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Série sur la vie avec une incapacité
Définition de l’incapacité dans l’Enquête sur la participation et les limitations d’activités

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par Andrew MacKenzie, Matt Hurst et Susan Crompton

L’incapacité : un concept en constante évolution
Application pratique du modèle social
Comment Statistique Canada a-t-il appliqué les définitions de l’OMS?
Les perceptions de l'incapacité évoluent-elles au fil du temps?
Conclusion
Comment l'incapacité est déterminée au moyen de l’EPLA

Il n’est pas facile de définir l’incapacité. Sa nature fait l’objet de bien des perceptions, et ce qui est considéré comme une incapacité pour une personne peut s’inscrire dans la vie normale d’une autre. Pour compliquer les choses encore plus, les perceptions de l’incapacité sont fluides et en constante évolution à mesure que la société évolue et que les sources d’information sur l’incapacité se transforment.

Au cours des mois à venir, Tendances sociales canadiennes prévoit diffuser plusieurs articles qui s’appuient sur l’Enquête nationale sur la participation et les limitations d’activités (EPLA) pour examiner diverses questions associées à l’incapacité. Dans ce premier article de la « Série sur la vie avec une incapacité », nous examinons rapidement l’évolution des théories au sujet de l’incapacité et décrivons le raisonnement contemporain sur la façon de définir l’incapacité. Nous comparons ensuite les données de l’EPLA de 2001 et 2006 pour déterminer le taux de croissance de l’incidence de l’incapacité au Canada, et la proportion de cette croissance qui est attribuable à l’évolution des perceptions du public à l’égard de l’incapacité.

L’incapacité : un concept en constante évolution

L’incapacité est un concept fluide, et les conceptions sociétales de l’incapacité se sont transformées radicalement au fil du temps. Avant le XXe siècle, de nombreuses conceptions précoces de l’incapacité mettaient en cause des explications religieuses et surnaturelles. Ces interprétations comprenaient entre autres le karma1, la volonté de Dieu ou une épreuve de Dieu2,3, la réincarnation4 et la protection divine5, pour n’en nommer que quelques-unes.

Bon nombre de cultures occidentales ont par la suite délaissé les explications religieuses et surnaturelles pour s’intéresser à des conceptions plus scientifiques de l’incapacité. Toutefois, l’avènement de la méthode d’analyse scientifique a entraîné un obstacle majeur pour les personnes ayant des incapacités. Il s’agit du « modèle médical de l’incapacité6 ».

Le modèle médical de l’incapacité est orienté vers le diagnostic clinique, le traitement, les remèdes et la prévention. Il est axé sur la personne dans l’optique de ses déficiences, affections ou handicaps. Le modèle s’intéresse aux faits médicaux, où l’incapacité est causée par une maladie physiologique ou une blessure qui donne lieu à un corps ou un esprit « endommagé » qui ne fonctionne pas d’une manière considérée comme normale pour un être humain. Ainsi, il ne tient pas compte du fait que la société s’organise en fonction de certaines suppositions, notamment celle voulant que tout le monde soit physiquement apte. La nécessité d’évoluer dans un monde conçu pour répondre aux besoins et aux désirs des personnes physiquement aptes peut marginaliser les personnes handicapées, ce qui a une incidence sur leur bien-être physique, social, politique et financier.

En 1965, ce « modèle médical » a commencé à se transformer. Cette année-là, on avait publié un article fondamental qui proposait une toute nouvelle façon de voir l’incapacité. L’auteur Saad Nagi soutenait que, tous les jours, les personnes ayant une incapacité se heurtent à des obstacles dans leurs activités quotidiennes qui ne sont pas causés par leur déficience, mais plutôt par un environnement qui ne tient pas compte de leur déficience. Autrement dit, c’est plutôt cette inattention qui est à l’origine de l’incapacité; par exemple, un immeuble qui n’est pas doté de rampes d’accès pour fauteuils roulants; une conférence qui n’offre pas d’interprétation gestuelle aux participants ayant une déficience auditive; ou un médecin qui n’explique pas clairement à un patient ayant un trouble cognitif comment prendre un médicament. Autrement dit, selon Nagi, l’incapacité est en fait un désavantage social imposé par un environnement défavorable qui s’ajoute à la déficience d'une personne7.

