Section 3 : Affaires de violence entre partenaires intimes déclarées par la police

par Marta Burczycka

Les travaux de recherche existants présentent un portrait détaillé des effets de la violence entre partenaires intimes sur les victimes, les témoins et la société dans son ensemble, lesquels retiennent l’attention des responsables des politiques en matière de justice et de santé publique (Golding, 1999; Campbell, 2002). Au Canada, les données autodéclarées révèlent que la violence conjugale et la violence entre partenaires amoureux touchent des centaines de milliers de personnes et donnent lieu à des blessures tant physiques que psychologiques (Burczycka, 2016). Dans son Rapport sur l’état de la santé publique au Canada 2016, l’administrateur en chef de la santé publique du Canada a indiqué que le traitement de la violence entre partenaires intimes faisait partie intégrante d’une stratégie visant à améliorer les résultats multigénérationnels des Canadiens sur le plan de la société, de l’économie et de la santé (Agence de la santé publique du Canada, 2016).

Le terme « violence entre partenaires intimes » désigne la violence commise à l’endroit d’un conjoint ou d’une conjointe, ou encore d’un partenaire amoureux ou d’une partenaire amoureuse (actuels et anciens). Le terme « conjoint » désigne les conjoints mariés ou vivant en union libre, les conjoints séparés d’un mariage ou d’une union libre, ainsi que les conjoints divorcés, alors que le terme « partenaire amoureux » englobe les petits amis et petites amies (actuels et anciens) ainsi que les personnes liées par d’autres relations intimes (relations sexuelles ou situations où il y a une attirance sexuelle réciproque, mais où la relation n’est pas considérée comme une relation amoureuse). Alors que la violence conjugale constitue un aspect important des activités des chercheurs et décideurs depuis plusieurs années, l’intérêt pour la violence dans les relations intimes à l’extérieur du mariage ou de l’union libre commence à prendre de l’ampleur. Cette section présente des données sur la violence à l’échelle plus large des relations intimes, ainsi qu’une analyse de celle-ci.

Dans la présente section, la violence entre partenaires intimes comprend les infractions avec violence prévues au Code criminel déclarées par la police à l’endroit de victimes âgées de 15 ans et plus dans le cadre d’une relation intime. Fondés sur les données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité et de l’Enquête sur les homicides de 2015, les renseignements fournis dans cette section comprennent une analyse de l’âge et du sexe des victimes, du lien de l’auteur présumé avec la victime, des types d’infractions avec violence commises et de la présence d’armes durant la perpétration du crime violent. On y trouve aussi des comparaisons entre les victimes de violence conjugale et les victimes des autres formes de violence entre partenaires intimes. Une répartition géographique de la violence entre partenaires intimes est également présentée, de même qu’une analyse des tendances relatives à certaines infractions à l’endroit des partenaires intimes, y compris les homicides.

Cette section porte sur tous les types d’infractions avec violence prévues au Code criminel qui ont été portées à l’attention de la police, lesquelles vont des menaces aux homicides, en passant par la violence physique et sexuelle. Les crimes sans violence, comme le vol et la fraude, toutes les formes de violence qui n’ont pas été corroborées par la police ainsi que la conduite qui n’est pas visée par le Code criminel ne sont pas compris dans cette section. De plus, l’analyse fondée sur les données de l’Enquête sur les homicides exclut les homicides qui n’ont pas été résolus par la police.

Bien que cette section contienne des renseignements contextuels importants sur les affaires de violence familiale qui sont portées à l’attention de la police, il se peut qu’elle présente un portrait sous-estimé de la véritable ampleur de la violence entre partenaires intimes au Canada. Par exemple, les résultats de l’Enquête sociale générale de 2014 révèlent que 7 victimes de violence conjugale sur 10 ont indiqué n’avoir jamais signalé l’incident de violence à la police. À ce titre, la raison la plus souvent invoquée par les victimes de violence conjugale pour ne pas avoir signalé l’incident de violence à la police était qu’elles estimaient qu’il s’agissait d’une affaire privée. En ce qui concerne les victimes qui ont signalé l’incident de violence conjugale à la police, la majorité l’ont fait parce qu’elles voulaient mettre fin à la violence et obtenir une protection (Burczycka, 2016).

Sauf indication contraire, tous les taux indiqués dans cette section sont calculés pour 100 000 personnes. La section « Description de l’enquête » qui se trouve à la fin de la présente publication contient des renseignements sur les sources de données et les méthodes d’enquête ainsi que des définitions.

