Hé-coutez bien! Épisode 15 - Moins de mésinformation, plus de vérité, s'il vous plaît!

Date de diffusion : le 13 décembre, 2023

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN : 2816-2250

Hé-coutez bien! Saison 4, épisode 3 - Moins de mésinformation, plus de vérité, s’il vous plaît!

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Moins de mésinformation, plus de vérité, s’il vous plaît! - Hé-coutez bien! Avec Timothy Caulfield

À l'ère des médias sociaux, de l'IA et de l'hypertrucage, il est primordial de savoir discerner les faits des faux renseignements. Aujourd'hui, nous n'avons plus nécessairement pour principale source d'information le bulletin de nouvelles télévisé de 18 h. Amis, famille, chercheurs, influenceurs, artistes, chefs d'antenne, annonceurs… Qui croire?

Timothy Caulfield, expert en mésinformation/désinformation, auteur, professeur à l'Université de l'Alberta et membre de l'Ordre du Canada, ainsi qu'Éric Rancourt, statisticien en chef adjoint à Statistique Canada, se joignent à nous pour aborder les défis liés à notre environnement de l'information et les mesures à prendre pour lutter contre la mésinformation.

Animatrice

Annik Lepage

Invités

Timothy Caulfield, Eric Rancourt

Narration

Chris Houle

Écoutez

Hé-coutez bien! Épisode 15 - Moins de mésinformation, plus de vérité, s'il vous plaît! - Transcription

Annik : Bienvenue à Hé-coutez bien!, un balado de Statistique Canada qui nous permet de faire connaissance avec les personnes derrière les données, et de découvrir les histoires qu'elles révèlent. Je suis votre animatrice, Annik Lepage.

Comme tout le monde, j'accède aux informations à partir de plusieurs différents endroits.

Pour beaucoup d'entre nous, Internet est notre principale source d'information, mais nos fils sont un étrange mélange disparate : organes de presse, créateurs de mèmes, groupes professionnels, influenceurs, et j'en passe.

C'est un labyrinthe truffé de personnes qui tentent de nous informer, de nous divertir, de faire de la publicité à notre intention… et de nous tromper. Je sais que je peux faire confiance aux données du recensement, mais qu'en est-il du reste?

Aujourd'hui, nous parlons de mésinformation. Et, je vous avise que j'utiliserai ce terme comme un terme un peu passe-partout, mais, en fait, il n'est pas si simple, comme nous le constaterons bientôt.

Timothy : Je m'appelle Timothy Caulfield. Je suis professeur à la faculté de droit et à l'école de santé publique de l'Université de l'Alberta.

Annik : Vous avez dédicacé votre dernier livre, je cite « À la science. Tiens bon. »Pourquoi?

Timothy : Oh, nous avons vécu une ou deux décennies difficiles, n'est-ce pas? On constate une sorte de mépris grandissant à l'égard de la science et des institutions scientifiques. Maintenant, je veux être clair, si vous sortiez et que vous interrogiez 1 000 personnes, la plupart des habitants du Canada diraient qu'elles font confiance à la science et aux scientifiques. Mais cette confiance commence à s'effriter, surtout si vous abordez des sujets particuliers.

Ainsi, une personne pourrait dire, je fais confiance à la science, mais lorsque vous lui demandez, qu'en est-il des vaccins? Qu'en est-il des changements climatiques? Qu'en est-il des suppléments? Qu'en est-il par exemple des autres types de thérapies non éprouvées? C'est là que ça devient intéressant. C'est donc l'une des raisons pour lesquelles j'ai dédicacé le livre à la science. Mais l'autre raison, c'est que j'ai l'impression que les institutions scientifiques sont en quelque sorte menacées. Et c'est vraiment déchirant parce qu'obtenir de bonnes données probantes, avoir des connaissances fiables, c'est d'une importance capitale pour les démocraties libérales et je pense qu'il y a actuellement une crise dans ce domaine.

Annik : Comme je l'ai dit plus tôt, je vais utiliser la mésinformation comme un terme passe-partout, mais techniquement ce n'est pas le cas. Il y a différents types de mésinformation. Comme l'explique Timothy.

