Québec 1608-2008 : 400 ans de recensements

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par Gwenaël Cartier

La fondation de Québec
Les recensements de Jean Talon
Québec, métropole de la Nouvelle-France
Le Recensement de 1681
Les autres recensements du régime français
La ville de Québec sous l'Empire britannique
Québec, capitale du Bas-Canada
Les premiers recensements du XIXe siècle
Les recensements décennaux
Les recensements de 1851 et de 1861
La Confédération de 1867
Le XXe siècle
Le XXI e siècle
Les fusions municipales de 2002
Le Recensement de 2006
Québec au tournant de son 400 e anniversaire

Cet article a été adapté de « Québec 1608-2008 : 400 ans de statistiques démographiques », qui sera publié dans Les cahiers québécois de démographie en août 2008. http://www.demo.umontreal.ca/adq/cahiers.html

La fondation de Québec

Le 13 avril 1608, Samuel de Champlain entreprend une troisième traversée vers la Nouvelle-France, Pierre Du Gua de Mons lui ayant confié la mission d'y établir un poste de traite permanent sur les terres explorées un peu moins d'un siècle plus tôt par Jacques Cartier1. Il débarque à Québec le 3 juillet 1608 avec un équipage de 28 hommes. Les conditions de vie très difficiles de l'époque font que seulement 8 d'entre eux survivront au premier hiver.

Image 1 Samuel de Champlain. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Image 1
Samuel de Champlain

Ainsi débute l'existence de la ville de Québec qui, 400 ans plus tard, demeure la plus ancienne ville francophone de l'Amérique du Nord.

L'historique complet des débuts de l'évolution démographique de la ville de Québec depuis sa fondation ne sera rapporté dans un document officiel du gouvernement canadien qu'à partir du premier recensement de la Confédération canadienne soit celui de 1871. Une révision des données a été présentée dans l'édition du Recensement de 1931. C'est donc à partir des informations de ces deux recensements, ainsi qu'avec l'aide des statistiques de l'ensemble des autres recensements, que l'on peut présenter ici cette évolution de la ville de Québec, depuis sa naissance jusqu'à son 400e anniversaire.

En fait, avant les fondations de Trois-Rivières (1634) et de Montréal (1642) on peut facilement associer les chiffres de la Nouvelle-France à ceux de la ville de Québec. L'immigration, véritable moteur de la croissance de la ville aux tout premiers débuts, est relativement peu importante jusqu'à la prise de Québec par les frères Kirke en 1629. Passé cette période, il faut attendre la venue de Jean Talon et du premier recensement pour situer plus précisément où en est rendue la population de la ville de Québec.

Les recensements de Jean Talon

Si, pendant le régime français, la colonie connaît 36 recensements, seulement 15 d'entre eux présentent des statistiques spécifiques à la ville de Québec. Les recensements y ont donc débuté avec l'arrivée du premier intendant de Nouvelle-France, Jean Talon2, le 12 septembre 1665. La ville de Québec, au même titre que l'ensemble de la Nouvelle-France du XVIIe siècle, a bénéficié d'avoir été une des premières villes à être recensée en Amérique3. Ainsi, ce premier recensement a pris naissance en même temps que s'organisait la jeune colonie. D'ailleurs, Talon s'attelle à cette tâche rapidement puisque lui-même va de porte en porte recueillir l'information. Le territoire à couvrir étant vaste, il ne terminera son recensement qu'en 1666.

Image 2 Jean Talon. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Image 2
Jean Talon

Québec, métropole de la Nouvelle-France

Jean Talon, par ces premiers résultats, décrit une Nouvelle-France où la ville de Québec et ses environs occupent encore le premier plan (graphique 1).

