Le recours aux services médicaux d'aide à la conception

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Par Tracey Bushnik, Jocelynn Cook, Edward Hughes et Suzanne Tough

Depuis 1990, le pourcentage de femmes mariées ou vivant en couple au Canada qui déclarent avoir l'intention d'avoir un enfant oscille autour de 92 %1. Des études récentes ont toutefois démontré que de 4 % à 17 % des couples dans les pays industrialisés vivent une incapacité involontaire de concevoir d'une durée d'au moins 12 mois­2,3. Au Canada, la prévalence de l'infertilité au cours des 12 derniers mois est passée de 5 % en 1984 à 12 % à 16 % en 2009-20104.

Même si ce ne sont pas tous les couples ayant des problèmes de conception qui ont recours à de l'aide médicale5, la demande de thérapies est en hausse. Les données du Registre canadien des techniques de procréation assistée (RCTPA) sur l'utilisation des techniques de procréation assistée (TPA) montrent une augmentation constante du nombre d'interventions pratiquées entre 1999 et 20086. Des hausses similaires ont été observées en Australie et en Nouvelle-Zélande7, aux États-Unis8 et en Europe9.

Le RCTPA renferme des renseignements sur les issues, par cycle, de types particuliers de TPA, mais les données sur les TPA au niveau du patient sont limitées. Par ailleurs, d'autres méthodes utilisées pour améliorer les chances de conception, comme les médicaments visant à améliorer la fertilité, ne sont pas incluses dans le RCTPA.

La présente analyse vise à déterminer le nombre de couples ayant recours aux services médicaux d'aide à la conception et leurs caractéristiques, ainsi que les interventions médicales et/ou techniques auxquelles ils ont recours. À partir des données sur la composante de l'infertilité de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2009-2010, la présente étude a permis d'estimer la prévalence du recours à de l'aide parmi les couples qui tentent de concevoir un enfant. L'association entre ce recours et les caractéristiques sociodémographiques des couples a été examinée, ainsi que les méthodes utilisées pour tenter de concevoir un enfant.

Méthodes

Source des données

Les données sont tirées de la composante de l'infertilité (IFT) de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2009-2010 menée par Statistique Canada. La population cible de la composante de l'IFT était constituée de couples de sexe opposé des dix provinces, dans lesquels la conjointe ou partenaire de sexe féminin était âgée de 18 à 49 ans, qui vivaient ensemble dans le même ménage. L'ESCC n'a pas été administrée aux membres à temps plein des Forces canadiennes ou aux habitants des trois territoires, des réserves indiennes, des terres de la Couronne ou de certaines régions éloignées, ni aux résidents d'établissements.

Dans le cadre de l'ESCC, on a utilisé une stratégie d'échantillonnage en grappes stratifié à plusieurs degrés10. Les données de la composante de l'IFT ont été recueillies de septembre à décembre 2009 inclusivement et en juillet et août 2010. Parmi les ménages sélectionnés au cours de ces périodes, 41 501 faisaient partie du champ de l'ESCC et 33 468 ont accepté de participer, ce qui a donné lieu à un taux de réponse de 80,6 % au niveau du ménage. Dans chaque ménage participant, une personne a été sélectionnée pour participer à l'enquête. Des réponses ont été obtenues de 29 858 personnes, ce qui a donné lieu à un taux de réponse de 89,2 % au niveau de la personne. Parmi ces participants, 6 520 étaient admissibles à la composante de l'IFT, et 5 617 y ont répondu, ce qui représente un taux de réponse à l'IFT au niveau de la personne de 86,2 %. La multiplication du taux de réponse à l'ESCC au niveau du ménage, du taux de réponse à l'ESCC au niveau de la personne et du taux de réponse à l'IFT au niveau de la personne produit un taux de réponse estimé de 62,0 % à la composante de l'IFT11.

La présente étude porte sur les couples qui ont eu un enfant alors qu'ils étaient ensemble, qui ont déclaré une grossesse au cours des 12 derniers mois ou qui ont répondu « oui » à la question « Au cours de la période où vous et votre conjoint(e) avez vécu ensemble, avez-vous tenté de concevoir un enfant? ». Ces couples ont été considérés comme ayant tenté de concevoir un enfant à un moment donné de leur relation et représentaient 4 297 participants à l'enquête. L'analyse s'est limitée aux couples dans lesquels la femme avait de 18 à 44 ans au moment de l'entrevue, donc à 3 656 participants.

