Différences entre les sexes relatives au contrôle de l'hypertension chez les personnes âgées

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Par Kathryn Wilkins, Marianne Gee et Norm Campbell

L'hypertension est un important facteur de risque pour la santé et son contrôle est une préoccupation majeure sur le plan clinique. Au Canada, chez les personnes de moins de 60 ans qui prennent des médicaments contre l'hypertension, le niveau de contrôle est supérieur à 90 % et presque égal entre les sexes1. Aux âges plus avancés, toutefois, l'hypertension est plus susceptible d'être contrôlée chez les hommes que chez les femmes, ce qui est en harmonie avec les observations publiées ailleurs2-8.

À ce jour, peu d'études ont porté sur les causes de l'écart entre les hommes et les femmes en matière de contrôle de l'hypertension. Les différences en ce qui concerne la comorbidité cardiovasculaire et les facteurs de risque, les influences hormonales, la rigidité artérielle et les régimes de traitement peuvent contribuer à l'écart7,9,10, mais aucune explication convaincante n'a été avancée.

Fondée sur les données de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS), qui comprend des mesures de la tension artérielle (TA), des mesures anthropométriques et des paramètres biochimiques ainsi que des renseignements sur les maladies chroniques diagnostiquées, les comportements et conditions de risque influant sur la santé et la consommation de médicaments, la présente étude porte sur les différences relatives au contrôle de l'hypertension entre les hommes et les femmes de 60 à 79 ans.

Méthodes

L'analyse se fonde sur les données recueillies dans le cadre de l'ECMS de mars 2007 à février 2009 à 15 emplacements au Canada11. L'ECMS est représentative d'environ 96 % de la population canadienne à domicile de 6 à 79 ans11. Elle n'inclut pas les habitants des réserves indiennes ou des terres de la Couronne, les personnes vivant en établissement, les habitants de certaines régions éloignées et les membres à temps plein des Forces canadiennes régulières. Pour le cycle de 2007 à 2009, le taux de réponse – calculé comme correspondant au produit des fractions de réponse pour la composante des ménages (69,6 %), le questionnaire des ménages (88,3 %) et la composante du centre d'examen mobile (84,9 %), avec une correction pour tenir compte de la stratégie d'échantillonnage – a été de 51,7 %11. L'ECMS a obtenu l'approbation déontologique du Comité d'éthique de la recherche de Santé Canada. On a demandé le consentement des participants par écrit avant l'enquête11-16. La présente analyse porte sur la sous-population (n=658) de participants à l'enquête âgés de 60 à 79 ans qui ont satisfait à au moins l'un des critères de l'hypertension (voir Définitions).

Dans le cadre d'une entrevue à domicile, les participants ont rempli un questionnaire englobant les caractéristiques sociodémographiques, les antécédents médicaux, l'état de santé actuel, les problèmes de santé prévalents et les comportements influant sur la santé. Les renseignements sur la prise au cours du dernier mois de « médicaments contre l'hypertension » ont été recueillis à domicile ainsi que lors d'un rendez-vous subséquent au centre d'examen mobile. Le nom et le numéro d'identification du médicament (DIN) figurant sur chaque contenant de médicaments ont été inscrits. Environ 1 % (n=14) des participants membres de l'échantillon de l'étude ont déclaré utiliser des médicaments antihypertenseurs, mais soit le DIN n'était pas disponible, soit le DIN déclaré ne correspondait à aucun des codes utilisés pour définir les antihypertenseurs. Ces participants n'ont pas été classés comme utilisateurs de médicaments antihypertenseurs.

Au centre d'examen mobile, on a mesuré la taille, le poids et la TA. Des échantillons de sang ont été prélevés en utilisant la technique de la veinopuncture normalisée; les échantillons ont été traités et expédiés à un laboratoire de référence conformément à un protocole d'assurance de la qualité11. Les participants qui ne souhaitaient pas se rendre au centre d'examen mobile ou qui en étaient incapables (n=16 dans le groupe des 60 à 79 ans) se sont vus offrir et ont accepté l'option d'une visite à domicile; le protocole de mesure de la TA a été le même que celui utilisé au centre d'examen mobile17. La TA a été mesurée au moyen d'un appareil BpTRU™ BP-300 (BpTRU Medical Devices Ltd., Coquitlam, Colombie-Britannique) au centre d'examen mobile et au moyen d'un appareil BpTRU™ BP-100 dans le cas des visites à domicile. Le BpTRU™ est un moniteur électronique18,19.

