’un tel trouble au cours de la vie et avaient connu une altération significative de leur fonctionnement au cours de la dernière année; 12 % remplissaient le critère relatif à la présence du trouble au cours de la vie et avaient éprouvé des symptômes pendant au moins six mois au cours de la dernière année; les autres (27 %) ne remplissaient pas le critère relatif à la présence du trouble au cours de la vie mais avaient éprouvé des symptômes pendant au moins six mois au cours de la dernière année et avaient déclaré une altération significative de leur fonctionnement.

Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d’avoir un TAG liminaire ou infraliminaire, à la fois dans l’ensemble (tableau 1) et dans la plupart des groupes d’âge (figure 1). Dans la catégorie du TAG liminaire, la prévalence chez les femmes était significativement plus faible dans le groupe des 65 ans et plus que dans celui des 15 à 24 ans. Chez les hommes, la prévalence était plus élevée dans les groupes d’âge moyen que dans celui des 15 à 24 ans. On observait des profils similaires de la prévalence selon l’âge dans la catégorie du TAG infraliminaire, mais les écarts par âge n’étaient pas statistiquement significatifs.

Les personnes veuves, séparées ou divorcées ainsi que celles qui n’avaient jamais été mariées étaient plus susceptibles d’avoir un TAG liminaire que celles ayant un conjoint (tableau 1), alors que la prévalence du TAG infraliminaire ne variait pas selon l’état matrimonial. Aucun écart significatif de prévalence du TAG liminaire ou du TAG infraliminaire n’était apparent selon le niveau de scolarité du ménage ou le lieu de résidence.

Les personnes ayant rempli les critères relatifs à un trouble de l’humeur ou à un trouble lié à l’abus d’alcool et d’autres drogues, ou ayant déclaré avoir reçu un diagnostic de schizophrénie, de psychose ou de TSPT, étaient significativement plus susceptibles d’avoir un TAG liminaire ou infraliminaire que celles non atteintes de ces troubles psychiatriques (tableau 1). La dépression à titre de trouble comorbide présente une importance particulière dans la relation entre le TAG et la suicidalité. Selon la présente étude, 53 % (IC de 95 % : 47,2, 58,0) des personnes ayant eu un TAG liminaire et 23 % (IC de 95 % : 17,6, 28,5) de celles ayant eu un TAG infraliminaire, au cours des 12 derniers mois, remplissaient également les critères relatifs à la dépression au cours des 12 derniers mois (données non présentées dans les tableaux).

Par rapport aux autres personnes, celles ayant eu un TAG liminaire ou infraliminaire étaient significativement plus susceptibles de déclarer avoir eu des idées suicidaires (figure 2). De plus, parmi les personnes atteintes d’un TAG liminaire, la prévalence des idées suicidaires était beaucoup plus élevée chez les hommes que chez les femmes (32 % contre 21 %). Dans la catégorie du TAG infraliminaire, elle était également un peu plus élevée chez les hommes, mais l’écart par rapport aux femmes n’était pas marqué au point de devenir statistiquement significatif. Les hommes ayant souffert d’un TAG liminaire étaient aussi plus susceptibles que ceux ayant souffert d’un TAG infraliminaire de déclarer avoir eu des idées suicidaires (32 % contre 17 %).

Même lorsqu’on prenait en compte des facteurs sociodémographiques, la cote exprimant le risque d’avoir eu des idées suicidaires au cours des 12 derniers mois parmi les personnes atteintes d’un TAG liminaire ou infraliminaire était significativement plus élevée que parmi les personnes n’ayant aucun TAG (tableau 2, modèle 1). Chez les hommes ayant un TAG liminaire, cette cote était 19 fois plus élevée, et chez ceux ayant un TAG infraliminaire, elle était 8 fois plus élevée. Dans le cas des femmes, les cotes correspondantes étaient 12 fois et 6 fois plus élevées, respectivement.

Lorsque l’analyse englobe les troubles psychiatriques comorbides (tableau 2, modèle 2), l’association entre le TAG et les idées suicidaires devenait moins forte, mais elle demeurait néanmoins significative (rapports de cotes de 5,1 et 1,9 pour les hommes et les femmes souffrant d’un TAG liminaire, et de 3,5 et 2,1 pour les hommes et les femmes atteints d’un TAG infraliminaire).

On observait une association significative entre la présence au cours des 12 derniers mois d’un trouble de l’humeur ou d’un trouble lié à la consommation d’alcool ou d’autres drogues et les idées suicidaires chez les personnes des deux sexes. De plus, chez les hommes, on notait une association significative entre les idées suicidaires et le fait d’être veuf, séparé ou divorcé, la présence d’un trouble de l’humeur au cours de la vie (mais pas au cours des 12 derniers mois) et un diagnostic autodéclaré de schizophrénie ou de psychose. Chez les femmes, la cote exprimant le risque d’avoir des idées suicidaires était plus faible chez les plus jeunes, tandis qu’elle était plus élevée chez les femmes ayant un trouble lié à la consommation d’alcool ou d’autres drogues au cours de la vie (mais pas au cours des 12 derniers mois) et ayant déclaré avoir reçu un diagnostic de TSPT.

