Rapport annuel de 2025 du Conseil consultatif canadien de la statistique - Vers un cadre pour les statistiques officielles dans le système statistique national

Date de diffusion : le 18 septembre 2025

Table des matières

Message du Conseil consultatif canadien de la statistique

C'est dans une période de turbulence, marquée par de profonds changements économiques et technologiques et des bouleversements géopolitiques, que nous présentons le rapport de cette année. La désinformation et la mésinformation sont également très répandues, entraînant des défis croissants en ce qui a trait à l'autorité des organismes nationaux de statistique.

Malgré ces tendances, Statistique Canada demeure un organisme fiable et respecté, ainsi qu'un fournisseur clé de renseignements pour les Canadiennes et les Canadiens d'un océan à l'autre. Des données et des statistiques exactes et crédibles sont fondamentales au soutien de la souveraineté du Canada, ainsi qu'à la prospérité et au bien-être du pays. De mauvaises données mènent à de mauvaises décisions, lesquelles ont des conséquences coûteuses, et alimentent la méfiance et la désunion.

Le rapport de cette année met l'accent sur la consolidation du cadre statistique national, afin de mieux coordonner les renseignements parmi les instances de gouvernance, et de tirer parti des occasions que présentent les nouvelles technologies. Il faut aussi disposer de points de référence officiels pour lutter contre la désinformation et la mésinformation. C'est à cette fin que le Conseil a évalué les mesures prises par d'autres pays et a étudié les pratiques exemplaires en matière d'assurance de la qualité des données au Canada, comme à l'échelle internationale.

Nous avons constaté qu'aucune définition légale des statistiques officielles n'existe dans le système canadien, et qu'il n'y a pas d'autorité claire et définie chargée de les produire et d'en surveiller la qualité et les normes. Le Conseil estime qu'un cadre statistique national robuste permettrait de renforcer les partenariats en matière de collecte, de production, d'évaluation, de coordination et de partage des statistiques officielles et d'accès à celles-ci. Pour garantir la qualité constante des statistiques dans tous les secteurs de la société canadienne, et en particulier pour traverser les périodes de turbulences sociales et économiques, il est essentiel de consolider l'autorité et la confiance à l'égard du système statistique national.

Un leadership solide est tout aussi indispensable, et le Conseil tient à remercier André Loranger, statisticien en chef du Canada et membre d'office du Conseil. Nous sommes également reconnaissants envers son équipe remarquable, qui a répondu à nos demandes de renseignements au moyen de présentations écrites et orales. Nous remercions tout particulièrement Étienne Saint-Pierre et Daniel Fahey, du Secrétariat du Conseil consultatif canadien de la statistique, pour leurs conseils et leur aide. Nous tenons également à remercier Gaëlle Miollan pour son soutien au fil des ans, ainsi que les membres sortants du Conseil, David Chaundy, Annette Hester et Jan Kestle, qui ont offert un éclairage précieux au Conseil pendant de nombreuses années. Le départ de ces membres entraîne la perte de la représentation de secteurs essentiels du système statistique au sein du Conseil. La santé et la force du Conseil, lui permettant de fournir des conseils impartiaux au ministre et au statisticien en chef, reposent sur la désignation en temps opportun de membres issus d'un large éventail de domaines et de perspectives. Si des postes ne sont pas pourvus, la capacité du Conseil à accomplir son travail sera réduite.

Signé :

Le Conseil consultatif canadien de la statistique

  • Howard Ramos, Ph. D., président
  • Anke Kessler, Ph. D.
  • Benoit Dostie, Ph. D.
  • Catherine Beaudry, Ph. D.
  • Stephen Tapp, Ph. D.
  • Vinamra Mathur

Recommandation : Élaborer un cadre pour définir les statistiques officielles et les accréditer

Dans le contexte actuel de mésinformation et de désinformation, il est essentiel de disposer de statistiques officielles pour aider la population canadienne à évaluer la qualité de l'information qu'elle utilise pour prendre des décisions.