L'article de 1965 a été la principale percée du concept d'incapacité de Nagi. L’idée a pris de l'essor dans les années 1980 et 1990 et a donné naissance au « modèle social de l'incapacité ». Le concept de base, voulant que l'incapacité soit liée à la façon dont une société physiquement apte organise ses relations physiques, politiques, économiques et sociales, a profondément transformé la façon de voir l'incapacité dans les cultures occidentales. Certains chercheurs ont commencé à considérer l’incapacité comme « une perte des droits de la personne au lieu d’un simple handicap physique »8. S'il est vrai que ce nouveau modèle a semé la controverse tout au long de son existence relativement courte, il est maintenant à la base de la plupart des discussions sur l’incapacité.

Application pratique du modèle social

La plus grande réussite du modèle social est sans doute son adoption par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui s'en est servi pour élaborer son plus récent (2001) système de classification de l'incapacité. Le système vise à fournir un cadre universel pour mesurer l'incapacité et pour raisonner et communiquer sur ce sujet, et il a été conçu pour être utilisé dans les études cliniques et statistiques.

L’OMS a mis en œuvre son premier système de classification en 1980. Bien que la Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages (CIHDID) reconnaissait que les difficultés fonctionnelles découlent de l’état de santé, elle contenait une bonne part des caractéristiques du « modèle médical de l’incapacité ». On y modélisait l'incapacité comme étant une suite d'événements, à commencer par une maladie ou une blessure provoquant un changement dans le niveau habituel de fonctionnement d'une personne ou une déficience. Cette déficience donnait lieu à une incapacité si la personne éprouvait des difficultés à effectuer une activité d'une « manière normale »; et l’incapacité donnait lieu à un handicap si la personne avait des limitations pour s'acquitter d’un « rôle normal » dans la société.9.

Depuis son origine, ou presque, la CIHDID a été jugée insatisfaisante. On a donc travaillé dans les années 1980 et 1990 à la conception d’un nouveau système de classification tenant compte du modèle social de l’incapacité. En 2001, la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) a été approuvée par tous les États membres de l’OMS. Contrairement à l'approche unidirectionnelle « rectiligne » de la CIHDID, la CIF décrit l'incapacité comme un ensemble complexe de relations où plusieurs facteurs peuvent influer sur la déficience d'une personne, directement et indirectement. Elle augmente également le nombre de facteurs qui influent sur la personne de manière à inclure l'ensemble de la société. Ces facteurs sont les suivants : les activités quotidiennes qu'effectue la personne (activités); les caractéristiques de la personne, comme le niveau de scolarité, le revenu, la famille et les amis, la motivation, etc. (facteurs personnels); sa participation à des relations et à des événements sociaux et communautaires (participation); et son environnement général, y compris les éléments physiques, sociaux, financiers et politiques qui facilitent ou qui entravent le fonctionnement dans la vie quotidienne (environnement) (figure 1).

Figure 1 La théorie du modèle social, où une déficience crée un désavantage social est manifestement intégrée au modèle fonctionnel de l'incapacité de la Classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé (CIF)Figure 1 La théorie du modèle social, où une déficience crée un désavantage social est manifestement intégrée au modèle fonctionnel de l'incapacité de la Classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé (CIF)

Comment Statistique Canada a-t-il appliqué les définitions de l’OMS?

