Direction des études analytiques
Santé et travail dans la famille : les données probantes liées au diagnostic de cancer d’un conjoint
Consulter la version la plus récente.
Information archivée dans le Web
L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.
par Sung-Hee Jeon, Division de l’analyse sociale et de la modélisation, Statistique Canada
et Vincent Pohl, University of Georgia
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier Sara Allin, Sandra Milicic ainsi que les participants aux colloques du Groupe canadien d’étude en économie de la santé et de l’Association canadienne d’économique pour leurs précieux commentaires.
Résumé
À l’aide de données administratives canadiennes tirées de diverses sources, la présente étude fournit les toutes premières estimations représentatives nationales de l’effet d’un diagnostic de cancer sur l’emploi et les gains du conjoint ainsi que sur le revenu total de la famille. Cet effet est théoriquement ambigu, cependant des preuves manifestes d’une réduction du taux d’emploi et des gains tant chez les hommes que chez les femmes ont été relevées. On explique ces résultats par le fait que les personnes s’absentent de leur travail pour s’occuper de leur conjoint malade (effet de l’aidant naturel). Afin de pouvoir obtenir une interprétation causale des résultats, les auteurs emploient une combinaison d’appariements et d’effets fixes individuels.
Mots clés : diagnostic de cancer du conjoint, emploi du conjoint, gains du conjoint
Sommaire
Les variations de l’état de santé influent non seulement sur les personnes qui vivent les changements, mais aussi sur les membres de leur famille. Par exemple, si le membre de la famille qui gagne le revenu principal perd la capacité de travailler en raison d’un choc lié à la santé, la situation aura nécessairement une incidence sur la situation financière du conjoint et des autres personnes à charge. En outre, les conjoints et les enfants en âge de travailler peuvent eux aussi accroître ou réduire leur offre de main-d’œuvre afin de compenser la perte de revenu (« effet du travailleur additionnel ») ou de prendre soin d’un membre de la famille qui est malade (« effet de l’aidant naturel »). Comme l’étalement de la consommation et l’auto-assurance se produisent au niveau du ménage, les effets financiers d’un choc lié à la santé sur les autres membres de la famille ont d’importantes répercussions sur le plan des politiques. Afin de mieux comprendre ces effets, la présente étude examine la façon dont un diagnostic de cancer reçu par un conjoint influe sur l’emploi et les gains de l’autre conjoint ainsi que sur le revenu total de la famille (avant impôts), en utilisant des données administratives canadiennes.
Les données utilisées dans la présente étude proviennent de cinq sources administratives et sont combinées dans les données de couplage du Recensement de 1991 et du Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre (FDLMO). Les cinq sources sont le Recensement de la population canadienne de 1991, la Base canadienne de données sur le cancer, la Base canadienne de données sur la mortalité, le FDLMO et le Fichier sur la famille T1. L’étude associe des méthodes d’appariement à une stratégie généralisée de « différence dans les différences » (DDD) pour neutraliser les effets de l’hétérogénéité observée et non observée. Dans un premier temps, une méthode d’appariement exacte avec groupement (CEM pour Coarsened Exact Matching) est appliquée aux données de manière à ce que le groupe de traitement (les personnes dont le conjoint a reçu un diagnostic de cancer) et le groupe de contrôle (les personnes dont le conjoint n’a jamais reçu un diagnostic de cancer) soient similaires sur le plan de l’observation. Afin de renforcer l’approche DDD, on a inclus des effets fixes individuels. Les données et méthodes retenues pour l’étude permettent l’interprétation des résultats d’estimation par une relation de causalité, ce qui est essentiel pour tenir des discussions éclairées sur les enjeux stratégiques.
L’étude permet de constater que les taux d’emploi des hommes comme les femmes diminuent d’environ 2,4 points de pourcentage au cours des années suivant le diagnostic de cancer de leur conjoint. Comme les femmes ont des taux d’emploi moyens moins élevés, ce taux représente une baisse relativement plus marquée pour elles. En outre, les gains annuels diminuent d’environ 2 000 $ pour les hommes et d’environ 1 500 $ pour les femmes. En termes relatifs, cette baisse correspond à 3,4 % pour les hommes et à 5,9 % pour les femmes. Enfin, les résultats illustrent des baisses importantes du revenu familial attribuables à la diminution des gains des personnes qui ont reçu un diagnostic de cancer et à une diminution parallèle des gains de leur conjoint. Pour ce qui est des hommes dont l’épouse a reçu un diagnostic de cancer, le revenu familial peut diminuer jusqu’à concurrence de 4,8 %, tandis que la diminution correspondante pour les femmes peut atteindre 8,5 %.
Bien que les effets sur le marché du travail du choc lié à la santé éprouvé par un conjoint soient théoriquement ambigus, les résultats empiriques obtenus par la présente étude rejettent clairement l’hypothèse du travailleur additionnel en faveur de celle de l’aidant naturel. Les personnes dont le conjoint reçoit un diagnostic de cancer (c’est-à-dire, un changement négatif de l’état de santé à la fois soudain et grave) connaissent une baisse de l’emploi et des gains. De plus, un diagnostic de cancer implique souvent la réduction soudaine de l’espérance de vie du conjoint touché, auquel cas l’autre conjoint pourrait vouloir travailler moins temporairement afin de passer plus de temps avec la personne malade. Par conséquent, les effets négatifs plus importants sur l’emploi et les gains qui ont été constatés tout autant pour les hommes que pour les femmes en réaction au cancer du conjoint peuvent être attribuables à la fois à leurs obligations d’aidant naturel et au désir de passer plus de temps ensemble après le diagnostic de cancer.
Dans l’ensemble, les résultats de la présente étude fournissent de nouvelles données probantes importantes sur les effets d’un choc grave lié à la santé subi par un membre de la famille sur la vie active intrafamiliale. L’ampleur de ces effets est considérable, ce qui donne à penser qu’un diagnostic de cancer peut transformer une offre de main-d’œuvre optimale, lorsque les deux conjoints sont en santé, en un scénario qui peut fortement influer sur le bien-être financier de la famille, en plus des coûts psychologiques imputables à un choc lié à la santé.
1. Introduction
Les variations de l’état de santé touchent non seulement les personnes qui vivent ces changements, mais aussi les membres de leur famille. Par exemple, si le membre de la famille qui gagne le revenu principal perd la capacité de travailler en raison d’un choc lié à la santé, il y aura nécessairement une incidence sur la situation financière du conjoint et des autres personnes à charge. En outre, les conjoints et les enfants en âge de travailler peuvent eux aussi accroître ou réduire leur offre de main-d’œuvre afin de compenser la perte de revenu ou de prendre soin d’un membre de la famille malade. Comme l’étalement de la consommation et l’auto-assurance se produisent au niveau du ménage, les effets financiers d’un choc lié à la santé sur les autres membres de la famille ont d’importantes répercussions sur le plan des politiques. Afin de mieux comprendre ces effets, la présente étude examine la façon dont un diagnostic de cancer reçu par un conjoint influe sur l’emploi et les gains de l’autre conjoint ainsi que sur le revenu total de la famille, en utilisant des données administratives produites par l’organisme statistique national du Canada, Statistique Canada.
Comme dans les autres pays développés, le cancer constitue l’une des principales causes de mortalité et de morbidité au Canada. Près de 200 000 personnes ont reçu un diagnostic de cancer en 2014. Selon les données de 2011, il constitue la principale cause de décès, représentant 30 % de tous les décèsNote 1. Cependant, grâce aux plus récents progrès de la médecine, les probabilités de survie après un diagnostic de cancer se sont améliorées. Par exemple, le taux de survie moyen après cinq ans pour tous les cancers au Canada est passé de 56 % en 1993 à 63 % en 2007. Cette transition vers de plus longues durées de survie souligne l’importance de prendre en compte les effets à moyen terme et à long terme du cancer sur la situation des survivants sur le marché du travail et sur leur bien-être financier. Par exemple, Bradley, Bednarek et Neumark (2002a, 2002b), Bradley et coll. (2005, 2007b) ainsi que Bradley, Oberts et Schenk (2006) utilisent des données de la Health and Retirement Study (HRS), étude menée aux États-Unis, ainsi que de petits échantillons de survivants du cancer du sein et du cancer de la prostate pour estimer les effets des diagnostics de cancer sur l’offre de main-d’œuvre et les gains des patients. Au Canada, Jeon (2014) a constaté une baisse substantielle des gains chez les survivants du cancer.
Lorsqu’une personne éprouve un choc négatif lié à la santé, l’offre de main-d’œuvre de son conjoint subit deux forces opposées. Dans un premier temps, l’offre de main-d’œuvre du conjoint peut augmenter pour compenser le revenu perdu de la personne malade. Cet « effet du travailleur additionnel » a été explicité après des pertes d’emploi non liées à la santé (p. ex., Stephens, 2002). Aux États-Unis, l’accès à un régime d’assurance-maladie parrainé par l’employeur peut inciter encore davantage un conjoint en santé à poursuivre son travail ou à accroître son offre de main-d’œuvre (Bradley et coll., 2007a). En utilisant des données en provenance du Canada, qui dispose d’un régime universel de soins de santé, nous pouvons ignorer ce motif de changement de l’offre de main-d’œuvre du conjoint après un choc lié à la santé, et par conséquent, on peut s’attendre à ce que l’effet du travailleur additionnel soit plus faible. Aussi, le contexte canadien limite le rôle de la sélection dans les régimes d’assurance-maladie et facilite ainsi une interprétation causale des résultats de l’étude. Enfin, les conclusions pourraient permettre de mieux comprendre l’effet des diagnostics de cancer sur la situation des conjoints sur le marché du travail dans la plupart des pays européens qui disposent de régimes universels de soins de santé.
Dans un second temps, les membres de la famille, et tout particulièrement les conjoints, peuvent réduire leur offre de main-d’œuvre afin de prendre soin de l’un des leurs qui a reçu un diagnostic de cancer. L’effet « de l’aidant naturel » a été généralement explicité dans des situations où un membre de la famille nécessite des soins à long terme alors qu’un autre membre de la famille agit en tant qu’aidant naturel informel (voir Van Houtven, Coe et Skira, 2013; Heger, 2014; et Skira, 2015). Les conjoints en santé peuvent aussi réduire leur offre de main-d’œuvre si les deux conjoints désirent faire plus de loisirs ensemble après un diagnostic de cancer (complémentarité des loisirs). Il est difficile de déterminer théoriquement lequel des deux effets potentiels prévaut. La présente étude se penche sur cette question de manière empirique dans le contexte des diagnostics de cancer reçus par un conjoint dans la population canadienne.