Toutefois, au Canada, il n'existe aucune définition juridique des statistiques officielles et leur production n'est pas régie par un cadre national. Cette absence d'orientation officielle a une incidence sur la capacité des partenaires du système statistique national à mieux soutenir leurs collectivités et les priorités des administrations publiques à l'échelle du Canada.

La Loi sur la statistique du Canada ne contient aucune référence aux statistiques officielles, et bien que le terme figure dans le site Web de Statistique Canada, il n'est jamais défini. La situation est tout autre dans la plupart des pays qui collaborent étroitement avec le Canada, lesquels définissent les statistiques officielles dans leurs lois.

L'accréditation des statistiques officielles exige la désignation d'une compétence législative claire et nécessite de solides partenariats pour leur collecte, leur production, leur évaluation, leur coordination, leur diffusion et leur accès. Il est essentiel de consolider l'autorité du système statistique national et de renforcer la confiance à l'égard de celui-ci pour assurer la cohérence et la qualité des statistiques produites pour toutes les sphères de la société canadienne.

Les ambiguïtés actuelles relatives aux pouvoirs mènent à des inégalités dans les normes et les méthodes entre les ministères et organismes fédéraux, les autres instances de gouvernance et les organisations non gouvernementales. Pour ces raisons, le Conseil recommande ce qui suit :

Il est recommandé que la ministre de l'Industrie :

  1. donne mandat à Statistique Canada d'élaborer un cadre pour les statistiques officielles;
  2. sensibilise la population canadienne à l'importance des statistiques officielles pour la souveraineté, la prospérité et le bien-être du pays dans une société démocratique;
  3. favorise une compréhension commune des pouvoirs et des responsabilités de Statistique Canada en matière de production de statistiques en vertu de la Loi sur la statistique; il ne devrait y avoir aucune ambiguïté dans l'interprétation de ses responsabilités et de ses pouvoirs législatifs.

Lors de l'élaboration d'un cadre fédéral pour les statistiques officielles, il est recommandé que le statisticien en chef soit le chef de file pour :

  1. définir le terme « statistiques officielles » à l'intention des producteurs de données fédérales et des utilisatrices et utilisateurs de statistiques fédérales en fonction des principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations Unies;
  2. élaborer des dispositions permettant de cerner clairement les ministères et organismes gouvernementaux qui produisent des statistiques officielles fédérales accréditées, ainsi que les processus d'accréditation;
  3. élaborer des processus pour créer, publier et tenir à jour un dépôt fédéral de statistiques officielles et une liste des organismes gouvernementaux qui les produisent; cela comprend une appellation contrôlée et un étiquetage clair permettant aux utilisatrices et utilisateurs ainsi qu'aux partenaires du système statistique national de repérer facilement les statistiques officielles;
  4. examiner régulièrement le cadre et l'adapter en collaboration avec les ministères et organismes gouvernementaux pour assurer l'efficacité des concepts et de la circulation de données statistiques;
  5. collaborer avec d'autres instances de gouvernance, dont les provinces, les territoires et les organisations autochtones, pour cerner et promouvoir les possibilités d'élargir le cadre fédéral des statistiques officielles à d'autres instances de gouvernance au sein du système statistique national.

1. Le Canada a besoin d'un cadre pour définir les statistiques officielles et les accréditer

Des renseignements statistiques de grande qualité figurent parmi les ressources canadiennes les plus précieuses et constituent le fondement d'une économie numérique moderne et diversifiée. Les enjeux liés aux changements climatiques, à l'intelligence artificielle, au commerce international et aux mouvements interprovinciaux de biens et de services ont accentué le besoin en données nationales et régionales comparables et de qualité. Ces données nécessitent des méthodes statistiques et des méthodes de circulation plus sophistiquées qui permettent de produire des statistiques fiables pour la population canadienne.