Mesures

Les caractéristiques socio-démographiques examinées dans la présente étude étaient le groupe d'âge de la femme (18 à 24 ans, 25 à 29 ans, 30 à 34 ans, 35 à 39 ans, ou 40 à 44 ans) et de l'homme (18 à 24 ans, 25 à 29 ans, 30 à 34 ans, 35 à 39 ans, 40 à 44 ans et 45 ans et plus), le plus haut niveau de scolarité de la femme (niveau inférieur au niveau secondaire, diplôme d'études secondaires, ou diplôme d'études postsecondaires), l'état matrimonial du couple (marié ou en union libre), sa parité (aucun ou au moins un enfant) et le revenu du ménage. Pour examiner l'interaction possible entre la parité et le groupe d'âge de la femme, une mesure composite a été calculée (parité 0, 18 à 34 ans; parité 0, 35 à 44 ans; parité 1+, 18 à 34 ans; et parité 1+, 35 à 44 ans). Les quartiles de revenu du ménage (28 250 $ ou moins; plus de 28 250 $ à 42 400 $; plus de 42 400 $ à 60 850 $; et plus de 60 850 $) ont été calculés à partir d'une version modifiée de la méthode du score d'équivalence, qui corrige le revenu du ménage selon la taille de ce dernier12. Cette méthode utilise un facteur de pondération fondé sur la règle « 40/30 ». Pour chaque participant à l'enquête dans la population étudiée, un facteur de pondération du ménage a été calculé à partir du nombre de personnes dans le ménage. Le premier membre du ménage a reçu un poids de 1; le deuxième, un poids de 0,4; le troisième et tous les membres subséquents, un poids de 0,3. Le facteur de pondération du ménage a été calculé comme correspondant à la somme de ces poids. Par exemple, le facteur de pondération d'un ménage comptant quatre membres aurait été de 2,0 (1 + 0,4 + 0,3 + 0,3). Le revenu du ménage a été divisé par le facteur de pondération du ménage, pour calculer le revenu corrigé en fonction de la taille du ménage. Les revenus corrigés ont été regroupés en quartiles (quatre groupes comprenant chacun le quart de la population étudiée).

Définitions

Ayant eu recours à de l'aide médicale. Les couples ont été catégorisés comme ayant eu recours à de l'aide médicale pour concevoir un enfant s'ils avaient répondu « oui » à la question « Au cours de la période où vous et votre conjoint(e) avez vécu ensemble, est-ce que vous avez eu des problèmes à concevoir un enfant et consulté un médecin ou un autre professionnel de la santé à ce sujet? ».

Âge au moment de la dernière aide médicale reçue. On a demandé aux participants à l'enquête en quelle année ils avaient reçu l'aide médicale la plus récente pour concevoir un enfant. Ces données et l'âge au moment de l'entrevue ont servi à calculer les âges des partenaires la dernière fois qu'ils avaient reçu une aide médicale.

Méthodes utilisées pour concevoir un enfant. Les participants qui ont eu recours à de l'aide ont dû répondre à la question suivante « Lorsque vous avez tenté de concevoir un enfant, avez-vous eu recours à l'un des moyens suivants…? » et on leur a lu une liste de méthodes : techniques de surveillance du cycle menstruel et d'ovulation; médicaments prescrits par un médecin visant à améliorer la fertilité; techniques de procréation assistée (TPA); autre traitement médical.

Les catégories de méthodes s'excluant mutuellement qui ont été utilisées ont été dérivées de façon hiérarchique. Les catégories étaient les suivantes : TPA (y compris d'autres méthodes déclarées); médicaments visant à améliorer la fertilité (sauf les TPA); un autre traitement médical (sauf les TPA et les médicaments visant à améliorer la fertilité); surveillance du cycle menstruel et d'ovulation seulement.