Définitions

Les mesures de la TA ont été calculées comme étant la moyenne du premier ensemble (cinq dernières mesures des six mesures prises à une minute d'intervalle) de mesures valides17. Conformément aux recommandations du Programme éducatif canadien sur l'hypertension20, par hypertension, on entendait une tension artérielle systolique (TAS) moyenne de 140 mm Hg ou plus ou une TA diastolique (TAD) moyenne de 90 mm Hg ou plus, ou encore la prise de médicaments antihypertenseurs au cours du dernier mois, vérifiée par le nom et le DIN sur le contenant du médicament. Dans le cas des participants diabétiques, on a utilisé une définition plus rigoureuse de l'hypertension, à savoir une TAS moyenne de 130 mm Hg ou plus, ou une TAD moyenne de 80 mm Hg ou plus, ou encore la prise de médicaments antihypertenseurs au cours du dernier mois20. La tension différentielle est la différence (en mm Hg) entre la TAS et la TAD. Par hypertension non contrôlée, on entendait la prise au cours du dernier mois de médicaments antihypertenseurs dont le DIN a été vérifié ainsi qu'une ou plusieurs valeurs moyennes mesurées de la TA entrant dans la fourchette d'hypertension.

Lors du traitement des données, on a attribué aux médicaments que les participants ont déclaré prendre actuellement les codes tirés du Système de classification anatomique thérapeutique chimique (ATC)11. Les catégories d'antihypertenseurs suivantes ont été précisées : bêta-bloquants (codes C07 de l'ATC, sauf C07AA07, C07AA12 et C07AG02), agents agissant sur le système rénine-angiotensine (codes C09 de l'ATC), diurétiques thiazidiques (codes C03 de l'ATC, sauf C03BA08 et C03CA01), inhibiteurs des canaux calciques (codes C08 de l'ATC), et antihypertenseurs divers (codes C02 de l'ATC, sauf C02KX01). Seulement 13 participants ont déclaré utiliser les médicaments classés dans la catégorie des antihypertenseurs divers, de sorte que cette catégorie n'a pas été conservée aux fins de l'analyse; toutefois, ces participants ont été classés comme utilisateurs de médicaments antihypertenseurs.

L'âge a été défini comme celui du participant au moment de la visite au centre d'examen mobile.

Les variables pour l'état matrimonial, le revenu, le diplôme d'études secondaires, le fait d'avoir un médecin de famille, la comorbidité (diabète et maladies cardiaques) et la consommation quotidienne actuelle de tabac étaient fondées sur les renseignements fournis par le participant durant l'entrevue à domicile.

Le revenu du ménage corrigé en fonction de la taille du ménage a été défini comme le revenu total du ménage divisé par le nombre de personnes dans le ménage. Lorsque le revenu était déclaré sous forme de fourchette, on a utilisé celui correspondant au milieu de la fourchette. Dans l'analyse par régression linéaire, le revenu du ménage corrigé a été divisé par 10 000.

Le niveau d'activité physique durant les loisirs a été défini comme inactif ou modérément actif/actif, selon la dépense énergétique quotidienne totale (kcal/kg/jour) durant des activités particulières déclarées par le participant21.

L'indice de masse corporelle (IMC) est calculé en divisant le poids en kilogrammes par le carré de la taille exprimée en mètres (kg/m2). L'IMC a été calculé en se basant sur le poids et la taille mesurés; les participants ayant un IMC de 30,0 kg/m2 ou plus ont été classés comme obèses.

La circonférence de la taille associée à un « risque élevé » était de 102 cm ou plus pour les hommes et de 88 cm ou plus pour les femmes22.

Les valeurs de glycémie (mmol/L) et de lipidémie (le ratio du taux de cholestérol total au taux de lipoprotéines de haute densité [HDL]) ont été disponibles comme variables dérivées.

On a déterminé la prévalence des maladies cardiaques et du diabète en demandant aux répondants de déclarer les problèmes de santé « ayant déjà duré six mois ou pouvant durer six mois ou plus qui ont été diagnostiqués par un professionnel de la santé ».

