Rapports sur la santé
Hospitalisation en soins de courte durée des réfugiés au Canada : données couplées pour les immigrants de la Pologne, du Vietnam et du Moyen-Orient

Warning Consulter la version la plus récente.

Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

par Edward Ng, Claudia Sanmartin et Douglas G. Manuel

Date de diffusion : le 21 décembre 2016

On dispose de relativement peu de renseignements à l’échelon national sur la santé des réfugiés au CanadaNote 1Note 2. Selon les données de l’Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, les réfugiés sont plus susceptibles de présenter des problèmes de santé que les immigrants d’autres catégoriesNote 3Note 4. Parmi les explications possibles figurent les épreuves associées à la nature involontaire de leur migration et les difficultés d’obtenir du soutien et des soins de santé après leur migrationNote 5.

Les efforts de surveillance de la santé des réfugiés se concentrent souvent sur les maladies infectieusesNote 6Note 7 et la santé mentaleNote 8Note 9. Cependant, un examen récent des recherches sur la santé des réfugiés a relevé des lacunes dans les données relatives aux problèmes de santé chroniques, particulièrement les maladies cardiovasculairesNote 10. Sur le plan international, on porte désormais l’accent sur les maladies non transmissibles et les problèmes de santé chroniques chez les réfugiésNote 11Note 12 dans les lieux transitoires d’asileNote 13 et dans le pays d’établissementNote 14Note 15. Des recherches provinciales effectuées au Canada ont relevé un risque plus élevé de maladies chroniques chez les réfugiés que chez d’autres immigrants ou résidents établis (population née au Canada et immigrants de longue date), mais des comparaisons avec la population totale née au Canada existent uniquement dans des études sur la mortalitéNote 16Note 17Note 18. De plus, aucun examen quantitatif de la santé des réfugiés, par rapport aux immigrants d’autres catégories originaires de la même région, n’a été effectué.

Au cours des années, le Canada a connu plusieurs « vagues » de réfugiésNote 19. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, environ 60 000 personnes sont arrivées du Vietnam en tant que réfugiés. Les années 1980 ont été marquées par un afflux de réfugiés de la Pologne, du fait de la crise politique et économique dans ce paysNote 20Note 21. Ces dernières années, des réfugiés d’Afghanistan, d’Iran, d’Irak et de Syrie ont été accueillisNote 22.

Parce que la politique d’immigration du Canada relativement aux réfugiés vise à trouver un équilibre entre les préoccupations humanitaires et la nécessité de protéger la santé de la population générale, il est important de comprendre la santé des réfugiés et leurs besoins en matière de santé. Un examen des tendances de l’hospitalisation parmi les réfugiés des régions d’origine de ces « vagues » d’immigration permet d’obtenir de l’information sur leur établissement. Cette démarche est particulièrement pertinente du fait de l’arrivée de réfugiés du Moyen-Orient, surtout de la Syrie, depuis 2011.

La présente étude se fonde sur les données du Fichier d’établissement des immigrants et du Recensement de la population de 2006 couplées à la Base de données sur les congés des patients, afin de comparer les taux d’hospitalisation normalisés selon l’âge des réfugiés à ceux des autres immigrants et de la population née au Canada. En comparant les réfugiés avec les immigrants d’autres catégories originaires de la même région, il est possible de tenir compte des variations d’états de santé propres à une région.

Données et méthodes

Couplage des données

Le Fichier d’établissement des immigrants (FEI), une base de données nationale qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (anciennement Citoyenneté et Immigration Canada) fournit à Statistique Canada chaque année, dénombre les immigrants entrés au Canada depuis 1980. Il renferme notamment des données sur la date d’entrée, le pays d’origine et la catégorie d’immigrationNote 23. Les enregistrements annuels de 1980 à 2006 ont été utilisés pour les besoins de la présente analyse.

La Base de données sur les congés des patients (BDCP), que l’Institut canadien d’information sur la santé fournit à Statistique CanadaNote 24, dénombre les congés obtenus des hôpitaux publics du Canada (le Québec non compris). Cette base de données contient des données démographiques, administratives et cliniques provenant d’environ 3 millions d’enregistrements hospitaliers par an (pour l’année financière du 1er avril au 31 mars). Les congés enregistrés pendant la période de 2006-2007 à 2008-2009 ont été utilisés aux fins d’analyse.

