Niveaux suffisants de fer chez les Canadiens

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Par Marcia Cooper, Linda Greene-Finestone, Hélène Lowell, Johanne Levesque et Stacey Robinson

Le fer est essentiel aux fonctions biochimiques de l'organisme à toutes les étapes de la vie. Les manifestations physiologiques de l'anémie ferriprive comprennent l'altération de la fonction immunitaire et de la résistance à l'infection, des troubles de la cognition et du comportement, des perturbations de la thermorégulation et du métabolisme énergétique, une réduction de la capacité à faire de l'exercice ou à travailler et une fréquence plus élevée de naissances prématurées et d'enfants de faible poids à la naissance1,2. Dans les pays développés, la carence en fer et l'anémie ferriprive peuvent avoir pour cause un apport alimentaire en fer inadéquat, la consommation de fer sous des formes difficilement assimilables ou la diminution de l'absorption du fer attribuable à des inhibiteurs alimentaires. Les plus grandes demandes de fer que suscitent la croissance, les pertes menstruelles ou la grossesse sont des facteurs qui peuvent également jouer un rôle3.

La carence en fer touche de 20 % à 25 % de la population mondiale4, et l'anémie ferriprive est la forme d'anémie la plus fréquente. Aux États-Unis, on estime que sa prévalence chez les jeunes et les adultes est de 2 % à 5 % pour les femmes et de 1 % à 2 % pour les hommes5. Les dernières estimations nationales des niveaux de fer chez les Canadiens étaient fondées sur l'Enquête Nutrition Canada de 1970-19726. À cette époque, la prévalence globale du « risque élevé » d'anémie (Hb<100 g/L) était minime (moins de 1,5 %) chez l'ensemble des femmes7. Pour le groupe des 10 à 19 ans, la prévalence du « risque élevé » d'anémie était de 0,4 % chez les hommes et de 0,0 % chez les femmes7.

La présente étude utilise des données provenant du deuxième cycle (2009 à 2011) de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) pour mettre à jour les estimations des niveaux de fer chez les Canadiens. Ces données permettent d'examiner les associations entre certaines variables liées aux caractéristiques sociodémographiques et à l'état de santé et les mesures des niveaux de fer.

Étapes de la déplétion en fer

Le fer présent dans l'organisme se trouve principalement dans l'hémoglobine, une protéine contenue dans les globules rouges qui transporte l'oxygène dans les tissus8. La quantité de fer emmagasinée par l'organisme est directement reliée au taux de ferritine sérique (quantité de ferritine dans le sang). La carence en fer est habituellement définie en trois étapes de gravité croissante : la déplétion des réserves en fer indiquée par un faible niveau de ferritine sérique; une carence en fer légère sans anémie, confirmée par des résultats d'examen en laboratoire indiquant une érythropoïèse déficiente en fer; et une anémie ferriprive manifeste.

Le niveau de ferritine sérique est une mesure valide des réserves totales en fer9,10. Cependant, en tant que seul indicateur de la carence en fer, il doit être interprété avec prudence : les concentrations pourraient augmenter en raison d'infections ou de troubles tels qu'une inflammation chronique, une tumeur maligne ou une maladie hépatique11. Dans les pays développés, ces situations sont d'ordinaire trop peu fréquentes au sein de la population pour modifier la valeur des concentrations de ferritine sérique dans les enquêtes sur la nutrition11.

Au cours de la deuxième étape de la déplétion des réserves, le transport du fer diminue. Une réduction de la taille des globules rouges circulant dans le sang, mesurée par le volume globulaire moyen, est un indice fiable de la réduction de la synthèse de l'hémoglobine; de faibles valeurs peuvent indiquer une érythropoïèse déficiente en fer11.

L'étape finale — l'anémie ferriprive — est souvent caractérisée par une réduction de la concentration sanguine d'hémoglobine8. Comme les carences en micronutriments (surtout la vitamine B12, l'acide folique et la vitamine A) et les infections entraînant une inflammation sont d'autres causes (moins fréquentes) d'anémie12, la concentration d'hémoglobine devrait être combinée à d'autres mesures pour établir que la carence en fer est la cause de l'anémie13.