Techniques d'analyse

À partir des données pondérées, on a produit des fréquences, des moyennes et des tableaux croisés aux fins d'analyse descriptive des personnes de 60 à 79 ans faisant de l'hypertension, selon le sexe. Les répartitions de la TAS, la TAD et la tension différentielle ont été représentées graphiquement et lissées au moyen d'une moyenne mobile de trois ans. Les modèles de régression linéaire multivariée ont été ajustés en vue d'examiner les associations entre certaines variables et la TAS. On a eu recours à la modélisation par régression logistique pour examiner l'association entre les femmes et l'hypertension non contrôlée tout en corrigeant pour tenir compte des variables confusionnelles éventuelles.

La variance a été calculée selon la méthode du bootstrap23,24; dans l'analyse multivariée, le nombre de degrés de liberté a été limité à 11 pour tenir compte des emplacements de collecte des données de l'ECMS et de la stratification d'échantillonnage11.

Résultats

La prévalence estimée de l'hypertension dans le groupe des 60 à 79 ans ne différait pas de façon significative entre les sexes : 60 % des hommes et 59 % des femmes ont satisfait à au moins l'un des critères de présence de ce problème de santé (données non présentées).

L'âge moyen de ces personnes faisant de l'hypertension n'était pas statistiquement différent selon qu'il s'agissait d'hommes ou de femmes : 68,4 et 68,6 ans, respectivement (tableau 1). Les hommes souffrant d'hypertension étaient significativement plus susceptibles que leurs homologues de sexe féminin d'être mariés ou de vivre en union libre. Le revenu moyen des ménages (corrigé en fonction de la taille du ménage) des hommes faisant de l'hypertension était significativement supérieur à celui des femmes, soit de 44 500 $ par rapport à 35 900 $.

Tableau 1 Certaines caractéristiques des personnes souffrant d'hypertension, selon le sexe, population à domicile de 60 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009Tableau 1 Certaines caractéristiques des personnes souffrant d'hypertension, selon le sexe, population à domicile de 60 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009

La prévalence de l'usage du tabac était similaire chez les hommes et les femmes faisant de l'hypertension (9 % et 10 %, respectivement). Un pourcentage significativement plus élevé de femmes que d'hommes ont déclaré un niveau d'activité physique durant les loisirs les classant dans la catégorie des personnes inactives (62 % et 51 %, respectivement). Même si l'IMC moyen et les pourcentages de personnes classées comme étant obèses ne différaient pas de manière significative entre les deux sexes, les données laissent supposer qu'un pourcentage plus élevé de femmes (66 %) que d'hommes (55 %) faisant de l'hypertension se classaient dans le groupe à risque élevé pour la santé d'après la circonférence de la taille (p=0,08).

Une grande majorité d'hommes (94 %) et de femmes (97 %) faisant de l'hypertension ont déclaré avoir un médecin de famille. Un pourcentage significativement plus élevé d'hommes (25 %) que de femmes (16 %) ont déclaré souffrir d'une maladie cardiaque. Le ratio moyen du cholestérol total au cholestérol HDL était également plus élevé chez les hommes (4,2) que chez les femmes (3,7). Aucune différence statistiquement significative ne s'est dégagée pour le taux de glycémie ou le diabète.

Tension artérielle systolique, tension artérielle diastolique et tension différentielle

Les femmes faisant de l'hypertension (y compris celles prenant des antihypertenseurs et celles atteintes de diabète) avaient une TAS moyenne de 132,5 mm Hg, soit significativement supérieure à la moyenne correspondante de 125,3 mm Hg chez les hommes. La TAD moyenne ne différait pas de manière significative entre les femmes et les hommes (72,4 et 73,7 mm Hg, respectivement).

Une analyse supplémentaire a révélé que, chez les personnes souffrant d'hypertension, la TAS et la tension différentielle étaient plus élevées chez les femmes que chez les hommes, avec ou sans prise de médicaments antihypertenseurs. Les valeurs de la TAS respectives chez les femmes et les hommes prenant des médicaments étaient de 129,9 et 121,3 mm Hg, et chez ceux ne prenant pas de médicaments, de 153,6 et 146,9 mm Hg (données non présentées). La tension différentielle moyenne était de 58,8 et de 49,7, respectivement, chez les femmes et les hommes prenant des antihypertenseurs, et de 71,5 et 61,6 chez ceux ne prenant pas d'antihypertenseurs.

