Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Les enfants à faible revenu

par Dominique Fleury

Texte intégral en PDF

La pauvreté des enfants a été le point de mire de plusieurs études. Certaines de ces études ont indiqué que les enfants qui font l'expérience de la pauvreté, et plus particulièrement de la pauvreté persistante, sont plus à risque d'éprouver des difficultés telles que des problèmes de santé, des retards de développement et des troubles de comportements. Ils sont également plus susceptibles d'avoir un faible revenu à l'âge adulte (Kornberger et autres, 2001; Finnie et Bernard, 2004). Ces effets néfastes associés à la pauvreté vont à l'encontre de l'opinion généralement répandue au Canada selon laquelle tout enfant devrait avoir accès à des conditions de vie lui permettant d'atteindre son plein potentiel.

Mais il n'est pas simple de définir et de mesurer la pauvreté chez les enfants, non seulement parce que ces derniers ne gagnent pour la plupart aucun revenu, mais aussi parce que le Canada, tout comme plusieurs autres nations développées, n'a pas de définition officielle de la pauvreté. Des enquêtes sur les revenus des familles permettent tout de même de définir plusieurs mesures de faible revenu. Certains analystes remettent en question la validité du revenu familial comme indicateur du bien-être des enfants et se questionnent encore sur le lien réel existant entre l'expérience du faible revenu, surtout temporaire, et un risque accru d'éprouver des difficultés à l'âge adulte. Mais, la plupart s'entendent sur le fait qu'il est regrettable que les familles avec enfants n'aient pas accès à un revenu suffisamment élevé pour se loger, se nourrir, se vêtir convenablement ou faire des activités familiales.

En utilisant l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) et l'enquête qui l'a précédée, la présente étude examine les changements dans le nombre, la proportion et les caractéristiques des enfants vivant dans des familles dont les revenus sont situés sous divers seuils de faible revenu (Statistique Canada, 2006). Le point de départ est l'année 1989, qui représente le sommet précédent du cycle économique. Depuis la récession de 1990 à 1992, le Canada a joui d'une longue période d'expansion et on aurait pu s'attendre à un impact positif sur le revenu des familles. Cependant, en dépit d'une croissance économique soutenue depuis le milieu des années 1990 et la mise en œuvre, en 1998, d'un programme fédéral visant la réduction de la pauvreté infantile au Canada (Prestation nationale pour enfants), le taux de faible revenu chez les enfants n'était pas plus faible en 2004 qu'il ne l'était en 1989 (graphique). L'objectif de cette étude est d'en apprendre davantage au sujet des enfants qui vivent en situation de faible revenu au Canada (voir Source des données et définitions).

Taux et sévérité du faible revenu chez les enfants en 2004

Selon le seuil de faible revenu après impôt (SFR-api), en 2004, 872 000 enfants de moins de 18 ans (ou 13 % de tous les enfants canadiens1) vivaient dans des familles à faible revenu dont le revenu après impôt moyen se situait à 21 400 $. En moyenne, ces familles auraient eu besoin de 8 000 $ de plus pour échapper au faible revenu. Près de la moitié de ces enfants à faible revenu vivaient dans une situation pouvant être qualifiée d'assez sévère puisque leur revenu familial était inférieur à 75 % du seuil de faible revenu après impôt associé à leur famille. À titre comparatif, le revenu familial moyen des enfants qui ne vivaient pas dans une famille à faible revenu cette année-là était 3,4 fois plus important. Il s'élevait à 72 800 $2.

Dans l'ensemble, le revenu du marché représentait 80 % du revenu total des familles comptant des enfants, mais seulement 40 % chez les familles à faible revenu avec enfants. Chez ces dernières, l'assistance sociale, les prestations pour enfants et autres transferts représentaient une plus grande porportion. Néanmoins, moins de deux enfants à faible revenu sur cinq (38 %) vivaient dans une famille ayant eu recours à l'assistance sociale en 2004, et plus de quatre sur cinq d'entre eux pouvaient compter sur certains revenus du marché (85 %).