Le couplage du FEI et de la BDCP a été réalisé au moyen d’un appariement déterministe exact, le fichier du Recensement de la population de 2006 ayant servi de « pont ». Ce couplage a été possible, car le FEI et la BDCP (2006-2007 à 2008-2009) avaient fait l’objet auparavant d’un couplage avec le Recensement de 2006 dans le cadre de deux projets antérieursNote 25Note 26. Une validation a permis de conclure que le fichier couplé était représentatif des immigrants arrivés au Canada entre 1980 et 2006 ainsi que de leurs expériences d’hospitalisationNote 27.

Les enregistrements de quelque 4,6 millions de répondants ayant rempli le questionnaire détaillé du Recensement de 2006 (à l’exception des résidents du Québec) ont été couplés à la BDCP pour les trois années de 2006-2007 à 2008-2009, en fonction de la date de naissance, du sexe et du code postal résidentiel (le questionnaire détaillé du recensement est rempli par environ 20 % des ménages canadiens).

Le Conseil exécutif de gestion de Statistique Canada a approuvé ces deux couplagesNote 28. L’utilisation des données couplées est régie par la Directive sur le couplage d’enregistrementsNote 29.

Statistique Canada assure la protection des renseignements personnels des répondants durant le couplage et lors de l’utilisation ultérieure des fichiers couplés. Seuls les employés qui interviennent directement dans le processus ont accès aux données d’identification uniques nécessaires au couplage (comme le nom et le sexe). Toutefois, ces employés n’ont pas accès aux renseignements relatifs à la santé. Une fois le couplage de données terminé, un fichier d’analyse est créé, dans lequel les données d’identification sont supprimées. Les analystes utilisent ensuite le fichier anonymisé aux fins de validation et d’analyse.

Deux cohortes d’étude ont été créées, représentant les personnes de 30 ans et plus, par suite du couplage entre le FEI et la BDCP (n = 1 918 300) et du couplage entre le recensement et la BDCP (n = 2 012 300). Les cohortes FEIBDCP et recensement–BDCP ont servi à calculer les taux d’hospitalisation des immigrants, respectivement par catégorie d’immigration et pour la population née au Canada.

Réfugiés

Les catégories d’immigration examinées sont la catégorie économique, le regroupement familial et les réfugiésNote 30 ainsi que les personnes à leur charge.

Le système canadien d’octroi de l’asile comporte deux principaux programmes : le Programme de réinstallation des réfugiés et des personnes protégées à titre humanitaire, à l’intention des personnes qui se trouvent à l’étranger et demandent une protection, et le Programme d’octroi de l’asile au Canada, pour les personnes qui présentent une demande d’asile depuis le Canada. Aux fins de l’analyse, les réfugiés effectuant une demande de l’extérieur du Canada ont été divisés en deux catégories, à savoir les réfugiés parrainés par le gouvernement fédéral et les réfugiés parrainés par le secteur privé. Les personnes qui ont demandé l’asile après leur arrivée au Canada et dont la demande a été acceptée ont été classées dans la catégorie des réfugiés admis au Canada. En 2013, le Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas (RDBV) a été lancé pour jumeler les réfugiés parrainés par le secteur privé au Canada avec les réfugiés désignés en vue de la réinstallation par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. La catégorie RDBV ne s’applique pas à la présente analyse.

Les répercussions de l’immigration sur la santé ont toujours été une préoccupation, particulièrement pour ce qui est d’empêcher la propagation de maladies infectieuses. La Loi sur l’immigration de 1976 a servi de base à un ensemble modernisé de politiques, fondé sur l’absence de toute discrimination et la collaboration intersectorielle, notamment dans le domaine de la santéNote 30. La Loi exigeait que tous les ressortissants étrangers (immigrants et réfugiés) soient examinés pour des raisons de santé et de sécurité publiques. L’entrée au Canada dépendait du résultat obtenu à l’égard du critère du « fardeau excessif », c’est-à-dire qu’ils ne devaient vraisemblablement pas risquer d’entraîner un fardeau excessif sur les services de santé canadiens.