L’analyse des effets du changement de l’état de santé de l’un des conjoints sur les décisions de l’autre conjoint en matière d’offre de main-d’œuvre pose deux défis importants. Le premier défi découle de la disponibilité des données. Pour analyser les effets d’un choc lié à la santé sur les membres d’une famille, il faut pouvoir identifier les familles dans les données. Cette identification est relativement facile à partir des données d’enquêtes sur les ménages. Cependant, le nombre de personnes ayant de graves problèmes de santé qui peuvent influer sur le bien-être économique de la famille est habituellement faible dans ce type d’enquête. On peut observer un nombre considérablement plus élevé de personnes ayant de graves problèmes de santé dans les données administratives (comme les dossiers d’hospitalisation), mais les renseignements sur les membres des familles ne sont normalement pas disponibles dans ce type de données. Pour contourner ces problèmes, la présente étude a utilisé un ensemble de données unique dans lequel sont couplées des données provenant de plusieurs sources canadiennes de données administratives. En plus d’observer un grand nombre de personnes ayant des problèmes de santé (plus précisément, celles qui ont reçu un diagnostic de cancer), l’étude identifie les couples mariés et examine leur situation sur le marché du travail.
Le deuxième défi est de nature méthodologique. Tout particulièrement, il est lié à l’interprétation des estimations. Bien que les effets de la maladie d’un conjoint sur les gains (ou le revenu) de l’autre conjoint puissent être aisément estimés, la recherche de liens de causalité entre ces éléments constitue habituellement une tâche beaucoup plus difficile. La constitution des familles n’est pas aléatoire : les couples sont appariés en fonction de caractéristiques observables et non observables qui influent également sur la santé et les gains des conjoints plus tard dans leur vie. Ainsi, il existe une corrélation évidente entre l’attitude des conjoints à l’égard des saines habitudes de vie (p. ex., les conjoints sont plus susceptibles d’avoir des attitudes similaires à l’endroit de l’usage du tabac) et leurs résultats en matière de santé. La présente étude tient compte de l’hétérogénéité non observée invariante dans le temps en incluant des effets fixes individuels ou en couple dans les modèles de régression. Aussi, il est possible que le changement de l’état de santé d’un conjoint ne survienne pas indépendamment de son offre de main-d’œuvre et de son revenu ou de ceux de son conjoint même connaissant les effets fixes individuels (c.-à-d. qu’il peut ne pas être strictement exogène). Par exemple, il est possible que la perte de l’emploi de l’un des conjoints donne lieu à un stress psychologique pour l’autre conjoint, et par la suite à des problèmes de santé physique ou mentale. La présente étude utilise les diagnostics de cancer comme exemple de choc important et imprévu lié à la santé, et donc strictement exogène. Il est peu probable que l’offre de main-d’œuvre ou les préférences en matière de travail d’un conjoint influent directement ou indirectement sur la probabilité que l’autre conjoint reçoive un diagnostic de cancer. Par conséquent, ces conclusions peuvent mener à une interprétation causale.
Étant donné ces défis, seulement un petit nombre d’études ont examiné les effets du changement de l’état de santé d’un conjoint sur l’offre de main-d’œuvre de l’autre conjoint. Hollenbeak, Short et Moran (2011) ont utilisé des données d’enquête sur les conjoints de survivants du cancer en Pennsylvanie appariées à un groupe de contrôle extrait de la Panel Study of Income Dynamics. Ils ont constaté une baisse du taux d’emploi des épouses, mais aucun effet pour les époux. L’échantillon des survivants du cancer n’est pas représentatif de la population nationale et l’offre de main-d’œuvre est autodéclarée. Nahum (2007) a constaté l’existence des effets de l’aidant naturel en utilisant des données administratives suédoises sur les congés de maladie des conjoints. Elle a aussi constaté un effet négatif plus prononcé chez les épouses. Coile (2004) a utilisé des données de la HRS pour analyser l’effet des chocs liés à la santé et a noté de petits effets du travailleur additionnels pour les époux, mais non pas pour les épouses. Étant donné la baisse des gains du conjoint malade, ce résultat semble indiquer que la situation financière du ménage se détériore considérablement après le choc lié à la santé de l’un des conjoints. Dans un article récent, García-Gómez et coll. (2013) ont utilisé des données administratives des Pays-Bas pour analyser les effets de l’hospitalisation des personnes sur leur propre situation sur le marché du travail et sur celle de leur conjoint. Ils n’ont constaté aucun effet notable pour les épouses et des effets négatifs pour les époux de personnes malades.
La présente étude contribue aux ouvrages publiés en offrant de nouvelles données probantes sur les effets de chocs graves liés à la santé sur l’emploi et les gains du conjoint et sur le revenu familial. Contrairement à la plupart des ouvrages déjà publiés, elle combine des mesures objectives du choc lié à la santé provenant du Registre canadien du cancer avec des données administratives sur les gains représentatives de la population nationale provenant des dossiers fiscaux longitudinaux canadiens. Plus précisément, la mesure du choc lié à la santé employée par la présente étude diffère de celles utilisées par les études antérieures. Par exemple, García-Gómez et coll. (2013) et d’autres ont utilisé les hospitalisations en soins de courte durée comme mesure des chocs liés à la santé, cependant il est possible qu’une personne connaisse des problèmes de santé avant son hospitalisation. Par conséquent, il n’est pas certain qu’une admission à l’hôpital constitue un choc imprévu. En revanche, la présente étude utilise le diagnostic de cancer reçu par une personne pour mesurer le changement soudain et imprévu de son état de santé. Il est peu probable qu’une personne et son conjoint rajustent leur comportement sur le marché du travail parce qu’ils sont conscients de la maladie avant que le diagnostic n’ait été posé. En plus de cette source novatrice de variation exogène dans l’état de santé des personnes, la présente étude combine des méthodes d’appariement à une stratégie généralisée de différence dans les différences (DDD) pour neutraliser les effets de l’hétérogénéité observée et non observée. Dans un premier temps, on applique aux données une méthode d’appariement exacte avec groupement (CEM pour Coarsened Exact Matching) de manière à ce que le groupe de traitement (les personnes dont le conjoint a reçu un diagnostic de cancer) et le groupe de contrôle (les personnes dont le conjoint n’a jamais reçu un diagnostic de cancer) soient similaires sur le plan de l’observation. Afin de renforcer l’approche DDD, des effets fixes individuels ont été inclus. Les données et les méthodes retenues pour l’étude permettent l’interprétation des résultats d’estimation par une relation de causalité, ce qui est essentiel pour tenir des discussions éclairées sur les enjeux stratégiques.
En résumé des conclusions de l’étude, les estimations montrent que taux d’emploi des hommes comme les femmes diminuent d’environ 2,4 points de pourcentage au cours des années suivant le diagnostic de cancer reçu par leur conjoint. Comme les femmes ont des taux d’emploi moyens moins élevés, ce taux représente une baisse relativement plus marquée pour elles. En outre, les gains annuels diminuent d’environ 2 000 $ pour les hommes et d’environ 1 500 $ pour les femmes. En termes relatifs, cette baisse correspond à 3,4 % et 5,9 % pour les hommes et pour les femmes, respectivement. Enfin, on estime des baisses importantes du revenu familial, attribuables aux gains plus faibles des personnes qui ont reçu un diagnostic de cancer et à une baisse additionnelle des gains de leur conjoint. Pour ce qui est des hommes dont l’épouse a reçu un diagnostic de cancer, le revenu familial peut diminuer de 4,8 %, tandis que la réduction mesurée chez les femmes peut atteindre 8,5 %.
Le reste de l’article est organisé comme suit : la section 2 décrit les différentes sources de données et explique comment elles ont été combinées; la section 3 présente la stratégie empirique; la section 4 explore les résultats des estimations; la section 5 présente les conclusions.
2. Données
Les données utilisées dans le présent article proviennent de cinq sources de données administratives, combinées dans les données de couplage du Recensement de 1991 et du Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre (FDLMO). Les sources sont le Recensement de la population canadienne de 1991, la Base canadienne de données sur le cancer (BCDC), la Base canadienne de données sur la mortalité (BCDM), le FDLMO et le fichier sur la famille T1 (T1FF). Le FDLMO et le T1FF sont issus des déclarations de revenus des particuliers. On trouvera à l’annexe 1 une brève description de chaque source de données.
Statistique Canada a couplé ces sources de données en plusieurs étapes. Dans un premier temps, les renseignements personnels sélectionnés extraits de la BCDM et de la BCDC ont été couplés aux enregistrements individuels des personnes de 25 ans et plus dans le fichier du Recensement de 1991Note 2. Ce premier couplage de données est nommé « cohorte du Recensement canadien de 1991 : suivi de la mortalité et du cancer ». Les enregistrements de décès jusqu’en 2006 et les enregistrements de cas de cancer jusqu’en 2003 avaient été initialement extraits de la BCDM et de la BCDCNote 3. Par la suite, la cohorte du Recensement de 1991 a été couplée avec le FDLMO, qui est un échantillon aléatoire de 10 % des déclarations de revenus des particuliers à partir de 1983, pour créer un sous-ensemble des données contenant des caractéristiques démographiques, des diagnostics de cancer et des enregistrements de décès, ainsi que des profils longitudinaux des revenus des particuliers. Plus récemment, le revenu du conjoint et le revenu familial total extraits du fichier T1FF aux données de couplage du Recensement de 1991 et du FDLMO ont été ajoutés. La version actuelle des données comprend le revenu des particuliers, le revenu de leur conjoint et le revenu familial total de 1983 à 2010. En plus des enregistrements de décès extraits de la BCDM, les fichiers de données fiscales fournissent aussi de l’information sur les années de décès des particuliers jusqu’en 2010Note 4. Les données de couplage finales du Recensement de 1991 et du FDLMO représentent environ 1,4 % de la population canadienne de 25 ans et plus en 1991.
On peut utiliser la cohorte du Recensement canadien de 1991 : suivi de la mortalité et du cancer pour suivre, jusqu’en 2003, les antécédents de cancer des personnes mariées aux particuliers dénombrés dans les données de couplage du Recensement de 1991 et du FDLMO. Leurs enregistrements de décès sont disponibles jusqu’en 2006. Cependant, l’état matrimonial des personnes dans les données de couplage du Recensement de 1991 et du FDLMO peut changer au fil du temps. Pour étudier l’incidence du diagnostic de cancer reçu par les conjoints sur la situation de ces personnes sur le marché du travail, il fallait tout d’abord s’assurer qu’elles étaient toujours mariées à la personne identifiée comme étant leur conjoint dans le Recensement de 1991 au moment où ce conjoint recevait un diagnostic de cancer. Avant la sélection de l’échantillon à étudier, il fallait identifier les couples toujours mariés. À cette fin, la procédure décrite ci-après a été appliquée. Pour 1991, toutes les personnes mariées de 59 ans et moins ont été sélectionnées et seules les personnes qui n’ont jamais reçu un diagnostic de cancer jusqu’à la fin de 1991 ont été retenues. Dans la présente étude, ces personnes sont simplement appelées « personnes », et leurs conjoints sont appelés « conjoints »Note 5. Les personnes étaient retirées de l’analyse si leur conjoint était âgé de 60 ans ou plus en 1991 ou si leur conjoint avait déjà reçu un diagnostic de cancer. Par la suite, on a construit les épisodes de mariage des personnes en utilisant les renseignements sur la situation dans la famille extraits du fichier T1FF annuel. Pour une année donnée, les personnes sont traitées comme étant mariées sans interruption au même conjoint si leur état matrimonial n’a pas changé entre deux années consécutives de 1991 jusqu’à l’année en question. Si des personnes se séparent, leur épisode de mariage prend fin. Cependant, dans les situations où le conjoint décède, l’épisode de mariage est codé comme toujours actif jusqu’à ce que la personne se marie de nouveau, ce qui signifie que les veufs et les veuves sont conservés dans l’échantillon tant qu’ils ne se remarient pas. Lorsque tous les épisodes sans interruption à partir de 1991 ont été déterminés, les changements de l’état matrimonial des personnes de 1991 à 1983 sont suivis afin de déterminer l’année de début des épisodes de mariage sans interruption. Pour les épisodes de mariage sans interruption qui couvrent des années antérieures et postérieures à 1991, on présume que les personnes sont mariées à la personne identifiée comme son conjoint dans le Recensement de 1991Note 6.