Certaines caractéristiques familiales augmentent la vulnérabilité au faible revenu

L'effort de travail au sein de la famille ainsi que le type de famille sont les facteurs les plus fortement associés au risque de faible revenu pour les enfants. Selon la spécification A du modèle de régression logistique (tableau 1), les enfants qui vivaient dans une famille où le principal soutien économique était inactif la plus grande partie de l'année étaient les plus vulnérables au faible revenu en 2004, suivis de ceux dont le principal soutien économique était au chômage, ou encore aux études. Les enfants dont le principal soutien économique était un travailleur autonome avaient aussi un risque plus élevé de se retrouver en situation de faible revenu que ceux dont le principal soutien économique était un travailleur salarié. Par ailleurs, indépendamment du statut sur le marché du travail du principal soutien économique, les enfants de familles monoparentales étaient beaucoup plus vulnérables au faible revenu que ceux de familles biparentales. Les enfants qui comptaient plusieurs frères et soeurs au sein de leur famille étaient aussi plus vulnérables au faible revenu.

Toutefois, le fait de vivre dans une famille biparentale n'est pas une garantie contre le faible revenu, puisque la moitié (51 %) des enfants à faible revenu vivaient avec deux parents en 2004. La vulnérabilité des enfants quant au faible revenu dépend non seulement du type de famille auquel ils appartiennent, mais également de la capacité et de l'effort de travail fourni au sein de la famille.

Plus des deux tiers (68 %) de l'ensemble des enfants au Canada faisaient partie d'une famille comptant deux gagne-pain en 2004, comparé à seulement un enfant à faible revenu sur cinq (21 %). Si dans plusieurs cas (45 %) le type de famille auquel les enfants à faible revenu appartenaient n'avait tout simplement pas la possibilité d'avoir deux gagne-pain (par ex. les familles monoparentales), plusieurs autres vivaient dans des familles où les parents n'étaient pas tous en emploi. Notamment, plus du tiers (34 %) des enfants à faible revenu de famille monoparentale vivaient dans une famille où le parent n'avait déclaré aucun revenu de travail, et plus de 60 % des enfants à faible revenu de famille biparentale vivaient dans une famille dont aucun ou un seul des deux parents avait déclaré des revenus de travail.

Or, encore une fois, la participation au marché du travail des parents ne protège pas toujours les enfants du faible revenu. En 2004, plus de 40 % des enfants à faible revenu vivaient avec au moins un parent ayant déclaré un effort de travail important (au moins 910 heures de travail rémunéré durant l'année), et plus de 20 % d'entre eux vivaient dans une famille comptant au moins deux gagne-pain.

Le travail des parents ne protège pas toujours les enfants du faible revenu, car certains parents ont des conditions de travail ne permettant pas de répondre aux besoins financiers de la famille. Les parents d'enfants à faible revenu qui travaillaient en 2004 avaient des conditions de travail moins favorables que celles des autres travailleurs. Ils effectuaient moins d'heures de travail en moyenne (500 heures de moins)3, ils étaient plus susceptibles d'être travailleurs autonomes (33 % vs 16 %), et d'avoir un horaire de travail atypique (33 % vs 25 %). Il y avait aussi beaucoup plus de chance qu'ils gagnent moins de 10 $/h (49 % vs 4 %), qu'ils aient un emploi non syndiqué (85 % vs 63 %) ou n'offrant pas de bénéfices complémentaires tels qu'un régime de soins dentaires ou de santé complémentaire (61 % vs 17 %).

En plus de l'effort de travail au sein de la famille, des conditions de travail des parents et du type de famille, certaines caractéristiques personnelles des parents sont associées à une vulnérabilité plus grande des enfants face au faible revenu. Les enfants qui dépendaient principalement d'un parent qui avait tout au plus un diplôme d'études secondaires, était âgé de moins de 30 ans, était un immigrant récent, avait des limitations au travail ou encore était une personne autochtone vivant hors réserve couraient plus de risques d'avoir un faible revenu familial en 20044. Cependant, l'association entre le faible revenu et les deux dernières caractéristiques n'était statistiquement significative que lorsque le statut sur le marché du travail du principal soutien économique était omis du modèle (tableau 1, spécification B). Cela signifie que ces caractéristiques affectent le revenu familial par l'influence qu'elles ont sur la participation au marché du travail. Toutefois, en l'absence d'information concernant le statut sur le marché du travail du parent, les enfants qui dépendent principalement d'un parent ayant une limitation au travail ou encore étant d'origine autochtone sont plus à risque de faible revenu. Les trois autres caractéristiques (le statut d'immigrant récent, n'avoir pas plus qu'un diplôme d'études secondaires ou être âgé de moins de 30 ans) étaient pour leur part associées au faible revenu chez l'enfant même lorsque le statut sur le marché du travail du principal soutien économique était pris en considération. Elles l'étaient toutefois moins fortement.