Dans les modèles de régression permettant de tenir compte de l'âge, du revenu du ménage, du niveau de scolarité, de l'état matrimonial, de l'IMC, des états comorbides et du taux de cholestérol, la TAS était en moyenne de 6,4 mm Hg plus faible chez les hommes que chez les femmes (tableau 2). Chez les hommes, la maladie cardiaque était associée négativement à la TAS, tandis que le taux de glycémie était associé positivement à la TAS. La tendance était similaire chez les femmes, même si les associations n'étaient pas statistiquement significatives.

Tableau 2 Coefficients de régression exprimant la relation entre certaines caractéristiques et la tension artérielle systolique chez les personnes qui prennent des médicaments antihypertenseurs, population à domicile de 60 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009Tableau 2 Coefficients de régression exprimant la relation entre certaines caractéristiques et la tension artérielle systolique chez les personnes qui prennent des médicaments antihypertenseurs, population à domicile de 60 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009

Chez les personnes faisant de l'hypertension, la TAS était inférieure de 4 mm Hg en moyenne chez celles ayant au moins un diplôme d'études secondaires, comparativement à celles n'ayant pas terminé leurs études secondaires. La maladie cardiaque également était associée négativement à la TAS; la TAS des personnes atteintes d'une maladie cardiaque était, en moyenne, de 6,4 mm Hg inférieure à celle des personnes non cardiaques. Le taux de glycémie était associé positivement à la TAS.

Utilisation de médicaments

Des pourcentages comparables d'hommes (84 %) et de femmes (89 %) faisant de l'hypertension utilisaient au moins un type d'antihypertenseur. Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d'utiliser des diurétiques thiazidiques (33 % et 19 %, respectivement). L'utilisation d'agents agissant sur le système rénine-angiotensine, d'inhibiteurs des canaux calciques et de bêta-bloquants ne différait pas sensiblement selon le sexe. Environ 10 % des hommes et des femmes prenaient en même temps trois types de médicaments antihypertenseurs ou plus.

Chez ceux qui prenaient des antihypertenseurs, l'hypertension demeurait non contrôlée – autrement dit, la tension artérielle tombait dans la fourchette d'hypertension – chez un pourcentage significativement plus élevé de femmes (30 %) que d'hommes (17 %) (p=0,03; données non présentées). La différence entre les sexes en matière de contrôle de l'hypertension se reflète dans les valeurs de la TAS. La TAS moyenne était significativement plus élevée chez les femmes que chez les hommes (129,9 par rapport à 121,3 mm Hg) (données non présentées), et chez un pourcentage plus élevé de femmes, les valeurs de la TAS étaient égales ou supérieures à 140 mm Hg (figure 1). La répartition de la TAD ne diffère pas entre les sexes (figure 2). La tension différentielle moyenne était significativement plus élevée chez les femmes (60,1 mm Hg) que chez les hommes (51,6 mm Hg); le tracé de la répartition montre une plus grande zone sous la courbe pour les femmes aux valeurs égales ou supérieures à 45 mm Hg (figure 3).

Figure 1 Répartition en pourcentage de la tension artérielle systolique chez les personnes souffrant d'hypertension qui prennent des médicaments antihypertenseurs, population à domicile de 60 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009Figure 1 Répartition en pourcentage de la tension artérielle systolique chez les personnes souffrant d'hypertension qui prennent des médicaments antihypertenseurs, population à domicile de 60 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009

Figure 2 Répartition en pourcentage de la tension artérielle diastolique chez les personnes souffrant d'hypertension qui prennent des médicaments antihypertenseurs, selon le sexe, population à domicile de 60 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009Figure 2 Répartition en pourcentage de la tension artérielle diastolique chez les personnes souffrant d'hypertension qui prennent des médicaments antihypertenseurs, selon le sexe, population à domicile de 60 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009

Figure 3 Répartition en pourcentage de la tension différentielle chez les personnes souffrant d'hypertension qui prennent des médicaments antihypertenseurs, selon le sexe, population à domicile de 60 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009Figure 3 Répartition en pourcentage de la tension différentielle chez les personnes souffrant d'hypertension qui prennent des médicaments antihypertenseurs, selon le sexe, population à domicile de 60 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009

Lorsque les effets de l'âge sont pris en compte, la cote exprimant le risque d'hypertension non contrôlée est deux fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes (tableau 3). Des corrections pour le niveau de scolarité, l'IMC, la comorbidité, le taux de cholestérol, le niveau d'activité physique durant les loisirs et la catégorie de médicaments antihypertenseurs n'ont pas atténué le rapport de cotes. Un modèle supplémentaire utilisant la circonférence de la taille plutôt que l'IMC n'a pas changé les résultats (données non présentées). Chaque catégorie de médicaments antihypertenseurs a été incluse dans un modèle multivarié distinct; ils ont donné des résultats similaires.