Graphique 1 En 1665-1666, Québec est la métropole de la Nouvelle-France. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 1
En 1665-1666, Québec est la métropole de la Nouvelle-France

À la lumière de ces résultats, le déséquilibre entre le nombre de femmes et d'hommes est considérable. Parmi les 547 personnes recensées dans la ville de Québec, les hommes sont environ 50 % plus nombreux que les femmes et la situation est semblable dans toute la Nouvelle-France. C'est ce qui amène Talon à formuler l'une des premières demandes au roi, celle de favoriser une immigration plus importante de femmes.

En regardant de plus près les résultats par état matrimonial on se rend compte que les célibataires, qui représentent 46,2 % de l'ensemble de la colonie, sont presque exclusivement des hommes puisqu'ils représentent plus de 90 % des colons célibataires. En effet, avant 1617, il n'y a pas de femmes à Québec et il n'y a pas de raisons les incitant à s'y installer en grand nombre non plus. Grâce au travail de Jean Talon, plus de 1000 femmes4, dont environ 900 Filles du roi, viennent s'installer en Nouvelle-France entre 1667 et 1673, afin de favoriser le peuplement de la colonie.

Les premiers recensements de Talon ont permis de dresser le portrait de la colonie sous différents aspects. Ainsi, par exemple, en 1666, sur 1378 personnes de 15 ans et plus, l'intendant a recensé 763 personnes actives réparties dans 50 métiers et professions différents. (On peut toutefois présumer que les femmes et les militaires ont été exclus de ce décompte.)

Le Recensement de 1681

À la suite des recensements de 1666 et de 1667 de Talon, Jacques Duchesneau5, son remplaçant, effectue cinq recensements de 1675 à 1681. Entre 1666 et 1681, l'ensemble de la colonie passe de 3 215 à 9 677 âmes, les effectifs ayant ainsi triplé. La ville de Québec profite également de cet essor puisque, durant ces 15 années, le nombre de ses habitants passe de 547 à 1345. Elle affiche toutefois un taux d'accroissement légèrement inférieur au reste de la colonie à la faveur d'une croissance démographique plus importante des lieux avoisinants.

La manifestation la plus perceptible du travail de Jean Talon dans la vie quotidienne de Québec, en 1681, est sûrement l'atténuation du déséquilibre démographique entre les hommes et les femmes (graphique 2).

Graphique 2 Sous le régime français, la population de Québec connaît un grand essor à partir de 1716 . Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 2
Sous le régime français, la population de Québec connaît un grand essor à partir de 1716

Du ratio de trois pour une qu'il était en 1666 chez les 15 ans et plus, on retrouve maintenant un ratio de moins de deux hommes par femme alors que le pourcentage d'hommes habitant la ville de Québec est tout juste au-dessus de la barre des 60 % (61,2 %). La venue des Filles du roi fait également en sorte que la proportion de la population de la ville de Québec des moins de 15 ans, qui était à peine au-dessus des 30 % en 1666, atteint presque les 40 % en 1681. Finalement, l'âge médian de la population de Québec qui devait se situer aux alentours des 22 ans et demi en 1667 se rapproche des 19 ans en 1681.

Les autres recensements du régime français

Après le Recensement de 1681, même si 28 recensements ont suivi pendant le régime français, aucun ne présentera autant de renseignements que les recensements de la période de Talon et de Duchesneau.

Par la suite, on remarque que la population de Québec diminue entre 1698 et 1706, vraisemblablement en raison de la croissance démographique en périphérie de celle-ci. D'ailleurs, le nombre de lieux géographiques n'a cessé de croître dans la colonie passant d'une dizaine de lieux lors du premier recensement à près d'une centaine lors du changement de régime en 1763. Au Recensement de 1765, il est question de 113 lieux pour lesquels on a recensé des habitants.

Finalement, la croissance démographique de la ville de Québec pendant toute la période du régime français se résume par l'arrivée de Champlain et de ses 28 hommes jusqu'au dernier recensement effectué par l'intendant François Bigot dénombrant 8001 personnes en 1754 (graphique 3).

