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Méthodes
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Discussion

Malgré certains résultats contradictoires1-4, l'existence d'un lien entre l'activité physique et l'obésité a bel et bien été établie5-8. Dans le but d'orienter l'élaboration des politiques en matière de santé publique vers la prévention de l'obésité, un nombre croissant d'études sur la population mettent l'accent sur les déterminants de l'activité, en particulier chez les enfants. Une évaluation exacte de l'activité physique ainsi que sédentaire représente un aspect fondamental de ces travaux de recherche.

Les enquêtes réalisées auprès de la population s'appuient à la fois sur les autodéclarations des enfants et sur les déclarations par personne interposée des parents pour quantifier l'activité physique et l'activité sédentaire des enfants et des jeunes9, 10. Pourtant, ces sources d'information ont l'une et l'autre leurs inconvénients. D'une part, les enfants sont susceptibles d'oublier et n'ont pas encore une perception exacte de la quantité ou de la durée. D'autre part, les parents pourraient ne pas être au courant de toutes les activités de leurs enfants. La question de savoir quelle forme de déclaration, ou l'autodéclaration ou la déclaration par personne interposée, constitue la meilleure source d'information pour ces enquêtes n'a jamais été analysée, bien que pareil exercice puisse sembler indispensable à la planification et à la mise en œuvre de celles-ci ainsi qu'à l'interprétation des résultats observés.

Les enquêtes nationales et d'autres enquêtes à grande échelle menées auprès de la population, qui sont généralement réalisées par téléphone, ne se prêtent pas aisément à l'utilisation d'instruments de mesure de l'activité physique, tels que les accéléromètres et les podomètres. Et, si ces instruments assurent une objectivité, ils ont aussi leurs limites. Ainsi, ils peuvent ne pas convenir dans certaines situations (p. ex. les accéléromètres ne sont pas tous imperméables à l'eau) ou provoquer une réaction chez le sujet sensible, surtout chez les enfants11.

La sous-déclaration sélective est un autre défi que pose l'étude de l'obésité. Cette tendance a été observée chez les personnes ayant de l'embonpoint et les personnes obèses dans les quantités déclarées de calories et de lipides consommés12. Un biais comparable pourrait s'appliquer aux activités physiques et sédentaires, mais la question n'a jamais été étudiée.

Afin de faciliter l'interprétation des données d'enquête sur l'activité des enfants, on procède, dans la présente étude, à une évaluation des réponses des enfants et des parents aux questions sur la participation à des activités sportives (organisées et libres), le temps passé devant la télévision, l'utilisation d'un ordinateur ainsi que le temps passé à jouer à des jeux vidéo. On évalue également les différences dans les réponses des enfants selon leur poids, en fonction des catégories poids normal, embonpoint et obésité.

Méthodes

Plan de l'étude

L'étude a été approuvée par le Comité d'éthique de la recherche de l'Université Dalhousie (Halifax, Canada), où se sont déroulés les travaux de recherche. Les données sont tirées de la Children's Lifestyle and School-performance Study (CLASS) de 2003, une enquête nationale réalisée auprès d'élèves de cinquième année de la Nouvelle-Écosse et de leurs parents8. Les intervieweurs ont posé des questions validées extraites de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes13 concernant l'activité physique et sédentaire des élèves. Les questions sur l'activité physique avaient trait à la fréquence à laquelle les enfants participaient, en premier lieu, à des activités sportives organisées (avec un entraîneur ou un instructeur) et, en deuxième lieu, à des activités sportives libres (sans entraîneur ou instructeur). Les trois catégories de réponse étaient les suivantes : a) jamais ou presque jamais, b) environ une fois par mois et c) plus d'une fois par semaine. Quant aux questions sur l'activité sédentaire, elles portaient sur le nombre d'heures passées chaque jour soit à regarder la télévision, soit à utiliser un ordinateur ou à jouer à des jeux vidéo. Encore une fois, il y avait trois catégories de réponse, à savoir a) une heure ou moins, b) plus d'une heure à trois heures et c) plus de trois heures.

Sur les 291 écoles publiques de la Nouvelle-Écosse qui comptaient une ou des classes de cinquième année, 282 ont participé à l'enquête et fait distribuer un questionnaire et un formulaire de consentement aux parents. Les parents étaient priés de remplir le questionnaire à la maison. Le consentement parental a été obtenu dans 5 517 cas, pour un taux de réponse moyen de 51,1 % par école.

