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Quatre-vingt-dix ans de changements dans l'espérance de vie

Statistique Canada, no 82-624-X
par Yves Decady et Lawson Greenberg

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Début de l'encadré

Faits saillants

  • En 2011, les Canadiens vivaient en moyenne 81,7 ans. Il s'agit d'une augmentation de 24,6 ans depuis 1921.
  • Près de la moitié de l'augmentation de l'espérance de vie s'est produite au cours de la période de 1921 à 1951, en raison surtout de la réduction de la mortalité infantile.
  • La baisse des décès attribuables aux maladies de l'appareil circulatoire est à l'origine de la majeure partie de la hausse de l'espérance de vie depuis 1951.

Fin de l'encadré

Il est courant de lire des articles indiquant que les habitants des pays développés vivent plus longtemps, et que de plus en plus de Canadiens atteignent l'âge de 90 ans ou même de 100 ansNote 1. En fait, le groupe des centenaires arrive au deuxième rang au chapitre de la croissance selon les résultats du Recensement de 2011Note 2.

L'espérance de vie est une estimation du nombre moyen d'années restantes de vie à la naissance ou à d'autres âges, selon les taux de décès calculés pour une période donnée. Étant donné qu'il s'agit d'une moyenne, certaines personnes vivront plus longtemps et certaines n'atteindront pas l'espérance de vie estimée. Par ailleurs, une personne peut vivre plus longtemps que son espérance de vie si elle profite des progrès futurs qui auront pour effet de prolonger la vie.

Historiquement, l'espérance de vie des hommes était plus faible que celle des femmes. Même si cet écart entre les sexes était faible en 1921 (1,8 an), depuis, il a atteint un sommet de 7,4 ans en 1975-1977 et s'est réduit pour s'établir à 4,3 ans en 2010-2012Note 3. Par ailleurs, au cours d'une partie de cette période, 1920 à 1922 jusqu'à 1980 à 1982, l'espérance de vie à l'âge d'un an était plus élevée que l'espérance de vie à la naissance, en raison principalement du taux élevé de mortalité infantileNote 4.

En 2011Note 5, l'espérance de vie à la naissance au Canada était de 81,7 ans. De 1921 à 2011, l'espérance de vie à la naissance est passée de 57,1 ans à 81,7 ans, ce qui représente une hausse de 24,6 ans.

Même si une hausse de 24,6 ans dans l'ensemble peut sembler importante, l'espérance de vie affiche une augmentation plus faible au cours de la même période lorsqu'elle est calculée pour les groupes plus âgés. Par exemple, en 1921, l'espérance de vie à l'âge de 55 ans était de 20 ans. Autrement dit, en moyenne, les personnes de 55 ans pouvaient s'attendre à vivre jusqu'à l'âge de 75 ans. Aujourd'hui, une personne de 55 ans peut s'attendre à vivre encore 29 ans (jusqu'à 84 ans), soit une augmentation de neuf ans par rapport aux 90 dernières années.

On constate un résultat semblable chez les personnes de 90 ans. En 1921, l'espérance de vie à l'âge de 90 ans était de 3,4 ans. En 2011, une personne de 90 ans pouvait s'attendre à vivre encore 5,3 années, soit une hausse de 1,9 an au cours de la période de référence de 90 ans (graphique 1).

Graphique 1 Nombre total d'années de vie espérées à la naissance et à l'âge de 90 ans, 1921 à 2011

Description du graphique 1

L'analyse qui précède soulève une question fréquemment posée: si l'espérance de vie à la naissance en 1921 était de 57,1 ans, comment se fait-il que la même année, une personne de 55 ans pouvait s'attendre à vivre encore 20 ans, ou une personne de 90 ans, encore 3,4 ans?

Au moins deux raisons justifient ce résultat. Tout d'abord, l'espérance de vie est calculée comme une moyenne qui tient compte des décès à tous les âges dans la population. Cela reflète le fait que certaines personnes vivent plus longtemps alors que d'autres n'atteignent pas l'espérance de vie estimée. En deuxième lieu, le calcul de l'espérance de vie à un âge donné nécessite de survivre jusqu'à cet âge, les risques antérieurs de décès étant surmontés.