Début de l'encadré

Faits saillants

Les auteurs présumés sont des partenaires intimes dans le tiers des crimes violents déclarés par la police

  • En 2015, près de 92 000 personnes au Canada ont été victimes de violence entre partenaires intimes, ce qui représente un peu plus du quart (28 %) de l’ensemble des victimes de crimes violents déclarés par la police. Quatre victimes sur cinq (79 %) de violence entre partenaires intimes déclarée par la police étaient des femmes, soit environ 72 000 victimes de sexe féminin (tableau 3.1).
  • La violence aux mains d’un partenaire intime était le type le plus fréquent de crimes violents déclarés par la police chez les victimes de sexe féminin (42 % par rapport à 12 % des victimes de sexe masculin). En revanche, un plus grand nombre de victimes de sexe masculin que de victimes de sexe féminin ont subi de la violence aux mains d’un ami ou d’une connaissance (40 % par rapport à 28 %) ou d’un étranger (36 % par rapport à 15 %) (tableau 3.1).
  • En 2015, selon les données policières, la violence entre partenaires amoureux était plus fréquente que la violence conjugale. L’auteur présumé était un partenaire amoureux actuel ou ancien pour 54 % des victimes de violence entre partenaires intimes, alors qu’il s’agissait d’un conjoint marié ou de fait pour 44 % des victimes. Ces proportions étaient semblables chez les victimes féminines et masculines (tableau 3.1).
  • La violence entre partenaires intimes déclarée par la police était plus souvent perpétrée dans le cadre d’une relation actuelle que d’une relation qui avait pris fin. À ce titre, un partenaire amoureux actuel (34 %) ou un conjoint actuel (32 %) était plus souvent en cause qu’un ex-partenaire amoureux (20 %) ou qu’un ex-conjoint (12 %). Ces proportions étaient semblables chez les victimes féminines et masculines (tableau 3.1).

Les jeunes victimes de violence entre partenaires intimes sont plus souvent agressées par un partenaire amoureux actuel ou ancien

  • Chez les jeunes victimes de violence entre partenaires intimes, l’auteur présumé était le plus souvent un partenaire amoureux actuel, 51 % des victimes de 15 à 19 ans et 46 % des victimes de 20 à 24 ans ayant subi de la violence aux mains d’un partenaire amoureux actuel. Les victimes de ces groupes d’âge ont également plus souvent subi de la violence aux mains d’un ex-partenaire amoureux. Selon les données du Recensement de la population de 2011, les personnes de ces groupes d’âge sont moins susceptibles d’être mariées ou divorcées (Milan, 2013), ce qui réduit leur risque de subir de la violence conjugale comparativement à la violence entre partenaires amoureux (tableau 3.2).
  • Les personnes de 65 ans et plus affichaient la plus forte proportion de victimisation aux mains d’un conjoint actuel, 7 victimes sur 10 (68 %) de violence entre partenaires intimes de ce groupe d’âge ayant subi de la violence aux mains de leur mari ou femme, ou de leur conjoint ou conjointe de fait actuel. Les données du Recensement de 2011 révèlent que les personnes de 65 ans et plus étaient plus souvent mariées ou vivaient plus souvent en union libre que tout autre type de relation (Milan, 2013), ce qui augmente leur risque relatif de subir de la violence conjugale comparativement aux autres types de violence entre partenaires intimes (tableau 3.2).

Les voies de fait constituent le type de victimisation le plus fréquent chez les victimes de violence entre partenaires intimes

  • En 2015, les voies de fait (77 %) représentaient l’infraction la plus souvent commise à l’endroit des victimes de violence entre partenaires intimes déclarée par la police. Bien que près de 9 victimes masculines sur 10 (86 %) de violence entre partenaires intimes aient subi des voies de fait, dans l’ensemble, la majorité des victimes de voies de fait aux mains d’un partenaire intime étaient des femmes (76 % de l’ensemble des victimes) (tableau 3.3).
  • Les affaires d’agressions sexuelles entre partenaires intimes étaient 10 fois plus courantes chez les victimes féminines de violence entre partenaires intimes (4 %) que chez leurs homologues de sexe masculin (0,4 %). Les femmes victimes étaient aussi plus susceptibles que les hommes victimes d’avoir fait l’objet de menaces (8 % par rapport à 6 %) ou de harcèlement criminel (7 % par rapport à 4 %) (tableau 3.3).
  • La forme de violence la plus fréquente chez les victimes de violence entre partenaires intimes déclarée par la police était la force physique, comme le fait d’être poussé, frappé ou étranglé (71 %). La violence commise au moyen d’armes telles qu’un couteau, une arme à feu ou une autre arme était moins courante (14 %). Des menaces ne mettant pas en cause la force physique ou une arme ont été signalées dans 15 % des affaires. Ces proportions étaient semblables tant au chapitre de la violence conjugale que de la violence entre partenaires intimes (tableau 3.4).
  • En 2015, la majorité des affaires de violence entre partenaires intimes déclarées par la police ont été classéesNote 1 par la police par le dépôt ou la recommandation d’une accusation (72 %). Pour 14 % des victimes de violence entre partenaires intimes, les affaires ont été classées sans mise en accusation, par exemple dans les situations où la victime a demandé qu’aucune accusation ne soit portée (6 %). La proportion restante de 14 % des victimes étaient impliquées dans des affaires qui n’ont pas été classées (tableau 3.5).

