Hé-coutez bien! Épisode 28 - Les écrans ont remplacé le jeu et notre corps l’a remarqué

Date de diffusion : le 21 novembre 2025

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN : 2025008

Hé-coutez bien! Épisode 28 - Les écrans ont remplacé le jeu et notre corps l’a remarqué

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Le Canada est-il devenu une nation sédentaire?

Les données sur la santé n’ont jamais été aussi accessibles. Nous avons des montres intelligentes pour compter nos pas, des notifications pour surveiller notre temps d’écran et des applications pour suivre notre alimentation quotidienne.

Malgré cette technologie futuriste, les chercheurs sont de plus en plus préoccupés. Et ils le sont tout particulièrement pour la jeunesse canadienne.

Aujourd’hui, nous avons rencontré Philippe Rousseau, analyste à Statistique Canada, pour plonger au cœur des tendances canadiennes en matière d’obésité, d’activité physique et de temps passé devant les écrans. Et les nouvelles données de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé pourraient bien vous surprendre. 

Le Quotidien — La prévalence de l'embonpoint et de l'obésité en hausse au Canada : nouveaux résultats de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé, 2022 à 2024

Animatrice

Annik Lepage

Invité

Philippe Rousseau

Écoutez

Hé-coutez bien! Épisode 28 - Les écrans ont remplacé le jeu et notre corps l’a remarqué - Transcription

Transcription

Bienvenue à Hé-coutez bien!, un balado de Statistique Canada où nous rencontrons les personnes derrière les données et découvrons les histoires qu’elles révèlent. Je suis votre animatrice, Annik Lepage.

Dernièrement, les pages de recommandations personnalisées sur mes réseaux sociaux sont remplies de contenu sur le pilates. Des gens dans des studios lumineux, avec des silhouettes sportives, une posture parfaite, et tout l’équipement spécialisé à portée de main. Ces vidéos sont souvent accompagnées de messages motivants qui disent qu’on peut avoir un corps de danseur avec quelques exercices simples. Ces contenus sont censés nous inspirer — et si ça fonctionne pour vous, tant mieux. Mais pour la plupart des adultes occupés au Canada, j’ai l’impression qu’ils ont souvent l’effet inverse.

Notre invité aujourd’hui a parlé d’un environnement qui favorise l’obésité. On pense à la nourriture ultra-transformée bon marché, aux écrans qui nous captivent, et aux emplois de plus en plus sédentaires — vous voyez le tableau.

Ça m’a fait réfléchir à ce que vivent les jeunes aujourd’hui. Ce n’est pas évident de rester actif dans ce contexte. On sait que les ados passent beaucoup de temps devant les écrans, et si les contenus que l’algorithme leur propose ressemblent à ceux que je reçois, ils sont bombardés d’images de l’activité physique qui ne semblent pas très réalistes dans un monde comme le nôtre.

Justement, les chercheurs de Statistique Canada ont analysé de nouvelles données sur l’obésité, l’activité physique et le temps passé devant les écrans. Alors quand j’ai eu la chance.

Philippe : Bonjour, je m'appelle Philippe Rousseau. Je suis un analyste à Statistique Canada. En ce moment, je travaille sur les données de l'enquête canadienne sur les mesures de la santé

Annik : Votre équipe a publié deux articles récemment et on est curieux d’en savoir plus.

Qu'est-ce que vous avez étudié exactement et qu'est-ce que vous espériez découvrir à travers ces recherches?

Philippe : Les deux derniers articles qu'on a publiés portent sur l'obésité et l'activité physique. Ce sont des données qui ont été récoltées entre 2022 et 2024. Donc ça, c'est le dernier cycle de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé et on s'est dit que ce serait intéressant de voir à quel point peut être les pourcentages de gens atteints d'obésité ont changé, surtout considérant que le cycle précédent avait terminé en 2019, donc avant la pandémie. 

Annik : Le terme «obésité» fait référence à quelque chose de très spécifique. Je pense que lorsqu'on parle d'obésité, tout le monde a une idée en tête de ce dont il s’agit mais il se peut qu'on ne sache pas exactement ce que cela signifie. Pouvez-vous expliquer ce que l'obésité est et comment elle est mesurée?