Timothy : Oui, j'utilise également la mésinformation comme expression passe-partout, et tout le monde n'est pas d'accord que c'est une bonne stratégie. C'est en fait une sorte d'environnement complexe. L'environnement de l'information. Voyez-vous, je l'appelle le continuum de la mésinformation.

Donc d'un côté, nous avons de l'information que les fournisseurs savent être un mensonge, c'est clairement un mensonge; il n'y a aucune donnée probante pour la soutenir, et elle est proposée pour satisfaire un programme particulier, pour vendre des produits. Nous savons que c'est de la désinformation. L'intention est de répandre la mésinformation pour un tas de raisons.

Nous suivons ce continuum et nous allons trouver beaucoup de gourous du bien-être dans cette catégorie. Est-ce qu'ils y croient? Je ne sais pas. Cela semble scientifique mais est-ce qu'un gourou du bien-être croit vvraiment, qu'un nettoyage du côlon vous aide? Croient-ils vraiment que ces suppléments fonctionnent? Je ne sais pas. Je suis sceptique. Peut-être qu'ils se sont fait des illusions en pensant que ça marche, mais c'est encore faux. C'est toujours de la mésinformation. C'est nocif dans tous les cas.

Et si nous avançons un peu plus loin dans ce continuum, il y a des personnes qui croient vraiment qu'elles font ce qu'il y a de mieux, elles recherchent simplement le meilleur pour elles-mêmes, pour leur famille et leur communauté, et elles répandent cette information inexacte sans intention de nuire. Mais c'est encore de la mésinformation, et ça peut toujours nuire à autrui.

Alors oui, il y a tous ces autres niveaux dans ce continuum, et je pense que c'est un environnement complexe, et c'est important parce que la nature de la mésinformation peut éclairer la manière dont nous devrions nous y attaquer.

Annik : Les canulars existaient bien avant Internet. Il y a par exemple le géant de Cardiff, la sirène des Fidji, les fées de Cottingley. Mais comment la mésinformation moderne est-elle spéciale?

Timothy : Oui, j'adore regarder ces vieux canulars. En fait, je consomme beaucoup de mésinformation sur la santé, et j'adore regarder ces vieilles affiches sur des traitements bidons.

La mésinformation existe depuis toujours; dès que les êtres humains ont commencé à communiquer, je suis persuadé qu'il y avait de la mésinformation. Mais c'est différent maintenant.

Bien des gens pensent que la mésinformation a vraiment commencé à prendre de l'ampleur durant l'élection de 2016 aux États-Unis, et aussi à prendre une forme différente. Au-delà de ça, ce sont vraiment les médias sociaux qui y contribuent. Oui, c'est une réponse évidente, mais les médias sociaux ont vraiment transformé la mésinformation parce que par le passé, les gens n'avaient pas vraiment accès à des moyens de diffuser des idées, et Internet a en fait permis que ça prenne de l'ampleur. Internet a permis de créer des chambres d'écho, et des communautés qui croient à ce genre de choses ont vu le jour.

L'autre chose qui, à mon avis, se produit maintenant c'est que, comme l'environnement de l'information est devenu si trouble, et je pense que notre environnement de la connaissance est devenu très trouble aussi, il est plus facile de trouver des semblants de légitimité pour donner un aspect de crédibilité à une opinion. Par exemple, il existe de mauvaises données scientifiques vers lesquelles les gens peuvent pointer, pour donner l'impression que leur point de vue est plus légitime.

En plus, une des choses que je trouve vraiment effroyable, c'est à quel point la mésinformation est devenue idéologique. Oui, il en a toujours été ainsi. Vous savez, il y a toujours eu une composante idéologique dans la mésinformation. Mais cet aspect évolue assez rapidement. Et si vous regardez la situation dans le domaine de la santé, domaine dans lequel j'effectue mes recherches, c'est incroyable, mais tout a désormais une composante idéologique, que vous parliez de vaccins, que vous parliez de suppléments, que vous parliez de traitements sans fondement scientifique pour l'autisme. Il y a cette perspective idéologique à travers laquelle tout est projeté, et c'est vraiment effrayant parce qu'une fois que quelque chose est empreint d'idéologie, il devient beaucoup plus difficile de modifier la mentalité des gens.