Techniques d'analyse

Étant donné que les variables d'intérêt étaient les attributs du couple (recours à de l'aide médicale, méthodes utilisées pour concevoir un enfant, etc.), les analyses ont été pondérées au moyen du poids de sondage au niveau du couple plutôt que du poids au niveau de la personne. Le poids au niveau du couple a fait en sorte que les estimations sont représentatives du nombre de couples au Canada en 2009-2010, plutôt que du nombre de personnes11. Les données ont été analysées à l'aide des logiciels SAS13 et SUDAAN14. Des pourcentages, des moyennes et des intervalles de confiance ont été calculés. Deux modèles de régression logistique distincts ont été exécutés pour estimer l'association entre les caractéristiques sociodémographiques de la population étudiée et le recours à de l'aide médicale pour des problèmes de conception. Le modèle 1 comprenait le groupe d'âge de la femme et la parité comme variables distinctes, tandis que le modèle 2 comprenait la mesure composite du groupe d'âge de la femme et la parité. Des rapports de risques ont été estimés pour comparer le recours à de l'aide entre les groupes de la population étudiée, une fois les différences dans les distributions de covariables prises en compte15. On a procédé à une estimation de la variance (intervalles de confiance à 95 %) et à des tests de signification (test t ou statistique F de Wald) des différences entre les estimations, à partir des poids de rééchantillonnage, pour tenir compte du plan d'échantillonnage complexe de l'enquête. La signification statistique a été établie au seuil de p<0,05, mais corrigée selon la méthode de Bonferroni, en fonction du nombre de comparaisons16.

Résultats

Selon les données de la composante de l'infertilité de l'ESCC de 2009-2010, 77 % des couples de sexe opposé au Canada, dans lesquels la femme était âgée de 18 à 44 ans, ont tenté de concevoir un enfant à un moment donné de leur relation. Parmi ces couples, un peu plus de la moitié (55 %) des femmes avaient de 35 à 44 ans, et 68 % des hommes avaient plus de 35 ans (tableau 1). Environ 81 % de ces couples étaient mariés; 89 % avaient au moins un enfant; et 73 % des femmes avaient un grade ou un diplôme d'études postsecondaires.

Tableau 1 Répartition en pourcentage des caractéristiques sociodémographiques des couples de sexe opposé qui ont déjà tenté de concevoir un enfant, Canada, territoires non compris, 2009-2010Tableau 1 Répartition en pourcentage des caractéristiques sociodémographiques des couples de sexe opposé qui ont déjà tenté de concevoir un enfant, Canada, territoires non compris, 2009-2010

Recours à de l'aide médicale

Environ 15 % de ces couples (à peu près 380 000 couples) ont déclaré avoir eu recours à de l'aide médicale à la conception. Les couples dans lesquels la femme avait de 35 à 44 ans étaient plus susceptibles d'avoir eu recours à une telle aide que les couples dans lesquels la femme avait de 25 à 29 ans (figure 1). Les couples sans enfant étaient plus susceptibles d'avoir eu recours à de l'aide que les couples ayant au moins un enfant. Parmi les couples sans enfant, ceux dans lesquels la femme avait de 35 à 44 ans étaient deux fois plus susceptibles d'avoir eu recours à de l'aide (63 %) que ceux dans lesquels la femme avait moins de 35 ans (30 %). Le plus haut niveau de scolarité de la femme était associé à une prévalence accrue de recourir à de l'aide médicale, comparativement au niveau de scolarité le plus faible. Les couples du quartile de revenu du ménage le plus élevé affichaient la prévalence la plus forte de recourir à de l'aide parmi tous les groupes de revenu.

Figure 1 Prévalence du recours à de l'aide médicale en raison de problèmes de conception parmi les couples de sexe opposé qui ont déjà tenté de concevoir un enfant, selon certaines caractéristiques, Canada, territoires non compris, 2009-2010Figure 1 Prévalence du recours à de l'aide médicale en raison de problèmes de conception parmi les couples de sexe opposé qui ont déjà tenté de concevoir un enfant, selon certaines caractéristiques, Canada, territoires non compris, 2009-2010