Philippe : Les gens se concentrent beaucoup sur le concept, le lien entre l'obésité et l'accumulation excessive de tissu adipeux, donc de graisse, entre autres, mais ce n'est pas vraiment la présence de graisse qui est le problème, c'est que selon le domaine médical, on sait que des gens qui vivent avec trop de tissus adipeux ont souvent à un âge plus avancé, des problèmes assez graves de santé, notamment des maladies cardiaques, diabète de type 2 et certains cancers. 

Un des moyens qu'on utilise pour mesurer la présence d'obésité au niveau de la population canadienne, c'est qu'on utilise l'indice de masse corporelle qui est un indice quand même assez réducteur. Tout ce qu'on fait, c'est qu’on pèse l'individu et on divise son poids, par sa taille, donc sa grandeur.

Quand on pense à grande échelle mais c'est que cet indicatif-là, bien sûr, ce n'est pas juste de savoir à quel point les gens ont un embonpoint et un surplus de poids, c'est vraiment ok, si ça augmente à chaque cycle clairement, ça montre qu'il y aura probablement plus de problèmes de santé graves dans le futur quand la population va devenir plus âgée.

Annik : Dans les articles que vous venez de publier avec votre équipe, qu’est-ce que les données les plus récentes nous apprennent sur les taux d’obésité au Canada?

Philippe : Ce qui est intéressant qu'on a remarqué dans le dernier cycle qui était entre 2022 et 2024, c'est que la proportion des adultes qui avaient un indice de masse corporel qui indiquait un excès de poids ou une obésité était de 68 % chez les adultes de 18 à 79 ans.

Puis ça, c'est plus haut de 8 % que le cycle précédent, qui était de 2016 à 2019. Donc, si on se rappelle, la pandémie a lieu entre les deux. Donc on est passé de six adultes sur 10 à sept adultes sur 10 qui avaient un excès de poids ou une obésité. Ce qu'on a remarqué aussi, c'est que cette différence n'a pas eu lieu de manière égale à tous les niveaux, puis ce que je veux dire par là, c'est que chez les jeunes adultes de 18 à 39 ans, on voit que ce sont eux qui ont été plus affectés par ce changement-là, cette augmentation-là de nombre de gens qui ont un excès de poids. Puis ça n'a pas été de la même manière non plus chez les hommes et les femmes. Ce qu'on a vu, c'est que les hommes, ça a passé de 22% à 33 %, alors que les femmes, c'était 17% à 29 %. Puis la raison pour que je le mentionne, c'est que oui, les femmes ont un pourcentage plus bas ça, ça a été maintenu, mais les deux groupes ont une augmentation assez conséquente. Les jeunes, eux, ont vraiment été affectés par les changements de la pandémie lorsque l'on parle de l'activité physique spécifiquement.

Ce qu'on avait mesuré en 2018, 2019, c'était que 36 % des jeunes, de 12 à 17 ans rencontraient les exigences d'activité physiques qui étaient d'une heure par jour. Et ça, ce chiffre-là a baissé à 21 % après la pandémie. Et ce qui était encore plus remarquable, c'est que les garçons de ce groupe d'âge donc, de 12 à 17 ans, on est passé de 50 % à 33%. Donc quand même une grosse baisse, mais les filles, c'était 21% à 8 %. Donc c'est seulement une fille sur 10 qui fait une heure d'activité physique par jour.

Annik : Quand on regarde les données de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé entre 2022 et 2024 — comme tu l’as souligné — on remarque deux choses : d’un côté, le taux d’obésité augmente chez les jeunes adultes de 18 à 39 ans, et de l’autre, les adolescentes de 12 à 17 ans sont de moins en moins nombreuses à faire assez d’activité physique.

Du coup, quelqu’un pourrait facilement faire le lien et se dire : « Bon, c’est simple. Les filles bougent moins, donc elles prennent du poids en grandissant. » Ça paraît logique à première vue.

Mais en réalité, c’est loin d’être aussi simple.

Pouvez-vous expliquer pourquoi c’est un peu plus complexe que cela ?