Annik : Selon une récente Enquête sociale générale menée par Statistique Canada, le moyen le plus souvent utilisé pour suivre les nouvelles et l'actualité est Internet, suivi de la télévision. Pourriez-vous nous expliquer comment la différence de point d'accès à l'information est déterminante?

Timothy : Bien des recherches récentes ont trouvé une forte corrélation entre l'endroit où nous obtenons nos renseignements et si nous croyons à la mésinformation et si nous partageons cette mésinformation. Eh oui, c'est vrai, cela importe vraiment. Ainsi, il n'est pas surprenant que si quelqu'un prend ses renseignements sur les médias sociaux, il sera plus susceptible de croire à la mésinformation et plus susceptible de la propager. Si une personne prend ses nouvelles dans les médias traditionnels, comme les journaux bien connus, les radiodiffuseurs qui existent depuis longtemps, elle est moins susceptible de croire à la mésinformation et moins susceptible de partager la mésinformation. C'est très corrélationnel à l'éducation et à l'économie sociale. Mais c'est toujours pertinent parce que ça nous ramène aux chambres d'écho, où les gens obtiennent leurs informations importantes.

En fait, une étude a été publiée cette année qui révèle que le plus fort prédicteur de la croyance à l'efficacité des traitements contre la COVID est l'émission de nouvelles par câble regardée. En fait, il s'agit de résultats pour le grand public mais cette statistique tient aussi pour les médecins. Ils ont donc trouvé qu'aux États-Unis, l'avis de votre médecin en ce qui concerne les traitements contre la COVID est davantage influencé par les émissions de nouvelles par câble qu'ils ont regardées que par les écrits scientifiques qu'ils ont lus. C'est tout simplement terrifiant! Et ça montre vraiment à quel point les choses se sont polarisées et sont devenues une question d'idéologie, et une question d'où les gens obtiennent leurs informations.

La dernière chose que je vais dire à ce sujet, c'est que je pense aussi que cela révèle la nature chaotique de notre environnement informationnel. Alors, si vous obtenez vos renseignements des plateformes de médias sociaux, d'Internet, vous recevez beaucoup plus de renseignements que ce que vous cherchiez, en fait. Vous savez, certaines plateformes comme TikTok poussent l'information vers vous. Instagram fait de même. Toutes les plateformes font ça dans une certaine mesure. Alors nous savons que lorsque nous sommes bombardés de renseignements, nous sommes moins susceptibles de les examiner de façon critique. Donc, nous devons vraiment réfléchir à la manière dont nous pouvons inviter les gens à faire une pause dans cet environnement d'information frénétique pour, alors, mettre en pratique leur pensée critique. Quand l'information vient vers vous, elle vous enveloppe et elle joue sur vos préjugés cognitifs, elle joue sur vos peurs et vos idées préconçues; la mésinformation peut vraiment prendre place, et donc nous devons trouver des stratégies pour la faire reculer.

Annik : Pourriez-vous parler des rouages des médias sociaux? Je parle d'algorithmes, de chambres d'écho et du rôle qu'ils jouent dans l'accès à l'information pour le citoyen ordinaire.

Timothy : Je pense qu'il est vraiment important de reconnaître une chose : l'idée est que les algorithmes qui propulsent les moteurs de recherche, qui propulsent pratiquement toutes les plateformes de médias sociaux sont conçus pour exploiter nos préjugés cognitifs. De nombreux travaux intéressants ont porté sur la manière dont ils jouent sur la peur. Ils jouent sur vos penchants idéologiques. Ils jouent sur votre désir d'être vus au sein d'un groupe. Ces algorithmes, pour cette raison, facilitent non seulement la diffusion de la mésinformation, mais la création de chambres d'écho, qui rend légitime la désinformation et met l'accent sur celle-ci. Je pense que nous avons vraiment besoin de plus de transparence sur ce qui se passe réellement avec ces algorithmes.

En tant qu'individus, en tant que public, nous devrions reconnaître que ces algorithmes sont conçus pour obtenir de l'attention; ils sont conçus pour obtenir des clics, ils sont conçus pour vous embarquer. Et ils le font en jouant avec nos préjugés cognitifs.

Comme je l'ai dit plus tôt, cela nous touche tous. J'ai fait des erreurs moi-même, je me suis fait avoir alors que ce ne serait pas arrivé si j'avais simplement fait une pause pour me rappeler que ces algorithmes sont conçus pour nous tromper en quelque sorte.