Pour élaborer une enquête sur l'incapacité, une des premières étapes consistait à choisir un modèle conceptuel qui définit ce qui est considéré comme une incapacité. L’Enquête sur la santé et les limitations d’activités (ESLA) de Statistique Canada, réalisée en 1986 et encore une fois en 1991, a adopté le modèle de l'incapacité de 1980 de la CIHDID. L’ESLA, première enquête postcensitaire sur l'incapacité de Statistique Canada10, a produit des renseignements importants au sujet des caractéristiques démographiques et socioéconomiques des personnes ayant une incapacité, du type et de la gravité de leur incapacité et de leur quotidien.

Lorsque la planification a commencé en 1997 pour l'enquête postcensitaire sur l'incapacité de 200111, on a décidé d'adopter une version provisoire de la CIF comme cadre sous-jacent. La CIF provisoire contenait une description de ce qui était considéré et de ce qui n'était pas considéré comme une incapacité ou une limitation des activités, tout en reconnaissant les effets de l'environnement sur la déficience. De plus, la définition de l'incapacité qui surgit uniquement lorsqu'une personne estime qu'elle est empêchée de participer aux activités qu’elle veut ou qu’elle doit faire se prête très bien aux applications d’enquête : lorsque les répondants eux-mêmes déterminent dans quelle mesure ils sont limités par leur état, l'enquête n'a pas à déterminer si un état est invalidant ou non. Autrement dit, l'enquête n'a qu'à poser les bonnes questions et à s’en remettre aux répondants.

Après l'adoption du concept de l'incapacité fonctionnelle de la CIF, le premier obstacle de la nouvelle Enquête sur la participation et les limitations d’activités (EPLA) était de composer avec les quelque 1 400 dimensions différentes dont se sert la CIF pour décrire les formes possibles d'incapacité. Cependant, au lieu d'utiliser les composantes fonctions organiques et structures anatomiques de la CIF, les concepteurs de l’EPLA ont présumé que si un répondant éprouvait des difficultés dans sa vie quotidienne en ce qui concerne ses fonctions et les structures, ces difficultés se manifesteraient à d'autres égards, comme la limitation des activités, la restriction de la participation et les éléments environnementaux que l’EPLA avait adoptés de la CIF. Après avoir pris cette décision, ils ont ensuite déterminé les types d’incapacité les plus fréquents (y compris la douleur chronique) en fonction des données existantes de l’ESLA. En combinant les types les plus fréquents d'incapacité avec la documentation sélectionnée de la CIF, l'équipe de conception de l’EPLA a établi des critères de présélection pour le questionnaire d’enquête.

L'équipe de conception a choisi la plupart de ces questions de présélection en appariant une question de la CIF pour un type d'incapacité donné à une question tirée d'une banque de questions préévaluées sur les activités de la vie quotidienne. Ces questions consistent à demander aux répondants de préciser les activités qu'ils ont du mal à accomplir en raison d’un problème ou d’un état de santé, par exemple, monter un escalier, entendre ou apprendre. Au moyen de cette approche de concordance, l'équipe de l’EPLA est parvenue à cerner et à sélectionner un grand échantillon de la population ayant une incapacité dans l’enquête. Une fois que les questions de sélection ont été choisies, elles ont été parachevées en vue de l'EPLA de 2001 et conservées en 2006 (voir « Comment l’incapacité est déterminée au moyen de l’EPLA »).

En posant les mêmes questions de sélection en 2001 et en 2006, on cherche à s'assurer que l'univers des personnes ayant une incapacité répond aux mêmes critères d'inclusion dans l'enquête d'une année à l'autre. Toutefois, la manière dont les personnes répondent à ces séries identiques de questions ne peut jamais être contrôlée; par conséquent, il est possible que l'évolution des perceptions populaires de l'incapacité, ou de ce qui constitue une incapacité, se reflète dans les données de l’EPLA. L'analyse dans la section qui suit offre une exploration préliminaire de la possibilité que la compréhension du public en ce qui concerne l'incapacité soit en train de se transformer au Canada12.