Un cadre nationalFootnote 1 de statistiques officielles assorti de mesures normalisées et de pouvoirs clairs peut servir de point d'ancrage pour la production de ces statistiques. La pierre angulaire d'un tel cadre est une définition claire et précise des statistiques officielles. Bien que le système statistique national du Canada fournisse déjà des données essentielles à la compréhension de grands enjeux économiques, sociaux et environnementaux, il n'existe aucune définition juridique des statistiques officielles et aucun cadre national ne régit leur production. Cette absence d'orientation officielle a une incidence sur la capacité des partenaires ainsi que des utilisatrices et utilisateurs du système statistique national à tirer pleinement parti de la richesse des données qui existent au Canada pour appuyer les collectivités et les administrations publiques à l'échelle du pays.

Même si des renseignements crédibles et coordonnés sur la population et les actifs de la nation sont le fondement de la Loi sur la statistique du Canada et sont définis dans la Constitution canadienne, l'infrastructure de gouvernance nécessaire pour appuyer ce mandat et répondre aux besoins d'une société numérique est insuffisante. Cet état de fait se traduit par un système statistique national multi-instances, dans lequel des statistiques sont produites par Statistique Canada, les ministères et organismes fédéraux, la banque centrale et les organismes provinciaux et territoriaux de statistique. D'autres acteurs, comme les organisations autochtones, le milieu universitaire, le secteur privé et les organisations non gouvernementales, contribuent également à la production de statistiques.

Le système statistique national joue un rôle essentiel à l'appui de la prospérité et du bien-être du pays. Il dépend grandement de la collaboration au sein des instances de gouvernance et entre celles-ci pour produire des données comparables et de qualité à l'échelle nationale et régionale.

L'écosystème statistique actuel devient de plus en plus complexe, ce qui rend la collaboration plus difficile. Au cours des 40 dernières années, Statistique Canada a effectué le couplage de données provenant d'enquêtes, de recensements et de dossiers administratifs pour tirer parti de la puissance des données du Canada. La complexité de cet écosystème et les difficultés qu'elle pose sont amplifiées par l'abondance de renseignements que peuvent fournir les différentes instances de gouvernance et les différents secteurs.

Le Canada doit se doter d'un cadre formel pour l'élaboration et l'accréditation de statistiques officielles, afin de tirer pleinement parti de la richesse des données du pays. Un tel cadre viendrait appuyer la Stratégie relative aux données de 2023-2026 pour la fonction publique fédérale, laquelle traite de disparités et lacunes particulièresFootnote 2 nécessitant de nouveaux environnements de données et de nouvelles collaborations.Footnote 3 Malgré les nombreuses données sources, le problème vient souvent des définitions contradictoires, des centres de données incompatibles, et du dédoublage des données. Tout cela augmente le coût de la production de statistiques de qualité.

Un cadre national reconnu pour les statistiques officielles faciliterait la collaboration entre les producteurs de données issus de différentes instances de gouvernance et secteurs, en vue d'harmoniser les concepts et les méthodes statistiques. Il faudra notamment trouver un équilibre entre la nécessité de surmonter les obstacles techniques et législatifs à la diffusion des données et le respect de l'autonomie des instances de gouvernance. Un manque de coordination des données par des normes et des méthodes statistiques communes nuit à notre capacité de régler efficacement les problèmes les plus urgents du Canada. Les renseignements contradictoires et la confusion alimentent la mésinformation et la désinformation, et entraînent le gaspillage des ressources financières.

2. Définir les statistiques officielles

Le gouvernement doit examiner les options qui s'offrent à lui pour définir les statistiques officielles dans la législation et la gouvernance fédérale. Étonnamment, la Loi sur la statistique du Canada ne contient aucune référence aux statistiques officielles. Par ailleurs, bien que le terme soit utilisé à quelques reprises dans le site Web de Statistique Canada, il n'est jamais défini.

Alors que Statistique Canada est une importante source de ce qui devrait être considéré comme des statistiques officielles, d'autres instances de gouvernance ainsi que des organisations non gouvernementales produisent également des renseignements de qualité qui contribuent à la compréhension des tendances nationales et régionales, et qui pourraient aussi être considérés comme des statistiques officielles.