Méthodes

Source des données

L'ECMS a pour champ d'observation la population de 3 à 79 ans. L'échantillon du deuxième cycle représentait environ 96 % de la population. Les habitants des réserves indiennes, des terres de la Couronne et de certaines régions éloignées, les personnes vivant en établissement ainsi que les membres à temps plein des Forces canadiennes ne faisaient pas partie du champ de l'enquête. Les données ont été recueillies à 18 emplacements partout au Canada de août 2009 à novembre 201114. L'enquête comprenait une entrevue à domicile en vue d'obtenir des renseignements sur les caractéristiques démographiques et socioéconomiques, la santé, la nutrition et le mode de vie et une visite subséquente à un centre d'examen mobile où ont été effectuées des mesures directes, y compris la collecte d'échantillons de sang et d'urine14.

Environ les trois quarts (75,9 %) des ménages sélectionnés pour le deuxième cycle ont accepté d'y participer : 90,5 % d'entre eux ont répondu au questionnaire à domicile et 81,7 % de ceux qui ont répondu au questionnaire à domicile ont participé au volet du centre d'examen mobile. L'échantillon total était composé de 6 395 répondants. Le taux de réponse global était de 55,5 %14. Comme deux personnes ont été sélectionnées dans certains ménages, ce taux n'est pas le résultat de la multiplication des taux de réponse des ménages et des personnes. Les poids de sondage produits pour l'ECMS ont été utilisés pour tenir compte des différents stades de non-réponse. Les caractéristiques de l'échantillon sont présentées au tableau A en annexe.

Tableau A Répartition en pourcentage de l'échantillon comportant des mesures valides de l'hémoglobine, du volume globulaire moyen et de la ferritine sérique dans le sang entier, selon le sexe, le groupe d'âge, le revenu du ménage et l'autoévaluation de la santé, population à domicile de 3 à 79 ans, Canada, 2009 à 2011Tableau A Répartition en pourcentage de l'échantillon comportant des mesures valides de l'hémoglobine, du volume globulaire moyen et de la ferritine sérique dans le sang entier, selon le sexe, le groupe d'âge, le revenu du ménage et l'autoévaluation de la santé, population à domicile de 3 à 79 ans, Canada, 2009 à 2011

Les données pour 1970 à 1972 provenant de l'Enquête Nutrition Canada7,15 ont servi de référence pour la comparaison des estimations de la prévalence des niveaux de fer.

Prélèvement sanguin

Les échantillons de sang ont été prélevés par ponction veineuse. Un échantillon de sang entier a été recueilli dans une seringue Vacutainer à bouchon lavande contenant de l'EDTA pour effectuer une numérotation globulaire appelée hémogramme. Du sang a également été recueilli dans des seringues Vacutainer SST à bouchon rouge et gris ou à bouchon jaune, et le sérum a été séparé et traité pour l'analyse de la ferritine. Pour tous les résultats d'analyse de l'hémoglobine, de la ferritine sérique et du volume globulaire moyen, la taille de l'échantillon était de 6 008 personnes.

Des procédures normalisées et une procédure de contrôle de la qualité ont été élaborées pour la collecte, le traitement, la répartition en parties aliquotes et l'analyse des échantillons biologiques et pour leur expédition au laboratoire d'essais.

Hémogramme

On a procédé à un hémogramme du sang entier au laboratoire du centre d'examen mobile en se servant de l'analyseur d'hématologie HmX de Beckman Coulter. Le laboratoire participe à des programmes d'essais et applique des procédures rigoureuses de contrôle de la qualité. L'hémogramme comprenait la détermination du taux d'hémoglobine et du volume globulaire moyen.

Analyse de la ferritine

Des parties aliquotes sériques ont été congelées à -20oC et expédiées une fois par semaine sur de la glace carbonique au laboratoire du Bureau des sciences de la nutrition de Santé Canada. L'analyse de la ferritine dans le sérum a été effectuée par dosage chimiluminescent immunométrique en deux étapes en phase solide au moyen de l'analyseur Immulite 2000 (Siemens HealthCare Diagnostics).

Un contrôle de qualité interne et des procédures normalisées ont été élaborés pour chaque test biologique effectué dans ce laboratoire. Le laboratoire du Bureau des sciences de la nutrition de Santé Canada participe au programme d'essais du College of American Pathologists.