Les perceptions de l'incapacité évoluent-elles au fil du temps?

Pour envisager la façon dont les perceptions de l'incapacité peuvent changer, il faut considérer l'incapacité comme une composante d’un continuum ou d’un spectre. D'un côté de ce continuum, on trouve les personnes de grande envergure ayant une incapacité, comme les athlètes olympiens et les titulaires du prix Nobel; de l'autre côté du continuum, on trouve les personnes ayant les incapacités les plus graves. Entre ces deux extrêmes, on trouve divers degrés de capacité et d'incapacité, y compris un amalgame de capacités et d’incapacités physiques et mentales.

Par conséquent, le point exact du continuum où le degré de capacité devient une incapacité n'est pas le même pour tous les Canadiens. Ainsi, lorsqu'un répondant décide de déclarer une incapacité à une enquête telle que l’EPLA, la réponse est basée sur le « seuil d’incapacité » de cette personne sur le continuum au lieu d’un « emplacement » exact. Cela signifie également que l’incapacité peut être un état transitoire, étant donné que les personnes peuvent entrer et sortir de l'état d'incapacité en fonction de leurs circonstances individuelles. Par exemple, une personne qui a subi une arthroplastie du genou ou de la hanche peut se heurter à des obstacles aux activités et à la participation pendant une longue période de rétablissement et de réadaptation, mais une fois sa mobilité récupérée, elle ne sera plus considérée comme ayant une incapacité fonctionnelle.

Si la société canadienne est devenue plus accueillante à l'égard des personnes ayant une incapacité, et que la honte rattachée à la déclaration d'une incapacité diminue au fil du temps, nous devrions nous attendre à ce que le « seuil d'incapacité » penche vers le côté capacité du continuum, c'est-à-dire que les faibles niveaux d'incapacité devraient être déclarés plus fréquemment en 2006 qu'en 2001. En revanche, des changements minimes devraient survenir pour les types d'incapacité plus graves parce que les perceptions d’une incapacité grave sont plus stables au fil du temps.

En effet, c'est ce que nous constatons. Les Canadiens étaient plus susceptibles en 2006 qu'en 2001 de déclarer qu'ils avaient une incapacité (16,5 % contre 14,6 %). De plus, cette hausse est statistiquement significative entre les sexes, les provinces et les groupes d’âge. En 2006, 15,3 % des hommes et 17,7 % des femmes ont déclaré avoir une limitation d’activités, des taux d’incapacité qui sont d’environ deux points plus élevés que les taux de 2001. Comme il fallait s'y attendre, les hausses les plus marquées sont survenues chez les personnes de 65 ans et plus, ainsi que dans trois des quatre provinces de l’Atlantique, où la population a généralement tendance à être plus âgée qu'ailleurs au pays (tableau 1)13.

Tableau 1 Les taux d'incapacité ont augmenté de 2001 à 2006, peu importe le groupe d'âge, le sexe, et la provinceTableau 1 Les taux d'incapacité ont augmenté de 2001 à 2006, peu importe le groupe d'âge, le sexe, et la province

En outre, comme prévu, le changement est particulièrement évident au seuil de capacité / incapacité. De 2001 à 2006, la proportion de Canadiens ayant déclaré une incapacité légère a augmenté de 5,0 % à 5,9 %, soit environ 300 000 personnes de plus. En revanche, ce taux est demeuré essentiellement le même pour ceux qui ont déclaré une incapacité très grave. Cela porte à croire que le « seuil d'incapacité » des personnes penche de plus en plus vers le pôle « capacité » du continuum (tableau 2).