Même une fois pris en compte l'effet d'autres caractéristiques sociodémographiques (sauf le groupe d'âge de l'homme) dans les deux modèles de régression logistique multivariée, les associations entre l'âge, la parité et l'état matrimonial de la femme et le fait d'avoir eu recours à de l'aide médicale pour concevoir un enfant persistaient (tableau 2). Dans le modèle 1, qui comprend le groupe d'âge et la parité de la femme comme variables distinctes, les couples dans lesquels la femme avait de 30 à 34 ans étaient de deux à trois fois plus susceptibles d'avoir recouru à de l'aide que ceux dans lesquels la femme avait de 25 à 29 ans. Les couples sans enfant étaient de quatre à cinq fois plus susceptibles d'avoir recouru à de l'aide que ceux ayant au moins un enfant. Les couples mariés étaient plus susceptibles d'avoir recouru à de l'aide que les couples vivant en union libre. Le niveau de scolarité de la femme et le revenu du ménage du couple n'étaient pas associés au recours à l'aide médicale.

Tableau 2 Rapports de risques corrigés de recourir à de l'aide médicale en raison de problèmes de conception parmi les couples de sexe opposé qui ont déjà tenté de concevoir un enfant, selon certaines caractéristiques, Canada, territoires non compris, 2009-2010Tableau 2 Rapports de risques corrigés de recourir à de l'aide médicale en raison de problèmes de conception parmi les couples de sexe opposé qui ont déjà tenté de concevoir un enfant, selon certaines caractéristiques, Canada, territoires non compris, 2009-2010

Dans le modèle 2, qui comprend la mesure composite de la parité et du groupe d'âge de la femme, l'état matrimonial comportait une association significative avec le recours à une aide médicale pour tenter de concevoir un enfant. Comparativement aux couples ayant au moins un enfant et dans lesquels la femme avait moins de 35 ans, les couples sans enfant, peu importe l'âge de la femme, étaient significativement plus susceptibles d'avoir recouru à de l'aide, tout comme les couples ayant au moins un enfant, mais dans lesquels la femme avait de 35 à 44 ans. Comme dans le modèle 1, le niveau de scolarité de la femme et le revenu du ménage du couple n'étaient pas associés au recours à l'aide médicale.

Méthodes utilisées

Parmi les couples qui avaient déjà eu recours à de l'aide pour concevoir un enfant, 68 % ont déclaré avoir essayé la surveillance du cycle menstruel et d'ovulation; 42 % ont déclaré avoir utilisé des médicaments visant à améliorer la fertilité; 19 % ont déclaré avoir utilisé des techniques de procréation assistée (TPA); et 29 % ont déclaré un « autre » traitement médical. (Étant donné que les couples pouvaient déclarer plus d'une méthode, la somme des pourcentages est supérieure à 100 %.)

La plupart (61 %) des couples qui ont eu recours à de l'aide médicale ont déclaré n'avoir utilisé qu'une méthode. La surveillance du cycle menstruel et d'ovulation était déclarée le plus fréquemment (50 %), suivie par les « autres » traitements médicaux (24 %), et les médicaments visant à améliorer la fertilité (20 %). En raison de la variabilité d'échantillonnage extrême, on ne peut pas fournir l'estimation ponctuelle pour les TPA; toutefois, l'intervalle de confiance à 95 % supérieur montre que le pourcentage est probablement passé en dessous de 14 %.

Plus d'une méthode était utilisée par 39 % des couples. Ceux ayant déclaré des TPA ou des médicaments visant à améliorer la fertilité étaient plus susceptibles de déclarer au moins une autre méthode (83 % et 71 % respectivement) que ceux ayant déclaré un « autre » traitement médical (48 %) ou la surveillance du cycle d'ovulation (55 %).

L'âge auquel les couples avaient reçu pour la dernière fois une aide à la conception variait selon les méthodes utilisées. Parmi les couples ayant déclaré des TPA, les femmes avaient en moyenne 34 ans et les hommes, 37 ans (figure 2). Les couples qui n'ont pas utilisé de TPA, mais qui ont déclaré l'une des autres catégories de méthodes s'excluant mutuellement, étaient plus jeunes au moment où ils avaient reçu de l'aide pour la dernière fois : 29 ans en moyenne pour les femmes et 32 ans en moyenne pour les hommes.