Philippe : Oui, on a souvent tendance à s'imaginer qu’on peut contrôler notre poids en augmentant l’activité physique ou en mangeant moins. Je trouve qu’on simplifie un peu, puis des fois c'est comme ça que les gens communiquent. Ils disent on va au moins s'attaquer à certains aspects qui sont plus simples parce que l'obésité en tant que tel, c'est une condition qui est très complexe, qui est affectée par un très grand nombre de facteurs. On parle de l'environnement dans lequel quelqu'un vit, son statut économique, sa génétique, la société donc dans laquelle elle vit, les comportements. Il y a tellement d'aspect que ça peut devenir un peu submergeant alors où commence-t-on alors c'est sûr que des fois on se dit on ça serait bien de commencer en réduisant la quantité de nourriture que l'on mange ou en augmentant l’activité physique. Mais bien sûr, nous, tout ce que l'on fait, c’est qu'on observe, on ne peut pas établir de cause à effet. Ce qu'on peut par contre recommander, c'est que oui, augmenter l'activité physique a beaucoup d'aspects qui sont importants, encore plus que juste réduire le poids, parce que ce que l'on a remarqué c’est que le fait d’augmenter l’activité physique, le fait de bien dormir, le fait de limiter sa sédentarité, c'est que ça a aussi des effets positifs sur la santé mentale, l'énergie, la longévité. Ce sont tous des aspects sont un peu moins mesurables, mais qui, finalement, ont un impact très important sur la qualité de vie d'une personne.

Annik : Tu parlais de la pandémie tout à l’heure — on sait à quel point elle a été dure, surtout pour les jeunes. Les ados, en particulier, ont vu leur quotidien complètement chamboulé. L’activité physique, qui faisait partie intégrante de leur routine, leur a été retirée presque du jour au lendemain.

Pendant plusieurs années, ils ont été poussés à adopter un mode de vie beaucoup plus sédentaire. Entre les confinements, les cours en ligne, l’école à distance… ils ne sortaient plus, ils ne bougeaient plus autant. Pour cette génération, tout ça a été mis sur pause.

Alors franchement, est-ce qu’on peut vraiment leur reprocher les faibles niveaux d’activité physique qu’on observe aujourd’hui ? Ces dernières données proviennent de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé de 2022 à 2024. Est-ce qu’on est en train de voir un effet résiduel de la pandémie ? Et si vous vous projetez vers les prochaines publications de cette enquête, à quoi vous attendez-vous ? Est-ce que vous pensez que ces chiffres vont baisser à mesure que nous sortons de la pandémie et que les choses reviennent à la normale ?

Philippe : La pandémie a été un événement unique dans le sens que la réponse que l'on a eue à la pandémie a eu un très grand effet sur nos habitudes de vie. Les jeunes en ont vraiment souffert parce que la façon que c'est structuré au Canada, c'est que beaucoup des jeunes qui font une activité physique, ce sont dans des programmes organisés et lors de la pandémie, tout a été annulé même à un certain moment, les jeunes n'avaient pas le droit d'aller jouer dans les parcs. On demandait aux gens de rester chez eux donc vous pouvez vous imaginer qu'un jeune enfant qui a l'habitude de courir, d'aller rencontrer ses amis, c'est un changement drastique et un des défis avec les habitudes, c'est qu'elles sont très difficiles à changer.

Alors le fait qu'on a forcé les jeunes à ne pas faire d'activité physique c'est très difficile à s'ajuster après, une fois qu'on a levé les restrictions. Et puis on parle beaucoup du fait qu’on n’a pas pu faire d’activité physique, mais il ne faut pas ignorer le fait non plus qu'on a commencé à encourager beaucoup plus les temps d'écran.

Ça a été utile à ce moment-là de commencer à faire beaucoup de rencontres sur Teams, on encourageait le fait que les gens se rencontrent de chez eux, mais sur les écrans, on a encouragé les jeunes à apprendre sur leur ordinateur et ce que ça a fait, c'est que ça a entraîné, bien entendu une nouvelle habitude qui était d’utiliser les écrans pour pas mal tout. Ces habitudes-là sont très difficiles à modifier. Donc, ce qui nous inquiète, c'est de voir que si les jeunes déjà commencent à faire plus d’embonpoint, font moins d'exercice, dorment moins bien, passent plus de temps sédentaires, ça nous laisse prévoir qu'il y aura probablement une hausse dans certains problèmes de santé lorsque ces jeunes-là vont frapper l'âge de 50 ans.