Les données sur les épisodes de mariage contiennent 107 921 personnes mariées qui étaient âgées de 59 ans et moins en 1991, dont le conjoint était aussi âgé de 59 ans et moins en 1991, et qui n’avaient l’une comme l’autre aucun antécédent de cancer avant 1992. La durée moyenne des épisodes de mariage couvrant une partie ou l’ensemble de la période de 1983 à 2010 est de 21,4 années, et 94 % des épisodes ont une durée d’au moins 10 ans. L’âge moyen des personnes est de 39,7 ans en 1991, tandis que l’âge moyen de leur conjoint est de 39,8 ans. Les conjoints de 3 665 personnes ont reçu un diagnostic de cancer pour la première fois entre 1992 et 2003. L’âge de ces personnes au moment du diagnostic varie de 28 à 64 ans.
Au cours de l’étape suivante, des restrictions supplémentaires ont été imposées aux données sur les épisodes de mariage pour obtenir les échantillons de traitement et de contrôle aux fins de la présente étude. Pour chaque année de 1992 à 2003, les personnes qui n’avaient pas encore atteint l’âge de 60 ans ont été sélectionnées parce qu’elles étaient encore en âge de travailler. La même restriction en matière d’âge a aussi été imposée au conjoint. Les personnes qui n’avaient jamais reçu un diagnostic de cancer jusqu’à la fin de l’année et qui ont vécu pendant au moins cinq ans après l’année ont été conservées, peu importe la durée de leurs épisodes de mariageNote 7. L’échantillon se limite aux personnes dont la situation d’emploi (c.-à-d., si elles occupent un emploi ou non) peut être déterminée pour au moins deux années précédant l’année . On présume que les personnes ont occupé un emploi pendant chaque année au cours de laquelle elles ont déclaré des gains annuels non nulsNote 8. Le groupe de traitement satisfaisant à ces restrictions se compose de 2 636 personnes (1 501 hommes et 1 135 femmes) dont le conjoint a reçu un diagnostic de cancer pour la première fois entre 1992 et 2003Note 9. Les sièges de cancer les plus courants chez les conjoints masculins sont la prostate (16,7 %) et le poumon et les bronches (12,7 %), tandis que les sièges de cancer les plus courants chez les conjoints féminins sont le sein (39,2 %) et le col de l’utérus (11,8 %). L’échantillon de contrôle se compose de personnes dont le conjoint n’a jamais reçu un diagnostic de cancer entre 1992 et 2003. Dans l’échantillon de contrôle, les personnes qui satisfont à ces restrictions pour chaque année peuvent figurer plus d’une fois. Le nombre total d’observations entre 1992 et 2003 dans l’échantillon de contrôle s’élève à 932 970 (450 763 pour les hommes et 482 207 pour les femmes). Il s’agit du nombre des observations groupées pour 100 449 personnes (48 583 hommes et 51 866 femmes).
L’analyse est menée séparément pour les hommes et pour les femmes parce que les profils d’âge masculins et féminins de l’offre de main-d’œuvre diffèrent. L’échantillon n’est pas limité aux personnes qui travaillaient avant que leur conjoint ne reçoive un diagnostic de cancer afin de permettre l’inclusion de tous les changements possibles de l’emploi attribuables à un choc lié à la santé du conjointNote 10.
Le tableau 1 illustre les différences entre les caractéristiques de l’échantillon de traitement et de l’échantillon de contrôle pour les hommes (colonnes 1 et 2) et pour les femmes (colonnes 6 et 7). On observe des tendances similaires pour les hommes et les femmes. La différence la plus marquée est celle des âges moyens entre l’échantillon de traitement et l’échantillon de contrôleNote 11. Les personnes faisant partie de l’échantillon de traitement sont plus âgées que celles de l’échantillon de contrôle. De plus, les différences d’âge semblent être associées à des différences touchant d’autres caractéristiques. Les personnes dans l’échantillon de traitement sont moins susceptibles de travailler, mais en moyenne, leurs gains annuels et leur revenu familial total sont plus élevés que ceux associés à leurs homologues dans l’échantillon de contrôle. Elles ont moins d’enfants à la maison et l’enfant le plus jeune dans l’échantillon de traitement est généralement plus âgé que celui dans l’échantillon de contrôle. Pour les hommes comme pour les femmes, l’échantillon de traitement compte moins de membres de minorités visibles que l’échantillon de contrôle. Sans surprise, l’âge des personnes est corrélé positivement avec la probabilité du diagnostic de cancer reçu par leur conjoint et avec leur propre offre de main-d’œuvre. Cependant, d’autres différences entre les caractéristiques de l’échantillon de traitement et de l’échantillon de contrôle, comme le nombre d’enfants et le revenu familial, peuvent également être fortement associées aux décisions des personnes en matière d’offre de main-d’œuvre.
Afin d’équilibrer les covariables illustrées au tableau 1 entre l’échantillon de traitement et l’échantillon de contrôle, on applique dans un premier temps aux données une méthode CEM avant d’estimer l’incidence d’un diagnostic de cancer reçu par le conjoint sur l’emploi et les gains de son conjoint. On trouvera dans la section qui suit la description de l’approche d’appariement.
3. Stratégie empirique
3.1 Appariement
Afin d’équilibrer les covariables du groupe de traitement et du groupe de contrôle, on applique un algorithme CEM; le CEM est un algorithme d’appariement exact multidimensionnel appliqué aux cellules produites par la division des variables continues en intervalles discrets ou par le regroupement des variables catégoriques en un moins grand nombre de catégories groupéesNote 12. L’algorithme CEM crée un ensemble de strates à partir des mêmes valeurs groupées de variables d’appariement; il réduit aussi les données appariées aux zones de soutien empirique communes en élaguant les observations non appariées de l’échantillon de traitement et de l’échantillon de contrôle. Pour chaque strate, le CEM produit des pondérations qui peuvent servir à repondérer les observations dans l’échantillon de contrôle apparié et à équilibrer les répartitions empiriques des variables d’appariement entre les deux échantillonsNote 13. Par la suite, on utilise ces poids appariés dans l’analyse par régression de la situation de travail, des gains annuels et du revenu familialNote 14.
L’accroissement du nombre de dimensions appariées par l’ajout de variables d’appariement supplémentaires réduit la probabilité de trouver des appariements entre le groupe de traitement et le groupe de contrôle, puisque l’algorithme CEM nécessite un appariement exact dans toutes les catégories groupées de variables d’appariement. Par conséquent, la meilleure solution consiste à disposer d’un ensemble relativement petit de variables d’appariement suffisant pour tenir compte des différences observables entre l’échantillon de traitement et l’échantillon de contrôle, mais dans un même temps suffisamment petit pour réduire le nombre de personnes non appariées dans l’échantillon de traitement. Dans le cas présent, l’ensemble de variables d’appariement comprend les caractéristiques de la personne et de sa famille, mais non pas les caractéristiques de son conjointNote 15. Il est probable que les caractéristiques personnelles et familiales des personnes choisies comme variables d’appariement soient des déterminants directs de la situation des personnes sur le marché du travail avant et après l’obtention d’un diagnostic de cancer par leur conjoint. Par conséquent, l’appariement en fonction de ces variables permet de neutraliser la sélection d’unités observables dans les variables de résultats d’intérêt, c’est-à-dire la situation d’emploi, les gains et le revenu familial des personnes.
Les personnes faisant partie de l’échantillon de traitement et de l’échantillon de contrôle sont appariées au moyen de données regroupées de 1992 à 2003, chaque année civile étant utilisée comme l’une des variables d’appariement. Les variables d’appariement comprennent aussi l’âge (à un niveau de détail réduit à des intervalles de cinq ans), le niveau de scolarité, l’appartenance à un groupe de minorité visible (à un niveau de détail réduit à trois catégories) et la province de résidence. Les caractéristiques familiales incluses dans les variables d’appariement sont le nombre d’enfants dans la famille (à un niveau de détail réduit à quatre catégories), l’âge du plus jeune enfant (à un niveau de détail réduit à trois catégories) et le revenu familial total au cours de l’année précédente (à un niveau de détail réduit aux quintiles). La part des gains de la personne dans le revenu familial total au cours de l’année précédente (à un niveau de détail réduit à deux catégories) est également incluse en tant que variable d’appariement afin de tenir compte de la contribution de la personne au revenu familial total avant le diagnostic de cancer reçu par son conjoint. Pour tenir compte de la participation de la personne au marché du travail avant le diagnostic de cancer reçu par son conjoint, la première et la seconde valeurs décalées de sa situation d’emploi (c.-à-d., si elle occupe un emploi ou non) sont également incluses en tant que variables d’appariement.
Les colonnes 4, 5, 9 et 10 du tableau 1 illustrent les caractéristiques des échantillons appariés pour les hommes et les femmes dans l’échantillon de traitement et l’échantillon de contrôle, respectivement. Il n’était pas possible d’apparier toutes les personnes dans l’échantillon de traitement à des personnes comparables dans l’échantillon de contrôle. Pour 306 hommes (20,4 %) et 211 femmes (18,6 %) dans l’échantillon de traitement, aucun appariement comparable n’a pu être trouvé dans l’échantillon de contrôle. La plupart des caractéristiques des appariements infructueux pour les hommes comme pour les femmes dans l’échantillon de traitement sont très similaires. Les personnes dans l’échantillon de traitement qui n’avaient pas occupé un emploi au cours des deux années précédant le diagnostic de cancer reçu par leur conjoint avaient une plus petite chance d’être appariées à une personne dans l’échantillon de contrôle en comparaison de celles qui avaient occupé un emploi au cours de cette période. Par conséquent, les personnes appariées dans l’échantillon de traitement présentent des gains individuels et un revenu familial total moyens plus élevés que les personnes dans l’échantillon de traitement avant l’appariement (colonnes 1 et 6 du tableau 1). Les personnes non identifiées comme appartenant à un groupe de minorité visible dans l’échantillon de traitement sont plus susceptibles d’être appariées à une personne dans l’échantillon de contrôle, en comparaison de celles identifiées comme appartenant à un groupe de minorité visible. Cependant, les autres caractéristiques comme l’âge moyen, le niveau de scolarité et l’âge du plus jeune enfant sont similaires pour l’échantillon de traitement avant et après l’appariement. Les types généraux de cancer du conjoint sont également similaires dans l’échantillon de traitement avant et après l’appariement. Les types de cancer du conjoint dans l’échantillon de traitement apparié sont présentés au tableau 2 pour les conjoints masculins et féminins.