Figure 2 Âge moyen des partenaires de sexe féminin et de sexe masculin au moment de la plus récente aide médicale reçue, selon la catégorie de méthodes s'excluant mutuellement utilisée pour tenter de concevoir un enfant, Canada, territoires non compris, 2009-2010Figure 2 Âge moyen des partenaires de sexe féminin et de sexe masculin au moment de la plus récente aide médicale reçue, selon la catégorie de méthodes s'excluant mutuellement utilisée pour tenter de concevoir un enfant, Canada, territoires non compris, 2009-2010

Discussion

En 2009-2010, un peu plus de trois couples sur quatre au Canada, dans lesquels la femme était âgée de 18 à 44 ans, ont déclaré avoir tenté de concevoir un enfant à un moment donné de leur relation. Parmi eux, 15 % (environ 380 000 couples) ont déclaré avoir eu recours à de l'aide médicale pour la conception, un pourcentage très similaire à celui déclaré en Australie et au Royaume-Uni (14 % à 16 %)17-19.

Les caractéristiques des couples qui ont recouru à de l'aide médicale différaient de celles des couples qui ne l'ont pas fait, et plus particulièrement le groupe d'âge de la femme, la parité et l'état matrimonial.

Les couples dans lesquels la femme avait de 30 à 44 ans étaient plus susceptibles de recourir à de l'aide que les couples dans lesquels la femme était plus jeune. Cela est certainement intuitif, un âge plus avancé, particulièrement au-delà de 35 ans, étant fortement associé à des taux plus faibles de conception spontanée et des taux plus élevés de fausse-couche17-23.

Même si la parité était associée au recours à de l'aide, peu importe le groupe d'âge de la femme, la force de l'association augmentait avec l'âge. Comparativement aux couples ayant au moins un enfant et dans lesquels la femme avait de 18 à 34 ans, la probabilité de recourir à de l'aide était presque quatre fois plus élevée parmi les couples sans enfant dans lesquels la femme avait de 18 à 34 ans, et huit fois plus élevée parmi les couples sans enfant dans lesquels la femme avait de 35 à 44 ans.

Un nombre croissant de couples au Canada reportent le moment d'avoir des enfants. Depuis 1984, le pourcentage d'enfants premiers nés dont la mère a 35 ans ou plus a triplé, pour s'établir à 11 %24. Des données récentes laissent supposer que de nombreuses personnes ne sont peut-être pas conscientes des risques pour la fertilité et la grossesse associés à l'âge avancé de la femme25,26, ou croient que les TPA leur permettront d'avoir un enfant, peu importe leur âge27,28.

Les couples mariés étaient plus susceptibles que les couples en union libre de recourir à de l'aide pour concevoir un enfant. Étant donné que le mariage est souvent un déclencheur de la maternité29, les couples mariés peuvent être plus susceptibles de surveiller la conception et, par conséquent, de reconnaître les signes d'hypofertilité et de recourir à de l'aide30.

L'association entre le niveau de scolarité élevé de la femme et le recours à de l'aide par les couples ne persistait pas lorsque les autres caractéristiques étaient prises en compte. Même si des résultats similaires ont été obtenus dans le cade d'une étude récente des femmes au Royaume-Uni31, une analyse de 2008 de la National Survey of Family Growth aux États-Unis a permis de déterminer que le fait de détenir un diplôme d'études collégiales était associé à une probabilité plus grande d'avoir recours à de l'aide médicale à la conception32. Ces résultats non uniformes laissent supposer que d'autres recherches sont nécessaires pour comprendre le rôle de la scolarité dans le recours à l'aide médicale à la conception.

Le recours à de l'aide médicale était plus répandu chez les couples du quartile de revenu le plus élevé, mais tout comme pour la scolarité, cette association ne persistait pas lorsque d'autres caractéristiques étaient prises en compte. Cela peut rendre compte du type d'aide et de l'accès aux soins de santé primaires au Canada. D'autres études ont déterminé une association entre le revenu et le recours à de l'aide médicale aux États-Unis, où les soins primaires comportent des frais32,33. Par contre, les couples au Canada ne paient pas pour les services de soins primaires non spécialisés liés à la santé reproductive.