Annik : Les conversations autour de l’obésité et de l’activité physique ne sont jamais simples. Ce sont des sujets sensibles, souvent évités justement parce qu’ils peuvent susciter de l’inconfort ou être mal compris. Il y a beaucoup d’idées reçues, et ça rend les échanges parfois délicats.

Est-ce que c’est quelque chose que vous avez remarqué dans vos discussions sur le sujet ? Ce genre de malaise ou de confusion ?

Et si vous aviez l’occasion de clarifier certaines choses — de partager un point que vous jugez important mais que les gens ignorent peut-être — qu’aimeriez-vous qu’ils comprennent à propos de ces enjeux ?

Philippe : Effectivement, ce n'est pas facile de parler de l'obésité et de l'embonpoint. Ce que je recommanderais, c'est de vraiment se concentrer sur les directives, les recommandations d'activité physique, de sédentarité et de sommeil pour les différents groupes d'âge au Canada puis la raison pourquoi je recommande ça, c'est que ce sont des recommandations qui peuvent au préalable sembler un peu drastiques.

Donc pour un adulte, de se faire dire de faire 150 minutes par semaine, ça peut avoir l'air beaucoup, mais au fil des ans, on se rend compte que l'activité modérée vigoureuse, ça veut dire quoi ce n’est peut-être pas aussi intensif, ce que les gens ont tendance à penser. Donc le fait de commencer à prendre une marche et commencer à bouger, le fait de s'étirer un peu plus. Souvent, on s'imagine qu'il faut tout changer une fois qu'il faut rencontrer la recommandation au complet et la satisfaire pour voir des effets bénéfiques, alors qu'en réalité, tout ce qu'on a à faire, c'est de faire un peu plus à chaque jour.

Annik : Pourquoi est-ce que ces résultats sont importants ?

Philippe : La raison pourquoi ce genre d'étude est important c'est parce que ça nous permet d'observer que la population canadienne générale est en train de souffrir de plus en plus d'embonpoint et d'obésité. Et une fois qu'on est capable d'observer ça, ça nous permet de nous dire ok, il faut que l'on modifie ce que l'on fait, il faut que l'on modifie des habitudes. On voit que ce sont surtout les jeunes qui sont affectés. Ce serait important de leur montrer le bon exemple de leur montrer que c'est important d'avoir moins de temps d'écran, de passer plus de temps avec des amis, de passer plus de temps à jouer et à bouger.

Annik : Pour les personnes qui souhaitent en savoir plus sur l’obésité, l’activité physique et le temps passé devant les écrans, vers quelles ressources les orienteriez-vous ?

Philippe : Le gouvernement canadien a plusieurs ressources qui sont intéressantes. La première, ce serait les Lignes directrices du mouvement sur 24 heures et c'est là que l'on peut avoir plus de détails sur quelles sont les recommandations et qu'est-ce que l'on peut faire pour justement les rencontrer. Il y a d'autres groupes comme ParticipACTION qui donnent des rapports sur l’activité physiques qui donnent plein de ressources éducatives pour aider les gens à comprendre quel est le problème et pas juste ça, mais à les éduquer sur des solutions. Et je n'ai pas beaucoup parlé d'alimentation, mais on comprend que c'est un autre aspect qui est très important et je dirige donc les gens vers le Guide alimentaire canadien. Je dirige aussi les gens s'ils veulent en apprendre plus sur les indicateurs de santé de Statistique Canada, à notre site web, qui est donc statcan.gc.ca et de cliquer en haut à gauche sur sujet et de choisir donc le sujet de la santé.

Annik : Merci beaucoup Philippe

Vous venez d’écouter H-coutez bien! Merci à notre invité, Philippe Rousseau. Si vous souhaitez en savoir plus sur l’obésité, l’activité physique et le temps passé devant les écrans, vous pouvez consulter les articles de l’équipe de Philippe — et bien d’autres — sur le site de Statistique Canada. Le lien se trouve dans les notes de l’épisode.

Vous pouvez vous abonner à ce balado partout où vous écoutez vos émissions. Vous y trouverez également la version anglaise de notre émission intitulée Eh Sayers. Si vous avez aimé cet épisode, n’hésitez pas à l’évaluer, à laisser un commentaire et à vous abonner. Merci de nous avoir écouté.