Annik : Tant de gens reçoivent des extraits de renseignements : des extraits sonores sur les médias sociaux, une grosse manchette dans une notification sur leur téléphone intelligent. Pourquoi est-ce un problème quand les gens comptent sur ces minuscules infobulles pour leurs nouvelles?

Timothy : C'est, je pense, devenu la façon dont nous obtenons nos nouvelles désormais, n'est-ce pas? Et parfois je suis coupable de ça. Et je veux dire, il y a eu beaucoup d'études vraiment intéressantes menées sur la manière dont les gens ne lisent que les grosses manchettes et à quel point il est rare que les gens cliquent sur le contenu réel. Et nous savons aussi que le fait de ne pas faire de pause, de ne pas essayer d'appliquer vos compétences de pensée critique est corrélé avec la croyance en la mésinformation et la diffusion de la mésinformation.

Et l'autre chose que nous devons nous rappeler c'est que la situation que vous avez décrite, cet environnement d'information frénétique, ça joue aussi sur nos émotions. Donc, c'est un véritable scénario catastrophe. Parce que nous avons ces algorithmes, qui nous connaissent en quelque sorte maintenant et ils nous présentent des titres et du contenu, et des images et des mèmes qui jouent sur nos idées préconçues, qui jouent probablement dans une certaine mesure sur notre idéologie. Et nous sommes donc plus susceptibles de l'intérioriser. C'est pour ça qu'il faut encourager les gens à s'arrêter un moment. Des chercheurs comme Gordon Pennycook à l'Université de Cornell et David Rand à la MIT, ont mené des études vraiment intéressantes qui ont mis en évidence la valeur de marquer une pause, juste pour un instant, pour être moins susceptibles de croire à la mésinformation, moins susceptibles de partager la mésinformation. Et l'autre chose qui, à mon avis, est vraiment importante, c'est le degré auquel ce monde frénétique de pièges à clic dans lequel nous vivons, joue aussi sur nos émotions. Des travaux vraiment intéressants menés par des gens comme Kate Starbird, à l'Université de Washington, postulent que, si le contenu vous rend émotionnel votre instinct ne devrait pas être de le partager ou de l'intérioriser. Votre instinct devrait vous recommander d'être sceptique. Vous savez, quand ça me fait me sentir émotionnel, que ça me met en colère, que ça me fait ressentir de la crainte ou que j'ai l'impression que mon équipe vient de marquer un touché, cela devrait être pour moi un signal de marquer une pause et de revérifier l'information parce que c'est l'algorithme qui, en fait, a pris le contrôle. Et ne tombez pas dans le panneau! Prenez une pause et appliquez ces compétences de pensée critique.

Annik : Cela mène en fait à ma prochaine question, qui était : dans mes recherches pour cet épisode, j'ai découvert à maintes reprises que la mésinformation était plus susceptible d'être partagée sur les médias sociaux si c'était une mauvaise nouvelle, et plus la manchette était dramatique, négative, choquante, plus il était probable qu'elle soit repartagée. Pouvez-vous parler de biais de négativité et du rôle qu'il joue sur notre attention?

Timothy : Oui, il y a beaucoup de recherches vraiment intéressantes menées sur ce sujet. Et, certaines d'entre elles sont très récentes. Une étude a été publiée qui confirme exactement ce que vous venez de dire. Ils ont examiné le rôle du biais de négativité dans le partage de la mésinformation dans le contexte de la COVID, et ils ont constaté que c'était un facteur dominant. Et nous le savons depuis très longtemps. Les manchettes négatives surpassent les manchettes positives. Une étude publiée plus tôt cette année a révélé que, pour cette raison, au cours des deux dernières décennies, les grosses manchettes négatives, effrayantes et inquiétantes étaient de plus en plus fréquentes. Et les manchettes qui portent sur la joie diminuent en fréquence. Donc, tout cela est lié au biais de négativité.

