Consommation de médicaments sur ordonnance chez les Canadiens de 6 à 79 ans
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par Michelle Rotermann, Claudia Sanmartin, Deirdre Hennessy et Michele Arthur
Les médicaments délivrés sur ordonnance constituent la deuxième composante en importance des coûts des soins de santé, représentant presque 14 % (29 milliards de dollars) des dépenses annuelles en soins de santé au Canada en 2013Note1. Ces médicaments reflètent en grande partie les traitements pharmacologiques d’états et de problèmes de santé chroniques (par exemple, maladie cardiaque et hypercholestérolémieNote2, hypertensionNote3, diabèteNote4 et dépressionNote5) et pour la prévention de la grossesseNote6.
Même si la consommation de médicaments sur ordonnance est répandue, les sources de données nationales qui permettent d’appuyer la recherche à cet égard sont peu nombreuses. Certaines présentent des limites de généralisationNote7 tandis que d’autres ne sont pas fondées sur la populationNote7,Note8. De même, les bases de données administratives sur les médicaments dispensés ou facturés renferment des données sociodémographiques limitéesNote7-9. Les données d’enquête présentent elles aussi leurs limites, étant donné que la plupart des enquêtes nationales comportant des questions sur les médicaments sur ordonnance sont périmées ou se limitent à des médicaments utilisés dans des indications spécifiquesNote10-12.
La présente analyse se fonde sur les données pour 2007 à 2009 et 2009 à 2011 confondues de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) pour estimer la prévalence de la consommation des médicaments sur ordonnance, établir le profil des utilisateurs de médicaments et cerner les catégories de médicaments sur ordonnance les plus fortement représentées chez la population à domicile de 6 à 79 ans (voir Les données).
Consommation de médicaments sur ordonnance
Selon les résultats de l’ECMS de 2007 à 2011, 41 % des personnes de 6 à 79 ans vivant dans la collectivité avaient pris au moins un médicament sur ordonnance dans les deux jours ayant précédé l’entrevue auprès du ménage (tableau 1). Cette proportion est inférieure à celle tirée de la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) de 2007-2008, menée aux États-UnisNote13 : 48 % des participants avaient alors déclaré avoir consommé des médicaments sur ordonnance au cours du dernier mois. Il convient de noter cependant, que contrairement à la NHANES, l’ECMS exclut les personnes de 80 ans et plus, un groupe reconnu pour être de gros consommateurs de médicaments.
Selon une association bien établieNote8,Note10,Note20, la consommation de médicaments sur ordonnance augmentait avec l’âge, celle-ci passant de 12 % chez les 6 à 14 ans à 83 % chez les 65 à 79 ans.
La consommation de médicaments sur ordonnance était également associée à la présence de problèmes de santé physique et mentale. Ainsi, les participants à l’enquête qui avaient au moins quatre des problèmes de santé chroniques examinés dans la présente analyse ont presque tous déclaré avoir pris des médicaments sur ordonnance au cours des deux jours précédents. Parmi les personnes ayant au moins trois problèmes de santé chroniques, plus de 90 % ont fait cette déclaration, tandis que dans le cas de celles qui n’avaient aucun des problèmes sélectionnés, la proportion était de 22 %. De même, le pourcentage de personnes déclarant consommer des médicaments sur ordonnance augmentait en fonction de la douleur et du niveau d’incapacité et selon que l’autoévaluation de l’état de santé et du bien-être émotionnel était moins positive.
Le pourcentage de Canadiens consommant des médicaments sur ordonnance ne variait pas selon le revenu du ménage. Cela va dans le sens contraire d’autres études qui ont montré que les personnes aux extrémités de l’échelle du revenu ont tendance à utiliser plus de médicaments que les autresNote21, ou que la consommation de médicaments est inversement liée au revenu familialNote19, à la privation matérielleNote22 et à la situation en matière d’assuranceNote18.
Les femmes étaient généralement plus susceptibles que les hommes de déclarer prendre des médicaments sur ordonnance (47 % contre 34 %). Toutefois, chez les 6 à 14 ans, un pourcentage plus élevé de garçons que de filles consommaient des médicaments sur ordonnance, tandis que chez les 65 à 79 ans, la prévalence de la consommation de médicaments sur ordonnance était la même pour les hommes et les femmes.
Les différences de consommation de médicaments sur ordonnance observées selon le sexe sont vraisemblablement attribuables aux besoins des femmes quant à leur santé gynécologique et reproductive, ainsi qu’aux différences entre les sexes en ce qui a trait à la maladie et aux comportements favorables à la santé. En outre, les études de l’utilisation des services de soins de santé en général ont souvent montré une consommation plus forte chez les femmes d’âge adulte pendant les années de procréation, suivie par une consommation plus égale après cet âge et, enfin, par une consommation plus forte chez les hommes plus tard dans la vieNote23.