Des représentants de l'étude se sont ensuite rendus dans les écoles pour administrer le questionnaire de l'enquête aux élèves et pour mesurer leur taille et leur poids. La taille, sans chaussures, en position debout a été mesurée au 0,1 cm près. Le poids a été mesuré au 0,1 kg près à l'aide d'une balance étalonnée à affichage numérique. Les catégories poids normal, embonpoint et obésité ont été définies à partir des seuils d'indice de masse corporelle (IMC) internationaux établis pour les enfants et les jeunes14. Ces seuils reposent sur les définitions de l'embonpoint (25 kg/m2 ou plus) et de l'obésité (30 kg/m2 ou plus) chez l'adulte, telles qu'elles se rapportent à la santé, ajustées pour des groupes âge-sexe particuliers d'enfants14. L'une des sept commissions scolaires provinciales n'a pas voulu que les enfants soient mesurés. Les élèves pour lesquels ces mesures manquaient ont été exclus de l'analyse, ce qui a donné un échantillon de 4 298 enfants répartis entre 242 écoles.

Concordance

Puisque les réponses aux questions sur les niveaux d'activité étaient ordonnées, le degré de concordance entre les déclarations du parent et de l'enfant concernant les activités physiques et sédentaires de l'enfant a été évalué à l'aide du coefficient kappa pondéré15. À cette fin, on a utilisé un système de pondération défini par l'utilisateur, où 1 correspond à une concordance parfaite, 0,25, à un écart d'une catégorie et 0, à un écart de deux catégories. Pour chaque activité, les coefficients kappa ont été déterminés pour la population étudiée dans son ensemble et, séparément, pour les enfants de chacune des catégories poids normal, embonpoint et obésité.

Degré de concordance et association avec le poids corporel

Les déclarations des parents et des enfants ont été regroupées en fonction de trois catégories, à savoir activité plus faible déclarée par l'enfant, concordance et activité plus grande déclarée par l'enfant. L'association entre ces catégories et le statut pondéral de l'enfant a été déterminée à l'aide d'une analyse par régression logistique multivariée multiniveau, de manière à tenir compte de l'homogénéité des enfants d'une même école. L'analyse a été corrigée pour tenir compte du sexe de l'enfant, du revenu des parents et du niveau de scolarité des parents.

Relation entre les déclarations du parent et de l'enfant et le poids corporel de l'enfant

Des analyses distinctes effectuées à partir de modèles de régression logistique multivariée multiniveau ont servi à comparer la capacité prédictive du statut pondéral de l'enfant des réponses des parents et de celles des enfants aux questions sur les niveaux d'activité de ces derniers. On a tenu compte des effets du sexe de l'enfant, du revenu des parents et du niveau de scolarité des parents. Puis, les  modèles des parents et des enfants ont été comparés en fonction de trois facteurs, à savoir la force de l'association entre les activités déclarées et le statut pondéral de l'enfant, la signification statistique du lien entre ces activités et le statut pondéral déterminée à l'aide de la statistique de Wald, et la mesure dans laquelle le modèle rend compte du poids corporel à partir du critère d'information d'Akaike (AIC)16, qui est un indice utilisé pour déterminer le mieux ajusté de deux modèles parallèles16.

Les analyses portent sur 3 940 paires parent-enfant pour les sports organisés, 3 958 paires pour les sports libres, 3 925 paires pour le temps passé devant la télévision et 3 955 paires pour le temps passé devant un ordinateur ou à jouer à des jeux vidéo. Le nombre de paires varie à cause de réponses manquantes aux questions sur l'activité (posées aux enfants ou aux parents). Toutes les analyses statistiques ont été exécutées à l'aide du logiciel Stata 9 (StataCorp, College Station, Texas).

Résultats

Concordance passable seulement

Le coefficient kappa mesure la concordance entre les déclarations des enfants et celles de leurs parents. Or, en ce qui a trait à la participation des enfants aux activités sportives organisées, il était de 0,4 (tableau 1), ce qui indique une concordance passable17. Pour les sports libres, il était de 0,11 (concordance faible). L'écoute de la télévision ainsi que l'utilisation d'un ordinateur ou de jeux vidéo ont, pour leur part, affiché un coefficient kappa de 0,19 (concordance faible) et de 0,23 (concordance passable) respectivement.