Cette clause de « fardeau excessif » a été réaffirmée dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés de 2002Note 31. La notion de « fardeau excessif » est définie dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR), comme suit :

  1. toute charge pour les services sociaux ou les services de santé dont le coût prévisible dépasse la moyenne, par habitant au Canada, des dépenses pour les services de santé et pour les services sociaux sur une période de cinq années consécutives suivant la plus récente visite médicale exigée par le RIPR ou, s’il y a lieu de croire que des dépenses importantes devront probablement être faites après cette période, sur une période d’au plus dix années consécutives;
  2. toute charge pour les services sociaux ou les services de santé qui viendrait allonger les listes d’attente actuelles et qui augmenterait le taux de mortalité et de morbidité au Canada vu l’impossibilité d’offrir en temps voulu ces services aux citoyens canadiens ou aux résidents permanents.

Cependant, l’étranger est soustrait à l’application du motif du « fardeau excessif » s’il :

  1. appartient à la catégorie du regroupement familial (conjoint, partenaire en union libre ou enfant d’un répondant demandant la résidence permanente);
  2. a demandé la résidence permanente à titre de réfugié au sens de la Convention ou une personne dans une situation semblable;
  3. est une personne protégée.

Par conséquent, depuis 2002, il est possible que les réfugiés et certains immigrants appartenant à la catégorie du regroupement familial ne se voient pas interdire l’entrée au Canada pour le motif de fardeau excessif.

Bien que présentant des renseignements sur tous les réfugiés, la présente étude met l’accent sur les réfugiés en provenance de la Pologne, du Vietnam et du Moyen-Orient. La Pologne et le Vietnam ont été sélectionnés, car il s’agit des principaux pays d’origine des réfugiés compris dans l’ensemble de données fondé sur la cohorte FEIBDCP (suivis par le Sri Lanka, la Bosnie, le Salvador, l’Afghanistan, l’Iran et l’Irak). En raison du nombre croissant de réfugiés qui arrivent du Moyen-Orient et de l’Asie occidentale, les réfugiés d’Afghanistan, d’Iran, d’Irak et de Syrie ont été combinés (Moyen-Orient). L’inclusion des quelques réfugiés de Syrie figurant dans l’ensemble de données reflète la nécessité de comprendre les répercussions potentielles de l’afflux récent de réfugiés syriens, lorsque ces données seront disponibles.

Les années d’admission ont été divisées en deux catégories, à savoir 1991 et années antérieures, et 1992 et années ultérieures, selon la date d’admission la plus proche du point médian de la base de données. Trois groupes d’âge ont été définis : 30 à 44 ans; 45 à 59 ans; 60 ans et plus.

Méthodes statistiques

Des statistiques descriptives ont été utilisées afin d’établir le profil des populations d’immigrants et de réfugiés faisant partie de la cohorte FEIBDCP, dans l’ensemble puis pour les ressortissants de la Pologne, du Vietnam et du Moyen-Orient. Les données correspondantes pour la population née au Canada proviennent de la cohorte recensement–BDCP.

Le principal résultat avait trait aux congés accordés aux patients hospitalisés en soins de courte durée entre le 1er avril 2006 et le 31 mars 2009. Les taux d’hospitalisation normalisés selon l’âge (THNA) ont été annualisés et calculés pour toutes les causes confondues (à l’exception de la grossesse), ainsi que pour les trois causes principales, en fonction du diagnostic principal, conformément à la version 10 de la Classification internationale des maladiesNote 32. Les trois causes principales d’hospitalisation étaient les maladies de l’appareil circulatoire (codes I00 à I93 de la CIM-10), les maladies de l’appareil digestif (K00 à K93 de la CIM-10) et le cancer (C00 à D48 de la CIM-10). La population née au Canada a servi de population de référence pour les comparaisons générales. Les immigrants de la catégorie de l’immigration économique représentaient la population de référence pour les analyses propres à la région. La normalisation des taux selon l’âge était fondée sur la structure par âge de la population canadienne. Les écarts de THNA ont fait l’objet d’essais à l’aide d’une transformation logarithmique, ce qui a permis d’ajuster les résultats pour tenir compte d’événements raresNote 33.