Analyse de la vitamine B12 et de l'acide folique érythrocytaire

La carence en vitamine B12 et en acide folique a été étudiée afin de déterminer si d'autres facteurs que la carence en fer contribuaient à la prévalence de l'anémie. L'analyse de la concentration de vitamine B12 sérique et d'acide folique érythrocytaire a été effectuée au moyen de l'analyseur Immulite 2000.

Valeurs de référence

Les valeurs de référence selon le sexe et le groupe d'âge de l'Organisation mondiale de la Santé16 ont été utilisées pour estimer la teneur suffisante en fer (tableau B en annexe). La concentration d'hémoglobine a été utilisée comme seule mesure de l'anémie17. La concentration de ferritine sérique sert ordinairement d'indicateur de la carence en fer parce qu'elle reflète les réserves tissulaires9,10. Le volume globulaire moyen a également été utilisé pour déterminer si de faibles concentrations d'hémoglobine étaient associées à la carence en fer. Les mesures supérieures aux valeurs de référence pour la ferritine et l'hémoglobine sériques ont fourni des estimations de la prévalence des réserves en fer suffisantes et(ou) de l'absence d'anémie.

Tableau B Valeurs de référence de l'Organisation mondiale de la Santé de la teneur suffisante pour l'hémoglobine, le volume globulaire moyen et la ferritine, selon les critères, 2001Tableau B Valeurs de référence de l'Organisation mondiale de la Santé de la teneur suffisante pour l'hémoglobine, le volume globulaire moyen et la ferritine, selon les critères, 2001

En règle générale, l'analyse est axée sur des estimations de la teneur suffisante (quantités égales ou supérieures aux valeurs de référence), parce que cette mesure produit de plus grandes tailles d'échantillon, qui se traduisent par une diminution importante de la variabilité d'échantillonnage et, donc, par des estimations plus fiables que les mesures de carence (quantités inférieures aux valeurs de référence). Les valeurs de référence pour la carence en vitamine B12 et pour la carence en acide folique érythrocytaire sont <148 pmol/L18 et <320 nmol/L, respectivement19.

Covariables

L'âge, le sexe, le revenu du ménage et l'autoévaluation de l'état de santé ont été examinés afin d'établir des associations avec les taux d'hémoglobine et de ferritine sérique. Six groupes d'âge ont été définis : 3 à 5 ans, 6 à 11 ans, 12 à 19 ans, 20 à 49 ans, 50 à 64 ans, et 65 à 79 ans. Le revenu du ménage durant les 12 derniers mois a été déterminé en divisant le revenu total (avant impôts et déductions) de tous les membres du ménage par le nombre de personnes dans le ménage. Les répondants ont désigné le revenu total du ménage à titre de meilleure estimation ou comme celui se situant dans un intervalle dont le point médian était utilisé pour les calculs. Ces valeurs ajustées du revenu du ménage étaient groupées en quartiles approximatifs.

L'autoévaluation de la santé par les répondants de l'enquête a été catégorisée comme excellente/très bonne/bonne ou passable/mauvaise.

On a établi des associations entre le régime alimentaire et la teneur suffisante en fer en se basant sur les réponses aux questions de l'entrevue à domicile sur la fréquence de consommation des aliments suivants : viande rouge (bœuf, porc, agneau, foie et autres abats), hot-dogs de bœuf ou de porc, et saucisses ou bacon; sources enrichies de fer non hémique (céréales chaudes ou froides, pain brun ou blanc et pâtes alimentaires); fruits et légumes.

Les participants à l'enquête ont répondu à des questions sur leur consommation de médicaments au cours du dernier mois, y compris les médicaments sur ordonnance, les médicaments en vente libre ainsi que les produits de santé naturels et les remèdes à base de plantes. Les médicaments déclarés ont été classés en se basant sur le Système de classification anatomique thérapeutique chimique et sur la dose thérapeutique quotidienne20. Les personnes qui prenaient un supplément de fer ont été classées comme suit : 1) celles consommant uniquement des multivitamines contenant de 5 à 30 mg de fer ferreux (Fe2+) par dose thérapeutique quotidienne (avec les limites correspondantes pour les divers sels de fer ferrique (Fe3+)); 2) celles consommant des préparations de fer et tous les produits combinés contenant plus de 30 mg de Fe2+ (ou des quantités correspondantes de sels de Fe3+) par dose thérapeutique quotidienne, avec ou sans multivitamines.