L’Île-du-Prince-Édouard et l’Ontario affichent les plus faibles taux de violence entre partenaires intimes

  • En 2015, le taux de violence entre partenaires intimes déclarée par la police au Canada s’établissait à 309 pour 100 000 personnes. Parmi les provinces, les taux les plus élevés ont été observés en Saskatchewan (666 pour 100 000 personnes) et au Manitoba (554), alors que l’Île-du-Prince-Édouard (197) et l’Ontario (226) ont inscrit les taux les plus faibles (tableau 3.6).
  • Comme c’était le cas pour les crimes déclarés par la police en général (Allen, 2016), les taux de violence entre partenaires intimes les plus élevés ont été observés dans les territoires. Le Nunavut a enregistré le plus fort taux de violence entre partenaires intimes déclarée par la police au Canada (3 575 pour 100 000 personnes), soit plus de cinq fois le taux le plus élevé parmi les provinces (666 en Saskatchewan) (tableau 3.6).
  • Même si, dans l’ensemble du Canada, les femmes étaient généralement plus susceptibles d’être victimes de violence entre partenaires intimes que les hommes, l’écart était plus marqué au Nunavut (où les taux chez les femmes étaient près de sept fois supérieurs à ceux observés chez les hommes) et à l’Île-du-Prince-Édouard (où les taux étaient plus de cinq fois supérieurs chez les femmes). Le taux le plus faible de violence entre partenaires intimes commise à l’endroit de victimes de sexe masculin a été observé à l’Île-du-Prince-Édouard (61 pour 100 000), tandis que le taux le plus élevé a été enregistré dans les Territoires du Nord-Ouest (969) (tableau 3.6).

Le taux d’agressions sexuelles entre partenaires intimes a augmenté de 15 % depuis 2010

  • Le taux de voies de fait entre partenaires intimes — la forme la plus courante de violence entre partenaires intimes déclarée par la police — a légèrement augmenté entre 2014 et 2015 (+2 %), passant de 231 victimes pour 100 000 personnes à 235. Toutefois, depuis 2010, le taux de cette forme de violence entre partenaires intimes a diminué de 8 % (tableau 3.7).
  • En 2015, le taux d’agressions sexuelles entre partenaires intimes déclarées par la police a augmenté de 7 % par rapport à 2014 et de 15 % par rapport à 2010 pour s’établir à 9 victimes pour 100 000 personnes. L’agression sexuelle constitue le seul type de violence physique et sexuelle entre partenaires intimes déclarée par la police qui a affiché une hausse de son taux entre 2010 et 2015 (tableau 3.7).
  • Selon les données policières de 2015, le taux d’agressions sexuelles entre partenaires intimes était 36 fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes (18 victimes de sexe féminin par rapport à 0,5 victime de sexe masculin pour 100 000 personnes) (tableau 3.7).

Les femmes de 25 à 29 ans sont les plus à risque d’être victimes d’un homicide entre partenaires intimes