Une troisième spécification de modèle a aussi été utilisée afin de capter l'effet de l'effort total de travail familial. Cette spécification démontrait que l'effort de travail familial était le meilleur prédicteur de faible revenu chez les enfants. Son effet était encore plus important que le statut sur le marché du travail du principal soutien économique de la famille ou encore le type de famille. Les enfants qui vivaient dans une famille ne comptant aucun gagne-pain étaient les plus à risque de faible revenu. En fait, leur probabilité de vivre en situation de faible revenu était de 71 % en 2004. À titre comparatif, la probabilité de faible revenu chez les enfants qui vivaient dans une famille où le principal soutien économique a déclaré avoir été inactif la majeure partie de l'année était de 39 %. Par ailleurs, cette dernière spécification démontrait que les enfants qui font partie d'une famille comptant un seul gagne-pain (monoparentale ou non) avaient une plus grande probabilité de vivre en situation de faible revenu (23 %) que les enfants pouvant compter sur le soutien économique des deux parents (5 %).

Jusqu'à maintenant, l'association entre le lieu de résidence des enfants et le risque qu'ils se retrouvent en situation de faible revenu n'a pas été analysée. Étant donné que les SFR-api ne tiennent pas compte des différences en matière de coûts de la vie entre les différentes communautés de même taille du Canada, il est difficile d'établir un lien clair entre la région de résidence et la probabilité de faible revenu chez les enfants.

L'utilisation des SFR-api suggère que les enfants qui habitaient en région rurale étaient beaucoup moins à risque de faire partie d'une famille à faible revenu en 2004 que ceux qui habitaient les grandes villes (leur probabilité estimée de faible revenu était de 5 % et 16 % respectivement). Or, avec la mesure du panier de consommation, qui contrôle pour les différences au chapitre du coût de la vie entre les communautés, la vulnérabilité des enfants face au faible revenu devient très similaire qu'ils habitent en région rurale ou urbaine (16 % vs 17 %).

Par ailleurs, il ressort de l'utilisation des SFR-api que seuls les enfants des provinces de l'Atlantique sont légèrement plus à risque de faible revenu que les enfants vivant ailleurs au Canada. Avec la mesure du panier de consommation, on trouve des différences provinciales plus marquées entre la vulnérabilité des enfants face au faible revenu. Selon cette dernière mesure, les enfants de la Colombie-Britannique étaient les plus susceptibles de se retrouver en situation de faible revenu en 2004 (leur probabilité estimée de faible revenu était de 23 %), suivis des enfants des provinces de l'Atlantique (20 %), alors que les enfants du Québec étaient les moins vulnérables au faible revenu (8 %).

Puisque la mesure du panier de consommation capte de manière plus précise les différences en matière de coûts de la vie à travers le Canada, on considère généralement que cette dernière mesure devrait cerner de manière plus efficace l'impact de la région de résidence et de la taille de celle-ci sur le taux de faible revenu chez les enfants.

Changements du faible revenu chez les enfants dans les dernières années

De 12 % en 1989, le faible revenu chez les enfants a augmenté pour atteindre un point culminant à 19 % en 1996 avant de diminuer jusqu'à 12 % en 2001. Depuis lors, il est demeuré assez stable malgré une croissance économique soutenue5. De plus, la sévérité du faible revenu chez les enfants est demeurée assez stable de 1994 à 2004. L'écart moyen entre le revenu familial des enfants à faible revenu et leur seuil de faible revenu se situait à 30 % en 1994, ce qui était légèrement plus élevé, mais pas statistiquement différent de l'écart observé une dizaine d'années plus tard (28 % en 2004) [tableau 2]. La proportion d'enfants à faible revenu en situation de faible revenu sévère était de 53 % en 1994, une proportion légèrement plus élevée que celle observée pour l'année 2004 (48 %). Cependant, la différence entre le revenu familial moyen des enfants à faible revenu et celui des autres enfants était plus importante en 2004 qu'elle ne l'était en 1994 (51 400 $ vs 40 000 $)6. Cette augmentation des inégalités semble avoir été causée par l'augmentation importante du revenu familial des enfants qui ne vivaient pas en situation de faible revenu durant cette période, et plus particulièrement à l'augmentation importante du revenu des familles se situant à l'extrémité supérieure de la répartition du revenu, plutôt qu'à une détérioration du revenu des familles économiquement défavorisées.