Analyses statistiques

Les poids de sondage de l'ECMS produits par Statistique Canada ont été utilisés dans toutes les analyses pour que les résultats soient représentatifs de la population canadienne de 3 à 79 ans. Les analyses ont été effectuées avec les logiciels SAS21et SUDAAN22 (en utilisant 13 degrés de liberté dans SUDAAN). On a calculé les pourcentages, les moyennes arithmétiques, les moyennes géométriques pour la ferritine sérique ainsi que les intervalles de confiance à 95 %. Le test de Student a été utilisé pour examiner les différences entre les pourcentages, les moyennes arithmétiques et les moyennes géométriques. La signification statistique a été déterminée au seuil de p<0,05, mais en utilisant la correction de Bonferroni selon le nombre de comparaisons23.

Résultats

Hémoglobine

La concentration moyenne d'hémoglobine chez les Canadiens de 3 à 79 ans était de 142 g/L. Les concentrations étaient significativement plus élevées chez les hommes que chez les femmes (tableau 1). Chez les membres des deux sexes, les niveaux d'hémoglobine avaient tendance à être assez faibles pour le groupe le plus jeune et le groupe le plus âgé, la moyenne la plus faible étant enregistrée chez les enfants de 3 à 5 ans (127 g/L). Chez les hommes, c'est pour le groupe des 20 à 49 ans que la concentration moyenne était le plus élevée (153 g/L). Chez les sujets féminins de plus de 5 ans, les concentrations moyennes étaient relativement uniformes d'un groupe d'âge à l'autre (132 g/L à 136 g/L), même si la concentration chez les femmes de 50 à 64 ans était significativement plus élevée que chez les filles de 6 à 11 ans.

Tableau 1 Concentrations moyennes d'hémoglobine, volume globulaire moyen et concentrations moyennes de ferritine sérique, selon le groupe d'âge et le sexe, population à domicile de 3 à 79 ans, Canada, 2009 à 2011Tableau 1 Concentrations moyennes d'hémoglobine, volume globulaire moyen et concentrations moyennes de ferritine sérique, selon le groupe d'âge et le sexe, population à domicile de 3 à 79 ans, Canada, 2009 à 2011

Pour 97 % des personnes de 3 à 79 ans, les taux d'hémoglobine étaient égaux ou supérieurs aux valeurs de référence selon le groupe d'âge et le sexe, indiquant que ces personnes n'étaient pas anémiques. La prévalence de la teneur suffisante en hémoglobine variait d'un creux de 90 % chez les femmes de 65 à 79 ans à presque 100 % chez les hommes de 12 à 19 ans. Elle était significativement plus élevée chez les hommes que chez les femmes, ce qui reflète des pourcentages avoisinant les 100 % chez les hommes de 12 à 19 ans et de 20 à 49 ans (tableau 2). Globalement, selon le taux d'hémoglobine, 4 % de femmes étaient anémiques.

Tableau 2 Prévalence de la teneur suffisante en hémoglobine, selon le groupe d'âge et le sexe, population à domicile de 3 à 79 ans, Canada, 1970 à 1972 et 2009 à 2011Tableau 2 Prévalence de la teneur suffisante en hémoglobine, selon le groupe d'âge et le sexe, population à domicile de 3 à 79 ans, Canada, 1970 à 1972 et 2009 à 2011

Une comparaison des données de l'ECMS de 2009 à 2011 avec les résultats de l'Enquête Nutrition Canada de 1970-1972 en tenant compte des différences en ce qui concerne les groupes d'âge et les valeurs de référence pour l'hémoglobine semble indiquer que, pour la plupart des groupes d'âge, le pourcentage de personnes ayant des concentrations d'hémoglobine supérieures à la valeur de référence a augmenté au cours des 40 dernières années (tableau 2). Le groupe des 65 à 79 ans fait exception : dans ce groupe d'âge, la prévalence de la teneur suffisante en hémoglobine est maintenant plus faible (90 % pour les femmes; 93 % pour les hommes) qu'au début des années 1970 (94 % pour les femmes; 96 % pour les hommes)15.