Au fil des ans, Statistique Canada a joué un rôle de premier plan à l'élaboration de définitions et de concepts statistiques normalisés en travaillant avec des organisations internationales comme les Nations Unies, l'Organisation de coopération et de développement économiques et le Fonds monétaire international. Or, le Canada demeure l'un des rares pays à ne pas définir les statistiques officielles dans ses lois parmi ses homologues pour ce qui est de la méthodologie statistique et du développement technologique.Footnote 4

Exemples de pays qui définissent les statistiques officielles dans leurs lois et qui tiennent un dépôt ou registre de statistiques officielles : Australie, France, Irlande, Nouvelle-Zélande, Suède et Royaume-Uni. Le Canada n'a pas de telle définition officielle ou de dépôt.

Statistique Canada appuie et respecte les principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations Unies, qui comprennent la pertinence, l'impartialité, les standards professionnels, la transparence et la confidentialité. Ces principes doivent servir de référence à l'élaboration de statistiques officielles dans l'ensemble du système statistique national. Il pourrait s'agir d'encourager les acteurs non gouvernementaux, comme les organisations autochtones, le milieu universitaire, le secteur privé et les organisations non gouvernementales, à adopter ces principes. Il est nécessaire d'établir un dialogue public sur l'interprétation des principes dans le contexte canadien pour assurer leur communication claire et leur compréhension commune.

3. Les pouvoirs relatifs à la production de statistiques officielles doivent être clairs

Le système statistique national nécessite des pouvoirs législatifs et de gouvernance claire et exige des partenariats pour la collecte, la production, l'évaluation et la diffusion des statistiques officielles ainsi que pour l'accès à celles-ci. Les lacunes actuelles se traduisent par des disparités dans les normes et les méthodes entre les ministères et organismes fédéraux, les autres instances de gouvernance et les organisations non gouvernementales. Ces principes doivent être consolidés pour assurer la qualité et la cohérence des statistiques dans toutes les sphères de la société canadienne.

La Constitution canadienne, la Loi sur la statistique ainsi que les lois relatives à la protection des données et des renseignements personnels établissent toutes qui a autorité sur les statistiques. Toutefois, leurs interprétations font trop souvent l'objet d'une orientation restreinte et il y a un manque de clarté pour ce qui est des rôles des différents partenaires du système statistique national, ce qui entrave la circulation des données entre les instances de gouvernance.

La Constitution canadienneest l'autorité principale en matière de statistique au Canada. Elle confère au Parlement le pouvoir d'effectuer les recensements et de produire les statistiques. Plus précisément, la Constitution traite de questions relatives à la représentation, aux transferts de péréquation, aux droits à l'égalité, aux droits linguistiques des minorités et aux droits des Autochtones qui nécessitent l'administration du recensement et des statistiques.

La Loi sur la statistique est plus explicite dans la désignation de l'autorité de Statistique Canada. Elle traite des trois domaines généraux de compétence de l'organisme. Premièrement, Statistique Canada doit produire, analyser et diffuser des renseignements statistiques relatifs à la société canadienne. La Loi mentionne spécifiquement le Recensement de la population, le Recensement de l'agriculture et une liste de statistiques relatives aux domaines social, économique, énergétique et financier. Deuxièmement, dans le cadre de la production de ces statistiques, Statistique Canada doit éviter le dédoublement et collaborer avec les ministères et organismes fédéraux pour utiliser leurs données. Troisièmement, l'organisme doit aussi collaborer avec les provincesFootnote 5 pour planifier l'élaboration de statistiques sociales et économiques intégrées pour l'ensemble du Canada et pour chaque province.

Les lois et les politiques relatives à la protection des données et des renseignements personnels ne doivent pas faire obstacle au système statistique national. Elles doivent reconnaître l'autorité de Statistique Canada en ce qui concerne la collecte de données et la coordination de leur circulation, et permettre l'adoption de pratiques émergentes en matière de données.