Tableau 2 La hausse des taux d'incapacité est la plus élevée chez les personnes ayant une légère incapacité Tableau 2  La hausse des taux d'incapacité est la plus élevée chez les personnes ayant une légère incapacité

Cependant, nous ne pouvons ignorer que la population du Canada a vieilli de 2001 à 2006, et que les personnes plus âgées sont plus susceptibles de déclarer des limitations d’activités. Pour déterminer dans quelle mesure la progression des taux d'incapacité de 2001 à 2006 était attribuable au vieillissement de la population et à d'autres facteurs qui ont une incidence sur la probabilité de déclarer une limitation des activités, nous avons réalisé une analyse de décomposition linéaire14.

Les résultats révèlent que plus de un tiers (37 %) de la hausse des taux d'incapacité totaux était attribuable à la composition par âge de la population canadienne; néanmoins, près des deux tiers (62 %) de la hausse pouvait être imputée à « l'effet de la période ». L'effet de la période est l'agencement des changements sociétaux et médicaux qui surviennent au fil du temps et qui peuvent avoir une incidence sur la façon dont l'incapacité est autodéclarée par les répondants; parmi ces changements, mentionnons la diminution de la stigmatisation des personnes ayant une incapacité, les attentes plus élevées en ce qui concerne le fonctionnement personnel, l'amélioration de la détection et du traitement des maladies ou des blessures, des technologies et des appareils d'assistance améliorés, la façon dont les personnes interagissent avec leur environnement, etc. Autrement dit, des facteurs qui ne sont pas expressément reliés au vieillissement de la population avaient une forte incidence sur les taux plus élevés de déclaration des incapacités en 2006 (tableau 3).

Tableau 3 Le changement dans les taux d'incapacité est attribuable à l'effet de la période et au vieillissement de la population de 2001 à 2006Tableau 3 Le changement dans les taux d'incapacité est attribuable à l'effet de la période et au vieillissement de la population de 2001 à 2006

Par contre, lorsque nous examinons les quatre différents degrés d’incapacité séparément, nous observons une hausse constante du rôle explicatif du vieillissement, ainsi que le déclin simultané de l'importance de l'effet de la période. L’augmentation la plus prononcée des taux d'incapacité a été enregistrée pour la catégorie des incapacités légères, et l'analyse de décomposition confirme qu'au moins 77 % de cette hausse est attribuable à l'effet de la période. Au bout du compte, la situation s'inverse, et nous constatons que 77 % de la croissance des incapacités très graves est attribuable au vieillissement de la population. En bref, ces résultats étayent quelque peu la théorie selon laquelle l’autodéclaration des incapacités plus légères devrait augmenter (mais s’accroître peu pour les incapacités plus graves), à mesure que la honte rattachée à l'incapacité diminue (graphique 1).

Graphique 1 L'effet de la période explique plus de la moitié du changement dans les taux d'incapacité de gravité légère et modéréeGraphique 1 L'effet de la période explique plus de la moitié du changement dans les taux d'incapacité de gravité légère et modérée

Conclusion

Le concept de l'incapacité a été révisé au fil du temps. Alors qu'on le définissait auparavant uniquement en termes médicaux, on reconnaît maintenant sa forte dimension sociale. Les deux concepts sont maintenant fusionnés dans le système de classification utilisé dans la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF), élaboré par l’Organisation mondiale de la santé. Statistique Canada a adopté ce modèle pour l'utiliser dans ses enquêtes de 2001 et de 2006 sur la participation et les limitations d’activités.

L’un des avantages de la définition de l'incapacité utilisée dans l’EPLA est que les chercheurs sont en mesure de déterminer si les attitudes à l'égard de l’incapacité évoluent au Canada au fil du temps. Certes, une proportion considérablement plus élevée de Canadiens en 2006 qu’en 2001 ont déclaré avoir une légère incapacité, mais les taux pour les incapacités très graves sont demeurés essentiellement les mêmes. Une analyse de décomposition linéaire des facteurs contribuant à cette croissance a révélé que, dans l'ensemble, une plus faible proportion de l'évolution des taux d'incapacité était attribuable au vieillissement de la population, et une plus forte proportion pouvait être imputée à l'effet de la période. Ce phénomène cadre avec la perception que les personnes sont peut-être plus à l’aise à se considérer comme ayant une incapacité, et suggère qu'il y a une diminution générale de la honte associée à l'incapacité.

