Le taux de chômage local et la retraite définitive

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par Diane Galarneau, Martin Turcotte, Yves Carrière et Eric Fecteau

[Communiqué dans Le Quotidien] [Article intégral en PDF]

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Aperçu

À partir de la banque de Données administratives longitudinales (DAL), cette étude examine si l’âge anticipé de la retraite varie selon le taux de chômage de la région économique. De plus, l’étude vérifie si le lien entre le taux de chômage de la région économique et la probabilité de la prise de la retraite demeure lorsque d’autres facteurs sont pris en compte.

  • En 2007, l’âge anticipé de la retraite dans les régions économiques avec un taux de chômage plus faible était de 64,2 ans, comparativement à 62,7 ans dans les régions économiques avec un taux de chômage plus élevé.
  • Au cours de la période allant de 1991 à 2007, les travailleurs des régions économiques ayant un taux de chômage plus élevé pouvaient s’attendre à prendre leur retraite deux ans plus tôt, en moyenne, que ceux des régions économiques ayant un taux de chômage plus faible.
  • En 2007, les provinces des Prairies affichaient les taux de chômage les plus faibles au pays et les âges anticipés de la retraite les plus élevés (de 64,3 à 65,5 ans). Le Québec et trois des provinces atlantiques affichaient au contraire des taux de chômage relativement élevés et des âges anticipés de la retraite parmi les plus faibles (de 62,4 à 63,2 ans).
  • Les salariés des régions économiques ayant un taux de chômage plus élevé demeuraient plus susceptibles de prendre une retraite avant 62 ans que ceux vivant dans des régions économiques ayant un taux de chômage plus faible, et ce, même en tenant compte des autres facteurs pouvant influer sur la probabilité de retraite.

Fin de l'encadré

Introduction

La décision de prendre sa retraite est un processus complexe, dans lequel intervient un ensemble de facteurs, dont la situation financière des individus, leurs aspirations personnelles, leur santé, leurs caractéristiques démographiques et celles du marché du travailNote 1.

Le taux de chômage local est un autre élément à considérer. En effet, dans les régions où le taux de chômage est élevé, les travailleurs âgés pourraient être plus susceptibles de perdre leur emploi et d’éprouver des difficultés à réintégrer le marché du travail. Le manque de possibilités d’emploi pourrait ainsi les pousser à prendre leur retraite plus tôt que leurs homologues des régions à taux de chômage plus faible.

Étant donné que plusieurs études ont démontré que les mises à pied augmentent la probabilité de retraite chez les travailleurs âgésNote 2, un taux de chômage élevé pourrait avoir le même effet. Les travailleurs âgés des régions à taux de chômage élevé pourraient ainsi faire face à un double risque : celui de devancer leur retraite et d’y être moins bien préparés financièrement que les travailleurs des régions à taux de chômage moins élevé.

À l’aide de la banque de Données administratives longitudinales (DAL), cet article examine d’abord comment a évolué l’âge anticipé de la retraite au Canada depuis 1991, selon le taux de chômage de la région économique de résidence. Il vérifie ensuite l’impact du taux de chômage local sur la probabilité de la prise de la retraite à l’aide d’un modèle. Une version détaillée, intitulée Impact du taux de chômage local sur la retraite définitive, présente des renseignements supplémentaires.

De taux de chômage plus faibles sont associés à des âges anticipés de la retraite plus élevés

Afin de capter l’effet du taux de chômage local sur l’âge anticipé de la retraite, des informations sur les taux de chômage annuels moyens de la population en âge de travailler ont été tirés de l’Enquête sur la population active (EPA) pour chacune des 73 régions économiques (RE) du Canada. Ces RE ont été réparties en trois groupes distincts selon que le niveau de leur taux de chômage était relativement faible, moyen ou relativement élevé (voir Sources de données, méthodes et définitions). L’âge anticipé de la retraite a ensuite été calculé pour ces trois groupes de RE (graphique 1).

Graphique 1 L'âge anticipé de la retraite définitive1 est plus élevé dans les régions économiques ayant des taux de chômage plus faibles

Description du graphique 1

Il existait un écart moyen de plus de 2 ans sur l’âge anticipé de la retraite entre les régions à taux de chômage élevé et faible de 1991 à 2007. C’est en 2007 que l’écart était le plus faible; cette année-là, les travailleurs des régions ayant un taux de chômage plus élevé pouvaient s’attendre à prendre une retraite à 62,7 ans, comparativement à 64,2 ans pour les travailleurs des région ayant un taux de chômage plus faible. Ces résultats appuient donc l’hypothèse selon laquelle les travailleurs âgés des régions où les possibilités d’emploi sont moins nombreuses auraient tendance à prendre une retraite plus tôt.