Discussion

La présente étude est la première où l’on évalue la prévalence du TAG liminaire et du TAG infraliminaire au cours des 12 derniers mois au sein de la population canadienne âgée de 15 ans et plus. La prévalence estimative (2,6 % pour le TAG liminaire et 2,3 % pour le TAG infraliminaire) concordait avec les résultats d’autres études reposant sur les critères du DSM-IVNote 6Note 7Note 8Note 20. La prévalence du TAG infraliminaire se situait dans la partie inférieure de la fourchette de 2,1 % à 6,6 % déterminée à la suite d’un examen mené en 2014Note 20, ce qui pourrait tenir au fait que les études antérieures ont utilisé des définitions différentes du TAG infraliminaire, examiné des groupes d’âge différentsNote 6Note 7Note 8Note 13Note 14Note 15Note 17Note 36 ou porté sur des échantillons fondés sur les soins primairesNote 21.

De même que dans des travaux antérieurs, on constate que bon nombre de caractéristiques sociodémographiques et cliniques associées aux catégories du TAG liminaire et du TAG infraliminaire étaient similairesNote 6Note 8Note 14Note 15Note 17Note 20. La prévalence des deux catégories de troubles était plus élevée chez les femmes, les personnes jeunes ou d’âge moyen, les personnes n’ayant pas de conjoint et celles atteintes d’un trouble de l’humeur, d’un trouble lié à la consommation d’alcool ou d’autres drogues, de schizophrénie, de psychose ou d’un TSPT.

L’étude a permis de constater qu’il y avait une association significative entre le TAG liminaire et les idées suicidaires chez les deux sexes, indépendamment des caractéristiques sociodémographiques ou de la présence d’autres troubles mentaux, ce qui concorde avec les résultats de plusieurs analyses antérieuresNote 23Note 24Note 25Note 26. Par contre, d’autres études n’ont révélé aucune association de la sorteNote 27Note 29Note 30. Ces résultats contradictoires peuvent tenir à l’utilisation de mesures des idées suicidaires et du TAG portant sur l’ensemble de la vie plutôt que sur les 12 derniers mois, à l’étude de groupes d’âge plus restreints, ou encore à l’éventail de troubles psychiatriques pris en compte (par exemple, certaines études ne pouvaient prendre en compte les troubles de la personnalité).

Bien que le fardeau découlant du TAG liminaire soit bien connuNote 2Note 3, le TAG infraliminaire est lui aussi associé à la détresse psychologique, à une altération du fonctionnement et à l’utilisation de services de santé, et elle est prédictive d’un trouble liminaire ultérieurNote 20. De ce fait, il est utile de déterminer quelles sont les personnes ayant un TAG infraliminaire afin d’évaluer les résultats négatifs qui peuvent en résulter ainsi que la manifestation éventuelle d’un TAG liminaire.

La présente étude montre que les personnes ayant un TAG infraliminaire étaient plus susceptibles d’avoir eu des idées suicidaires au cours des 12 derniers mois. Ces résultats concordent avec une analyse datant de 2006Note 12, où l’on a constaté qu’il n’y avait pas de différence entre le TAG liminaire et le TAG infraliminaire quant à leur association avec les tentatives de suicide au sein d’une cohorte jeune.

On pourrait avancer plusieurs raisons expliquant la relation entre le TAG et les comportements suicidairesNote 31. D’abord, les effets directs de la détresse et de la souffrance engendrées par les symptômes d’anxiété peuvent faire surgir des idées suicidaires ou conduire à des tentatives de suicide. Ensuite, certains mécanismes indirects, comme la manifestation d’autres troubles mentaux, peuvent déclencher des comportements suicidaires. Enfin, certains facteurs communs, comme des facteurs génétiques, un problème de santé physique ou le dénuement social, peuvent prédisposer des personnes à avoir un trouble d’anxiété et des comportements suicidaires.

Dans la présente analyse, les rapports de cotes servant à mesurer l’association entre, d’une part, le TAG liminaire et le TAG infraliminaire, et de l’autre, les idées suicidaires diminuaient de façon importante lorsqu’on tenait compte d’autres troubles mentaux. Cela vient étayer l’argument selon lequel les troubles qui présentent une forte comorbidité avec le TAG expliquent une part importante de l’association en question. Malgré cela, les rapports de cotes demeuraient statistiquement significatifs et élevés dans l’analyse multivariée complète, ce qui semble indiquer que tant le TAG liminaire que le TAG infraliminaire présente une association exclusive avec les idées suicidaires.