Et le biais de négativité, comme vous le savez bien, c'est l'idée que, si quelque chose est effrayant, nous sommes plus susceptibles de nous en souvenir, plus susceptibles, en fait, de prendre les mesures nécessaires. Ce qui est tout à fait logique en tant que biais cognitif. Pendant la majeure partie de l'histoire humaine, il fallait se souvenir des choses qui faisaient peur, n'est-ce pas? Par exemple, attention, il y habituellement des tigres là-bas, ne mange pas ce fruit toxique!… Mais c'est en train de se retourner contre nous.

Donc, avec notre propre initiative de mot-clic #LaSciencedAbord, nous essayons de contrer la mésinformation d'une manière positive. Nous voulons être constructifs. Nous ne voulons pas tomber dans ce piège de la campagne de la peur. Mais quand vous luttez contre le biais de négativité, cela peut être difficile. Il y a eu des études qui ont découvert que les messages de santé publique qui contiennent un petit élément effrayant surpassent ceux qui sont entièrement positifs. Alors, combattez-vous le feu avec le feu, ou essayez-vous de penser à d'autres stratégies créatives, qui peuvent encore faire gagner du terrain à votre contenu, mais qui ne contribue pas nécessairement à une vision négative du monde? J'aime davantage ce dernier que le premier. Essayons d'être positifs. Le monde a besoin d'un peu plus de positivité.

Annik : Que pensez-vous de l'idée que nous devrions accorder aux deux côtés d'un enjeu une considération à parts égales?

Timothy : Je ne pense pas qu'on le dise assez, le fait que notre environnement d'information actuel est une machine à équilibre précaire. Alors, qu'est-ce que j'entends par là? Hum, les points de vue marginaux, les points de vue contradictoires, les points de vue minoritaires, sont souvent des points de vue qui ne sont pas soutenus par la science, sont élevés dans notre écosystème de l'information pour les faire apparaître comme équivalents à l'ensemble des données probantes, le consensus scientifique. Nous voyons cela se produire avec les vaccins, avec le climat. Cela s'est produit avec pratiquement tous les sujets controversés auxquels vous pouvez penser.

Et il y a eu, il y a eu des recherches vraiment intéressantes, comme une étude réalisée en Europe, qui mettait en évidence le degré auquel cela représente un problème. Dans le cadre de cette étude, on a demandé à des milliers de personnes à quel point il y a consensus dans la communauté médicale au sujet de l'innocuité et de l'efficacité des vaccins contre la COVID. Et 90 % des gens ont répondu qu'ils croyaient que la communauté médicale était divisée. Et que 50 % pensaient que ces vaccins n'étaient peut-être pas sécuritaires et qu'ils n'étaient pas efficaces … quand en réalité, plus de 90 % ont pensé cela. C'est préoccupant quand on pense que 90 % des gens croyaient qu'il y avait un manque de consensus dans la communauté médicale.

Et le problème c'est que la recherche a constamment démontré qu'un équilibre précaire peut avoir une incidence sur la perception publique, il peut avoir une incidence sur les comportements en matière de santé; il peut amener une certaine hésitation à se faire vacciner. Nous devons donc faire un meilleur travail, en présentant le consensus scientifique à la communauté.

Je pense qu'il est également très important de souligner le fait de parler du consensus scientifique. Il ne s'agit pas de ne pas respecter les positions scientifiques controversées, et souvent c'est comme ça que les semeurs de doute essaient de dépeindre le consensus scientifique. Oh, ce ne sont que des moutons! Ce ne sont que des gens qui ont acquis une mentalité de pensée collective. Au contraire, les scientifiques remettent toujours en question le consensus scientifique, et les opinions controversées sont très importantes, mais ces opinions scientifiques doivent être présentées dans des forums scientifiques. Il s'agit d'utiliser la science pour soutenir votre position. Et si, si vous pouvez le faire, votre position finira par s'élever. Le consensus scientifique est important.

OK, la dernière chose que je vais dire à ce sujet, c'est de confirmer ce que je viens de dire. Toute cette idée du consensus scientifique par opposition à ces points de vue marginaux n'est en fait que controversée pour des sujets devenus politiques. Et, vous savez, personne ne s'inquiète de ce que le consensus scientifique ne soit pas vrai quand ils montent à bord d'un avion. Et au fait, ces points de vue marginaux, c'est ce que nos propres recherches ont trouvé largement surreprésenté. Ils ne sont pas réduits au silence. Ils ne sont pas censurés. Ils sont largement surreprésentés dans la sphère publique.