L'âge anticipé de la retraite est plus élevé dans les Prairies

En 2007, l’âge anticipé de la retraite était plus élevé à Calgary, puis à Toronto, Montréal et Vancouver. Cet ordre s’est maintenu pendant presque toute la période, soit de 1998 à 2007 (graphiques 2.1 et 2.2). Il correspond par ailleurs à l’inverse de l’ordre affiché par les taux de chômage des quatre villes au cours des années 1995 à 2004. Ces résultats tendent aussi à appuyer l’hypothèse voulant que les travailleurs des marchés du travail moins dynamiques soient poussés vers la retraite plus tôt que leurs homologues des régions plus dynamiques.

Graphique 2.1  Pendant toute la période, l'âge anticipé de la retraite définitive1 était plus élevé à Calgary

Description du graphique 2.1

Graphique 2.2 Les taux de chômage étaient généralement plus faibles à Calgary au cours de la période

Description du graphique 2.2

La relation entre l’âge anticipé de la retraite et le taux de chômage est également observée selon la province (graphiques 3.1 et 3.2). En 2007, par exemple, les provinces des Prairies (Manitoba, Saskatchewan et Alberta) affichaient les âges anticipés de la retraite parmi les plus élevés (de 64,3 à 65,5 ans) et les taux de chômage parmi les plus faibles au pays (autour de 4 %). En contrepartie, le Québec et trois des provinces atlantiques (Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador) connaissaient, quant à elles, des taux de chômage plus élevés (de 7 % à 13 %) et des âges anticipés de la retraite généralement plus faibles (de 62,4 à 63,2 ans).

Graphique 3.1  L'Alberta et la Saskatchewan affichaient l'âge anticipé de la retraite définitive1 le plus élevé en 2007

Description du graphique 3.1

Graphique 3.2 En 2007, l'Alberta et la Saskatchewan affichaient les taux de chômage les moins élevés de toutes les provinces

Description du graphique 3.2

La relation était cependant plus ténue dans certains cas. Par exemple, bien que son taux de chômage ait été plus élevé, la Saskatchewan affichait un âge anticipé de la retraite légèrement plus élevé que l’Alberta. De même, le Québec affichait un âge anticipé de la retraite plus faible que l’Ontario (62,4 et 63,7 ans, respectivement), alors que ces deux provinces avaient des taux de chômage qui n’étaient séparés que par moins d’un point de pourcentage en 2007. En plus du taux de chômage local, d’autres facteurs peuvent donc avoir un impact sur la décision de la prise de la retraite.

L'impact du taux de chômage local est confirmé

Il est possible de tenir compte à la fois de l’impact des conditions économiques régionales (c.-à-d. du taux de chômage) et des autres facteurs pouvant influer sur l’âge de la retraite à l’aide d’un modèle de survie. Dans ces modèlesNote 3, on s’intéresse à la probabilité de prendre sa retraite avant l’âge de 62 ans (soit de 50 à 61 ans)Note 4 parmi les personnes nées entre 1941 et 1946.

Pour la plupart des cohortes, un taux de chômage élevé demeurait associé à une plus grande probabilité de retraite avant 62 ans, et ce, même en tenant compte des autres facteurs (tableau 1).

Tableau 1
Probabilité prédite de la retraite définitiveNote 1 avant 62 ans selon le taux de chômage de la région économiqueNote 2, hommes et femmes nés entre 1941 et 1946
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Probabilité prédite de la retraite définitive avant 62 ans selon le taux de chômage de la région économique 1941, 1942, 1943, 1944, 1945 et 1946, calculées selon probabilités prédites (pourcentage) unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
  1941 1942 1943 1944 1945 1946
probabilités préditesNote 4 (pourcentage)
Taux de chômageNote 3 de la région économique  
Hommes  
Taux de chômage plus faibles 37,5 32,9 30,8 30,0 29,3 32,3
Taux de chômage moyens 41,1 37,0 34,1 32,4 31,2 33,1
Taux de chômage plus élevés 48,5 45,4 41,3 37,7 35,1 34,5
Femmes  
Taux de chômage plus faibles 53,3 51,7 43,9 46,2 44,3 42,9
Taux de chômage moyens 60,8 59,3 50,4 50,6 48,3 45,8
Taux de chômage plus élevés 74,5 73,6 63,6 59,7 56,9 51,6