Les pouvoirs et responsabilités actuels manquent de clarté

Le cadre recommandé ne doit comporter aucune ambiguïté quant à l'interprétation des pouvoirs et des responsabilités de Statistique Canada en vertu de la loi ni de ceux des autres producteurs de statistiques officielles.

À l'heure actuelle, la Loi sur la statistique n'indique pas comment l'organisme doit travailler avec les partenaires fédéraux, provinciaux et autres à la diffusion et à l'intégration des statistiques. Elle ne précise pas de protocoles pour l'accès aux données et l'utilisation de renseignements coordonnés entre les instances de gouvernance. La Loi ne précise pas non plus les processus d'accréditation des statistiques officielles. Le Canada est essentiellement une fédération coopérative qui compte sur la bonne volonté et la confiance de l'ensemble de ses partenaires.

Un cadre clair pour les statistiques officielles faciliterait la collaboration et la coordination entre les ministères et organismes, les instances de gouvernance, les organisations autochtones et les autres secteurs qui élaborent également leurs propres stratégies en matière de données. L'harmonisation des stratégies en matière de données entre les instances de gouvernance ouvre de nouvelles possibilités de créer de riches bases de données nationales. Ces données feraient partie du système statistique national basées sur des définitions et des normes statistiques communes. L'une des responsabilités de Statistique Canada, en vertu de la Loi sur la statistique, est de faire la promotion de cette harmonisation.

Statistique Canada collabore depuis longtemps avec les ministères et organismes fédéraux et d'autres ordres de gouvernement dans des domaines liés, notamment, aux statistiques sur la santé, l'éducation et l'environnement.

Certains exemples de la façon dont Statistique Canada travaille avec l'ensemble des instances de gouvernance et des organisations sont présentés dans la Stratégie pancanadienne de données sur la santé et la Régie de l'énergie du Canada, qui modélise l'utilisation de l'énergie dans l'avenir. D'autres travaux de collaboration orientent le dialogue actuel sur les minéraux critiques en s'appuyant sur les statistiques de Statistique Canada concernant la production et la valeur des minéraux et des métaux, ainsi que les données et l'analyse de Ressources naturelles Canada sur les investissements dans l'exploration et le développement dans ce domaine.

Le Réseau canadien des centres de données de recherche et le Réseau de recherche sur les données de santé du Canada jouent un rôle clé en fournissant des infrastructures nationales pour la recherche quantitative en sciences sociales, en santé publique et sur les entreprises.

Trop souvent, il y a un manque de coordination et de débats concernant les pouvoirs des instances de gouvernance. Ces lacunes ont été au cœur d'une grande partie des rapports précédents du Conseil. L'interprétation des pouvoirs de Statistique Canada en vertu de la Loi sur la statistique devrait être claire et ne devrait pas être minée par l'adoption de nouvelles lois.

Il est également nécessaire de clarifier les rôles et les pouvoirs du statisticien en chef et ceux du dirigeant principal des données (DPD) du gouvernement fédéral. Le poste du DPD a récemment été créé pour appuyer les objectifs de la Stratégie relative aux données de 2023-2026 pour la fonction publique fédérale.

Le DPD doit assurer une meilleure utilisation des données gouvernementales au sein de la fonction publique. Le mandat du DPD comprend la création et le maintien de politiques et de procédures pour la gestion des données du secteur public et pour en assurer la qualité, l'exactitude et la sécurité. Bien que le DPD ne fournisse pas d'expertise statistique ou méthodologique, il semble y avoir un chevauchement avec le travail de Statistique Canada. Il y a également un manque de clarté dans l'interprétation de la portée de l'autorité du DPD et de son rôle en ce qui concerne les statistiques officielles.