Résultats

Description des cohortes

Par rapport aux personnes de 30 ans et plus nées au Canada, les immigrants de la cohorte FEIBDCP, particulièrement les réfugiés, étaient relativement jeunes (tableau 1). Le quart environ (27 %) des personnes nées au Canada étaient âgées de 60 ans et plus, par rapport à 15 % des immigrants dans leur ensemble et 8 % des réfugiés.

Les hommes représentaient moins de la moitié de la population née au Canada (48 %) et de celle des immigrants de la cohorte FEIBDCP (47 %), comparativement à 56 % des réfugiés.

Près des deux tiers (63 %) des immigrants de la cohorte FEIBDCP sont arrivés après 1991. Les immigrants de la catégorie du regroupement familial représentaient 45 % de l’ensemble des immigrants de cette cohorte, ceux de la catégorie économique, 36 %, et ceux de la catégorie des réfugiés, 14 %. Parmi les réfugiés, 41 % étaient parrainés par le gouvernement, 31 % étaient parrainés par le secteur privé et 25 % avaient présenté leur demande de statut de réfugié au Canada. Ensemble, les ressortissants de la Pologne, du Vietnam et du Moyen-Orient représentaient 41 % des réfugiés, mais 12 % des immigrants de la cohorte FEIBDCP dans leur ensemble.

Reflétant les vagues de réfugiés de la fin des années 1970 et du début des années 1980, plus de 90 % des réfugiés provenant de la Pologne et du Vietnam étaient arrivés au Canada avant 1992, contre 32 % de ceux en provenance du Moyen-Orient (tableau 2).

Plus de la moitié (57 %) des réfugiés vietnamiens étaient parrainés par le gouvernement, par rapport à 30 % des réfugiés polonais et 47 % des réfugiés arrivés du Moyen-Orient. Le pourcentage de réfugiés ayant demandé le statut de réfugié après être arrivés au Canada a été notable uniquement dans le cas des ressortissants du Moyen-Orient, soit 22 %.

Taux d’hospitalisation normalisés selon l’âge

Les immigrants étaient bien moins susceptibles d’être hospitalisés que les personnes nées au Canada au cours de la période de 2006-2007 à 2008-2009. Le taux d’hospitalisation normalisé selon l’âge (THNA) de l’ensemble des immigrants de la cohorte FEIBDCP était de 470 pour 10 000 personnes; selon la catégorie d’immigration, les taux correspondants étaient de 389 pour les immigrants de la catégorie économique, 494 pour ceux de la catégorie des réfugiés, et 508 pour ceux de la catégorie du regroupement familial (tableau 3). Chacun de ces taux est bien inférieur à celui observé pour la population née au Canada (891).

Les réfugiés avaient tendance à afficher des THNA supérieurs à ceux des immigrants de la catégorie de l’immigration économique, particulièrement pour ce qui est des maladies des appareils circulatoire et digestif. Les THNA des réfugiés parrainés par le gouvernement ou par le secteur privé étaient similaires, mais ceux des réfugiés ayant fait leur demande au Canada étaient souvent supérieurs, notamment pour les maladies de l’appareil circulatoire (tableau A en annexe).

Parmi les réfugiés des trois régions visées par l’analyse, ceux du Vietnam présentaient les THNA toutes causes confondues les plus faibles (386). Les taux étaient plus élevés pour les réfugiés de la Pologne (488) et du Moyen-Orient (510) (tableau 3). Les faibles THNA toutes causes confondues des réfugiés vietnamiens sont largement attribuables à leurs faibles THNA pour les maladies de l’appareil circulatoire (56) par rapport aux réfugiés de la Pologne (107) et du Moyen-Orient (109).

Les réfugiés du Vietnam et du Moyen-Orient affichaient des THNA toutes causes confondues plus élevés que les immigrants de la catégorie économique provenant des mêmes régions. Il en allait ainsi pour les maladies de l’appareil circulatoire (pour le Vietnam et le Moyen-Orient) et pour celles de l’appareil digestif (Moyen-Orient uniquement) (tableau 4). En revanche, les THNA des réfugiés polonais étaient similaires à ceux de leurs homologues de la catégorie économique.