Tableau 1 Concordance (mesurée à l'aide du coefficient Kappa pondéré) entre les déclarations du parent et de l'enfant quant aux activités de l'enfant, selon le poids de l'enfant. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 1
Concordance (mesurée à l'aide du coefficient Kappa pondéré) entre les déclarations du parent et de l'enfant quant aux activités de l'enfant, selon le poids de l'enfant

Les enfants déclarent une activité plus élevée

Le nombre d'heures d'activités sédentaires déclaré par les enfants était significativement plus élevé en comparaison avec les estimations des parents. Les enfants ont déclaré à 34 % consacrer un plus grand nombre d'heures à l'écoute de la télévision et à 33 % passer un plus grand nombre d'heures devant l'ordinateur ou à jouer à des jeux vidéo (tableau 2). Les enfants ont aussi déclaré une plus grande activité physique que leurs parents, mais les différences à cet égard ne sont pas statistiquement significatives (tableau 2).

Les enfants qui, par rapport à leurs parents, ont déclaré une plus grande participation aux activités sportives organisées et de loisir étaient significativement plus susceptibles d'avoir de l'embonpoint ou d'être obèses que ceux qui étaient d'accord avec leurs parents (tableau 2). En outre, en ce qui concerne les activités sédentaires, les enfants qui ont déclaré un nombre plus faible d'heures d'écoute de la télévision que leurs parents étaient significativement plus susceptibles d'avoir de l'embonpoint ou d'être obèses que ceux dont l'estimation et celle du parent concordaient. Les résultats sont semblables si on compare les enfants de poids normal aux enfants obèses plutôt qu'à ceux ayant de l'embonpoint (y compris les obèses) (données non présentées).

Tableau 2 Concordance entre les déclarations du parent et de l'enfant quant aux activités de l'enfant et rapports de cotes corrigés reliant l'activité déclarée à l'embonpoint ou à l'obésité chez l'enfant. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 2
Concordance entre les déclarations du parent et de l'enfant quant aux activités de l'enfant et rapports de cotes corrigés reliant l'activité déclarée à l'embonpoint ou à l'obésité chez l'enfant

Les déclarations du parent sont liées au poids corporel de l'enfant

Les enfants dont les parents ont déclaré qu'ils participaient à des activités sportives organisées et de loisir au moins une fois par semaine étaient significativement moins susceptibles d'avoir de l'embonpoint ou d'être obèses que ceux dont les parents ont déclaré qu'ils s'adonnaient rarement à ces activités (tableau 3). En outre, les enfants dont les parents ont déclaré qu'ils consacraient plus de trois heures par jour à l'écoute de la télévision étaient significativement plus susceptibles d'avoir de l'embonpoint ou d'être obèses que ceux dont les parents ont indiqué qu'ils y consacraient au plus une heure par jour. En revanche, les niveaux d'activité autodéclarés des enfants n'étaient pas associés à l'embonpoint ou à l'obésité de façon significative. Les valeurs AIC observées étaient plus faibles, pour chaque activité, pour les modèles des parents que pour ceux des enfants, ce qui indique que les déclarations des parents sont préférables à celles des enfants pour expliquer les différences dans le statut pondéral (tableau 3). Les résultats sont les mêmes si on compare les enfants de poids normal et les enfants obèses et si on tient compte du sexe du parent qui a rempli le questionnaire (données non présentées).

Tableau 3 Rapports de cotes corrigés reliant l'embonpoint ou l'obésité chez l'enfant aux déclarations du parent et de l'enfant quant aux activités de l'enfant. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 3
Rapports de cotes corrigés reliant l'embonpoint ou l'obésité chez l'enfant aux déclarations du parent et de l'enfant quant aux activités de l'enfant

Discussion

Les estimations des enfants et des parents à l'égard des niveaux d'activité des premiers différaient. Les enfants qui ont déclaré plus d'activité physique et moins d'activité sédentaire que ne l'ont fait leurs parents étaient plus susceptibles d'avoir de l'embonpoint ou d'être obèses que les enfants dont la déclaration concordait avec celle du parent. Contrairement aux autodéclarations des enfants, les déclarations des parents soutenaient l'existence d'un lien entre l'activité physique et un poids santé.