Le rôle de Statistique Canada ne devrait pas être ambigu. Grâce à son expertise reconnue à l'échelle internationale en méthodes statistiques et en normes de données, l'organisme a joué un rôle de chef de file dans l'élaboration et la mise en œuvre de la stratégie fédérale en matière de données, y compris l'infrastructure de données technique requise. Statistique Canada a une connaissance approfondie des enjeux sociaux, économiques et environnementaux et donne des conseils sur l'élaboration de données pour appuyer les décisions communautaires et stratégiques. Il a également une solide réputation dans la création d'environnements de couplageFootnote 6 où diverses sources de données peuvent être recueillies et intégrées efficacement et en toute sécurité aux fins d'analyse statistique au moyen de méthodes et de technologies statistiques modernes.

Comme le bureau du DPD travaille en étroite collaboration avec Statistique Canada sur les initiatives de gestion des données fédérales, il sera important d'établir et de communiquer plus clairement le rôle et l'autorité du DPD relativement à ceux du statisticien en chef.

4. Les statistiques officielles doivent être accréditées

L'accréditation est un moyen essentiel pour s'assurer que les données dans les dépôts de statistiques, comme le portail canadien de données ouvertes, répondent à des normes statistiques professionnelles. Une appellation contrôlée et un étiquetage clair des statistiques officielles aideraient la population canadienne à discerner la crédibilité des données qu'elle consulte au moyen de sources de plus en plus complexes et variées provenant des secteurs public et privé, y compris en ligne et dans les médias sociaux.

Le gouvernement fédéral doit mandater Statistique Canada pour élaborer un processus d'accréditation des statistiques officielles au sein du gouvernement fédéral. Les pays qui tiennent un dépôt ou registre de statistiques officielles, comme l'Australie, la France, l'Irlande, la Nouvelle-Zélande, la Suède et le Royaume-Uni, publient également le code de pratique qu'ils utilisent pour accréditer les statistiques officielles. Ces codes sont fondés sur des valeurs de confiance et de qualité ainsi que sur des méthodes professionnelles et la facilité d'accès.

Le Cadre d'assurance de la qualité de Statistique Canada, sur lequel l'organisme fonde son processus statistique, pourrait être utilisé plus largement comme outil d'accréditation normalisé des statistiques officielles. Conformément aux principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations Unies, ce cadre multidimensionnel permet de déterminer la qualité des données d'une façon holistique en examinant les renseignements statistiques ou l'adéquation à leur utilisationFootnote 7 en fonction de six dimensions : la pertinence, l'exactitude, l'actualité, l'accessibilité, l'intelligibilité et la cohérence.

Le gouvernement fédéral doit également désigner les autorités chargées d'accréditer les statistiques officielles. Il s'agit d'un travail très technique qui exige une expertise approfondie en statistique et en méthodologie, plutôt que des compétences stratégiques ou administratives. Statistique Canada a l'expertise et la capacité statistiques nécessaires pour effectuer ce travail. Un organisme indépendant d'experts en statistique serait une autre option possible. Le Royaume-Uni utilise ce modèle.Footnote 8 L'expertise et la capacité statistiques requises pour effectuer ce travail de façon exhaustive et continue sont toutefois assez limitées à l'extérieur des organismes statistiques nationaux. Il faudrait tenir compte des chevauchements avec le programme d'assurance de la qualité de Statistique Canada au chapitre des coûts et de la capacité, ainsi que de l'incidence sur l'indépendance législative de l'organisme.

5. Un dépôt de statistiques officielles doit répondre aux besoins de l'ensemble de la population canadienne

Comme bon nombre de ses homologues sur la scène internationale,Footnote 9 le Canada doit se doter d'un dépôt de statistiques officielles.

Pour collaborer et diffuser les données de manière efficace, il est nécessaire de disposer de repères clairs permettant de reconnaître en quoi consistent des données fiables et de qualité. Au sein du système statistique national, la source officielle des statistiques nationales ou régionales n'est pas toujours évidente. Bien que Statistique Canada soit reconnu comme la principale source de statistiques sur la population et l'économie du Canada, plusieurs ministères, organismes et instances de gouvernance produisent des renseignements statistiques sur des sujets similaires.