Environ 20 % des couples canadiens qui ont recouru à de l'aide médicale pour des problèmes de conception ont eu recours à des TPA. Comme l'ESCC de 2009-2010 est la première enquête nationale auprès de la population qui comporte des questions au sujet des TPA, on ne sait pas s'il s'agit d'une augmentation par rapport aux périodes précédentes. Toutefois, la hausse constante au cours des dix dernières années du nombre de cycles de TPA déclarés dans la base de données du RCTPA laisse supposer que l'utilisation des TPA pourrait continuer d'augmenter, particulièrement si les provinces commencent à rembourser le coût des traitements, comme c'est le cas au Québec34.

Les personnes ayant recours aux TPA et aux médicaments visant à améliorer la fertilité ont souvent déclaré aussi une autre méthode. Même si l'ordre dans lequel les couples ont essayé chaque méthode était inconnu, cela pourrait venir du fait qu'ils ont utilisé les TPA et les médicaments visant à améliorer la fertilité une fois que des méthodes comme la surveillance du cycle menstruel et d'ovulation avaient échoué. Les couples qui ont eu recours aux TPA étaient en moyenne plus âgés la dernière fois qu'ils ont reçu une aide médicale que les couples ayant déclaré d'autres méthodes. Cela laisse supposer que les TPA représentent l'approche ultime en matière de traitement, la détermination et la correction de tous les facteurs de fécondité ayant d'abord eu lieu et ayant été suivies par des interventions de plus en plus invasives35.

Limites

La présente étude comporte un certain nombre de limites. Comme on a demandé aux couples s'ils avaient déjà eu des problèmes à concevoir un enfant qui les avaient amenés à consulter un fournisseur de soins médicaux, il n'a pas été possible d'examiner les associations entre les problèmes de conception et les mesures courantes de la santé et du mode de vie. De nombreux facteurs contribuent à l'hypofertilité, y compris une ovulation irrégulière36, l'obésité37, le tabagisme38, des antécédents de problèmes gynécologiques35 chez les femmes, et des anomalies du sperme36 chez les hommes. Des problèmes de fonction thyroïdienne39,40, l'exposition à des polluants environnementaux, comme les phtalates, le bisphénol A et les métaux lourds41, et des antécédents d'infections transmises sexuellement42-44 sont des facteurs de risque d'infertilité pour les deux sexes. Ils n'ont pas pu être examinés dans la présente étude.

La taille des échantillons étant petite, les principaux effets de l'âge de la femme, de la parité et de l'interaction entre eux n'ont pu être estimés dans le même modèle. Néanmoins, les deux modèles indiquent une interaction significative entre l'âge de la femme et la parité.

Parmi les diverses méthodes utilisées pour concevoir un enfant, les TPA et les « autres » traitements médicaux n'ont pas été définis de façon explicite, ce qui fait que le type exact de TPA et/ou de traitement médical était inconnu. De même, étant donné que l'on n'a pas demandé aux couples la fréquence et le moment d'utilisation de chaque méthode, on n'a pas pu établir d'historique complet. La taille des échantillons était trop petite pour examiner comment l'utilisation des diverses méthodes différait selon les caractéristiques des couples. Enfin, il n'a pas été possible de déterminer si les méthodes utilisées ont donné lieu à une grossesse ou à une naissance, ces questions n'ayant pas été posées dans l'enquête.

Conclusion

Environ un couple sur sept ayant tenté de concevoir un enfant a eu recours à de l'aide médicale à la conception. Ces couples partagent certaines caractéristiques, dont le fait d'être marié, de ne pas avoir d'enfant et de compter une partenaire de 35 ans et plus. Parmi les couples ayant eu recours à de l'aide, environ deux sur cinq ont déclaré avoir utilisé des médicaments visant à améliorer la fertilité, et un sur cinq, des TPA. Compte tenu de la tendance vers le report de la grossesse et de la présence de facteurs de risque d'infertilité, le recours à de l'aide médicale à la conception pourrait augmenter à l'avenir.

Remerciements

Les auteurs remercient Lindsay Patrick pour son aide et ses commentaires au moment de la préparation du manuscrit. Ils remercient également Leslie Geran et toutes les personnes de Statistique Canada et de Procréation assistée Canada qui ont participé à l'élaboration et à la réalisation de la composante de l'infertilité de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2009-2010.