Ferritine sérique

Selon les données de 2009 à 2011 de l'ECMS, la moyenne géométrique de la concentration de ferritine sérique chez les Canadiens était de 81 μg/L. Les concentrations étaient significativement plus élevées chez les hommes que chez les femmes. Chez ces dernières, elles variaient de 32 μg/L (12 à 19 ans) à 89 μg/L (65 à 79 ans), et chez les hommes, de 40 μg/L (6 à 11 ans) à 166 μg/L (50 à 64 ans) (tableau 1).

Alors que 96 % de Canadiens avaient des concentrations de ferritine sérique suffisantes, la proportion était significativement plus élevée pour les hommes (99 %) que pour les femmes (92 %). Cette différence reflète une plus forte prévalence de la teneur suffisante chez les hommes que chez les femmes de 12 à 19 ans (99 % contre 90 %) et de 20 à 49 ans (99 % contre 91 %) (tableau 3). C'est chez les femmes de 12 à 19 ans que la prévalence d'un niveau insuffisant de ferritine sérique était la plus élevée (13 %).

Tableau 3 Prévalence de la teneur suffisante en ferritine sérique, selon le groupe d'âge et le sexe, population à domicile de 3 à 79 ans, Canada, 2009 à 2011Tableau 3 Prévalence de la teneur suffisante en ferritine sérique, selon le groupe d'âge et le sexe, population à domicile de 3 à 79 ans, Canada, 2009 à 2011

Anémie

Environ 3 % de Canadiens étaient anémiques (faible taux d'hémoglobine). Cependant, l'anémie peut être causée non seulement par un faible taux de fer, mais aussi par d'autres facteurs.

Le niveau de ferritine sérique et le volume globulaire moyen indiquent si un faible niveau d'hémoglobine est attribuable à une déplétion en fer — le cas échéant, on s'attendrait à de très faibles pourcentages de  niveaux suffisants de ces mesures. Or, chez les personnes dont la concentration d'hémoglobine était faible, 75 % avaient un volume globulaire moyen supérieur à la valeur de référence, et 62 % avaient un concentration de ferritine sérique ou un volume globulaire moyen supérieur à la valeur de référence (données non présentées). Si le faible niveau d'hémoglobine était attribuable principalement à un faible niveau de fer, ces pourcentages seraient beaucoup plus faibles. Il semble donc que l'anémie n'ait pas été causée par une carence en fer.

Dans l'ensemble, 85 % des personnes anémiques avaient un concentration suffisante de vitamine B12. Cependant, dans le groupe des 65 à 79 ans, où la prévalence de l'anémie est la plus élevée, le pourcentage de personnes ayant une teneur suffisante en vitamine B12 était faible (72 %), particulièrement chez les femmes (59 %).

Les niveaux d'acide folique érythrocytaire étaient suffisants chez tous les groupes d'âge et de sexe et ne semblaient donc pas être associés à l'anémie.

Revenu, santé, régime alimentaire et consommation de suppléments

Les concentrations moyennes d'hémoglobine étaient significativement plus faibles chez les membres des ménages du quartile inférieur de revenu que chez ceux du quartile supérieur : 140 g/L contre 143 g/L (données non présentées). De même, la prévalence de la teneur suffisante en hémoglobine était significativement plus faible chez les personnes du quartile inférieur de revenu. Les concentrations moyennes de ferritine sérique ne différaient pas de manière significative selon le quartile de revenu du ménage (données non présentées).

Les concentrations moyennes d'hémoglobine étaient significativement plus élevées chez les personnes en bonne, très bonne ou excellente santé que chez celles qui jugeaient leur santé passable ou mauvaise (données non présentées). Les concentrations moyennes de ferritine sérique et la prévalence de la teneur suffisante en hémoglobine et en ferritine sérique ne variaient pas de manière significative selon l'autoévaluation de l'état de santé (données non présentées).

Aucune association ne s'est dégagée entre les concentrations moyennes d'hémoglobine et de ferritine sérique, d'une part, et la consommation de viande rouge, de céréales et de fruits et légumes, d'autre part (données non présentées).