Par exemple, pour les femmes salariées nées en 1941, qui résidaient dans une RE ayant un taux de chômage plus élevé, la probabilité de prendre sa retraite avant 62 ans était de près de 75 %. Autrement dit, les trois quarts des salariées de ces régions ont pris leur retraite avant 62 ans. En comparaison, 53 % de leurs homologues des RE ayant un taux de chômage plus faible en on fait autant, ce qui représente un écart de plus de 20 points de pourcentage.

Chez les hommes nés la même année, l’écart était de 11 points de pourcentage. La probabilité de prendre sa retraite avant 62 ans des salariés masculins des RE ayant un taux de chômage plus élevé était en effet de 49 %, comparativement à 38 % pour leurs homologues des RE ayant un taux de chômage plus faibleNote 5.

L’écart de la probabilité de retraite avant 62 ans entre les RE ayant un taux de chômage plus faible et plus élevé a cependant tendance à diminuer dans le temps, au point de ne plus être significatif pour les hommes nés en 1946. Fait intéressant, la probabilité de la retraite a diminué plus rapidement d’une cohorte à l’autre dans les régions ayant un taux de chômage plus élevé.

L’amélioration générale des conditions du marché du travail observée depuis la deuxième moitié des années 1990 pourrait expliquer en partie cette diminution. En effet, l’écart des taux de chômage entre RE s’est amenuisé au cours de la période, ce qui rend l’effet du taux de chômage plus difficile à capter dans un modèle de régressionNote 6. Par ailleurs, des taux de chômage plus faibles sont non seulement associés à une probabilité moindre de perdre son emploi, mais également à une probabilité plus forte d’en trouver un nouveau suivant une mise à pied.

D'autres facteurs influent sur la prise de la retraite

Bien que le taux de chômage ait un impact significatif sur la probabilité de la retraite avant 62 ans, il est important de noter que d’autres facteurs ont un effet encore plus marqué, comme la présence d’une incapacité et le fait d’avoir reçu des prestations d’assurance-emploi au cours de l’année. Par ailleurs, le fait d’être syndiqué ou d’avoir cotisé à un régime de retraite pendant au moins 5 ans était également associé à une probabilité de retraite plus élevée. Finalement, les hommes célibataires étaient plus susceptibles de prendre une retraite avant 62 ans que ceux qui étaient mariés ou divorcés, alors que chez les femmes, ce sont celles qui étaient mariées qui étaient les plus susceptibles de prendre leur retraite plus tôt. De tels résultats signifient que même si les conditions économiques locales ont leur importance, d’autres facteurs jouent également un rôle important dans les décisions de retraite des travailleurs canadiens.

Diane Galarneau est analyste principale à la Division de la statistique du travail de Statistique Canada, Martin Turcotte est analyste principal à la Division de la statistique sociale et autochtone de Statistique Canada, Eric Fecteau est un étudiant participant au programme d’enseignement coopératif de l’Université d’Ottawa, et Yves Carrière est professeur agrégé au département de démographie de l’Université de Montréal.

Documents consultés

BOSWORTH, Barry P., et Gary BURTLESS. 2011. Recessions, Wealth Destruction, and the Timing of Retirement, Center for Retirement Research au Boston College, document de travail no 2010-22.

CHAN, Sewin, et Ann Huff STEVENS, 2002. How Does Job Loss Affect the Timing of Retirement?, NBER Working Paper Series no 8780, National Bureau of Economic Research.

CHAN, Sewin, et Ann Huff STEVENS. 1999. Employment and retirement following a late career job loss, Rutgers University, Department of Economics, document de travail no 1999-03.

COILE, Courtney C., et Philip B. LEVINE. 2011. « Recessions, retirement, and social security », American Economic Review, vol. 101, no 3. Mai.

COILE, Courtney C., et Philip B. LEVINE. 2010. Recessions, Reeling Markets, and Retiree Well-Being, NBER Working Paper Series no 16066, National Bureau of Economic Research.

COILE, Courtney, et Philip B. LEVINE. 2009. The Market Crash and Mass Layoffs: How the Current Economic Crisis May Affect Retirement, NBER Working Paper Series no 15395, National Bureau of Economic Research.