Annik : StatCan est un producteur et un communicateur de données. En tant que tel, il s'engage régulièrement dans cette sphère publique, qui, comme nous venons de l'entendre, est beaucoup plus complexe qu'elle ne l'était auparavant : la mésinformation, la désinformation, la mauvaise science, des fils de nouvelles encombrés…

Peut-être que le statisticien en chef est celui qui l'a dit le mieux dans un discours en 2019 :

Anil : Lorsqu'il est question de mégadonnées, nous devons reconnaître que le volume n'est pas synonyme de qualité.

Annik : Le volume sans la qualité équivaut à une surcharge d'informations.

Le travail de StatCan consiste à fournir aux Canadiens les renseignements dont ils ont besoin. Alors comment l'organisme navigue-t-il dans cet environnement informationnel?

Nous avons rencontré un expert, qui nous accordé une entrevue.

Eric : Eric Rancourt, Statisticien en chef adjoint et dirigeant principal des données à Statistique Canada

Annik : De quelle manière Statistique Canada perçoit-il l'énorme vague d'informations qui déferle sur les Canadiens? Surtout étant donné que nous savons que des personnes malveillantes diffusent intentionnellement de la désinformation pour nous induire en erreur?

Eric : En fait, c'est un changement de contexte qu'on vit. Statistique Canada opère depuis plusieurs années dans un contexte où on a mis en place des sondages, des programmes statistiques qu'on contrôle, basés sur des échantillons et des façons scientifiques de recueillir l'information. Maintenant, avec toute l'information qui se trouve sur internet, qui est disponible partout dans la société, toute cette information-là qui déferle change la donne.

C'est pour ça qu'on a adopté un programme de modernisation qui est en fait un état d'esprit, une façon de toujours s'assurer qu'on répond bien aux besoins des utilisateurs et qu'on utilise des méthodes qui sont à la fine pointe pour justement tenir compte du fait qu'il y a ces changements-là. C'est donc important de s'assurer de produire de l'information de qualité avec des méthodes scientifiques modernes, la science des données et on tient compte de ces nouvelles sources, en intégrant l'information d'une façon qui permet de produire de l'information valide.

Annik : La mésinformation érode la confiance des Canadiens en général. Quelles sont les conséquences si les Canadiens ne savent pas à qui faire confiance et pourquoi la confiance est-elle essentielle?

Eric : C'est très important la confiance envers un système statistique parce que l'information qui est produite va mener à des prises de décision, que ce soit par ceux qui mettent en place des politiques, que ce soit ceux qui gèrent des entreprises ou les personnes dans la vie privée. L'information qui est utilisée mène à des décisions qui pourraient avoir un impact sur les personnes si c'est de la mauvaise information qui a été utilisée. Dans un organisme comme Statistique Canada, on s'assure d'être très transparent sur les méthodes qu'on utilise. C'est pour ça qu'on a un centre de confiance sur notre site web où les gens peuvent aller voir ce qu'on est en train de faire, ce qu'on collecte comme information, ce qu'on prévoit collecter et ça donne de l'information aussi sur comment nous contacter si jamais les gens ont des questions.

Annik : Si la mésinformation sème la méfiance, elle menace bien plus que notre système statistique national. Alors, pourquoi ? Pourquoi quelqu'un diffuserait-il intentionnellement des informations erronées ? J'ai posé cette question à Timothy

Annik : À qui profite la mésinformation?

Timothy : J'avoue que c'est une bonne question. Et puis, je comprends tout à fait parce que, voyez-vous, les gens disent : pourquoi les opposants aux vaccins avancent-ils ce genre de choses? Pourquoi, les gens essaient-ils de créer un doute sur la nature des changements climatiques? Eh bien, très souvent il y a de l'argent en jeu. Il y a beaucoup d'argent en jeu! Des études intéressantes ont examiné dans quelle mesure ceux qui diffusent la mésinformation en bénéficient. Donc, juste pour donner un exemple, de nombreux opposants aux vaccins vendent également des suppléments, ou ils vendent d'autres produits de santé. Ils vendent souvent des produits qui alimentent la peur au moyen de choses comme les vaccins.