Les impôts et les transferts jouent un rôle important dans la réduction du faible revenu

À chaque année de 1994 à 2004, la redistribution du revenu par les impôts et les transferts a contribué à réduire le taux et la sévérité du faible revenu chez les enfants. En comparant le revenu du marché plutôt que le revenu après impôt et transferts au seuil de faible revenu après impôt de Statistique Canada, on constate que 22 % des enfants se seraient retrouvés en situation de faible revenu en 2004 plutôt que 13 % (tableau 3). Ceci représente 584 000 enfants supplémentaires qui auraient connu le faible revenu en l'absence d'une redistribution de revenu. Par ailleurs, l'écart du faible revenu se serait élevé à 54 % en 2004 plutôt qu'à 28 %.

À chaque année depuis 1994, les impôts et les transferts ont eu pour effet de réduire le taux de faible revenu chez les enfants de huit ou neuf points de pourcentage. Cependant, l'impact des impôts et des transferts sur la sévérité du faible revenu en 2004 était moindre qu'il ne l'était une dizaine d'années auparavant. Les impôts et les transferts ont réduit l'écart du faible revenu de 26 points de pourcentage en moyenne en 2004, comparativement à 34 points de pourcentage en 1994.

Chaque année, les transferts gouvernementaux ont représenté une proportion importante du revenu après impôt des familles à faible revenu avec enfants, celle-ci ayant varié de 59 % à 67 %. Or, la source de ces transferts a grandement évolué de 1994 à 2004. Depuis 1999, la composante la plus importante provient des prestations pour enfants (fédérales et provinciales), alors que dans les années antérieures, c'était l'assistance sociale qui représentait la plus grande partie des revenus de transferts. Notamment, en 1994, 36 % du revenu des familles à faible revenu avec enfants provenait de l'assistance sociale alors que 16 % provenait des prestations pour enfants. Dix ans plus tard, ces proportions s'étaient pratiquement inversées puisque 31 % de leur revenu familial provenait désormais des prestations pour enfants et 17 % de l'assistance sociale (tableau 4).

La somme de tous les écarts de faible revenu indique qu'un montant total de 3,3 milliards de revenus supplémentaires (provenant de revenus de marché, de transferts ou d'autres sources) aurait été nécessaire afin que toutes les familles à faible revenu avec enfants surpassent les seuils de faible revenu après impôt en 2004.

Les enfants n'étaient pas plus susceptibles de faire partie de familles vulnérables au faible revenu en 2004 qu'ils ne l'étaient en 1989

Plusieurs facteurs peuvent contribuer à faire varier le taux de faible revenu dans le temps, dont les changements dans l'économie et les interventions gouvernementales, mais aussi les changements de composition de la population. Les analyses de régressions effectuées à l'aide des données de 2004 ont démontré que certaines caractéristiques familiales sont associées à un risque plus élevé de faible revenu chez les enfants. Si la proportion d'enfants faisant partie de familles ayant des caractéristiques fortement associées au faible revenu devient plus importante, alors, une plus grande proportion de l'ensemble des enfants deviendra vulnérable. Ce genre de tendance pourrait mitiger l'impact de la croissance économique et des interventions gouvernementales sur le faible revenu chez les enfants. Or, il ne semble pas que cela ait été le cas de 1989 à 2004.

En effet, la répartition des enfants selon certaines caractéristiques identifiées comme des facteurs de risque de faible revenu ne permet pas de conclure que les enfants étaient plus susceptibles de faire partie de familles à haut risque de faible revenu en 2004 qu'ils ne l'étaient en 1989 (tableau 5). D'un côté, ils étaient plus susceptibles de faire partie d'une famille monoparentale ou bien d'une famille où le principal soutien économique était un immigrant récent. D'un autre côté, une moins grande proportion d'entre eux dépendaient d'un principal soutien économique âgé de moins de trente ans et détenant moins d'un diplôme d'études secondaires. Le taux de faible revenu chez les enfants selon les caractéristiques de leur famille a aussi quelque peu évolué durant cette période. Alors qu'il a augmenté parmi les enfants d'immigrants récents, les enfants de familles à un seul gagne-pain et comptant trois enfants ou plus, il a diminué chez les enfants de familles ne comptant aucun gagne-pain et chez les enfants de familles monoparentales.