Enfin, la comparaison des colonnes 4 et 5 pour les hommes aux colonnes 9 et 10 pour les femmes, respectivement, dans le tableau 1 permet de constater à quel point les caractéristiques de l’échantillon de traitement apparié et de l’échantillon de contrôle apparié avec pondération CEM sont similaires. Il n’y a pratiquement aucune différence entre les caractéristiques des deux échantillons appariés avec poids d’appariement.
L’étape finale consiste à construire un échantillon de régression pour les personnes appariées dans l’échantillon de traitement et l’échantillon de contrôle. L’année du premier diagnostic de cancer reçu par leur conjoint est l’année et t est le nombre d’années écoulées depuis l’année du diagnostic ( au cours de l’année ). Dans l’échantillon de contrôle apparié, peut être égal à 0 au cours de n’importe quelle année de 1992 à 2003, selon l’année dans l’échantillon de traitement apparié, de façon à ce que soit la même année dans les deux échantillons. Les profils longitudinaux des personnes sont construits de à du moment que ces périodes sont comprises dans les épisodes de mariage sans interruption de ces personnesNote 16.
3.2 Régressions généralisées par une méthode de différence dans les différences avec effets fixes individuels
Pour neutraliser les effets des caractéristiques individuelles non observables invariantes dans le temps potentiellement corrélées à la situation des personnes sur le marché du travail et aux comportements de leurs conjoints en matière de santé, il faut appliquer un modèle DDD avec effets fixes individuelsNote 17. Les effets d’un diagnostic de cancer reçu par un conjoint sur la situation de l’autre conjoint sur le marché du travail peuvent varier au fil du temps (DDD généralisée). On peut interpréter les résultats de ces régressions par une relation de causalité en combinaison avec des chocs liés à la santé strictement exogènes, soit dans le cas présent des diagnostics de cancer.
Le modèle d’appariement et le modèle DDD sont combinés en estimant un modèle d’effets fixes avec interactions entre les variables nominales du groupe de traitement ( ) et du temps ( ), puis en appliquant les poids d’appariement CEM à l’estimation (Jacobson, LaLonde et Sullivan, 1993; Hijzen, Upward et Wright, 2010; Boden et Galizzi, 2003) ainsi :
où est la variable du résultat sur le marché du travail (situation de travail, gains annuels ou revenu familial) pour la personne au cours de la période . L’effet fixe individuel invariant dans le temps est . Le vecteur se compose des caractéristiques des personnes variant avec le temps. Chaque est une variable nominale égale à 1 si ou à 0 autrement. est une variable nominale égale à 1 si le conjoint de la personne a reçu un diagnostic de cancer et 0 autrement (variable nominale du groupe de traitement). La période de référence est . Donc, est une estimation de la différence dans entre le groupe de traitement et le groupe de contrôle au cours de périodes de temps différentes relativement à la différence dans entre les deux groupes à (c’est-à-dire une année avant l’année du diagnostic de cancer reçu par le conjoint). Autrement dit, est l’effet DDD généralisé du cancer du conjoint sur la situation des personnes sur le marché du travail pendant la période de temps suivant le diagnostic de cancer.
Pour que les paramètres DDD puissent avoir une interprétation causale, les tendances précédant le diagnostic des variables de résultat doivent être similaires pour le groupe de traitement et le groupe de contrôle. Autrement dit, doit être proche de 0 et ne pas être significatif pour Puisque les données sur la situation des personnes sur le marché du travail avant le diagnostic (placebo) de cancer sont disponibles, cette hypothèse sur les tendances communes peut être aisément testée. On trouvera à la sous-section 4.1 une démonstration graphique pour cette hypothèse.
Les panels individuels sont déséquilibrés puisque le début et la fin d’un épisode de mariage sans interruption peuvent différer pour des personnes différentes. Cependant, tous les épisodes de mariage sont continus. La durée des panels individuels varie de 4 à 11 périodes de temps consécutives. Les restrictions en matière d’échantillon décrites à la section 2 impliquent que le nombre minimal de période de temps dans un panel individuel est 4, puisque chaque panel compte au moins les périodes de temps . Une personne de sexe masculin dans le groupe de traitement et cinq personnes (une de sexe masculin et quatre de sexe féminin) dans le groupe de contrôle sont présentes dans l’échantillon pendant seulement 4 périodes de temps. Dans l’ensemble, 83 % des personnes dans le groupe de traitement (82 % hommes, 86 % femmes) et 92 % des personnes dans le groupe de contrôle (92 % hommes, 93 % femmes) sont présentes pendant l’ensemble des 11 périodes de temps.
En plus des régressions DDD généralisées (1), des régressions DDD de base qui imposent à l’effet du diagnostic de cancer reçu par le conjoint d’être constant dans le temps sont également exécutées :
où est le coefficient d’intérêt. Des régressions (2) sont aussi utilisées pour estimer les effets de diagnostics de cancers spécifiques (p. ex., poumon, côlon, sein et prostate) sur l’emploi et les gains du conjoint. En raison de la petite taille des échantillons, la puissance statistique n’est pas suffisante pour permettre l’estimation des effets liés au temps . Comme dans l’équation (1), les poids CEM sont aussi appliqués aux régressions de l’équation (2). En combinaison avec les effets fixes individuels, on peut ainsi interpréter le coefficient comme un paramètre causal.
4. Résultats
4.1 Démonstration graphique
Les graphiques illustrant les résultats d’intérêt sont présentés avant la discussion sur les résultats des algorithmes de régression. Chacun des graphiques ci-dessous présente les moyennes annuelles pour le groupe de traitement et le groupe de contrôle. Ces moyennes sont représentées graphiquement en fonction du temps selon l’année au cours de laquelle le diagnostic (placebo) de cancer a été reçu ( ), séparément pour les hommes et pour les femmesNote 18. Dans la présente section, on évalue l’hypothèse sur les tendances communes qui est nécessaire pour l’estimation de la DDD ci-dessous.
On tient compte des quatre résultats suivants : la situation d’emploi (définie par l’existence de gains non nuls au cours d’une année donnée), les gains annuels, les gains annuels conditionnels à la situation d’emploi et le revenu familial totalNote 19. Le graphique 1 illustre les résultats pour les hommes en utilisant les poids CEM. Le graphique 1-(a) (« Emploi ») montre clairement une baisse du taux d’emploi pour les hommes après que leur épouse ait reçu un diagnostic de cancer. Une année après le diagnostic, le taux d’emploi moyen est inférieur d’environ 2 à 3 points de pourcentage dans le groupe de traitement en comparaison du groupe de contrôle. Cette différence demeure pour la plupart stable au cours de la période de suivi de cinq années. Pour vérifier l’hypothèse sur les tendances communes, il faut vérifier les taux d’emploi dans le groupe de traitement et le groupe de contrôle avant le diagnostic de cancer. Les taux d’emploi pondérés au cours des deux années précédant le diagnostic sont exactement égaux parce que ces deux variables font partie des poids CEM. Une observation rétroactive jusqu’à 10 ans avant le diagnostic confirme également des tendances en étroite correspondance. Plus précisément, il n’y a aucune preuve d’une baisse du taux d’emploi dans le groupe de traitement, qui aurait pu indiquer une endogénéité potentielle du diagnostic de cancer de l’épouse par rapport à la situation d’emploi de l’époux au cours de la période précédant le diagnostic.
Le graphique 1-(b) (« Gains annuels ») illustre les gains annuels non conditionnels (c.-à-d., incluant les hommes qui n’occupaient aucun emploi au cours d’une année donnée). Bien que les gains avant le diagnostic de cancer soient plus élevés chez les hommes dont l’épouse a reçu un diagnostic de cancer, les tendances sont à peu près semblables, et légèrement à la hausse, pour les deux groupes. Après le diagnostic de cancer, les gains dans le groupe de traitement diminuent en comparaison de ceux dans le groupe de contrôle. Donc, l’estimation DDD associée est négative. Avec des gains annuels moyens d’environ 59 000 $ dans le groupe de traitement apparié avant le diagnostic de cancer, cette baisse représente environ 3 % des gains annuels. La comparaison de cette conclusion au graphique 1-(c) (« Gains annuels conditionnels à l’emploi ») montre qu’une importante proportion de la baisse des gains est attribuable à la diminution de l’offre de main-d’œuvre à la marge extensive. Lorsque l’on inclut uniquement les hommes qui occupent un emploi, l’estimation DDD de la baisse des gains annuels est d’environ 1 000 $. Encore ici, les hommes dans le groupe de traitement ont des gains conditionnels plus élevés avant le diagnostic, mais la tendance est similaire à celle mesurée dans le groupe de contrôle en matière de gains. Il faut donc conclure que l’effet de l’aidant naturel domine sur l’effet du travailleur additionnel chez les hommes dont l’épouse a reçu un diagnostic de cancer.
Enfin, le graphique 1-(d) (« Revenu familial total ») (c.-à-d., le revenu conjoint des hommes et de leurs épouses qui ont reçu un diagnostic de cancer, et parfois d’autres membres du ménage) est présenté. L’hypothèse sur les tendances parallèles dans ce cas spécifique est également vérifiée, et on constate une baisse importante du revenu total dans le groupe de traitement après le diagnostic de cancer reçu par l’épouse. Deux ans après le diagnostic, cette baisse s’inverse quelque peu, mais cinq ans après le diagnostic de cancer, le revenu familial est toujours inférieur d’environ 4 000 $ dans le groupe de traitement, en comparaison de la différence de revenu avant le diagnostic.