Environ 13 % de Canadiens de 3 à 79 ans prenaient des multivitamines contenant du fer, et 2 % prenaient des préparations de fer (contenant une dose thérapeutique) avec ou sans multivitamines. Aucun écart significatif n'a été décelé entre les niveaux suffisants d'hémoglobine et de ferritine sérique chez les personnes qui prenaient des multivitamines contenant du fer et celles qui ne prenaient aucun supplément de fer (tableau 4). Cependant, les adultes de 20 à 79 ans qui prenaient des préparations de fer avaient une concentration d'hémoglobine plus faible (130 g/L) que ceux ne prenant pas de suppléments (144 g/L) et que ceux prenant des multivitamines seulement (143 g/L) (données non présentées). De même, la concentration moyenne de ferritine sérique des adultes consommant des préparations de fer était significativement plus faible (41 μg/L) que celle des adultes ne prenant pas de suppléments (100 μg/L) (données non présentées).

Tableau 4 Prévalence de la teneur suffisante en hémoglobine et en ferritine sérique, selon la consommation de suppléments de fer, le groupe d'âge et le sexe, population à domicile de 3 à 79 ans, Canada, 2009 à 2011Tableau 4 Prévalence de la teneur suffisante en hémoglobine et en ferritine sérique, selon la consommation de suppléments de fer, le groupe d'âge et le sexe, population à domicile de 3 à 79 ans, Canada, 2009 à 2011

Discussion

Selon des données de 2009 à 2011 de l'ECMS, la majorité des Canadiens ne sont pas anémiques — de 90 % à 100 % des personnes de chaque groupe d'âge et de sexe avaient des concentrations d'hémoglobine jugées suffisantes. En outre, chez 93 % d'entre elles, les taux d'hémoglobine et de ferritine sérique étaient tous deux supérieurs aux valeurs de référence, ce qui donne à penser que l'anémie ferriprive n'est pas très répandue.

Cependant, dans le groupe des 12 à 19 ans, les niveaux d'hémoglobine et de ferritine sérique n'étaient suffisants que chez 85 % des filles, indiquant un risque plus élevé d'anémie ferriprive; 13 % d'entre elles avaient des niveaux de ferritine sérique inférieurs à la valeur de référence. Ces résultats corroborent ceux de quatre études canadiennes à petite échelle qui ont révélé des pourcentages similaires ou plus élevés d'adolescents (garçons et filles) ayant une faible concentration de ferritine sérique24-27.

Même si elle porte principalement sur la teneur suffisante en fer, cette analyse permet de présenter certaines estimations de la carence en fer. Environ 5 % des Canadiens de 3 à 79 ans (8 % des femmes) avaient de faibles concentrations de ferritine sérique, ce qui dénote de faibles réserves en fer.

La comparaison avec les données de l'Enquête Nutrition Canada de 1970-1972 donne à penser que la prévalence de l'anémie est plus faible aujourd'hui dans tous les groupes d'âge inférieurs à 65 ans. Par contre, chez les personnes âgées, la prévalence de l'anémie est plus élevée aujourd'hui, particulièrement chez les femmes. Il n'en demeure pas moins que près de 80 % d'entre elles avaient un volume globulaire moyen suffisant (globules rouges de taille normale) ou des niveaux suffisants de ferritine sérique. Par conséquent, la hausse apparente de la prévalence de l'anémie chez les personnes de 65 à 79 ans pourrait être attribuable à d'autres facteurs que la carence en fer. Par exemple, la carence en vitamine B12 est une cause d'anémie pernicieuse, pour laquelle l'âge moyen au diagnostic est de 60 ans28. Néanmoins, selon l'ECMS de 2009 à 2011, environ les trois quarts des personnes de 65 à 79 ans anémiques avaient une concentration suffisante de vitamine B12. Le taux d'acide folique érythrocytaire ne semblait pas contribuer à l'anémie. De même, les concentrations sanguines de plomb étaient faibles chez les Canadiens29.

Le statut socioéconomique peut influer sur les déterminants des niveaux de fer. Par exemple, les ménages à revenu élevé pourraient avoir un meilleur accès que les autres à des aliments riches en fer24. Selon les résultats de l'ECMS, la concentration moyenne d'hémoglobine et la prévalence de la teneur suffisante en hémoglobine étaient plus faibles chez les membres des ménages du quartile inférieur de revenu que chez ceux du quartile supérieur. Cependant, cette tendance ne persistait pas quand on utilisait la ferritine sérique comme mesure des réserves en fer.