Les différences de THNA chez les réfugiés étaient plus grandes entre les régions d’origine qu’entre les sous-catégories de réfugiés provenant d’une même région (tableau B en annexe). Les THNA toutes causes confondues des réfugiés parrainés par le gouvernement, par exemple, étaient de 363 pour les réfugiés du Vietnam et de 609 pour ceux du Moyen-Orient. Parmi les réfugiés du Vietnam, ceux parrainés par le gouvernement et ceux parrainés par le secteur privé présentaient des THNA relativement similaires, soit 363 par rapport à 390.

Parmi les réfugiés du Moyen-Orient, le THNA propre aux maladies de l’appareil circulatoire chez les réfugiés parrainés par le gouvernement (142) était le seul taux qui n’était pas significativement inférieur au taux correspondant pour la population née au Canada (158).

Discussion

Il s’agit de la première étude nationale basée sur la population qui porte une attention particulière aux réfugiés et compare leurs taux d’hospitalisation pour les principales régions d’origine. L’analyse est fondée sur les données issues des couplages du FEI avec la BDCP et du recensement avec la BDCP, auxquelles il n’est pas facile d’avoir accès.

Les taux d’hospitalisation des immigrants se sont avérés généralement inférieurs à ceux de la population née au Canada, dans l’ensemble et pour les principales causes, ainsi que pour les régions d’origine des réfugiés sélectionnées.

Ces faibles taux d’hospitalisation corroborent l’hypothèse de l’« effet de l’immigrant en santé », selon laquelle les immigrants, particulièrement ceux arrivés récemment, ont tendance à être en meilleure santé que la population née localement. Cela pourrait être dû à une autosélection ainsi qu’à un dépistage médical favorisant les personnes en bonne santé, par suite duquel les demandeurs jugés non admissibles sur le plan médical auraient systématiquement été exclus, à tout le moins jusqu’à la promulgation de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés de 2002Note 1Note 34. De récentes études suggèrent, cependant, que l’« effet de l’immigrant en santé » cache une hétérogénéité considérable attribuable aux facteurs comme le lieu de naissanceNote 35Note 36 et les circonstances du départ du pays d’origineNote 37. Selon la présente étude, les réfugiés affichaient généralement des taux d’hospitalisation supérieurs à ceux des immigrants de la catégorie de l’immigration économiqueNote 38.

Une recherche précédente basée sur les données couplées du FEI a révélé que le risque global de mortalité des réfugiés était supérieur à celui des autres immigrants, mais inférieur à celui de la population née au Canada (sauf dans le cas de certaines maladies, telles que les maladies infectieuses et parasitaires, le cancer du foie et le VIH/SIDA)Note 18. Une étude pilote fondée sur les données issues du couplage du FEI avec les données administratives de la santé de Colombie-Britannique et du Manitoba a révélé que les immigrants des catégories du regroupement familial et des réfugiés avaient tendance à présenter des taux d’hospitalisation supérieurs à ceux d’autres immigrants, mais pas toujours supérieurs à ceux d’autres résidents de la provinceNote 16.

Les résultats de la présente étude corroborent une analyse de 2016 ayant conclu que les réfugiés arrivés de la Syrie récemment étaient en relativement bonne santé et ne posaient aucun risque de santé immédiat pour le paysNote 38. Cependant, cette analyse-là reposait sur des données autodéclarées, qui sont susceptibles de sous-représenter les cas de mauvaise santé. De plus, les auteurs de cette analyse ont avancé que ces réfugiés développeront vraisemblablement des problèmes de santé chroniques au fil du temps.

Les résultats du couplage du FEI et de la BDCP permettent de mieux comprendre de potentielles tendances en matière de maladies chroniques, notamment chez les réfugiés du Moyen-Orient, dont les THNA propres aux maladies de l’appareil circulatoire étaient relativement élevés. Selon les résultats de recherches antérieures, les immigrants d’Afghanistan et d’Irak établis en Ontario affichaient des taux d’hospitalisation par suite d’un événement cardiovasculaire important relativement élevésNote 39. La présente étude a par ailleurs trouvé que les THNA des réfugiés du Moyen-Orient sont comparables à ceux observés pour la population née au Canada. Ces réfugiés étant plus jeunes comparativement aux Canadiens de naissance, ils font de bons candidats pour profiter des initiatives de prévention de la maladie.