Tableau 3 Rapports de cotes reliant le sexe féminin et d'autres caractéristiques à l'hypertension non contrôlée, population à domicile de 60 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009Tableau 3 Rapports de cotes reliant le sexe féminin et d'autres caractéristiques à l'hypertension non contrôlée, population à domicile de 60 à 79 ans, Canada, 2007 à 2009

Discussion

Environ 60 % des Canadiens de 60 à 79 ans souffrent d'hypertension et la plupart d'entre eux sont traités par pharmacothérapie. Même si la probabilité de traitement ne diffère pas de façon significative entre les hommes et les femmes, chez les personnes traitées, l'hypertension – attribuable à une TAS plus élevée – est non contrôlée chez près du tiers des femmes comparativement à un sixième des hommes. Même lorsque les différences en ce qui concerne la catégorie d'antihypertenseurs pris, l'âge, la comorbidité et d'autres facteurs de risque d'hypertension sont prises en compte, la cote exprimant le risque d'hypertension non contrôlée est près de deux fois plus élevée chez les femmes. La constatation d'une TAS et d'une tension différentielle plus élevées chez les femmes faisant de l'hypertension que chez leurs homologues de sexe masculin est en harmonie avec d'autres observations3,25.

Des recherches antérieures ont révélé des concentrations plus élevées de lipides de faible densité (LDL) et de glucose dans le sang chez les femmes souffrant d'hypertension que chez les hommes, facteurs qui étaient également liés à un faible contrôle de l'hypertension25,26. En revanche, l'analyse des données de l'ECMS a révélé des concentrations moyennes de glucose dans le sang presque égales chez les femmes et les hommes souffrant d'hypertension, et un ratio moyen plus faible de cholestérol total au cholestérol HDL (et donc un taux de cholestérol LDL plus faible) chez les femmes faisant de l'hypertension. En outre, une analyse multivariée n'a révélé aucune association entre le contrôle de l'hypertension et le cholestérol, même si l'analyse a été limitée par la petite taille de l'échantillon.

L'association négative observée entre la TAS et la maladie cardiaque est quelque peu paradoxale, puisqu'on s'attendrait à ce que les personnes cardiaques soient plus susceptibles d'avoir une TA élevée. Ce résultat peut refléter le traitement médical plus soigneux prodigué aux personnes souffrant d'une maladie cardiaque.

Les profils de traitement pharmacologique de l'hypertension diffèrent quelque peu entre les hommes et les femmes âgés. La plus faible probabilité chez les hommes de prendre des diurétiques thiazidiques a été signalée ailleurs7,8, et elle peut tenir à des inquiétudes au sujet des effets de ces médicaments sur la fonction érectile27,28. Les recherches laissent supposer que les diurétiques sont particulièrement efficaces pour ce qui est de réduire la TAS, et ils devraient être le médicament à privilégier pour le traitement de l'hypertension20,29. À cet égard, les données de l'ECMS ne fournissent pas de preuve que les hommes reçoivent un traitement préférentiel. Ils ne reçoivent pas non plus un traitement plus agressif; en effet, des pourcentages presque égaux d'hommes et de femmes prennent trois types de médicaments antihypertenseurs ou plus.

La tension différentielle plus élevée chez les femmes que chez les hommes a été observée chez d'autres populations âgées10,30. La différence pourrait être attribuable à des facteurs biologiques liés au sexe; plus particulièrement, des niveaux d'estrogène plus faibles après la ménopause peuvent contribuer à réduire le diamètre de l'aorte, faisant augmenter la tension différentielle.