Pour plusieurs enfants, le faible revenu est une situation transitoire

L'analyse du faible revenu chez les enfants sur une seule année ne dresse pas un portrait complet de la situation. En fait, plusieurs années consécutives de données fournissent des renseignements utiles supplémentaires. Par exemple, la proportion d'enfants touchés par le faible revenu sur une période de six ans est beaucoup plus élevée que celle observée sur une seule année. Parmi les enfants de moins de 13 ans en 1999, 22 % ont vécu une situation de faible revenu au moins une année entre 1999 et 2004, comparé à 12 % des enfants en 1999. Mais l'observation du faible revenu chez les enfants sur une plus longue période permet aussi de constater qu'une faible proportion d'enfants est en situation de faible revenu de façon continuelle. De 1999 à 2004, 3 % des enfants de moins de 13 ans en 1999 (ou un peu moins de 100 000 d'entre eux) sont demeurés dans une situation de faible revenu pour l'ensemble des six années (tableau 6).

Le faible revenu chez les enfants est un phénomène dynamique. La majorité des enfants vivant en situation de faible revenu ne demeurent pas continuellement dans cette situation, et inversement, les enfants ne vivant pas en situation de faible revenu n'en sont pas nécessairement à l'abri. De 1999 à 2004, de 2 % à 4 % des enfants qui ne vivaient pas en situation de faible revenu y sont entrés l'année suivante. Mais de 28 % à 46 % des enfants qui vivaient en situation de faible revenu familial une année donnée, en sont sortis l'année suivante7. Toutefois, environ 30 % des enfants qui sont sortis du faible revenu entre 1999 et 2000 y sont retombés avant 2005.

L'entrée et la sortie du faible revenu chez les enfants s'expliquent par des changements dans leur situation familiale ou dans la situation de leurs parents sur le marché du travail. Environ 2 % des enfants de 2003 sont tombés en situation de faible revenu en 2004. Pour 42 % de ces enfants, cette situation était principalement attribuable à un changement de leur environnement familial (par exemple, séparation des parents ou arrivée d'un enfant); pour 27 % c'était surtout en raison d'une réduction du revenu d'emploi de leur principal soutien économique; alors que pour 31 % c'était suite à une diminution du revenu familial provenant d'autres sources (transferts, second gagne-pain, etc.).

Les principales raisons qui expliquent la sortie du faible revenu chez les enfants sont aussi intéressantes. Parmi les 28 % d'enfants en situation de faible revenu en 2003, mais qui en sont sortis en 2004, 20 % en sont sortis principalement en raison d'un changement de leur environnement familial (par exemple, reformation d'union ou départ d'un enfant); alors que les autres en sont sortis principalement en raison d'une hausse du revenu des membres de leur famille (50 % en raison d'une augmentation du revenu de travail du principal soutien économique; et 29 % en raison d'une augmentation du revenu familial provenant d'autres sources).

Parmi tous les enfants de moins de 13 ans en 1999 qui ont expérimenté le faible revenu au moins une année de 1999 à 2004, la durée moyenne passée dans cette situation était de 2,7 ans, soit un peu moins de la moitié de la période à l'étude. Plus de 30 % d'entre eux ont vécu une situation persistante de faible revenu et 43 % ont vécu une situation de faible revenu durant trois à six ans de 1999 à 2004, ce qui représente une partie non négligeable de leur enfance.

Seuls quelques facteurs permettent de prédire la persistance du faible revenu pour les enfants

De tous les enfants qui vivaient en situation de faible revenu en 1999, seuls ceux dont le principal soutien économique était inactif, âgé de 30 ans ou plus ou avait tout au plus un diplôme d'études secondaires, avaient un risque significativement plus élevé de faible revenu persistant (tableau 7). Notamment, le risque de faible revenu persistant lorsque le principal soutien économique était inactif en 1999 s'élevait à plus de 60 %, alors que ce risque variait de 22 % à 24 % chez les enfants à faible revenu dont le parent était un travailleur soit autonome, soit salarié. Le travail autonome des parents semble être un déterminant clé du faible revenu chez les enfants une année donnée, mais il n'est pas associé au faible revenu persistant. Il en est de même pour l'appartenance à une famille monoparentale. En fait, la probabilité que les enfants à faible revenu connaissent une situation de faible revenu persistante est similaire que ceux-ci fassent partie d'une famille monoparentale (40 %) ou biparentale (45 %), alors que pour une année donnée, les enfants de familles monoparentales sont clairement plus à risque de faible revenu. Par ailleurs, les enfants à faible revenu dont le principal soutien économique était âgé de moins de 30 ans ont couru moins de risque de faible revenu persistant que lorsque le principal soutien économique était plus âgé, alors que lorsque le risque de faible revenu est étudié sur une seule année, c'est le contraire qui est constaté (tableaux 1 et 7)8.