Annik : Qui sont les plus vulnérables dans cette conversation?

Timothy : Je pense que nous sommes tous vulnérables. Je pense que nos institutions sont vulnérables. Je pense aussi que la diffusion de la mésinformation et de toutes les choses dont nous avons parlé peuvent aussi, polariser nos communautés d'une manière qui approfondi les enjeux d'équité. Je pense qu'il y a certaines communautés qui sont potentiellement plus vulnérables. Je pense que nous sommes tous vulnérables à la propagation et au préjudice de la mésinformation, et je pense que c'est un point très important que nous ne devrions pas oublier. Je veux dire, cela nous affecte tous. Cela a des répercussions sur nos établissements de soins de santé, sur les fournisseurs de soins de santé, sur les patients, sur les populations, sur les collectivités. Il faut s'en rappeler au moment d'élaborer des stratégies pour contrer la mésinformation.

Annik: Quel est le rôle d'une recherche et de données de qualité dans la lutte contre la mésinformation?

Timothy : Je pense, en fait, qu'il y a un peu de crises de la création de connaissances en ce moment. Je pense vraiment que les démocraties libérales du monde entier devraient faire de la création d'une science digne de confiance une priorité. Et qu'est-ce que je veux dire par là? Il y a une crise de réplication qui se produit. Des journaux prédateurs polluent notre écosystème de connaissance. Il y a des articles zombies qui ne disparaissent tout simplement pas et qui sont toujours cités. Nous devons créer une science indépendante et fiable, qui est distribuée d'une manière que le public puisse avoir confiance en elle. Et c'est absolument essentiel dans la lutte contre la mésinformation, pour informer nos politiques et pour créer de la confiance au sein de la communauté de façon plus large.

Annik : Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui souhaite demeurer informé, mais qui ne sait pas comment naviguer dans ce milieu?

Timothy : Tout d'abord, arrêtez un instant… cette simple stratégie peut vraiment faire une différence. Je crois qu'en essayant de ralentir un peu notre environnement d'information, on peut ralentir ce bombardement.

L'autre chose que nous devons faire, c'est d'amener les gens, je pense, à mieux comprendre les données probantes, la nature des données probantes; une anecdote n'est pas la même chose que des études bien réalisées. Et seulement enseigner aux gens ce truc très simple, je pense, et le soutien de la recherche peut vraiment faire une différence. Et c'est quelque chose que vous pouvez déployer au quotidien, n'est-ce pas? Je pense aussi que, quand des choses comme l'intelligence artificielle deviennent plus courantes, nous allons devoir inviter les gens à utiliser des compétences de vérification des faits, encore plus

Annik : Alors qu'est-ce qui fait qu'une source d'information est fiable? Comment le savoir? C'est ce que nous avons demandé à Eric, notre expert en information

Annik : Qu'est ce qui rend une source d'information fiable? Par exemple le recensement? Qu'est-ce qui différencie une diffusion des données du recensement des autres sources que les Canadiens peuvent trouver en ligne par exemple?

Eric : D'abord, c'est produit par une institution qui est une institution de confiance— Statistique Canada. Alors la source de l'information devrait toujours être consultée. Si on regarde ce qui est disponible sur Internet, ce n'est pas toujours de sources fiables. C'est le premier point Ensuite est-ce que les méthodes qui ont été utilisées est-ce que les processus en place est-ce que les techniques sont fournies aux utilisateurs.

Statistique Canada est très transparent sur les approches prises sur les méthodes utilisées, et ce n'est pas toujours le cas sur ce qu'on trouve sur Internet. Donc ça, c'est un indicateur de la confiance qu'on peut attribuer à une source d'information. Est-ce que l'information qui est présentée est de qualité? Est ce qu'il y a des fautes dans la façon que c'est présenté? Est-ce que c'est de l'information qui est bien compréhensible? Ça aussi, c'est un indice de confiance envers le producteur d'information et les données comme telles et rendre disponibles des points de contact ou des personnes qu'on peut contacter et être disponible pour discuter de l'approche qui a été prise ça aussi, c'est une preuve de solidité dans l'approche et la façon de produire les données. Donc tout ça, ce sont des éléments qui permettent de faire confiance à une source de données. En fait, c'est très difficile d'avoir confiance en des données, les données, c'est juste un chiffre, c'est un point. La confiance, c'est toujours tourné envers une institution.