Le présent article porte sur les tendances et la fréquence des décès selon l'âge et la cause dans la population. Le principal objectif est d'expliquer comment et pourquoi l'espérance de vie a changé au cours d'une période de 90 ansNote 6. Même si l'article est surtout axé sur la mortalité, il conclut par un bref examen de la façon dont le fait de vivre plus longtemps peut être lié à une détérioration de la santé dans les dernières années de vie. Les principales sources des données sont la Base canadienne de données de l'état civil – Décès  et la Base canadienne de données sur la mortalité.

Début de l'encadré

La Base canadienne de données de l'état civil – Décès (BCDEC : D) permet de recueillir annuellement auprès de tous les bureaux provinciaux et territoriaux de l'état civil des renseignements démographiques et sur la cause de décès pour tous les décès au Canada. Les renseignements sur la cause de décès compris dans cette base de données remontent à 1926. Afin d'en améliorer l'utilisation, les données ont été uniformisées en date de 1974Note 7.

La Base canadienne de données sur la mortalité (BCDM) repose sur la Base canadienne de données de l'état civil – Décès (BCDEC : D). La BCDM a la possibilité d'inclure d'autres enregistrements de décès ainsi que des mises à jour de données effectuées après la publication officielle des statistiques de l'état civil. Les renseignements compris sur la cause de décès de cette base de données remontent à 1950Note 8.

Fin de l'encadré

Tendances de la mortalité selon l'âge

L'une des façons de mieux comprendre les changements dans l'espérance de vie au fil du temps est d'examiner les tendances dans la distribution de l'âge au moment du décès dans la population. Le graphique 2 montre cela en comparant le pourcentage de décès selon l'âge, pour trois périodes différentes : 1921, 1966  (point intermédiaire) et 2011.

Graphique 2 Pourcentage de décès selon l'âge, 1921,1966 et 2011

Description du graphique 2

L'examen du graphique 2 permet de tirer plusieurs observations importantes. Tout d'abord, en 1921, la proportion la plus élevée de décès est survenue au cours de la première année de vie. Cela contraste nettement  avec les proportions beaucoup plus faibles de décès d'enfants de moins d'un an  notés en 1966 et en 2011.

En deuxième lieu, en 1921, la plupart des décès ont eu lieu sur une plus large fourchette d'années (55 à 79 ans), comparativement aux décès survenus en 2011 qui étaient davantage concentrés dans une fourchette plus étroite d'âges (75 à 89 ans). Cela est attribuable à une augmentation des décès dans les groupes plus âgés et au moins grand nombre de décès dans les groupes plus jeunes. Par ailleurs, l'âge le plus courant au moment du décès en 1921 (en excluant les décès d'enfants de moins d'un an) était 70 ans et, en 2011, il s'établissait à 85 ans, une augmentation de 15 ans. Enfin, les sommets des répartitions figurant dans le graphique 2 deviennent de plus en plus accentués au fil du temps, ce qui donne à penser que la survie à un âge plus avancé peut tendre vers une limite naturelleNote 9.

Changements dans l'espérance de vie selon l'âge

Lorsque l'on divise les 90 dernières années en périodes de 30 ans, on note un ralentissement dans le nombre d'années gagnées en espérance de vie (graphique 3) pour l'ensemble de la population. L'augmentation la plus importante de l'espérance de vie à la naissance (11,3 ans) a eu lieu entre 1921 et 1951. En comparaison, on constate une hausse de 7,1 ans entre 1951 et 1981, et de 6,2 ans entre 1981 et 2011.

La majeure partie de l'augmentation de l'espérance de vie au cours des 90 dernières années est attribuable à une baisse de ce qu'on appelle fréquemment « décès prématuré », c'est-à-dire le décès de personnes de moins de 75 ans.

Graphique 3 Nombre d'années gagnées en espérance de vie à la naissance pour certains groupes d'âge, Canada, 1921-1951, 1951-1981, et 1981-2011

Description du graphique 3

Lorsque l'on examine les gains  selon le groupe d'âge pour chaque période (graphique 3), on voit que la diminution des décès de bébés et d'enfants ayant été enregistrés entre 1921 et 1951 a contribué le plus à l'augmentation de l'espérance de vie à la naissanceNote 10. Autrement dit, au cours de la période de 1921 à 1951, 6,7 des 11,3 années gagnées étaient attribuables à l'amélioration dans les taux de mortalité infantile (bébés de moins d'un an) et des taux de mortalité chez les enfants  de 1 à 4 ans. De 1951 à 1981, une baisse plus marquée de la mortalité chez les bébés  et les enfants âgés de 1 à 4 ans a été à l'origine de 2,7 des 7,1 années gagnées. Au cours de la dernière période (1981-2011), cette contribution s'est chiffrée à 0,5 an (6 mois) sur les 6,2 années additionnelles.