Conclusion

La proportion d'enfants de moins de 18 ans vivant dans une famille à faible revenu était pratiquement la même en 2004 qu'elle ne l'était en 1989, et ce, en dépit de la croissance économique soutenue depuis la récession de 1990 à 1992. Plus de 12 % des enfants vivaient dans une famille à faible revenu en 2004 et plus de 22 % des enfants ont connu un épisode de faible revenu entre 1999 et 2004. Les enfants ayant connu un épisode de faible revenu sont demeurés dans cette situation, en moyenne, durant près de la moitié de la période à l'étude de 1999 à 2004 (soit 2,7 ans).

De plus, la sévérité du faible revenu chez les enfants était la même en 2004 que dix ans auparavant, et puisque la situation économique des enfants bien nantis au Canada s'est améliorée considérablement au cours de la dernière décennie, l'inégalité des revenus s'est accrue.

La situation familiale et l'insuffisance d'emploi des parents sont les facteurs qui ont le plus d'influence sur la vulnérabilité des enfants face au faible revenu. Si les enfants vivant dans une famille monoparentale étaient manifestement plus vulnérables au faible revenu, ceux vivant dans une famille biparentale n'y étaient pas non plus à l'abri. En 2004, plus de la moitié des enfants à faible revenu vivaient dans une famille biparentale. Qu'ils vivaient dans une famille monoparentale ou biparentale, la situation de leurs parents sur le marché du travail était un déterminant clé du risque qu'ils couraient de se retrouver en situation de faible revenu. Les enfants qui faisaient partie de familles ne comprenant aucun travailleur étaient les plus vulnérables au faible revenu, et ceux qui ne dépendaient que d'un seul parent au travail l'étaient davantage que ceux dont les deux parents étaient en emploi. Néanmoins, même un effort de travail substantiel des parents ne protège pas toujours les enfants du faible revenu en raison d'un salaire ou d'un nombre d'heures de travail insuffisant.

Le faible revenu chez les enfants est un phénomène très dynamique au Canada. Beaucoup d'enfants en font l'expérience, mais peu y demeurent pendant plusieurs années consécutives. Par ailleurs, au cours de la dernière décennie, les impôts et les transferts ont joué un rôle important dans la réduction du taux et de la sévérité du faible revenu chez les enfants. Cependant, malgré une croissance économique soutenue et une augmentation importante des prestations pour enfants, plusieurs enfants demeurent en situation de faible revenu au Canada. En 2004, c'est plus de 3 milliards de dollars de revenus supplémentaires (revenu de marché, de transferts ou autres) dont les familles à faible revenu avec enfants auraient eu besoin afin de surpasser les seuils de faible revenu.

Source des données et définitions

L'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) a recueilli de l'information sur le revenu, le travail et les caractéristiques des personnes et de leur famille depuis 1993. L'EDTR permet autant l'analyse transversale que longitudinale.

Les échantillons de l'EDTR qui ont été retenus pour la présente étude sont ceux des années 1994 à 2004 pour l'analyse transversale, et des années 1999 à 2004 pour l'analyse longitudinale (panel 3).

La population cible aux fins des analyses transversales était celle des enfants âgés de moins de 18 ans. En 2004, environ 6,8 millions d'enfants faisaient partie de 3,8 millions de familles économiques.

La population cible aux fins de l'analyse longitudinale était celle des enfants âgés de 0 à 12 ans en 1999 (de sorte qu'aucun d'entre eux ne dépasse l'âge de 17 ans avant 2004) pour qui l'information était disponible à toutes les années de 1999 à 2004. Près de 4 millions d'enfants répondaient à ces critères.

L'analyse de tendances a été limitée à la période de 1994 à 2004, car la publication des données sur le revenu de 2003 s'est accompagnée de révisions importantes pour la période de 1980 à 2003. Ces changements ont un impact sur les statistiques du faible revenu et seulement les dossiers les plus à jour de l'EDTR étaient disponibles publiquement et non pas ceux de l'Enquête sur les finances des consommateurs (l'enquête sur le revenu précédant l'EDTR).

Mesures de faible revenu :
Alors qu'il n'y a aucune définition généralement acceptée de la « pauvreté » au Canada, les mesures de faible revenu suivantes sont largement utilisées : le seuil de faible revenu (SFR) avant et après impôt, la mesure de faible revenu (MFR) avant et après impôt, et la mesure du panier de consommation (MPC).