Tableau de données du graphique 1
Années relatives au diagnostic de cancer (année 0) | Emploi | Revenus annuels | Revenus annuels conditionnels à l'emploi | Revenu familial total | ||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Pas de cancer du conjoint | Cancer du conjoint | Pas de cancer du conjoint | Cancer du conjoint | Pas de cancer du conjoint | Cancer du conjoint | Pas de cancer du conjoint | Cancer du conjoint | |
taux | dollars de 2010 | |||||||
-10 | 0,978 | 0,966 | 55 902 | 57 169 | 57 185 | 59 200 | 93 264 | 94 455 |
-9 | 0,975 | 0,965 | 55 634 | 57 707 | 57 039 | 59 776 | 94 030 | 96 028 |
-8 | 0,974 | 0,969 | 56 441 | 58 117 | 57 949 | 59 975 | 95 469 | 96 249 |
-7 | 0,974 | 0,968 | 56 513 | 58 484 | 58 021 | 60 423 | 95 437 | 97 390 |
-6 | 0,971 | 0,962 | 56 386 | 58 050 | 58 076 | 60 372 | 95 754 | 97 888 |
-5 | 0,972 | 0,961 | 56 748 | 58 792 | 58 382 | 61 156 | 96 892 | 99 361 |
-4 | 0,965 | 0,966 | 56 982 | 59 561 | 59 036 | 61 655 | 97 785 | 100 285 |
-3 | 0,964 | 0,967 | 57 628 | 60 260 | 59 758 | 62 304 | 99 731 | 102 190 |
-2 | 0,971 | 0,971 | 57 746 | 59 522 | 59 489 | 61 318 | 100 899 | 104 078 |
-1 | 0,960 | 0,960 | 57 347 | 59 118 | 59 747 | 61 592 | 102 596 | 104 532 |
0 | 0,950 | 0,951 | 56 639 | 57 976 | 59 606 | 60 933 | 103 009 | 102 949 |
1 | 0,939 | 0,915 | 55 405 | 55 065 | 59 011 | 60 204 | 103 473 | 99 048 |
2 | 0,925 | 0,902 | 54 698 | 54 740 | 59 142 | 60 705 | 103 429 | 100 876 |
3 | 0,917 | 0,894 | 53 970 | 54 105 | 58 880 | 60 545 | 104 424 | 102 224 |
4 | 0,902 | 0,873 | 52 710 | 52 239 | 58 463 | 59 840 | 104 659 | 101 863 |
5 | 0,885 | 0,870 | 50 742 | 51 728 | 57 318 | 59 430 | 104 632 | 102 552 |
Note : Calculs de l'auteur. Source : Statistique Canada, Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre de 1991. |
Le graphique 2 présente le même ensemble de résultats pour les femmes. Le graphique 2-(a) montre que le taux d’emploi des femmes diminue d’environ 2 à 3 points de pourcentage après que leurs conjoints ont reçu un diagnostic de cancer. Ainsi, les effets bruts sont similaires à ceux mesurés pour les hommes. Les gains annuels des femmes dans le groupe de traitement diminuent d’environ 2 000 $ en comparaison du groupe de contrôle. Étant donné les gains habituellement plus faibles chez les femmes, cette baisse représente une variation relativement plus importante des gains pour les femmes en comparaison des hommes. On constate une baisse moins prononcée pour ce qui est des gains conditionnels à l’emploi en comparaison des gains non conditionnels, ce qui implique que les femmes réduisent leur offre de main-d’œuvre principalement à la marge extensive. Dans l’ensemble, la représentation graphique montre que l’effet de l’aidant naturel domine également chez les femmes.
Enfin, le revenu familial diminue considérablement lorsque les diagnostics de cancer des époux sont pris en compte (graphique 2-[d]). Cet effet se caractérise par une baisse des gains chez les époux touchés, et d’une diminution additionnelle des gains chez les femmes qui réduisent leur offre de main-d’œuvre en vue d’agir en tant qu’aidantes naturelles. L’effet négatif sur le revenu familial augmente au fil du temps pour atteindre environ 15 % (15 000 $) du revenu familial annuel moyen trois années après le diagnostic de cancer reçu par l’époux. Donc, un diagnostic de cancer reçu par l’époux aura des répercussions importantes sur la situation financière de la famille.
Le graphique 2 permet également de vérifier l’hypothèse sur les tendances communes dans le cas du comportement des femmes sur le marché du travail. Bien que la tendance en matière d’emploi avant le diagnostic comporte davantage de bruit dans le groupe de traitement féminin en comparaison du groupe de contrôle, dans l’ensemble l’hypothèse est vérifiée dans ce cas précis. Les deux mesures des gains comportent également des tendances parallèles dans le groupe de traitement et le groupe de contrôle avant le diagnostic (placebo) de cancer. Pour ce qui est du revenu familial, les moyennes annuelles sont similaires pour le groupe de traitement et le groupe de contrôle avant . Ce résultat est remarquable puisque seulement le revenu familial au cours de l’année précédant le diagnostic de cancer, avec le nombre d’enfants et l’âge du plus jeune enfant, sont inclus dans les poids CEM; néanmoins les tendances précédant le diagnostic sont très similaires pendant au moins sept années avant le diagnostic. Pour le présent échantillon étudié, les variables incluses dans l’algorithme CEM sont suffisantes pour neutraliser l’effet des différences observables entre le groupe de traitement et le groupe de contrôle pendant la période étendue précédant le diagnostic.
Tableau de données du graphique 2
Années relatives au diagnostic de cancer (année 0) | Emploi | Revenus annuels | Revenus annuels conditionnels à l'emploi | Revenu familial total | ||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Pas de cancer du conjoint | Cancer du conjoint | Pas de cancer du conjoint | Cancer du conjoint | Pas de cancer du conjoint | Cancer du conjoint | Pas de cancer du conjoint | Cancer du conjoint | |
taux | dollars de 2010 | |||||||
-10 | 0,794 | 0,779 | 22 813 | 23 159 | 28 714 | 29 744 | 96 679 | 94 178 |
-9 | 0,797 | 0,786 | 23 216 | 23 292 | 29 130 | 29 638 | 97 809 | 96 764 |
-8 | 0,809 | 0,792 | 23 830 | 24 373 | 29 445 | 30 776 | 98 640 | 97 971 |
-7 | 0,812 | 0,818 | 24 548 | 25 378 | 30 243 | 31 041 | 100 007 | 100 570 |
-6 | 0,820 | 0,823 | 25 399 | 26 415 | 30 959 | 32 081 | 99 771 | 99 672 |
-5 | 0,828 | 0,817 | 26 270 | 27 013 | 31 734 | 33 061 | 99 968 | 100 777 |
-4 | 0,831 | 0,825 | 26 531 | 27 671 | 31 943 | 33 559 | 101 913 | 102 367 |
-3 | 0,832 | 0,840 | 26 861 | 27 850 | 32 302 | 33 153 | 102 974 | 103 378 |
-2 | 0,844 | 0,844 | 27 717 | 28 803 | 32 834 | 34 120 | 104 589 | 105 607 |
-1 | 0,834 | 0,834 | 27 883 | 28 612 | 33 416 | 34 290 | 105 472 | 105 909 |
0 | 0,831 | 0,823 | 27 780 | 27 795 | 33 434 | 33 793 | 106 272 | 100 731 |
1 | 0,819 | 0,793 | 27 841 | 26 882 | 33 987 | 33 887 | 108 916 | 96 707 |
2 | 0,802 | 0,779 | 27 387 | 26 549 | 34 164 | 34 102 | 107 358 | 95 115 |
3 | 0,787 | 0,758 | 27 061 | 26 436 | 34 387 | 34 860 | 108 277 | 91 481 |
4 | 0,761 | 0,734 | 26 593 | 26 561 | 34 928 | 36 173 | 109 242 | 93 073 |
5 | 0,749 | 0,723 | 26 111 | 25 271 | 34 870 | 34 947 | 108 322 | 93 338 |
Note : Calculs de l'auteur. Source : Statistique Canada, Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre de 1991. |
4.2 Résultats des algorithmes de régression
Dans cette section, les ensembles suivants de résultats sont présentés pour l’emploi (en utilisant une variable nominale qui est égale à 1 si une personne a déclaré des gains annuels non nuls au cours d’une année donnée), les gains annuels et le revenu familial des hommes et des femmes : les régressions DDD avec effets invariants dans le temps (tableaux 3 et 4); les régressions DDD généralisées avec effets variant dans le temps (les tableaux 5 à 10 illustrent les résultats principaux); le même ensemble de résultats limitant l’échantillon aux personnes dont le conjoint a survécu pendant au moins cinq années après son diagnostic de cancer (tableau 11); les régressions DDD pour différents types de diagnostic de cancer (tableau 12).
4.2.1 Effets invariants dans le temps
Dans un premier temps, on présente brièvement les résultats de régression suivant l’estimation de l’équation (2) en utilisant un cadre DDD standard avec effets invariants dans le temps des diagnostics de cancer des conjoints sur la situation sur le marché du travail. Les tableaux 3 et 4 présentent les chiffres pour les résultats suivants : taux d’emploi, gains annuels et revenu familial des hommes et des femmes. Trois régressions distinctes sont présentées — qui diffèrent selon la définition de la période suivant le diagnostic — pour chaque résultat. Plus précisément, le traitement de la période de temps (année du diagnostic de cancer) varie ainsi : inclus dans la période précédant le diagnostic, inclus dans la période suivant le diagnostic et exclu de l’échantillon d’estimation. D’après les estimations, le taux d’emploi des hommes et des femmes diminuent d’environ 2 points de pourcentage après le diagnostic de cancer de leur conjoint. La baisse est légèrement plus importante chez les femmes tant en termes absolus qu’en termes relatifs. Les gains annuels diminuent de 1 600 $ à 2 100 $. Les gains des femmes diminuent moins en termes absolus que ceux des hommes, mais davantage comparativement aux gains moyens avant le diagnostic (environ 3,4 % pour les hommes et 5,2 % pour les femmes). Enfin, le revenu familial diminue considérablement. Cette réduction est plus importante pour les femmes, avec une baisse du revenu total d’environ 7 000 $ (6,5 %) en comparaison des niveaux avant le diagnostic. Une partie de cette réduction est attribuable à la baisse des gains des femmes, mais dans une plus large mesure à la baisse des gains des hommes après le diagnostic de cancer (voir Jeon, 2014).
4.2.2 Effets variant dans le temps
Les principaux résultats sont présentés ci-dessous (c.-à-d., les résultats de l’estimation des régressions DDD généralisées au moyen de l’équation (1) séparément pour les hommes et pour les femmes). Comme il était expliqué à la sous-section 3.2, ces régressions sont estimées à l’aide de poids CEM et comprennent des effets fixes individuels. Chaque régression est d’abord estimée sans variable de contrôle supplémentaire, puis estimée de nouveau en utilisant des variables de contrôle différentes. Ces variables de contrôle comprennent des indicateurs qui permettent de déterminer si le conjoint malade a reçu un diagnostic de cancer supplémentaire au cours des cinq années suivant le diagnostic initial, si la personne est devenue veuve (veuf) et si la personne a reçu des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada ou des crédits d’impôt pour personnes handicapées au cours d’une année donnée. Ces variables comprennent également le revenu non lié à la main-d’œuvre de la personne, le nombre d’enfants et la situation de travailleur autonomeNote 20. Les erreurs types dans toutes les régressions sont regroupées au niveau des personnes, ce qui revient à un regroupement au niveau des familles puisqu’une observation est incluse pour chaque couple et année.