Annik : Puis qu'est-ce qu'on peut faire par rapport à la mauvaise information?

Puis quand je dis nou, je parle des Canadiens ordinaires.

Eric: La première chose, c'est qu'il faut être conscient qu'il y a vraiment la possibilité que l'information ne soit pas toujours bonne. Il faut être alerte dans notre façon d'utiliser l'information. D'où vient cette information-là? Il faudrait essayer de trouver en tant que personne, il faut trouver quelle est la source de l'information et est-ce que c'est une source fiable, par exemple Statistique Canada, une université, des endroits comme ça. Et est-ce que les méthodes qui ont été utilisées est-ce qu'elles sont rendues disponibles? Ce n'est pas nécessaire de comprendre et de connaître tous les détails des méthodes utilisées, des approches utilisées mais le fait qu'elle soit rendue disponible ça c'est en soi un indicateur du fait qu'on peut faire confiance à une source comme ça. Si on trouve l'information et qu'elle est douteuse, on ne devrait pas la faire suivre et la passer à des amis ou des collègues. On devrait ne pas proliférer ce genre d'information-là. Et si jamais par hasard, on sait quelle est la vraie information c'est toujours possible de la corriger. Mais dans un contexte comme la production d'information à Statistique Canada, c'est toujours possible pour les gens de contacter Statistique Canada et de poser des questions sur comment l'information a été produite, pourquoi, etc., et ça, c'est une pratique qui devrait être utilisée peu importe la source de données,

Annik : On ne peut pas le dire assez. StatCan produit des données de grande qualité dignes de votre confiance. C'est inestimable dans cet environnement d'information, mais l'organisme dépend de vous, met sa confiance en vous, pour les créer.

Annik : Si quelqu'un veut en savoir plus au sujet de vos travaux, où devrait-il aller?

Timothy : Eh bien, je suis facile à trouver en ligne. Je suis sur plusieurs plateformes de médias sociaux : @CaulfieldTim. C'est là que je m'exprime, et nous avons notre propre projet de lutte contre la mésinformation, appelé #LaScienceDabord, où nous essayons de contrer la mésinformation et de parler de littératie scientifique, de littératie des médias d'une manière très constructive et positive en utilisant diverses voix de partout au Canada. Venez donc vous joindre à l'équipe de LaScienceDabord.

Annik : Si quelqu'un veut en savoir plus sur ce sujet où peut-on trouver ces renseignements?

Eric : On peut commencer par le site web de statistique Canada où il y a le Centre de confiance qui explique ce qu'on fait comme la collecte d'information, ce qu'on prévoit faire, et aussi à cet endroit-là, on peut trouver de l'information sur comment contacter Statistique Canada pour en savoir plus.

Annik : Vous venez d'écouter Hé-Coutez bien! Merci à nos invités, Timothy Caulfield et Éric Rancourt, d'avoir pris le temps de nous parler.

Vous pouvez vous abonner à cette émission à partir de tout endroit où vous accédez habituellement à vos balados. Vous y trouverez également sa version anglaise, intitulée Eh Sayers. Si vous avez aimé cette émission, n'hésitez surtout pas à la noter, à la commenter et à vous y abonner.

Une dernière chose! Si vous avez aimé entendre les histoires qui se cachent derrière les données dans le cadre de notre balado, vous pouvez avoir accès à encore plus de contenu en téléchargeant notre application mobile, StatsCAN. Accédez aux plus récentes publications et soyez informé de la diffusion de nouveaux renseignements qui correspondent à vos intérêts, comme l'agriculture et l'alimentation, la santé ou la science et la technologie. Vous pouvez télécharger gratuitement l'application StatsCAN à partir des boutiques d'applications d'Apple et de Google. Jetez-y un coup d'œil!

Merci de nous avoir écoutés!

Sources

Statistique Canada. « La consommation des médias au Canada : les Canadiennes et les Canadiens sont-ils bien informés? » Statistique Canada. Gouvernement du Canada, 28 mars 2023.

« Le Centre de confiance de Statistique Canada. » Statistique Canada. Gouvernement du Canada, 7 février 2023.