Avec chacune de ces mesures, les individus, dans ce cas-ci les enfants, sont considérés à faible revenu une année donnée lorsque le revenu annuel de leur famille économique est inférieur à un seuil prédéterminé.

Les individus sont à faible revenu persistant lorsque leur revenu annuel familial cumulé sur plusieurs années consécutives est inférieur au cumul des seuils de faible revenu associés à leur famille pour cette même période.

Une famille économique comprend tous les individus qui vivent sous un même toit et qui sont unis par les liens du sang, une alliance, l'union libre ou l'adoption.

Pour obtenir plus d'information au sujet du SFR, de la MFR et de la MPC, les liens suivants peuvent être consultés :
1) Le faible revenu au Canada de 2000 à 2002 selon la mesure du panier de comsommation
2) Mesure de faible revenu au Canada

Étant donné que le seuil de faible revenu après impôt (SFR-api) est le plus utilisé au Canada, il a été privilégié dans la présente étude. Toutefois, la mesure du panier de consommation a été utilisée afin de tester la validité des résultats obtenus — la très grande majorité des résultats sont robustes aux changements de mesure.

Analyse transversale

Afin d'estimer l'impact de certaines caractéristiques sur le risque de faible revenu chez les enfants en 2004, un modèle de régression logistique a été utilisé. La variable binaire dépendante avait une valeur de 1 lorsque l'enfant vivait dans une famille à faible revenu en 2004, et de 0 sinon.

Les variables explicatives couvraient les caractéristiques personnelles des enfants de même que les caractéristiques de la famille et du principal soutien économique. Étant donné les interactions importantes qui existent entre différentes variables explicatives d'intérêt, différentes spécifications ont été estimées.

Spécification A : inclut toutes les caractéristiques personnelles des enfants de même que les caractéristiques de leur famille et du principal soutien économique incluant son statut sur le marché du travail. Cette régression permettait de capter l'importance de l'association entre l'attachement au marché du travail du principal soutien économique de la famille et le risque de faible revenu. Les effets de plusieurs autres caractéristiques se trouvent toutefois amoindris dans cette régression étant donné qu'ils sont en partie capturés par l'impact qu'elles ont sur le statut sur le marché du travail du principal soutien économique.

Spécification B : inclut toutes caractéristiques personnelles des enfants de même que les caractéristiques de leur famille et du principal soutien économique, excluant son statut sur le marché du travail. Cette régression permettait de capter l'association directe entre plusieurs caractéristiques ayant un impact sur le statut sur le marché du travail et ensuite sur le risque de faible revenu.

Spécification C : inclut toutes caractéristiques personnelles des enfants de même que les caractéristiques de leur famille et du principal soutien économique, excluant son statut sur le marché du travail, mais incluant l'effort de travail familial total. Étant donné que le type de famille (monoparentale, biparentale ou autre) ainsi le statut sur le marché du travail du principal soutien économique (travailleur salarié, travailleur autonome, chômeur, étudiant, inactif) sont trop fortement corrélés avec l'effort de travail familial total, il est nécessaire d'exclure ces deux variables du modèle afin de pouvoir vérifier à quel point le nombre total de gagne-pain dans la famille était associé au faible revenu.

Comme les coefficients estimés à partir du Logit ne sont pas faciles à interpréter (en raison de la nature non linéaire de la fonction de type logit), les probabilités prédites sont dérivées à partir des coefficients estimés pour chacune des spécifications de modèle choisi. Seules les probabilités dérivées à partir de coefficients estimés significativement différents de zéro (à un niveau de confiance de 95 %) sont commentées dans cet article.

Analyse longitudinale

Afin d'estimer l'impact de certaines caractéristiques sur le risque qu'ont les enfants à faible revenu en 1999 de connaître le faible revenu persistant de 1999 à 2004, un autre modèle de régression logistique a été utilisé. Dans ce cas-ci, la variable binaire dépendante prenait la valeur de 1 lorsque l'enfant à faible revenu en 1999 a expérimenté le faible revenu persistant de 1999 à 2004; sinon elle prenait la valeur 0. Les variables explicatives étaient les mêmes que celles ayant été incluses dans la spécification A pour l'analyse transversale. Cependant, certaines de ces variables ont dû être regroupées différemment (par exemple celles relatives à l'âge et au niveau d'éducation du principal soutien économique) étant donné le trop petit nombre d'observations.