Le tableau 5 présente les résultats pour l’emploi des hommesNote 21. Les chiffres de la colonne 1, qui présentent les résultats sans variable de contrôle, confirment les résultats présentés graphiquement dans le graphique 1. Le taux d’emploi des hommes dont l’épouse a reçu un diagnostic de cancer diminue au cours des années subséquentes. Plus précisément, ils sont moins susceptibles dans une proportion de 2,2 à 2,4 points de pourcentage d’occuper un emploi au cours des trois premières années suivant le diagnostic, en comparaison des hommes dont l’épouse n’a jamais reçu un diagnostic de cancer. Au cours de la quatrième année, cet effet négatif augmente à 3 points de pourcentage, mais on ne constate aucun effet statistiquement significatif au cours de la cinquième année. Dans l’ensemble, les résultats de l’étude donnent à penser que les hommes rajustent considérablement leur offre de main-d’œuvre à la marge extensive au cours des quatre premières années suivant le diagnostic de cancer de leur épouse. Après quatre années, les conjoints malades se sont probablement rétablis ou peuvent être décédés; alors que les soins ne sont plus nécessaires, ces hommes retournent au travail.
Les colonnes 2 à 6 dans le tableau 5 présentent les résultats pour l’emploi des hommes avec variables de contrôle ajoutées. Dans l’ensemble, les estimations sont stables, mais moins précises. La colonne 2 ajoute un indicateur pour un diagnostic de cancer supplémentaire reçu au cours de la période de suivi de cinq années. Bien qu’un diagnostic supplémentaire ait un important effet négatif sur l’emploi des époux, cet effet n’est pas statistiquement significatif (données non présentées). Cependant, les estimations DDD pour le diagnostic initial ne varient pas. La colonne 3 tient compte du veuvage décalé (c.-à-d., un indicateur égal à 1 si le conjoint de la personne est décédé pendant l’année antérieure ou postérieure)Note 22. Le veuvage a un effet négatif important, mais statistiquement non significatif sur l’emploi (données non présentées). Les effets du diagnostic de cancer sur l’emploi s’amenuisent en valeurs absolues, mais la tendance générale est similaire à celle estimée dans la colonne 1. Dans les colonnes 4 et 5 du tableau 5, des variables de contrôle neutralisent les effets du revenu non lié à la main-d’œuvre, du nombre d’enfants et des prestations d’invalidité, mais on ne constate pas de résultats d’estimation significativement différents. Enfin, lorsque toutes les variables susmentionnées sont neutralisées à la colonne 6, on constate de plus faibles baisses de l’emploi après le diagnostic de cancer, dont l’estimation est aussi moins précise. Cependant, la tendance générale est préservée.
Toutes les régressions présentées au tableau 5 comportent des interactions entre la variable de traitement (le conjoint de la personne a reçu un diagnostic de cancer en ) et les périodes de temps avant le diagnostic. Les effets de ces interactions avant le diagnostic sur la variable de résultat permettent de mener des tests « placebo » (c.-à-d., les hypothèses sur les tendances communes peuvent être formellement vérifiées). Comme aucune de ces interactions n’a un effet significatif, on peut conclure que les diagnostics de cancer reçus par les épouses n’ont aucune incidence sur l’emploi des époux avant leur occurrence. Cette conclusion confirme l’hypothèse de l’étude voulant qu’un diagnostic de cancer initial change l’ensemble d’information d’une famille et que l’emploi du conjoint ne change pas en prévision d’un tel choc lié à la santé.
Ensuite, les résultats d’estimation pour les effets sur les gains des hommes sont explorés au tableau 6. Les six régressions comportent les mêmes ensembles de variables de contrôle que celles sur l’emploi décrites ci-dessus. À partir de l’année suivant le diagnostic de cancer de l’épouse, les époux gagnent environ 2 000 $ de moins par année. Avec des gains annuels moyens de 59 000 $ avant le diagnostic dans le groupe de traitement apparié, ceci correspond à une baisse de 3,4 % des gains. Cet effet négatif demeure stable au cours des trois années subséquentes puis disparaît au cours de la cinquième année suivant le diagnostic de cancer. Donc, la tendance est identique à celle constatée pour les effets sur l’emploi. Étant donné les résultats présentés graphiquement ci-dessus, ces résultats ne sont pas surprenants. La majeure partie de la baisse de l’offre de main-d’œuvre se produisant à la marge extensive, les effets sur l’emploi et sur les gains annuels montrent des tendances similaires. Les résultats de régression comportent différentes variables de contrôle dans les colonnes 2 à 6 du tableau 4, confirmant les résultats de base quant aux effets sur les gains des hommes. Tandis que les estimations deviennent moins précises alors que des variables de contrôle sont ajoutées, les estimations ponctuelles montrent une baisse des gains d’environ 2 000 $ par année pour toutes les spécifications. Les tests placebo montrent de plus que les gains ne varient pas significativement en prévision d’un diagnostic de cancer.
Le troisième résultat évalué est l’effet sur le revenu familial total avant impôts. Le tableau 7 présente les résultats pour les hommes. Dans ce cas, les variations de la variable de résultats découlant du diagnostic de cancer du conjoint pourraient être expliquées selon deux voies. D’abord, l’épouse malade peut réduire son emploi ou ses heures travaillées et par conséquent voir ses gains diminuer. Ensuite, l’époux peut réduire son offre de main-d’œuvre pour agir en tant qu’aidant naturel, ce qui contribue à une baisse générale du revenu familial. Les résultats présentés au tableau 7 confirment les résultats antérieurs, en ce sens qu’ils illustrent l’effet le plus important pendant l’année suivant immédiatement le diagnostic de cancer reçu par le conjoint. Selon la spécification, le revenu familial diminue d’environ 4 000 $ à 5 000 $ (ou 3,8 % à 4,8 %) pour les hommes dont l’épouse a reçu un diagnostic de cancerNote 23. Cette baisse est hautement significative sur le plan statistique. Dans les années subséquentes, la réduction du revenu familial s’amoindrit et n’est plus significative sur le plan statistique. Donc, après un diagnostic de cancer reçu par l’épouse, la famille est en mesure de rajuster son revenu total après une période relativement courte.
Ensuite, les résultats de l’algorithme de régression pour les femmes sont présentés. Le groupe de traitement se compose de femmes dont l’époux a reçu un diagnostic de cancer entre 1992 et 2003, et le groupe de contrôle se compose de femmes dont l’époux n’a jamais reçu un diagnostic de cancer. Le tableau 8 présente les résultats d’estimation pour l’emploi des femmes en utilisant les mêmes spécifications dans les colonnes 1 à 6 que pour les hommes. Dans l’ensemble, le taux d’emploi des femmes diminue d’environ 2,5 points de pourcentage au cours des cinq années suivant le diagnostic de cancer de leur époux. Contrairement aux résultats obtenus pour les hommes, le taux d’emploi des femmes n’augmente pas au cours des cinq années suivant le diagnostic. Soit elles s’occupent de leur époux plus longtemps, soit elles ne retournent pas à la population active pour d’autres raisonsNote 24. Cependant, ces effets sont estimés avec moins de précision que pour les hommes et sont seulement statistiquement significatifs au niveau du 5 % au cours de la première année et au niveau du 10 % au cours de la deuxième et de la troisième années. Les estimations ponctuelles varient peu après l’ajout des variables de contrôle. Comme pour les hommes, le diagnostic de cancer n’a aucun effet sur l’emploi des femmes pendant la période précédant le traitement; ainsi, l’hypothèse sur les tendances communes est vérifiée.
Le tableau 9 présente les résultats pour les gains annuels des femmes. La baisse des gains est de 800 $ à 1 700 $ au cours des cinq années suivant le diagnostic de cancer de l’époux selon la régression de base (colonne 1). La baisse des gains est plus prononcée au cours des deux premières années puis devient moins significative à la fois en termes économiques et statistiques. Cependant, avec des gains annuels moyens d’environ 29 000 $, la perte de gains initiale est substantielle, à environ 5,9 %. Comme pour les résultats antérieurs, les effets d’un diagnostic de cancer s’amenuisent en valeur absolue après l’ajout des variables de contrôle. Néanmoins, la tendance générale persiste, avec des estimations ponctuelles négatives au cours des trois premières années pour toutes les spécifications. Enfin, il est possible de vérifier l’hypothèse sur les tendances communes pour cet ensemble de résultats.
Enfin, les résultats de l’algorithme de régression pour le revenu familial des femmes dont l’époux a reçu un diagnostic de cancer sont présentés au tableau 10. Le diagnostic de cancer reçu par l’époux a une incidence directe et une incidence indirecte sur le revenu familial. Les estimations au tableau 10 montrent que la baisse initiale du revenu familial est considérable, de 5 000 $ à 6 500 $, selon la spécification. Contrairement aux résultats pour les hommes (tableau 7), le revenu familial continue à baisser au cours des années subséquentes. La réduction la plus importante représente de 8 000 $ à 9 000 $ trois années après le diagnostic de cancer de l’époux. Ces effets substantiels sont attribuables à la fois à une réduction du taux d’emploi et des gains de l’époux qui a reçu un diagnostic de cancer, et au fait que l’épouse travaille moins. Ces résultats démontrent l’importante incidence négative des diagnostics de cancer reçus par les époux sur la situation économique de l’ensemble de la famille.
Dans l’ensemble, les résultats de régression de la présente étude portent fortement à croire que le taux d’emploi des hommes (femmes) diminue, et que des pertes de gains après que leur épouse (époux) ait reçu un diagnostic de cancer sont observables. Ainsi, l’effet de l’aidant naturel domine celui du travailleur additionnel dans le contexte d’un diagnostic de cancer au Canada. La diminution des taux d’emploi est similaire pour les deux sexes avec environ 2,4 points de pourcentage; toutefois, les hommes présentent un taux d’emploi avant traitement moyen plus élevé que celui des femmes. De plus, les hommes perdent environ 3,4 % de leurs gains annuels tandis que les femmes en perdent environ 5,9 %. Ces conclusions permettent de penser que le taux d’emploi des femmes et leurs gains diminuent davantage que les hommes en réaction au diagnostic de cancer reçu par leur conjoint.