Intensité
L’intensité de la consommation de médicaments sur ordonnance, c’est-à-dire le nombre de médicaments différents qu’utilise une personne, était fortement associée à l’âge. Ainsi, de 3 % chez les 6 à 14 ans, le pourcentage de personnes prenant plus d’un médicament passait à 70 % chez les 65 à 79 ans (tableau 2).
Conformément à d’autres estimations canadiennesNote12,Note24, la polypharmacie — prendre au moins cinq médicaments sur ordonnance en même temps — était la plus élevée chez les 65 à 79 ans (30 %). Parmi les 45 à 64 ans, la valeur correspondante était de 11 % et, chez les enfants et les jeunes adultes, la polypharmacie était rare, n’atteignant jamais plus de 1,5 %.
Si l’utilisation de plusieurs médicaments sur ordonnance en même temps peut augmenter le risque d’un événement médicamenteux indésirable, particulièrement chez les personnes âgéesNote25,Note26 , la situation est parfois difficile à éviter, étant donné que la prise d’un médicament pour un problème de santé en particulier peut provoquer ou aggraver d’autres états de santé dont le traitement exige de prendre encore d’autres médicamentsNote3,Note27,Note28.
Principales catégories de médicaments
Les principaux médicaments sur ordonnance utilisés chez les enfants et les jeunes adultes (de 6 à 24 ans) étaient ceux pour le trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA) (hommes), la dépression, et la contraception (femmes) (tableau 3, annexe). Chez les 6 à 14 ans, l’usage d’adrénergiques en inhalation, habituellement pris pour gérer l’asthme, étaient aussi répandu.
Chez les 25 à 79 ans, les principales catégories de médicaments sur ordonnance étaient les suivantes : les hypolipémiants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les médicaments contre l’ulcère gastro-duodénal / le reflux gastro-œsophagien et les antiacides, les bêtabloquants (hommes), les autres analgésiques et antipyrétiques (hommes), les antidépresseurs (femmes) et les médicaments de la thyroïde (femmes) (tableau 4, annexe).
Étant donné que les maladies et les autres indications pour la consommation de médicaments changent au cours de la vie, il en va de même pour les principales catégories de médicaments. Cela est particulièrement vrai dans le cas des femmes qui, jusqu’à l’âge de 45 ans, consomment principalement des contraceptifs, qui par la suite cèdent leur place aux médicaments comme les œstrogènes, un type d’hormonothérapie substitutive. Chez les hommes, le traitement des symptômes et des facteurs de risque associés à la maladie cardiovasculaire est à l’origine d’une part considérable de la consommation de médicaments. Toujours chez les hommes, l’utilisation d’« autres analgésiques et antipyrétiques », généralement pour traiter la douleur et la raideur, est répandue. Chez les personnes des deux sexes, l’utilisation d’antidépresseurs atteint un sommet entre 45 et 64 ans (17 % de femmes et 8 % d’hommes).
Des comparaisons effectuées à partir d’analyses fondées sur des données administratives, comme celles de la base de données du Système national d’information sur l’utilisation des médicaments prescrits ou celles tirées de bases de données provinciales, ainsi qu’à partir d’études américaines, montrent des similitudes chez les enfants et les jeunes adultes quant aux catégories des médicaments les plus consommés et (ou) les plus coûteux, y compris les médicaments pour l’asthme, ceux pour le THADA et les antidépresseurs; chez les adultes plus âgés, ces similitudes s’observaient à l’égard des médicaments hypocholestérolémiants, des médicaments contre l’hypertension artérielle, des analgésiques, des bêtabloquants et des antidépresseurs Note8,Note18,Note29-31.
Conclusion
La présente étude est la première étude nationale fondée sur la population qui fournit des données détaillées actuelles concernant la consommation de médicaments sur ordonnance chez les Canadiens âgés de 6 à 79 ans vivant dans la collectivité. Les médicaments sur ordonnance sont largement utilisés chez la population à domicile et la polypharmacie est un phénomène répandu. Comme on pouvait s’y attendre, l’étude fait ressortir des profils de consommation des médicaments sur ordonnance selon l’âge et le sexe; ceux-ci reflètent de façon générale un état de santé physique et mentale, ainsi que les besoins des femmes en matière de santé gynécologique et reproductive. Les principales catégories de médicaments dans le cas des jeunes et des adultes correspondaient, dans une large mesure, à celles repérées dans d’autres études canadiennes et américaines. À mesure que de nouvelles vagues de données tirées de l’ECMS deviendront disponibles, la combinaison de données provenant de cycles consécutifs permettra d’étudier les tendances de la consommation des médicaments sur ordonnance au Canada de façon plus approfondie.
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