Notes

  1. Depuis la publication du rapport Le revenu au Canada 2004, certaines modifications mineures ont été apportées aux données de l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu. Ces modifications peuvent avoir un léger impact sur le nombre d'enfants qui sont identifiés comme faisant partie d'une famille à faible revenu à l'aide des SFR-api. Par conséquent, les estimations relatives au nombre d'enfants à faible revenu apparaissant dans les plus récentes publications de Statistique Canada (877 000 selon les SFR-api) diffèrent quelque peu de celles apparaissant dans la présente étude (872 000).
  2. Le revenu familial médian des enfants ne vivant pas en situation de faible revenu (62 700 $) était significativement moins élevé que ne l'était leur revenu moyen alors que ce n'est pas le cas pour les enfants à faible revenu (20 600 $). Cela suggère que la moyenne du revenu familial des enfants de familles financièrement aisées était probablement biaisée vers le haut par des niveaux de revenu très élevés. Malgré cette différence, le revenu familial médian des enfants qui ne vivaient pas en situation de faible revenu était 3 fois plus élevé que celui des enfants qui y vivaient.
  3. Il est impossible de déterminer si le nombre inférieur d'heures de travail résulte de conditions du marché du travail défavorables plutôt que d'un effort de travail moins important.
  4. On ne peut déterminer si la plus grande vulnérabilité au faible revenu des immigrants récents, des personnes avec limitations au travail et des personnes autochtones est attribuable à la discrimination plutôt qu'à d'autres caractéristiques non observables dans les données.
  5. Les taux de faible revenu de 12,2 % en 2001 et de 12,9 % en 2004 ne sont pas statistiquement différents. Après le début de cette étude, les données sur le faible revenu des années 2005 et 2006 ont été publiées. Ces nouvelles données montrent que le taux de faible revenu chez les enfants en 2005 était de 11,7 %, ce qui est équivalent au taux non révisé de 1989. Des révisions aux données de 1989 n'augmenteraient probablement le taux de faible revenu cette année-là que légèrement, ce qui ne serait pas suffisant pour qu'il y ait une différence significative par rapport au taux de 2005.
  6. Cette constatation demeure vraie lorsque le revenu est ajusté pour tenir compte de la taille de la famille, lorsqu'une mesure purement relative est utilisée (MFR-api) pour identifier les enfants à faible revenu, et lorsque ce sont les revenus médians plutôt que moyens qui sont comparés; quoique dans ce dernier cas la différence soit moins marquée.
  7. Même si les taux annuels de sortie surpassent de beaucoup les taux d'entrées, ça ne veut pas nécessairement dire que de moins en moins d'enfants vivent en situation de faible revenu chaque année. Le taux d'entrée en situation de faible revenu correspond à la proportion d'enfants qui ne vivaient pas en situation de faible revenu une année donnée, mais qui y sont entrés l'année suivante. Le taux de sortie du faible revenu correspond plutôt à la proportion d'enfants qui vivaient en situation de faible revenu une année donnée, mais qui en sont sortis l'année suivante. Les dénominateurs utilisés sont donc différents. Conséquemment, même si le taux de sortie apparaît plus élevé que le taux d'entrée, le nombre absolu de personnes sortant du faible revenu n'est pas nécessairement plus élevé que le nombre absolu de personnes entrant en situation de faible revenu. Par exemple, de 2003 à 2004, le taux d'entrée de 2,3 % correspondait à 84 000 enfants entrant dans le faible revenu alors que le taux de sortie de 28,4 % correspondait à 99 000 enfants sortant du faible revenu.
  8. Si peu de caractéristiques sont associées au faible revenu persistant de manière significative, c'est peut-être en raison du petit nombre d'observations disponibles aux fins d'analyse. Entre autres, les résultats portent à croire que le statut d'immigrant récent serait aussi associé de manière positive au faible revenu persistant chez les enfants.

Documents consultés

Auteur

Dominique Fleury est au service de Ressources humaines et Développement social Canada. On peut la joindre au 613-957-6308 ou à perspective@statcan.gc.ca.


Pour visualiser les documents PDF, vous devez utiliser le lecteur Adobe gratuit. Pour visualiser (ouvrir) ces documents, cliquez simplement sur le lien. Pour les télécharger (sauvegarder), mettez le curseur sur le lien et cliquez le bouton droit de votre souris. Notez que si vous employez Internet Explorer ou AOL, les documents PDF ne s'ouvrent pas toujours correctement. Veuillez consulter Dépannage pour documents PDF. Il se peut que les documents PDF ne soient pas accessibles au moyen de certains appareils. Pour de plus amples renseignements, visitez le site Adobe ou contactez-nous pour obtenir de l'aide.