4.2.3 Robustesse et hétérogénéité
Le tableau 11 présente les résultats de l’algorithme de régression pour les résultats précédemment affichés dans les tableaux 5 à 10, mais en limitant cette fois l’échantillon aux personnes dont le conjoint a survécu pendant au moins cinq années après son diagnostic de cancer; donc, toutes les personnes qui sont devenues veuves au cours de la période d’échantillonnageNote 25 ont été exclues du groupe de traitement et du groupe de contrôle. Le retrait des veuves/veufs de l’échantillon permet d’analyser les effets d’un diagnostic de cancer reçu par le conjoint qui ne sont pas amplifiés par le décès du conjoint (mais les conjoints survivants ont aussi des diagnostics de cancers moins graves). En comparant ces résultats aux résultats principaux mentionnés précédemment, on constate que la baisse du taux d’emploi et des gains des femmes est moins prononcée dans l’échantillon sans veuves/veufs. De plus, la baisse du revenu familial des femmes dans l’échantillon sans veuves/veufs est plus faible que dans le tableau 10, et n’est pas statistiquement significative. L’échantillon des femmes contient proportionnellement davantage de conjoints ayant reçu un diagnostic d’un type de cancer dans la catégorie des faibles taux de survie en comparaison de l’échantillon des hommes; par conséquent, l’exclusion des veuves de l’échantillon des femmes donne lieu à une plus faible incidence négative du cancer sur l’ensemble des résultats. Autrement dit, il semble que les femmes dont l’époux a reçu un diagnostic de cancer réduisent leur travail et leurs gains principalement dans les situations où le diagnostic est particulièrement grave et où leur époux ne survit pas pendant au moins cinq années après avoir reçu un diagnostic de cancer. Dans ces situations, la perte du revenu familial éprouvée par les femmes sera généralement permanente et substantielle.
Jusqu’ici, les résultats ne permettent pas de faire une distinction entre différents sièges de cancer. Il est probable, cependant, que les conjoints réagissent différemment selon la gravité de leur diagnostic de cancer. La présente étude tenait compte des quatre types spécifiques de cancer les plus communs pour chaque niveau de gravité: cancer du poumon (faible probabilité de survie), cancer du côlon (probabilité de survie moyenne), et cancers du sein et de la prostate (probabilité de survie élevée)Note 26.
Le panel A du tableau 12 contient les résultats pour le cancer du poumon. La comparaison des paramètres DDD avec les valeurs des tableaux 3 et 4 montre que la baisse du taux d’emploi chez les hommes en réaction au diagnostic de cancer du poumon de leurs épouses est plus importante que la réaction moyenne globale de l’ensemble des types de cancer (9,6 points de pourcentage plutôt que 1,6 point de pourcentage). Le taux d’emploi chez les femmes n’est pas sensiblement touché par le diagnostic de cancer du poumon reçu par leurs époux. On obtient des résultats similaires au plan qualitatif en ce qui concerne les gains annuels des hommes et des femmes. Pour ce qui est du revenu familial, on constate un important effet négatif seulement pour les femmes. Les familles dont l’époux a reçu un diagnostic de cancer du poumon affichent une diminution d’environ 11 000 $ par année de revenu familial avant impôts.
En réaction à un diagnostic de cancer du côlon reçu par le conjoint, on constate des effets généraux négatifs sur l’emploi, les gains et le revenu familial; cependant, ces effets sont pour la plupart non significatifs au plan statistique en raison de la petite taille de l’échantillon (panel B du tableau 12). Enfin, des estimations ponctuelles négatives ont aussi été mesurées pour l’effet d’un diagnostic de cancer du sein ou de la prostate reçu par le conjoint sur la situation des personnes sur le marché du travail (panels C.1 et C.2 du tableau 12). Certaines de ces estimations ne sont pas significatives ou sont seulement légèrement significatives, néanmoins elles fournissent des éléments de preuve évocateurs de l’incidence négative de ces diagnostics de cancer plus communs, mais moins graves, sur les résultats du conjoint sur le marché du travail. Prises ensemble, les estimations ponctuelles au tableau 12, tout particulièrement pour les hommes, montrent clairement une relation positive entre la gravité du diagnostic de cancer ou des probabilités de survie des épouses et la baisse du taux d’emploi et des gains de leurs époux, mais non pas pour ce qui est du revenu familial.
5. Discussion et conclusion
Dans la présente étude, des données administratives uniques et représentatives de la population nationale ont été utilisées pour estimer l’incidence d’un diagnostic de cancer reçu par un conjoint sur les résultats subséquents de l’autre conjoint sur le marché du travail. Les résultats montrent que le taux d’emploi des personnes diminue, et que leurs gains diminuent, en raison du choc lié à la santé subi par leur conjoint. De plus, il est possible de quantifier l’effet général d’un diagnostic de cancer reçu par un conjoint sur la situation financière de sa famille en observant les variations du revenu familial avant impôts. La présente étude a mesuré des effets négatifs significatifs à la fois sur le plan statistique et économique. Par exemple, le taux d’emploi des hommes et des femmes dont le conjoint reçoit un diagnostic de cancer diminue d’environ 2,4 points de pourcentage, et un diagnostic de cancer reçu par l’époux donne lieu à une baisse du revenu familial total pouvant atteindre 8,5 % par année. La perte annuelle moyenne de revenu (2 700 $ pour les hommes et 6 900 $ pour les femmes) est importante comparativement aux autres types de coûts engagés après un diagnostic de cancer. Par exemple, les frais non remboursés moyens associés au traitement du cancer s’élèvent à environ 2 900 $ par année en Ontario (Longo et coll., 2006), et le coût moyen pour le système de soins de santé est d’environ 26 000 $ par diagnostic de cancer au cours de l’année suivant le diagnostic (de Oliveira et coll., 2013)Note 27.
Les effets sur le marché du travail d’un choc lié à la santé subi par le conjoint sont théoriquement ambigus; néanmoins, les résultats empiriques obtenus par la présente étude rejettent clairement l’hypothèse du travailleur additionnel en faveur de l’hypothèse de l’aidant naturel. Les personnes dont le conjoint a reçu un diagnostic de cancer (c’est-à-dire, un changement négatif de l’état de santé à la fois soudain et grave) connaissent une baisse du taux d’emploi et des gains. Ce résultat est en majeure partie conforme aux ouvrages publiés antérieurement. Par exemple, Hollenbeak, Short et Moran (2011) ont constaté des effets négatifs sur l’emploi pour les épouses de survivants du cancer, mais non pas pour les époux. À l’inverse, Coile (2004) a constaté de petits effets positifs sur l’offre de main-d’œuvre chez les hommes, mais non pas chez les femmes. Contrairement à la présente étude, les études susmentionnées utilisent des données en provenance des États-Unis, où l’accès à un régime d’assurance-maladie parrainé par l’employeur peut se traduire par des effets du travailleur additionnel plus prononcés. Pour un pays disposant d’un régime universel de soins de santé similaire à celui du Canada — les Pays-Bas — García-Gómez et coll. (2013) ont mesuré des effets négatifs découlant de l’hospitalisation de la conjointe sur l’emploi et les gains des hommes. Les effets estimés sont plus faibles que ceux mesurés dans la présente étude, ce qui peut s’expliquer par le fait que ces autres études tenaient compte de tous les types d’hospitalisation, alors que la présente étude tient seulement compte des chocs liés à la santé plus graves associés à un diagnostic de cancer.
Contrairement aux autres études, la présente analyse a constaté une différence plus petite en matière d’effets sur le marché du travail entre les conjoints masculins et les conjoints féminins. Plus précisément, des effets négatifs seulement un peu plus prononcés (en termes relatifs) sur l’emploi et les gains des femmes comparativement à ceux des hommes ont été constatés. Cependant, Coile (2004) a constaté que le taux d’emploi des épouses augmente moins que celui des époux. Hollenbeak, Short et Moran (2011) ont constaté que le taux d’emploi des épouses diminue davantage que celui des époux, tandis que les résultats de García-Gómez et coll. (2013) mènent à une conclusion contraire. Ces divergences peuvent s’expliquer de différentes façons. D’abord, les hommes et les femmes aux États-Unis, aux Pays-Bas et au Canada peuvent comporter des profils d’offre de main-d’œuvre différents. Par exemple, si les taux d’emploi des hommes sont plus élevés que ceux des femmes, les hommes peuvent réduire leur offre de main-d’œuvre en réaction au choc lié à la santé de leurs épouses, tandis que les femmes sont plus susceptibles de remplacer le revenu perdu de leurs époux. García-Gómez et coll. (2013) ont observé cette tendance aux Pays-Bas, alors que la présente étude a mesuré des effets négatifs légèrement plus prononcés pour les femmes, bien que les taux d’emploi des hommes soient aussi plus élevés au Canada.
Ensuite, les différentes options de soins peuvent jouer un rôle dans les effets sur l’emploi. Les soins informels donnés par les conjoints peuvent être remplacés par des soins institutionnalisés plus accessibles ou plus abordables, ce qui peut mener à des effets de l’aidant naturel plus faibles ou même nuls. Les différences entre les systèmes de soins de santé canadien et néerlandais peuvent expliquer pourquoi des effets négatifs sur l’emploi pour les femmes ont été constatés, contrairement aux conclusions de García-Gómez et coll. (2013).
Enfin, les différences entre les types de chocs liés à la santé évalués dans ces études peuvent également expliquer les conclusions divergentes. Tout particulièrement, les personnes peuvent réduire leur offre de main-d’œuvre pour prendre soin d’un conjoint malade après son hospitalisation, mais un diagnostic de cancer implique souvent que l’espérance de vie du conjoint malade soit soudainement réduite. Dans une telle situation, l’autre conjoint peut vouloir moins travailler temporairement afin de passer plus de temps avec son conjointNote 28. Par conséquent, les effets négatifs plus importants sur l’emploi et les gains constatés pour les époux et les épouses en réaction au cancer du conjoint pourraient être attribuables à la fois aux besoins des aidants naturels et au désir de passer plus de temps de loisir ensemble après un diagnostic de cancer. En outre, la combinaison des besoins des aidants naturels et de la complémentarité des loisirs explique aussi pourquoi les hommes et les femmes affichent de plus faibles taux d’emploi et voient leurs gains diminuer dans la même mesure — ils sont probablement indépendants du sexe du conjoint malade.
Dans l’ensemble, les résultats de la présente étude fournissent de nouvelles données probantes importantes sur les effets intrafamiliaux sur le marché du travail de tout choc lié à la santé grave subi par un membre de la famille. L’ampleur de ces effets est très importante, ce qui donne à penser qu’un diagnostic de cancer peut potentiellement transformer l’offre de main-d’œuvre d’un niveau optimal lorsque les deux conjoints sont en santé en un scénario qui peut fortement influer sur le bien-être financier de la famille — en plus des coûts psychologiques subséquents à un tel choc lié à la santé.
Annexe 1 — Description des données
Les données de couplage du Recensement de 1991 et du Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre (FDLMO) sont un ensemble de données unique qui combine les données de cinq sources : le Recensement de la population canadienne de 1991, la Base canadienne de données sur la mortalité (BCDM), la Base canadienne de données sur le cancer (BCDC), le FDLMO et le Fichier sur la famille T1 (T1FF).
La BCDM contient les enregistrements de décès des particuliers à partir de 1950. Les bureaux de l’état civil des provinces et des territoires fournissent ces enregistrements annuellement à Statistique Canada pour l’analyse à l’échelon national.