La relation entre le TAG, les troubles de l’humeur et la suicidalité est plus complexe que ce que laisse entrevoir la présente étude. Par exemple, deux étudesNote 24Note 28 ont montré que les troubles de l’humeur avaient une association plus forte avec les idées suicidaires, les projets et les tentatives de suicide que les troubles d’anxiété. Cependant, le TAG et d’autres troubles d’anxiété jouaient un rôle plus important que les troubles de l’humeur dans la transition vers les tentatives de suicide parmi les personnes ayant des idées suicidaires. Il faudra mener des travaux plus approfondis à propos du rôle de la comorbidité psychologique.

Dans la présente étude, la prévalence des idées suicidaires parmi les personnes ayant un TAG liminaire était une fois et demie plus élevée chez les hommes que chez les femmes, mais l’association avec les idées suicidaires persistait à la fois chez les hommes et chez les femmes dans le cadre de l’analyse multivariée. Dans la plupart des études précédentes, on n’a pas examiné les hommes et les femmes séparément; l’une des rares études à l’avoir fait a observé une association significative entre le TAG et les idées suicidaires uniquement chez les femmesNote 25.

D’autres chercheursNote 32Note 37 ont évalué l’utilité clinique des résultats en mesurant l’ampleur des rapports de cotes sous l’angle du risque absolu entourant les comportements suicidaires. Au niveau de la population dans son ensemble, le risque d’avoir des idées suicidaires est faible. Par exemple, selon les estimations fondées sur les données de l’ESCC–SM de 2012, 3,2 % des hommes au sein de la population à domicile avaient eu des idées suicidaires au cours des 12 derniers mois. Lorsqu’on multiplie cette proportion par les rapports de cotes calculés dans la présente étude (5,1 pour les hommes ayant un TAG liminaire et 3,5 % pour ceux ayant un TAG infraliminaire), les cotes exprimant le risque d’avoir des idées suicidaires demeurent relativement faibles. La probabilité d’avoir eu des idées suicidaires au cours des 12 derniers mois passe à 0,162 pour les hommes ayant un TAG liminaire et à 0,113 pour ceux ayant un TAG infraliminaire, comparativement à 0,032 pour les hommes en général.

Limites

Certaines limites de la présente étude sont à noter. D’abord, les données sont transversales, et il ne faut pas en tirer la conclusion qu’il existe un rapport de causalité entre le TAG et les idées suicidaires.

On ne peut pas déterminer d’ordre temporel; il se peut que les pensées suicidaires aient précédé le TAG, quoique le fait que l’examen du TAG et des idées suicidaires porte sur les 12 derniers mois plutôt que sur toute la vie atténue cette limite. Néanmoins, il serait nécessaire de mener des études longitudinales en vue de déterminer si le TAG précède les idées suicidaires et hausse le risque d’avoir de telles idées, de manière à pouvoir établir si le TAG constitue un facteur de risque plutôt qu’un corrélat par rapport aux idées suicidaires.

L’instrument d’enquête n’a pas permis de reproduire exactement les définitions du TAG infraliminaire au cours des 12 derniers mois qui ont été utilisées dans des études antérieures et qui reposaient sur le DSM-IVNote 8Note 17. Il n’a donc pas été possible d’effectuer des comparaisons directes de la prévalence.

L’ESCC–SM n’a pas mesuré tous les troubles psychiatriques (par exemple, les troubles de la personnalité) dont on sait qu’ils sont associés à un risque de suicide, mais dont on n’a pu tenir compte dans l’analyse multivariée. Par ailleurs, les troubles mentaux ont été évalués à l’aide du questionnaire WHO-CIDI ou à partir de l’autodéclaration du diagnostic, et ils n’ont pas fait l’objet de vérifications par d’autres moyens.

On a étudié les personnes ayant déclaré avoir eu des idées suicidaires. Le nombre de personnes qui ont élaboré des projets de suicide ou fait des tentatives de suicide était trop petit pour procéder à une analyse.

L’étude n’englobe pas les décès par suicide – on en a dénombré 3 926 au Canada en 2012 (2 972 hommes et 954 femmes)Note 38. Ces personnes n’étaient pas représentées dans l’enquête, et l’on ignore si elles avaient ou non un TAG. Dès lors, on ne peut évaluer l’association éventuelle entre la présence d’un TAG et le fait de se suicider.

Mot de la fin

La présente étude fournit les premières estimations nationales du TAG liminaire et du TAG infraliminaire au cours des 12 derniers mois pour le Canada, et elle met en lumière une association entre le TAG et les idées suicidaires chez les hommes et chez les femmes. Les résultats portent à croire que l’évaluation du risque de suicide peut être utile non seulement pour les personnes ayant un TAG liminaire, mais aussi pour celles atteintes d’un TAG infraliminaire. Le fait de comprendre l’association entre les différents troubles mentaux et les comportements suicidaires peut aider à mieux orienter les efforts visant à réduire les taux de suicide.

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