La deuxième contribution en importance à l'augmentation de l'espérance de vie est la réduction des décès chez les personnes de 5 à 74 ans (graphique 3). Entre 1921 et 1951, la diminution des décès chez les personnes de 5 à 74 ans a contribué à la hausse restante de l'espérance de vie, c'est-à-dire 4,5 sur 11,3 ans. De 1951 à 1981, la baisse des décès chez les personnes de 5 à 74 ans a contribué à environ la moitié de l'augmentation de l'espérance de vie et, au cours de la période allant de 1981 à 2011, à la majorité (deux tiers) de la hausse (4,2 sur 6,2 ans).

De 1921 à 1950, plusieurs progrès majeurs ont été réalisés dans le domaine de la santé publique. Les deux exemples dignes de mention sont la vaccination des enfants contre les maladies infectieuses et les découvertes scientifiques qui changent la vie des gens à tout jamais, comme la pénicilline et l'insulineNote 11. Parmi les autres progrès majeurs ayant des répercussions importantes sur la santé de la population pour la deuxième moitié du siècle et jusqu'à aujourd'hui figuraient de nouvelles approches en ce qui a trait à la promotion de la santé, la prévention des maladies, l'action communautaire et l'utilisation des dispositions législatives, ainsi que l'avènement de vastes programmes sociauxNote 12.

Au cours des 90 dernières années, l'espérance de vie n'a pas beaucoup augmenté chez les personnes de 75 ans et plus.

Changements dans l'espérance de vie selon la cause de décès

Le fait d'étudier les changements dans les principales causes de décès au cours des 60 dernières années contribue à expliquer davantage les changements dans l'espérance de vieNote 13. La réduction du nombre de décès attribuables aux maladies de l'appareil circulatoire, comme les maladies du cœur, a contribué le plus à l'augmentation de l'espérance de vie (graphique 4).

De 1951 à 1981, la baisse du nombre de décès attribuables aux maladies infectieuses et parasitaires, ainsi qu'aux maladies respiratoires, a été le deuxième facteur en importance de l'augmentation du nombre d'années d'espérance de vie, tandis que la survie au cancer n'a pas joué de rôle dans l'amélioration de l'espérance de vie. Toutefois, de 1981 à 2011, la survie plus longue au cancer a contribué à une hausse de 0,8 an (environ 10 mois) de l'espérance de vie de la population. 

Graphique 4 Années gagnées en espérance de vie à la naissance en raison de la baisse du nombre de décès attribuables à certaines causes, Canada, 1951 à 1981 et 1981 à 2011

Description du graphique 4

Des gains ont également été enregistrés au chapitre de l'espérance de vie en raison de la réduction du nombre de décès attribuables aux accidents et à la violence survenus de 1981 à 2011, soit 0,8 an (par rapport à 0,2 an au cours de la période de 1951 à 1981). Le recul du nombre d'accidents a été favorisé par les diverses campagnes de sensibilisation à la santé et par les dispositions législatives visant à prévenir les blessures, comme le port obligatoire de la ceinture de sécurité, qui a contribué à la diminution des décès sur la routeNote 14.

Une légère hausse des décès attribuables aux maladies infectieuses et parasitaires entre 1981 et 2011 a contribué à une diminution de 0,1 an (environ un mois) de l'espérance de vie. Les maladies infectieuses continuent de poser un défi, par suite de la résurgence de maladies contrôlées précédemment et de l'avènement de nouvelles infectionsNote 15.

Durée de vie plus longue et qualité de vie

Même si les Canadiens vivent plus longtemps, l'espérance de vie s'établissant à 81,7 ans et l'âge le plus courant au moment du décès atteignant 85 ans, la capacité de nombreux adultes à accomplir des fonctions clés en matière de santé, c'est-à-dire leur santé fonctionnelleNote 16, diminue au fur et à mesure qu'ils avancent en âge. La proportion croissante de Canadiens qui atteignent un âge plus avancé soulève des questions concernant la demande des services de santé et de la prestation de soins.