Limites

Puisque la BDCP ne renferme pas de données sur le Québec, les immigrants y résidant, qui représentent environ 17 % de l’ensemble des immigrants de la cohorte FEIBDCP, ont été exclus de l’étude. De plus, seuls ont fait l’objet d’un couplage les congés de patients se rapportant à trois années financières. Par conséquent, il n’a pas été possible d’examiner les tendances par catégorie d’immigration et par cohorte.

L’analyse porte sur l’utilisation des services hospitaliers, qui constitue un indicateur imparfait de l’état de santé. L’utilisation accrue d’autres services de santé (p. ex. soins primaires) par les réfugiés explique peut-être en partie leurs faibles taux d’hospitalisation. À titre d’exemple, une étude effectuée en Ontario a déterminé que les réfugiés de date récente sont plus susceptibles que les résidents de longue date d’avoir recours à des soins primaires de santé mentaleNote 40.

Les immigrants et les réfugiés vietnamiens affichaient des taux d’hospitalisation relativement faibles par rapport aux immigrants polonais et du Moyen-Orient. Cependant, des effets de cohorte, tenant à la période et à l’âge notamment, pourraient avoir compromis la fiabilité des résultats des comparaisons entre groupes de réfugiés. La plupart des réfugiés vietnamiens et polonais sont au Canada depuis des dizaines d’années. Les données hospitalières portent sur la période de 2006-2007 à 2008-2009 et des différences de niveau d’adaptation pourraient influer sur les taux d’utilisation des services hospitaliers. On s’attendrait à ce que les changements touchant le système de soins de santé et la situation quant à l’accès aux fournisseurs de soins primaires, ainsi que le taux de prévalence à la hausse de l’obésité, affectent les groupes d’immigrants selon leur période d’arrivée. Les modifications aux politiques pourraient également jouer un rôle important. Les taux d’hospitalisation supérieurs parmi les immigrants du Moyen-Orient pourraient en partie être liés à l’adoption de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés de 2002, laquelle a permis aux personnes présentant des problèmes de santé auparavant inadmissibles d’entrer au Canada. Ces facteurs limitent les comparaisons, même lorsque l’âge est pris en compte.

Le flux constant de personnes entrant au Canada et en sortant rend toute étude de la migration difficile. Les immigrants sont plus susceptibles que les personnes nées au Canada d’émigrer, ce qui peut introduire un biais dans les estimations. Cela est particulièrement vrai dans le cas des immigrants de la catégorie de l’immigration économique, mais moins dans le cas des réfugiésNote 41. Cela étant dit, aux fins de couplage du FEI avec la BDCP, le fichier du Recensement de la population de 2006 a servi de pont. Ainsi, les immigrants devaient se trouver au Canada le jour du Recensement de 2006. Autrement dit, les personnes qui n’étaient plus au pays le jour du recensement n’auraient pas été incluses dans l’analyse et donc tout biais vers le bas en aurait été atténué.

Mot de la fin

Grâce aux données issues du couplage du FEI avec la BDCP, il est possible de viser des catégories d’immigration et des régions d’origine précises. Au fur et à mesure que le Canada poursuivra son rôle d’acteur humanitaire et étant donné l’arrivée de vagues de réfugiés du Moyen-Orient plus récemment, la question des résultats en matière de santé chez les immigrants demeure un sujet d’intérêt. Les données du FEI et de la BDCP couplées couvrent la période de 1980 à 2008. Le couplage des données sur les réfugiés arrivés plus récemment avec les données hospitalières permettra d’obtenir un tableau plus complet de la santé des réfugiés et de leur utilisation des services de soins de santé. Étant donné le caractère unique de l’expérience de chaque vague de réfugiés, les résultats de la présente étude ne sont pas généralisables aux populations actuelles et futures de réfugiés. On pourra toutefois avoir recours à la même approche pour évaluer leur état de santé et leur utilisation des services de santé.

Références
Date de modification :