 

Comment l'incapacité est déterminée au moyen de l’EPLA

Pour que l’EPLA rejoigne sa population cible, toutes les personnes qui ont répondu « oui » à l’une ou l’autre des questions filtres sur l’incapacité dans les questionnaires du recensement de la population de 2001 et de 2006 ont été incluses dans la base de sondage.

Les questions filtres du recensement sur l’incapacité sont les suivantes :

1. Avez-vous de la difficulté à entendre, à voir, à communiquer, à marcher, à monter un escalier, à vous pencher, à apprendre ou à faire d’autres activités semblables?

Oui, parfois
Oui, souvent
Non

2. Est-ce qu’un état physique ou un état mental ou un problème de santé réduit la quantité ou le genre d’activités que vous pouvez faire :

a) à la maison?

Oui, parfois
Oui, souvent
Non

b) au travail ou à l’école?

Oui, parfois
Oui, souvent
Non

c) par exemple, dans vos déplacements ou vos loisirs?

Oui, parfois
Oui, souvent
Non

Lors de l’interview de l’EPLA, ces questions filtres sur l'incapacité ont été répétées et suivies d’une série de questions filtres de l’EPLA afin de déterminer la nature de l’incapacité des répondants. Si les répondants ne déclaraient aucune limitation aux questions filtres sur l’incapacité ni aux questions filtres de l’EPLA, ils étaient alors exclus de la population cible de l’enquête. (Ils pouvaient déclarer une incapacité à l’une ou l’autre des séries de questions filtres et demeurer dans l’échantillon de l’EPLA.) Il n’est pas rare que des répondant déclarent une limitation le jour du recensement, mais qu’ils ne la déclarent pas lors de l’interview de l’EPLA, car certains états sont de courte durée, par exemple se remettre d’une opération, d’une fracture ou autres.

Vous trouverez ci-dessous un exemple des questions filtres de l’EPLA. (Cette série particulière est conçue pour identifier les répondants ayant des difficultés d’apprentissage.) Les questions filtres de l’EPLA sont utilisées pour cerner l’ensemble des 10 grandes catégories d'incapacité, c’est-à-dire l’audition, la vue, la communication, la mobilité, l’agilité, la douleur, l’apprentissage, la mémoire, la déficience intellectuelle et affective.

Q01 Croyez-vous avoir une condition qui fait que vous avez, de façon générale, de la difficulté à apprendre? Ceci inclut les troubles d’attention, l’hyperactivité, la dyslexie et d’autres.

Oui
Non
Ne sait pas

Q02 Est-ce qu’un enseignant, un médecin ou un autre professionnel de la santé a
déjà dit que vous aviez des troubles d’apprentissage?

Oui
Non
Ne sait pas

Q03 Cette condition réduit-elle la quantité ou le genre d’activités que vous pouvez faire?

Oui, parfois
Oui, souvent ou toujours
Non
Ne sait pas

Q04 Combien d’activités cette condition vous empêche-t-elle de faire habituellement à la maison?

Aucune
Quelques-unes
Plusieurs
La plupart
Ne sait pas

Q05 Combien d’activités cette condition vous empêche-t-elle de faire habituellement au travail?

Aucune
Quelques-unes
Plusieurs
La plupart
Ne sait pas

Q06 Combien d’activités cette condition vous empêche-t-elle de faire habituellement à l’école?

Aucune
Quelques-unes
Plusieurs
La plupart
Ne sait pas

Q07 Combien d’activités cette condition vous empêche-t-elle de faire habituellement ailleurs, par exemple, dans les déplacements ou les loisirs?

Aucune
Quelques-unes
Plusieurs
La plupart
Ne sait pas

Source : Statistique Canada. Questionnaires du recensement de 2006 et de l’Enquête sur la participation et les limitations d’activités de 2006.