Le graphique 5 montre qu'après l'âge de 65 ans, la baisse de la courbe de la santé fonctionnelle a tendance à s'accélérer, un plus grand nombre d'incapacités graves (de nombreuses limitations d'activités) se produisant en moyenne autour de l'âge de 77 ans.

Graphique 5 Santé fonctionnelle des Canadiens, 2009-2010

Description du graphique 5

Début de l'encadré

La santé fonctionnelle d'une personne est mesurée au moyen d'un système de pointage fondé sur les résultats autodéclarés portant sur huit attributs clés de la santé : la vision, l'ouïe, la parole, la mobilité, la dextérité, l'émotion, la cognition et la douleur. Ce système de pointage, l'Indice de l'état de santé  (IES), — aussi appelé Health Utility Index Mark 3 (HUI3) —, a été mis au point à l'Université McMasterNote 17. Ce score peut servir à classer les personnes comme ayant divers degrés d'incapacité sur une échelle de 0 à 1, les chiffres plus bas signifiant une plus grande incapacité. L'article porte sur les incapacités modérées ou graves :

Une incapacité modérée se produit lorsqu'une personne ne peut mener certaines activités en raison des limitations de sa capacité à fonctionner dans au moins un des huit attributs de la santé (vision, ouïe, parole, mobilité, dextérité, émotion, cognition et douleur, limitations qui ne peuvent être corrigées (un score de santé fonctionnelle variant entre 0,7 et 0,9).

Une incapacité grave se produit lorsqu'une personne ne peut mener de nombreuses activités en raison des limitations de sa capacité à fonctionner dans au moins un de ces huit attributs de la santé (vision, ouïe, parole, mobilité, dextérité, émotion, cognition et douleur), limitations qui ne peuvent être corrigées (un score de santé fonctionnelle inférieur 0,7).

Fin de l'encadré

Il existe une autre façon d'évaluer la qualité de vie pendant les dernières années de vie, à savoir le calcul du nombre équivalent d'années qu'une personne peut s'attendre à vivre en bonne santé (ou « pleine santé »)Note 18. Cette mesure a été qualifiée d'espérance de vie ajustée sur la santé (EVAS). La dernière estimation de l'espérance de vie ajustée sur la santé à la naissance est de 69 ans pour les hommes et de 71 ans pour les femmesNote 19. Cela signifie que le Canadien moyen peut s'attendre à vivre environ 10,5 ans avec un certain niveau d'incapacité.

Dans ce contexte, le défi pour une population vieillissante consistera à trouver des façons de prolonger les années de vie en santé.


Yves Decady et Lawson Greenberg sont analystes à la Division de la statistique de la santé.

Les auteurs souhaitent remercier Brenda Wannell, Laurent Martel, Teresa Janz et Bob Kingsley pour leur contribution.


Notes

  1. Voir Wister 2007.
  2. Voir Statistique Canada, 2012.
  3. Voir Nault, 1997.
  4. Voir Greenberg 2011.
  5. L'estimation de l'espérance de vie pour la période de 2010 à 2012 repose sur la Statistique de l'état civil — Base de données sur les décès pour 2010 et 2011 de même que sur les estimations de la population et des décès pour 2012.
  6. Voir Arriaga, 1984.
  7. Voir Statistique de l'état civil — Base de données sur les décès, 2013.
  8. Voir Statistique de l'état civil — Base de données sur les décès, 2013.
  9. Voir Kannisto, 2001.
  10. Voir Arriaga, 1984.
  11. Voir Agence de la santé publique du Canada, 2008.
  12. Voir Agence de la santé publique du Canada, 2008.
  13. Voir Preston 2001.
  14. Voir Agence de la santé publique du Canada, 2008.
  15. Voir Agence de la santé publique du Canada, 2008.
  16. Les scores de santé fonctionnelle dans le graphique 5 ont été obtenus en combinant les indices de l'état de santé (HUI) de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) et l'HUI moyen tiré de la composante des établissements de l'Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP), selon la proportion de la population.
  17. Voir Feng 2009.
  18. Voir Wolfson, 1996.
  19. Voir le tableau CANSIM 102-0122.

Informations reliées à cet article

Renseignements supplémentaires

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