Au total, 19 études de l'association entre l'activité et le poids chez les enfants ont été consultées. De celles-ci, 4 étaient fondées sur des déclarations de parents (déclaration par personne interposée)6, 10, 18, 19 et 15, sur des autodéclarations d'enfants1-5, 9, 16, 20-27. Les résultats des quatre études fondées sur les déclarations des parents6, 10, 18, 19 étaient cohérents avec ceux d'études ayant trouvé un lien entre l'activité physique et le poids. Par contre, des 15 études axées sur les autodéclarations des enfants, 4 (27 %) n'ont pas relevé une telle association. Ce pourcentage pourrait être plus élevé encore en raison d'un biais lié à la publication, car les études dont les résultats sont positifs sont plus susceptibles d'être publiées que celles ne montrant aucune association. Des 4 études fondées sur les déclarations des parents, 3 portaient sur les enfants de 4 à 7 ans6, 10, 19 et 1, sur les 8 à 12 ans18. Les 15 études effectuées à partir d'autodéclarations d'enfants1-5, 9, 16, 20-27 concernaient les enfants de 8 ans et plus; 13 d'entre elles comprenaient les 10 et 11 ans, c'est-à-dire les âges visés par la présente analyse.

Les résultats du projet CLASS pourraient être entachés d'un « biais de désirabilité sociale ». Malgré le lien de causalité apparent entre un régime alimentaire à teneur élevée en calories et le surpoids28, 29, 30, aucune des multiples études sur le sujet n'a permis de le confirmer31, 32, 33. Selon certains chercheurs, cela s'expliquerait par une sous-déclaration de leur apport calorique par les personnes ayant de l'embonpoint, tendance qu'ils désignent de « biais de désirabilité sociale ». La présente étude montre que le même biais pourrait entacher également les déclarations sur l'activité, car les enfants qui ont déclaré plus d'activité physique et moins d'activité sédentaire que celle qui avait été perçue par les parents étaient plus enclins à avoir de l'embonpoint ou à être obèses que les enfants dont la déclaration concordait avec celle du parent. (La sous-déclaration sélective de l'activité physique par les parents d'enfants ayant de l'embonpoint pourrait également être en cause.) Le meilleur moyen de démontrer l'existence d'un biais de désirabilité sociale consisterait à réaliser une étude de validation pour comparer les autodéclarations d'enfants et les résultats d'une quelconque mesure objective de l'activité physique, mais que l'on sache, aucune étude semblable n'a jamais été effectuée.

Que l'autodéclaration et la déclaration par personne interposée ont leurs limites en tant que formes de déclaration est clair. De telles déclarations sont subjectives et dépendent d'estimations quant à la quantité et à la durée des activités. Néanmoins, les chercheurs du domaine de la santé publique reconnaissent les avantages des données autodéclarées par rapport à celles obtenues à l'aide d'instruments de mesure, tels que le podomètre ou l'accéléromètre. Les autodéclarations sont plus commodes dans le cas d'enquêtes à grande échelle sur la population, compte tenu des taux de participation élevés et des coûts associés à la prise de mesures directes. En outre, comparativement aux résultats obtenus à l'aide de podomètres, qui tiennent compte du nombre de pas, les données tirées d'autodéclarations sur la participation à diverses activités se traduisent plus facilement en recommandations pour éclairer les politiques en matière de santé publique, comme celles à l'appui d'installations pour la pratique de sports organisés ou de quartiers résidentiels sûrs pour accueillir le jeu des enfants.

La présente analyse s'appuie sur la relation entre l'activité et le poids pour évaluer l'exactitude des déclarations des parents et des enfants. S'il ne s'agit pas d'une méthode de validation classique, cette façon de procéder permet de comparer les déclarations quant aux niveaux d'activité de façon logique, particulièrement dans le contexte de vastes enquêtes de la population, comme la CLASS, qui ont recours au questionnaire. Il est à noter que les résultats ayant trait au statut pondéral sont objectifs, car la taille et le poids ont été mesurés directement34, 35. Les déclarations des parents soutiennent la relation entre l'activité et le statut pondéral, ce qui donne à penser qu'elles pourraient être plus exactes que les autodéclarations des enfants des âges visés.

En résumé, en ce qui a trait à l'activité des enfants, la perception des enfants et celle des parents diffèrent. Les enfants qui ont déclaré plus d'activité physique mais moins d'activité sédentaire que ne l'ont fait leurs parents étaient plus susceptibles d'avoir de l'embonpoint ou d'être obèses que ceux dont la déclaration concordait avec celle du parent. Bien sûr, il s'agit d'une seule étude réalisée selon un seul niveau du cycle primaire pour une seule province. D'autres travaux seront nécessaires pour confirmer que les déclarations des parents sur l'activité des enfants sont plus fiables que les déclarations des enfants eux-mêmes.