Andrew MacKenzie est le chef, Enquête nationale sur la santé de la population, Division de la statistique de la santé, et Matt Hurst et Susan Crompton sont analystes principaux à la Section de l’analyse et de la recherche sociales, Division de la statistique sociale et autochtone.

Notes

  1. Ghai, A. (2002). “Disability in the Indian context: Post-colonial perspectives.” In Disability/Postmodernity: Embodying disability theory. Publié sous la direction de M. Corker et T. Shakespeare. London: Continuum, 88-100.
  2. Hussain,Y. (2005). South Asian disabled women: negotiating identities. The Sociological Review 53(3), 522-538.
  3. Hassiotis, A. (1996) Clinical examples of cross-cultural work in a community learning disability service. International Journal of Social Psychiatry 42(4), 318-327.
  4. Landsman, G. (2003) Emplotting children’s lives: developmental delay vs. disability. Social Science and Medicine 56(9), 1947-1960.
  5. Rao, S. (2006). Parameters of normality and cultural constructions of ‘mental retardation’: perspectives of Bengali families. Disability & Society 21(2), 159-178.
  6. L’expression « modèle médical de l’incapacité » est quelque peu trompeuse car elle ne représente pas une école de pensée formelle soutenue par des chercheurs et des universitaires. Cette expression est plutôt employée pour décrire une approche historique et un paradigme qui a existé pour les personnes ayant des incapacités ayant vécu tout au long du XXe siècle.
  7. Nagi a aussi été l’un des premiers théoriciens à suggérer que, bien que la déficience et l’incapacité soient reliées, elles devraient être considérées séparément. Il fait remarquer qu’une déficience ne donne pas nécessairement lieu à une incapacité, et que les incapacités semblables ne sont pas nécessairement attribuables à la même déficience.
  8. Abercrombie, N., Hill, S., et Turner, B. S. (2006). Penguin Dictionary of Sociology, 5th edition. London: Penguin Books, p. 110.
  9. Blakemore, C. and Jennett, S. (2001). Disability. The Oxford Companion to the Body. Oxford University Press.
  10. L’ESLA était une enquête postcensitaire parce qu’elle utilisait des questions filtres du recensement sur les limitations d’activités et les incapacités à long terme pour déterminer la population cible à qui l’on poserait des questions plus détaillées dans l’ESLA. L’Enquête sur la participation et les limitations d’activités (EPLA) est aussi une enquête postcensitaire.
  11. L’ESLA n’a pas été réalisée en 1996.
  12. Il faudra encore de nombreuses années de données de l’EPLA obtenues au moyen de séries de questions identiques pour fournir une réponse claire. Idéalement, nous pourrions retracer les changements d’attitudes dès l’ESLA de 1986. Cependant, les données de l’ESLA et de l’EPLA ne peuvent pas être comparées parce que leurs définitions, leurs concepts et leurs méthodologies divergent considérablement. Plus important encore, les types et la gravité des limitations d’activités ont été élargis pour l’EPLA; de nouvelles questions ont été conçues pour mieux cerner les incapacités non physiques, y compris les troubles d’apprentissage, les déficiences intellectuelles et affectives. En revanche, l’ESLA de 1991 regroupait les personnes ayant ces types d’incapacité dans la catégorie « Autre ». De plus, l’échelle de gravité de l’EPLA attribue des poids égaux à tous les types d’incapacité, tandis que l’ESLA donnait un poids plus grand aux incapacités physiques que non physiques.
  13. Pour des comparaisons détaillées des données de 2001 et de 2006 de l’EPLA, voir /pub/89-628-x/89-628-x2008005-fra.htm.
  14. Firebaugh, G. (1997). Analyzing Repeated Surveys. Series: Quantitative Applications in the Social Sciences. Sage Publications Inc., (115), 27.