Deux organisations produisent des renseignements sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). Alors que Statistique Canada compile le Compte des flux physiques des GES dans la perspective du Système de comptabilité économique et environnementale, Environnement et Changement climatique Canada dresse l'inventaire national des GES dans la perspective de la production de rapports sur les changements climatiques. Les deux organisations ont créé une page Web pour expliquer les différences entre ces fonds de données, ce qui aide les utilisatrices et utilisateurs à choisir les données qui répondent à leurs besoins. Au fur et à mesure que ces fonds de données évoluent pour inclure davantage de données transversales sur les GES, la communication de leurs différences devra être plus claire et plus transparente.

Bien qu'une grande partie des données fédérales soient accessibles à partir du portail de données ouvertes du Canada, celui-ci ne fait pas de distinction entre ce qui pourrait être considéré comme des statistiques officielles et les autres données, et n'inclut pas non plus les renseignements émanant d'autres instances de gouvernance. Trop souvent, les métadonnées sont manquantes ou vagues, de sorte qu'il est difficile pour les utilisatrices et utilisateurs de savoir comment les données ont été produites et si elles conviennent à la prise de décisions.

Une fois qu'un cadre fédéral pour les statistiques officielles aura été établi, le gouvernement fédéral pourrait s'appuyer sur le portail de données ouvertes pour faciliter l'accès aux statistiques et aux fonds de données officiels, en utilisant des étiquettes pour identifier leur source, y compris Statistique Canada et d'autres organismes gouvernementaux. Le gouvernement pourrait également envisager de créer un dépôt indépendant qui contiendrait uniquement des statistiques officielles.

Statistique Canada doit collaborer avec d'autres instances de gouvernance, dont les provinces, les territoires et les organisations autochtones, pour cerner et promouvoir les possibilités d'élargir le cadre à d'autres instances de gouvernance au sein du système statistique national. Bien que l'accréditation officielle de ces données puisse constituer un objectif à plus long terme, l'application plus large de ce cadre permettrait de produire des fonds de données beaucoup plus riches et éclairés pour comprendre et agir sur les enjeux prioritaires aux niveaux national et régional.

Dans l'ensemble du système statistique national, on retrouve de bonnes pratiques visant à faciliter l'accès aux données dont la population canadienne a besoin.

En voici quelques exemples :

6. Promouvoir la confiance à l'égard du système statistique national

Le gouvernement fédéral doit sensibiliser la population canadienne à la nécessité de reconnaître la valeur des statistiques officielles et promouvoir l'importance de la confiance à leur égard. D'abord et avant tout, les statistiques officielles sont essentielles pour définir, mesurer et présenter le Canada en tant que nation souveraine; elles doivent incarner les principes éthiques et moraux propres à une société démocratique. Elles permettent de fournir aux Canadiennes et Canadiens une lecture impartiale et un cadre factuel communs de la situation économique, sociale et environnementale de la population diversifiée du pays et de ses régions. Elles contribuent aussi grandement à la compréhension de questions ayant une incidence sur le quotidien et la qualité de vie de la population, y compris dans les domaines de la productivité, du commerce, des changements climatiques, des soins de santé, de l'éducation, du transport, de l'emploi et du coût de la vie.

Le cadre proposé pour les statistiques officielles permettra à Statistique Canada et au système statistique national de gagner en efficacité; il faudra toutefois continuer de renforcer la confiance et le soutien de la population canadienne, du milieu des affaires et du secteur public à leur égard. Statistique Canada et les autres producteurs de statistiques officielles doivent être reconnus comme les sources statistiques pouvant répondre aux besoins de la population en matière de qualité des données. Pour ce faire, les Canadiennes et Canadiens doivent se reconnaître dans ces données et s'y identifier. L'accès facile à des statistiques officielles accréditées qui sont étiquetées comme telles et définies clairement rehausserait cette confiance.