FINNIE, Ross, et David GRAY. 2011. Labour-Force Participation of Older Displaced Workers in Canada : Should I Stay or Should I Go?, IRPP study no 15 , Institut de recherche en politiques publiques.

GUSTMAN, Alan L., Thomas L. STEINMEIER et Nahid TABATABAI. 2011. How Did the Recession of 2007-2009 Affect the Wealth and Retirement of the Near Retirement Age Population in the Health and Retirement Study?, NBER Working Paper Series no 17547, National Bureau of Economic Research.

NEIL, Christine, et Tammy SCHIRLE. 2009. « Remain, retrain or retire: Options for older workers following job loss », Retirement Policy Issues in Canada, publié sous la direction de Michael G. Abbott, Charles M. Beach, Robin W. Boadway et James G. MacKinnon, Montréal, McGill-Queen’s University Press.

SCHELLENBERG, Grant, et Yuri OSTROVSKY. 2008. « Planification de retraite et attentes des travailleurs plus âgés »,Tendances sociales canadiennes, septembre, produit no 11-008-X au catalogue de Statistique Canada.

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Sources de données, méthodes et définitions

Sources de données

Cet article s’appuie sur les données provenant des Données administratives longitudinales (DAL) de 1991 à 2011. Ces données sont construites à partir d’un échantillon de 20 % des dossiers fiscaux T1. La banque DAL est de source administrative et compte peu de variables sur les caractéristiques démographiques et du marché du travail des individus, mais bénéficie en revanche d’un grand nombre d’observations s’échelonnant sur une longue période et un niveau de détail élevé sur les sources de revenus. Cette base de données étant longitudinale, elle permet de suivre les déclarants dans le temps et d’observer des phénomènes de transition (comme la retraite).

Les lecteurs qui voudraient obtenir plus de renseignements sur les données, les concepts et les indicateurs utilisés dans la présente étude sont invités à consulter la version détaillée de cet article, Impact du taux de chômage local sur la retraite définitive. Cette dernière version propose également une comparaison des tendances obtenues avec les données de l’Enquête sur la population active (EPA) de 1976 à 2013.

Définition de la retraite définitive

Puisque la banque DAL ne permet pas d’identifier les personnes ayant pris leur retraite lors d’une année précise, une définition a été créée pour les fins de l’article. L’univers du présent article comprend les personnes à risque de prendre leur retraite, soit celles âgées de 50 à 80 ans qui avaient un revenu d’emploi à un moment donné durant la période d’observation.

Les retraités sont définis comme étant les individus qui sont passés d’un état de personne occupée (ayant un revenu d’emploi de plus de 5 000 $ en dollars de 2011) une année donnée à celui de retraité (ayant un revenu d’emploi de 5 000 $ et moins) l’année suivante. Pour que la retraite soit considérée comme étant « définitive », le revenu d’emploi des individus doit demeurer sous le seuil établi pendant au moins quatre (4) ans afin que des arrêts de travail temporaires, par exemple liés à une mise à pied ou à une maladie, ne soient confondus avec la retraite. Pour être compris dans l’échantillon, un individu doit être présent pendant les cinq ans qui servent à déterminer son statut de retraité (soit l’année de sa retraite et les quatre années suivantes) dans la banque DAL. Les retraites ainsi définies sont considérées comme étant « définitives », même si certains sont peut-être retournés sur le marché du travail après une période de cinq ans.

Taux de chômage local

Afin de capter l’effet du taux de chômage local sur l’âge anticipé de la retraite définitive, on a utilisé le taux de chômage annuel moyen de la population en âge de travailler tiré de l’EPA pour chacune des régions économiques (RE). Les 73 RE du Canada ont ensuite été réparties en 3 groupes distincts selon que le niveau de leur taux de chômage était relativement faible, moyen ou relativement élevé au cours d’une année donnée. En 2007, par exemple, les RE ayant un taux de chômage plus élevé avaient un taux qui s’élevait à 9,7 % en moyenne, comparativement à un taux de 6,3 % parmi les RE à taux moyen, et un taux de 3,9 % parmi les RE ayant un taux de chômage plus faible. Ces regroupements ne sont pas statiques dans le temps, de sorte que certaines RE peuvent changer de groupe d’une année à l’autre suivant les tendances de leur taux de chômage annuel.

Fin de l'encadré

Notes

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