L'hypertension demeure non contrôlée chez le sixième des hommes et près du tiers des femmes de 60 à 79 ans qui prennent des antihypertenseurs. Toutefois, les comparaisons avec les données des États-Unis montrent que le Canada jouit d'un avantage sur le plan du contrôle de l'hypertension. En 2005, chez un échantillon représentatif d'Américains de 65 à 80 ans recevant un traitement pour l'hypertension, ce problème de santé était non contrôlé chez 37 % des hommes et 47 % des femmes8. Les estimations de la National Health and Nutrition Examination Survey, une enquête représentative de la population menée en 2007-2008, indiquent une hypertension non contrôlée chez plus de 50 % des Américains âgés vivant dans la collectivité qui souffrent d'hypertension31.

Limites

Le taux de réponse à l'ECMS a été d'un peu plus de 50 %, ce qui signifie que, dans près de la moitié des ménages contactés, on n'a pas pu obtenir la participation d'un membre. Même si les poids de l'enquête ont été ajustés pour s'assurer que l'échantillon soit représentatif de la population selon des caractéristiques sociodémographiques, les différences en ce qui concerne l'état de santé (et plus particulièrement la TA) n'ont pas été prises en compte.

Les données sont transversales, de sorte que la relation temporelle entre les caractéristiques individuelles et le contrôle de l'hypertension ne peut être inférée. Plus particulièrement, la différence entre les sexes pour ce qui est de l'hypertension non contrôlée peut être attribuable en partie à un biais d'incidence-prévalence32. L'ECMS mesure la prévalence de l'hypertension, une fonction de l'incidence et de la durée de ce problème de santé. Étant donné qu'être de sexe masculin est un important facteur de risque de mortalité par maladie cardiovasculaire sans égard à l'hypertension33, les hommes dont l'hypertension est non contrôlée sont plus susceptibles de décéder plus tôt que leurs homologues de sexe féminin. Ainsi, la prévalence plus élevée de l'hypertension non contrôlée chez les femmes de 60 à 79 ans peut être attribuable en partie à une plus grande probabilité chez les hommes dont l'hypertension est non contrôlée de décéder par suite d'une cause liée à leur maladie comparativement aux femmes, et à des âges plus jeunes. Par conséquent, à 60 ans, la prévalence plus élevée de l'hypertension non contrôlée chez les femmes tient peut-être en partie au fait que, comparativement aux hommes, elles ont de meilleures chances de survie à cette maladie à des âges plus jeunes.

La validité de l'information fondée sur les données autodéclarées (niveau de scolarité, revenu, état matrimonial, activité physique, prévalence de la maladie, consommation de tabac) est inconnue.

Un petit pourcentage de participants dont on a déterminé qu'ils faisaient de l'hypertension d'après leur utilisation de médicaments ont peut-être été classés incorrectement, puisque des antihypertenseurs peuvent à l'occasion être prescrits pour d'autres problèmes de santé. Cependant, chez les utilisateurs actuels des médicaments classés comme agents antihypertenseurs (selon le DIN), des pourcentages égaux d'hommes (13,6 %) et de femmes (13,7 %) ont déclaré qu'ils ne prenaient pas de médicaments contre « l'hypertension ». Par conséquent, cette source éventuelle d'erreur de classification n'a probablement pas contribué aux différences observées entre les sexes en matière de contrôle de la TA.

L'ECMS ne fournit pas de renseignements sur certaines caractéristiques potentiellement pertinentes, y compris le respect du régime médicamenteux et la consommation quotidienne de sodium.

La petite taille de l'échantillon a empêché d'examiner certains antihypertenseurs ou certaines combinaisons de ceux-ci en rapport avec l'hypertension. En outre, dans certains cas, l'absence de signification statistique est peut-être attribuable à la petite taille de l'échantillon.

Conclusion

La présente analyse laisse supposer que la probabilité plus élevée de contrôle de l'hypertension chez les hommes âgés que chez les femmes âgées ne s'explique pas par les différences en matière d'âge, de comorbidité, de type de médicaments antihypertenseurs pris, d'IMC ou de caractéristiques sociodémographiques. Étant donné la prévalence généralisée de l'hypertension chez les Canadiens âgés et son importance comme facteur de risque de maladie cardiovasculaire et d'accident vasculaire cérébral, comprendre les facteurs liés au contrôle de l'hypertension selon le sexe demeure un enjeu important. Les futurs cycles de l'ECMS permettront de continuer d'examiner les facteurs qui sous-tendent les différences entre les hommes et les femmes âgés en matière de contrôle de l'hypertension.