L'autoévaluation de la santé n'était pas associée à la teneur suffisante en hémoglobine ou en ferritine sérique. Cependant, le taux moyen d'hémoglobine était plus élevé chez les personnes qui se disaient en bonne, très bonne ou excellente santé que chez les autres. Cette constatation concorde avec les résultats d'autres études pour les jeunes femmes dont les réserves en fer sont appauvries30,31, mais diffère pour celles qui souffrent d'anémie31.

Bien qu'il existe un lien entre le régime alimentaire et les niveaux de fer, aucune relation n'a été établie avec la consommation de viande rouge, de céréales ou de fruits et légumes. Toutefois, les données de l'ECMS sur l'apport alimentaire en fer étaient limitées. Le questionnaire portait sur la fréquence de la consommation, et non sur la quantité consommée, d'une liste partielle de sources alimentaires de fer. Donc, les variables n'étaient peut-être pas suffisamment spécifiques pour estimer l'apport en fer ainsi que les substances qui l'inhibent ou l'accroissent. En outre, l'information au sujet de la viande ne couvrait pas la gamme complète de viande consommée, de sorte que l'apport en fer hémique pouvait être sous-estimé. Selon une étude récente32, il existe une faible association entre la consommation de viande rouge et les niveaux de fer. De même, d'autres données indiquent que l'apport alimentaire en fer est adéquat chez une grande partie de la population. Selon l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes —Nutrition de 2004, la prévalence d'un apport alimentaire en fer inadéquat était généralement faible (moins de 3 %) pour la plupart des groupes d'âge et de sexe; les femmes de 14 à 50 ans (12 % à 18 %) faisaient exception33.

La consommation de multivitamines contenant du fer n'était pas associée aux taux d'hémoglobine et de ferritine sérique ni à leur teneur suffisante. Ce résultat pourrait indiquer une absorption insuffisante du fer non hémique que contient le supplément (de 5 mg à 30 mg par comprimé) attribuable à la présence d'inhibiteurs de l'absorption du fer comme le calcium dans le régime alimentaire. De plus, l'absorption du fer provenant de multivitamines peut être réduite chez les personnes dont les réserves en fer sont suffisantes34. Les personnes qui prennent des doses plus élevées, thérapeutiques, de fer (fumarate ferreux, sulfate ferreux, gluconate ferreux) semblent former un groupe différent, comme en témoignent leurs taux plus faibles d'hémoglobine et de ferritine sérique. Ces résultats doivent être interprétés avec prudence, car aucun renseignement n'a été recueilli au sujet de la posologie, de la fréquence de consommation, du moment de la consommation et de la raison de la prise de suppléments à forte dose.

Limites

La présente analyse comporte un certain nombre de limites.

Les nourrissons et les Autochtones vivant dans les réserves ne font pas partie du champ d'observation de l'ECMS. En outre, comme l'échantillon de l'enquête est national, il n'est pas possible de déterminer les différences interrégionales.

L'utilisation de l'hémoglobine seulement pour déceler l'anémie ferriprive a tendance à produire des surestimations, parce que les résultats englobent l'anémie attribuable à d'autres causes8. Cependant, dans la présente étude, on s'est efforcé de tenir compte de certaines de ces causes, comme la carence en vitamine B12 et en acide folique érythrocytaire.

L'ECMS ne comprenait pas d'autres indices des niveaux de fer, tels que le dosage du récepteur soluble de la transferrine, qui auraient pu aidé à faire la distinction entre l'anémie ferriprive, c'est-à-dire celle résultant d'une carence en fer, et l'anémie toutes causes confondues35.

Conclusion

Pour la première fois depuis le début des années 1970, des indices du niveau de fer ont été mesurés pour la population canadienne. La prévalence de l'anémie était généralement faible, quoiqu'une déplétion des réserves en fer ait été décelée chez 9 % des femmes de 20 à 49 ans et chez 13 % de celles de 12 à 19 ans. Bien que cette étude ait révélé des taux plus élevés d'anémie chez les personnes âgées, d'autres facteurs que la carence en fer pourraient avoir contribué à ce résultat.