  • Le taux d’homicides entre partenaires intimes a diminué de 6 % entre 2014 et 2015, ce qui poursuit la tendance à la baisse observée depuis des décennies. Le taux de 2,7 homicides entre partenaires intimes pour 1 million de personnes enregistré en 2015 représente une baisse de 46 % par rapport à 1995 et de 23 % par rapport à 2005 (tableau 3.8).
  • Le recul du taux d’homicides entre partenaires intimes est particulièrement prononcé chez les victimes de sexe masculin. Le taux enregistré en 2015 (0,9 victime de sexe masculin pour 1 million de personnes) correspond à une diminution de 70 % par rapport à 1995 et de 24 % par rapport à 2005. Par ailleurs, les femmes continuent d’être plus susceptibles d’être victimes de ce type d’homicide que les hommes, leur taux étant environ cinq fois plus élevé que celui des hommes en 2015 (4,5 victimes par rapport à 0,9 victime pour 1 million de personnes) (tableau 3.8).
  • Parmi les 964 homicides entre partenaires intimes enregistrés entre 2005 et 2015, la majorité ont été commis par un conjoint marié ou de fait actuel ou ancien (74 %). Depuis 2005, la proportion d’homicides entre partenaires intimes commis par un conjoint marié actuel ou ancien par rapport à la proportion d’homicides commis par un conjoint de fait actuel ou ancien a fluctué au fil du temps; elle est toutefois généralement stable malgré la baisse globale de la proportion de personnes mariées ou l’ayant déjà été au sein de la population (Milan, 2013) (tableau 3.9).
  • Selon les données déclarées par la police sur les homicides qui se sont produits entre 2005 et 2015, les femmes de 25 à 29 ans étaient les plus susceptibles d’être victimes d’un homicide entre partenaires intimes (8,2 pour 1 million de personnes). Par ailleurs, parmi la population masculine, les hommes de ce groupe d’âge étaient aussi les plus à risque d’être victimes d’un homicide entre partenaires intimes (2,5 pour 1 million), même si les taux d’homicides entre partenaires intimes observés au sein de cette population demeuraient considérablement plus bas que ceux de la population féminine (tableau 3.10).
  • Chez les femmes, celles qui présentaient le risque le plus faible d’être victimes d’un homicide entre partenaires intimes étaient âgées de 65 ans et plus (2,0 pour 1 million), alors que le risque le plus faible chez les hommes se situait dans le groupe d’âge de 15 à 19 ans (0,2). Les victimes de sexe féminin appartenant à ce dernier groupe d’âge étaient 18 fois plus susceptibles d’être victimes d’un homicide entre partenaires intimes que leurs homologues de sexe masculin (2,9 victimes de sexe féminin pour 1 million de personnes) (tableau 3.10).
  • L’écart entre les personnes de sexe féminin et leurs homologues de sexe masculin au chapitre du niveau de risque était plus étroit chez les personnes de 55 à 59 ans, groupe d’âge parmi lequel les femmes demeuraient deux fois plus susceptibles d’être victimes d’un homicide entre partenaires intimes (2,9 victimes de sexe féminin par rapport à 1,6 victime de sexe masculin pour 1 million de personnes) (tableau 3.10).

Fin de l'encadré

Tableaux de données détaillés

Tableau 3.1 Victimes d’un crime violent déclaré par la police, selon le sexe de la victime et le lien de l’auteur présumé avec celle-ci, Canada, 2015

Tableau 3.2 Victimes de violence entre partenaires intimes, affaires déclarées par la police, selon le type de relation entre les partenaires intimes et le groupe d’âge de la victime, Canada, 2015

Tableau 3.3 Victimes de violence entre partenaires intimes, affaires déclarées par la police, selon le sexe de la victime et le type d’infraction, Canada, 2015

Tableau 3.4 Victimes de violence entre partenaires intimes, affaires déclarées par la police, selon le type de relation entre les partenaires intimes et le type d’arme sur les lieux de l’affaire, Canada, 2015

Tableau 3.5 Victimes de violence entre partenaires intimes, affaires déclarées par la police, selon le type de relation entre les partenaires intimes et l’état de classement des affaires, Canada, 2015

Tableau 3.6 Victimes de violence entre partenaires intimes, affaires déclarées par la police, selon le sexe de la victime et la province ou le territoire, 2015

Tableau 3.7 Victimes de certaines infractions avec violence entre partenaires intimes, affaires déclarées par la police, selon le sexe de la victime et le type d’infraction, Canada, 2009 à 2015

Tableau 3.8 Victimes d’homicides entre partenaires intimes, selon le sexe de la victime, Canada, 1995 à 2015

Tableau 3.9 Victimes d’homicides entre partenaires intimes, selon le type de relation entre les partenaires intimes, Canada, 2005 à 2015

Tableau 3.10 Victimes d’homicides entre partenaires intimes, selon le sexe et le groupe d’âge de la victime, Canada, 2005 à 2015

Références

AGENCE DE LA SANTÉ PUBLIQUE DU CANADA. 2016. Rapport de l’administrateur en chef de la santé publique sur l’état de la santé publique au Canada 2016 : Regard sur la violence familiale au Canada, produit no HP2-1OF-POF au catalogue.

ALLEN, Mary. 2016. « Statistiques sur les crimes déclarés par la police au Canada, 2015 », Juristat, produit no 85-002-X au catalogue de Statistique Canada.

BURCZYCKA, Marta. 2016. « Tendances de la violence conjugale autodéclarée, 2014 », La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2014, Juristat, produit no 85-002-X au catalogue de Statistique Canada.

CAMPBELL, Jacquelyn C. 2002. « Health consequences of intimate partner violence », The Lancet, vol. 359, no 9314, p. 1 331 à 1 336.

GOLDING, Jacqueline M. 1999. « Intimate partner violence as a risk factor for mental disorders: A meta-analysis », Journal of Family Violence, vol. 14, no 2, p. 99 à 132.

MILAN, Anne. 2013. « État matrimonial : aperçu, 2011 », Rapport sur l’état de la population du Canada, produit no 91-209-X au catalogue de Statistique Canada.

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