La production de statistiques repose également sur une relation de réciprocité. Les statistiques nationales et régionales s'appuient sur les données recueillies auprès de la population. Les Canadiennes et Canadiens doivent être disposés à transmettre leurs renseignements à des fins statistiques et pour le bien commun,Footnote 10 ce qui constitue le fondement des démocraties et des sociétés fortes.

Le partage des données sur la santé entre les instances de gouvernance s'est avéré un défi particulier que le Conseil a souligné dans ses rapports précédents. Les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de la Santé ont récemment convenu de continuer à moderniser la circulation des données sur la santé publique entre leurs administrations.Footnote 11 Une mise à jour de l'Entente multilatérale sur l'échange de renseignements de 2014 est attendue d'ici la fin de 2025. L'actualisation des ententes bilatérales et multilatérales pour améliorer la façon dont les données sur la santé sont recueillies, diffusées, utilisées et déclarées présentera un intérêt particulier, ainsi que les mesures comme l'intendance et la confidentialité des données pour accroître la confiance et la transparence.

La mésinformation et la désinformation minent la confiance à l'égard des renseignements statistiques provenant de sources plus officielles. Les renseignements officiels fiables sont de plus en plus en concurrence avec l'information non fondée ou dont les assises scientifiques sont insuffisantes, surtout lorsque ces renseignements sont présentés comme des « faits alternatifs ». Selon de récentes études de Statistique Canada, 43 % des Canadiennes et Canadiens estimaient qu'il était de plus en plus difficile de discerner le vrai du faux dans les nouvelles ou les renseignements, et 73 % ont déclaré avoir vu du contenu en ligne qu'ils soupçonnaient être faux ou inexact.

La remise en question des statistiques de Statistique Canada sur le prix des biens de consommationFootnote 12 et le nombre de migrants temporaires au Canada est un exemple de mésinformation.Footnote 13 Dans les deux cas, les débats qui ont suivi ont révélé des lacunes méthodologiques dans la remise en question des méthodes et des statistiques de l'organisme.Footnote 14,Footnote 15

De plus, des États étrangers utilisent la désinformation pour nuire à la démocratie et au bien-être économique du Canada. Le président Trump a utilisé la désinformation comme moyen de pression pour présenter de manière inexacte les conditions des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis.Footnote 16 La Russie et la Chine utilisent l'intelligence artificielle et d'autres outils de désinformation pour nuire aux élections démocratiques nationales partout dans le monde, y compris au Canada.Footnote 17

La désinformation, lorsqu'elle est utilisée de façon malicieuse, inspire la méfiance à l'égard des institutions publiques, y compris celles du système judiciaire, du gouvernement et du secteur financier. Cette méfiance compromet l'utilisation de données impartiales et de qualité pour la prise de décisions éclairées fondées sur des données probantes, et nuit également à la souveraineté du pays.

L'intelligence artificielle fait elle aussi partie du problème. Dans son rapport annuel de 2024, le Conseil consultatif canadien de la statistique a traité des avantages et des défis relatifs à l'intelligence artificielle en statistique. Les technologies ne sont pas toutes adaptées à la production de statistiques, et la technologie ne devrait jamais avoir préséance sur la méthodologie. Une utilisation inadéquate de l'intelligence artificielle lors de la collecte ou de l'analyse de données peut miner la confiance de la population et décourager sa participation.

Pour contrer la mésinformation et la désinformation, le gouvernement fédéral et Statistique Canada doivent mieux communiquer les avantages réels et positifs des politiques éclairées fondées sur les renseignements que la population canadienne et les collectivités leur fournissent ainsi qu'à d'autres organismes gouvernementaux. Le langage décrivant le processus rigoureux de Statistique CanadaFootnote 18 pour recueillir et utiliser de façon responsable les renseignements statistiques doit être simple, et le message doit inclure des exemples dans lesquels la population canadienne peut se reconnaître. Le gouvernement doit également tenir compte de l'évolution des normes et des perceptions sociales entourant la collecte et l'utilisation des renseignements personnels.