La BCDC est une banque de données qui combine deux sources de données sur le cancer : le Registre canadien du cancer (RCC) et le Système national de déclaration des cas de cancer (SNDCC). Le premier est une base de données sur les tumeurs axée sur la personne, qui comprend des renseignements cliniques et démographiques sur les résidents canadiens ayant un cancer depuis 1992 (Statistique Canada, 2008). La deuxième source est une base de données historique axée sur les tumeurs, qui contient les cas de cancer diagnostiqués datant d’aussi loin que 1969 (Carpenter et coll., 2008). Les dossiers personnels sur le cancer provenant du RCC servent à l’analyse; les renseignements historiques provenant du SNDCC servent à vérifier que les personnes qui figurent dans le RCC n’ont pas d’antécédents de cancer.
Le FDLMO représente 10 % de l’échantillon aléatoire des Canadiens qui ont produit une déclaration de revenus des particuliers (formulaire T1 général, Déclaration de revenus et de prestations) ou qui ont reçu un état de la rémunération (formulaire T4, État de la rémunération payée) de leur employeur chaque année à partir de 1983. Lorsque les personnes sont sélectionnées dans le FDLMO, elles sont suivies aussi longtemps qu’elles produisent une déclaration de revenus (formulaire T1 général) ou que leurs revenus sont déclarés à l’Agence du revenu du Canada par leurs employeurs. La version actuelle du FDLMO contient des renseignements sur les salaires, les traitements et le revenu net provenant d’un travail autonome, ainsi que des renseignements au niveau des entreprisesNote 29. Les salaires et traitements proviennent des feuillets T4 émis par les employeurs. Le revenu net provenant d’un travail autonome et les renseignements de base personnels (état matrimonial, province de résidence, etc.) sont tirés des déclarations de revenus des particuliers (T1)Note 30.
Le Fichier T1FF est un fichier de données fiscales sur les familles assemblé chaque année en fonction des renseignements extraits des déclarations de revenus des particuliers (T1) et des fichiers supplémentaires comme la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Une entité fiscale au Canada est un individu. En utilisant une combinaison de renseignements disponibles dans les déclarations T1 et de renseignements sur les prestations familiales, Statistique Canada élabore tous les ans un nouveau Fichier T1FF. Le conjoint du déclarant est principalement identifié à partir du numéro d’assurance sociale (NAS) du conjoint extrait du fichier T1, tandis que les enfants sont identifiés à partir des déclarations de revenus de leurs parents et des fichiers du programme de prestation fiscale pour enfants. Il est possible de suivre les personnes au fil du temps grâce à leur NAS, et leur revenu familial peut être calculé pour chaque année en utilisant leur identificateur de famille extrait du Fichier T1FF.
La Division de l’analyse de la santé de Statistique Canada a couplé au départ des renseignements personnels sélectionnés de la BCDM et de la BCDC aux dossiers individuels des personnes de 25 ans et plus dans le fichier du Recensement de 1991. Ce premier couplage des données est nommé « Cohorte du Recensement canadien de 1991 : suivi de la mortalité et du cancer ». Les enregistrements de décès jusqu’en 2006 et les enregistrements de cas de cancer jusqu’en 2003 ont été extraits de la BCDM et de la BCDC. Par la suite, les enregistrements du FDLMO ont été couplés à la cohorte du Recensement canadien de 1991 pour produire la composante du revenu indispensable. Le Fichier T1FF a été ajouté ultérieurement pour produire les composantes du revenu du conjoint et du revenu familial total.
L’échantillon des données de couplage du Recensement de 1991 et du FDLMO contient 263 674 enregistrements individuels correspondant à environ 1,4 % de la population canadienne âgée de 25 ans et plus en 1991. Environ 58,8 % de la cohorte du Recensement de 1991 et du FDLMO a été observée pendant les 28 années que couvre le FDLMO (de 1983 à 2010). Les personnes étaient présentent dans l’échantillon pendant une moyenne de 24,8 années. Les taux de production des déclarations de revenus étaient légèrement inférieurs au cours des années 1980 comparativement aux décennies plus récentes (de 1990 à 2010), et 66,9 % des 263 638 personnes ont été observées pendant l’ensemble des 21 années, pour une moyenne de 18,5 années.
Annexe 2 — Pondération par l’inverse de la propension à répondre
Comme option de rechange à la méthode d’appariement exacte avec groupement, les résultats de l’algorithme de régression pour lesquels les données ont été pondérées par l’inverse de la propension à répondre avant que ne soit estimé l’effet du diagnostic de cancer reçu par le conjoint sur la situation de la personne sur le marché du travail sont également présentés. On obtient les scores de propension en estimant une régression probit de la situation de traitement (le conjoint de la personne a reçu un diagnostic de cancer) au moyen des variables indépendantes suivantes : l’âge de la personne et de son conjoint (en tranches de cinq ans), les catégories du niveau de scolarité de la personne et de son conjoint, un indicateur d’appartenance à un groupe de minorité visible, le nombre d’enfants, l’âge du plus jeune enfant, les indicateurs d’emploi pour la personne et son conjoint pour les cinq années avant le diagnostic, les quintiles de gains de la personne et de son conjoint pour les cinq années avant le diagnostic, les quintiles de revenu non gagné et les quintiles du revenu familial des personnes pour les cinq années avant le diagnostic, ainsi que les variables nominales de l’année et de la province. Pour attribuer une année de diagnostic (placebo) à une personne dans le groupe de contrôle, une année entre 1992 et 2003 est tirée aléatoirement pour chaque observation de contrôle. Après l’estimation des probits de la situation de traitement séparément pour les hommes et pour les femmes, on obtient les poids par l’inverse de la propension à répondre ainsi , où est un indicateur de la situation de traitement (diagnostic de cancer reçu par le conjoint) et est la probabilité d’un traitement prévu pour la personne en fonction de la régression probit décrite ci-dessus.
Bibliographie
Boden, L.I., et M. Galizzi. 2003. « Income losses of women and men injured at work ». Journal of Human Resources 38 (3) : 722 à 757.
Bradley, C.J., D. Neumark, H.L. Bednarek et M. Schenk. 2005. « Short-term effects of breast cancer on labor market attachment: Results from a longitudinal study ». Journal of Health Economics 24 (1) : 137 à 160.
Bradley, C.J., D. Neumark, Z. Luo et H.L. Bednarek. 2007a. « Employment-contingent health insurance, illness, and labor supply of women: Evidence from married women with breast cancer ». Health Economics 16 (7) : 719 à 737.
Bradley, C.J., D. Neumark, Z. Luo et M. Schenk. 2007b. « Employment and cancer: Findings from a longitudinal study of breast and prostate cancer survivors ». Cancer Investigation 25 (1) : 47 à 54.
Bradley, C.J., H.L. Bednarek et D. Neumark. 2002a. « Breast cancer survival, work, and earnings ». Journal of Health Economics 21 : 757 à 779.
Bradley, C.J., H.L. Bednarek et D. Neumark. 2002b. « Breast cancer and women’s labor supply ». Health Services Research 37 (5) : 1309 à 1328.
Bradley, C.J., K. Oberst et M. Schenk. 2006. « Absenteeism from work: The experience of employed breast and prostate cancer patients in the months following diagnosis ». Psycho-Oncology 15 (8) : 739 à 747.
Carpenter, M., M.E. Fair, C. Poliquin et P. Lalonde. 2008. Base canadienne de données sur le cancer, 1969 à 1991 Historique et développement. Section de la recherche sur l’hygiène du travail et de l’environnement, rapport no 16. Division de la statistique de la santé. Ottawa : Statistique Canada.
Coile, C.C. 2004. Health Shocks and Couples’ Labor Supply Decisions. Document de travail du NBER, no 10810.
de Oliveira, C., K.E. Bremner, R. Pataky, N. Gunraj, K. Chan, S. Peacock et M.D. Krahn. 2013. « Understanding the costs of cancer care before and after diagnosis for the 21 most common cancers in Ontario: A population-based descriptive study ». CMAJ Open 1 (1) : E1 à E8.
García-Gómez, P., H. van Kippersluis, O. O’Donnell et E. van Doorslaer. 2013. « Long term and spillover effects of health shocks on employment and income ». Journal of Human Resources 48 (4) : 873 à 909.
Heger, D. 2014. Work and Well-being of Informal Caregivers in Europe. Ruhr Economic Papers 512.
Hijzen, A., R. Upward et P.W. Wright. 2010. « The income losses of displaced workers ». Journal of Human Resources 45 (1) : 243 à 269.
Ho, D., K. Imai, G. King et E. Stuart. 2007. « Matching as nonparametric preprocessing for reducing model dependence in parametric causal inference ». Political Analysis 15 (3) : 199 à 236.
Hollenbeak, C.S., P.F. Short et J. Moran. 2011. « The implications of cancer survivorship for spousal employment ». Journal of Cancer Survivorship 5 (3) : 226 à 234.
Iacus, S.M., G. King et G. Porro. 2011. « Multivariate matching methods that are monotonic imbalance bounding ». Journal of the American Statistical Association 106 (493) : 345 à 361.
Iacus, S.M., G. King et G. Porro. 2012. « Causal inference without balance checking: Coarsened Exact Matching ». Political Analysis 20 (1) : 1 à 24.
Imbens, G.W., et J.M. Wooldridge. 2009. « Recent developments in the Econometrics of Program Evaluation ». Journal of Economic Literature 47 (1) : 5 à 86.
Jacobson, L.S., R.J. LaLonde et D.G. Sullivan. 1993. « Earnings losses of displaced workers ». American Economic Review 83 (4) : 685 à 709.
Jeon, S.-H. 2014. Les effets du cancer sur l’emploi et les gains des survivants du cancer. Direction des études analytiques : documents de recherche, no 362. Produit no 11F0019M au catalogue de Statistique Canada. Ottawa.
Longo, C.J., M. Fitch, R.B. Deber et A.P. Williams. 2006. « Financial and family burden associated with cancer treatment in Ontario, Canada ». Supportive Care in Cancer 14 (11) : 1077 à 1085.
Michaud, P.-C., et F. Vermeulen. 2011. « A collective labor supply model with complementarities in leisure: Identification and estimation by means of panel data ». Labour Economics 18 (2) : 159 à 167.
Nahum, R.-A., 2007. Labour Supply Response to Spousal Sickness Absence. Institute for Futures Studies. Document de travail 2007:2.
Skira, M.M. 2015. « Dynamic wage and employment effects of elder parent care ». International Economic Review 56 (1) : 63 à 93.
Statistique Canada. 2008. Guide du système du Registre canadien du cancer, édition 2007. Équipe de remaniement du Registre canadien du cancer. Produit no 82-225-X au catalogue de Statistique Canada. Ottawa.
Stephens, M. 2002. « Worker displacement and the added worker effect ». Journal of Labor Economics 20 (3) : 504 à 537.
Van Houtven, C.H., N.B. Coe et M.M. Skira. 2013. « The effect of informal care on work and wages ». Journal of Health Economics 32 (1) : 240 à 252.
Wilkins, R., M. Tjepkema, C. Mustard et R. Choinière. 2008. « The Canadian census mortality follow-up study, 1991 through 2001 ». Health Reports 19 (3) : 25 à 43.
- Date de modification :