Graphique 3 Après la conquête de 1763, la croissance de la population reprend son cours à Québec. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 3
Après la conquête de 1763, la croissance de la population reprend son cours à Québec

La ville de Québec sous l'Empire britannique

Le passage de la Nouvelle-France à l'Empire britannique ralentit la tenue des recensements au Canada. Seulement trois recensements sont effectués durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, soit en 1765, 1784 et 1790. En fait, la tradition censitaire amorcée un siècle plus tôt par Jean Talon se transforme pour devenir davantage une tradition d'enquêtes6. Celles-ci ciblent des lieux géographiques ou des thèmes très spécifiques. Elles sont aussi exécutées très aléatoirement dans le temps. Par exemple, en 1763, on ne dénombre que les familles, soit 4 727 à Québec et 5 302 à Montréal. De la même façon, en 1764, le nombre de chefs de familles protestantes dénombrés dans le district de Québec et dans celui de Montréal est de 144 et de 56 respectivement.

Définir le district de Québec

Dans l'histoire des recensements, le vocabulaire pour décrire les lieux précis où les personnes sont recensées se transforme, entraînant avec lui une possible confusion.  Dans le cas du district, dès le début du régime Britannique, ce terme désigne une grande région qui porte le nom de la ville la plus importante s'y trouvant. La somme de tous les districts couvre alors l'ensemble du territoire.

Le meilleur exemple pour illustrer la représentation ainsi que la composition des districts nous est donné lors du Recensement du Bas-Canada en 1827 dans le tableau I1. On y  retrouve les données de population pour chacun des districts (Québec, Montréal, Trois-Rivières et Gaspé) ainsi que des données pour les comtés dans ces districts.

L'utilisation du terme district apparaît pour la première fois dans les données du Recensement de 17842. Les districts remplacent ainsi les lieux désignés par le terme « gouvernements » pendant le régime français.

Lors du Recensement de 1871, le mandat du recensement exigeant de témoigner de la représentativité électorale modifie l'utilisation du concept de district lors de la diffusion des données de population, comme en témoigne la toute première carte des districts de la province de Québec3. Ce changement dans l'utilisation de cette entité géographique fait en sorte que le nombre de districts passe de 4 à 83 pour la province de Québec et la ville de Québec ne fait plus partie du district du même nom, mais est composée de trois districts numérotés 145, 146 et 147.

Dans le cas des provinces de l'Ontario et du Québec, les districts et les comtés sont bien souvent confondus. L'organisation même des opérations du Recensement en 1891 traduit cette ambiguïté4, puisque les officiers en chef du recensement ont sous leur responsabilité des commissaires de comté et des énumérateurs de district. On comprend donc l'utilité du tableau VI du Recensement de 18915 où l'on compare pour la première fois les districts électoraux et les districts de recensement.

Au recensement suivant, celui de 1901, on présente des chiffres de population pour la première fois par districts de recensement6, mais lors de celui de 1911, la distinction entre les deux types de districts est moins évidente, si bien qu'au Recensement de 1921 on voit apparaître pour la première fois les concepts de circonscriptions électorales fédérales associées aux districts et sous-districts7 ainsi que celui des divisions de recensement en remplacement des districts de recensement8.

Notes

  1. Ministère de l'agriculture. (1878). Recensement du Canada de 1870-71. Vol. IV. Ottawa. p. 95.
  2. Ministère de l'agriculture. (1878). p. 74.
  3. Ministère de l'agriculture. (1873).  Recensement du Canada de 1870-71. Vol. I. Ottawa. p. xxviii.
  4. Ministère de l'agriculture. (1893). Recensement du Canada de 1890-91. Vol. I. Ottawa. p. xi.
  5. Ministère de l'agriculture. (1893). p. 369, tableau VI.
  6. Ministère de l'agriculture. (1903). Recensement du Canada de 1901. Vol. I. Ottawa. p. 6, tableau 11.
  7. Bureau fédéral de la statistique. (1924). Recensement du Canada, 1921. Vol. I. Ottawa. p. viii.
  8. Bureau fédéral de la statistique. (1924). p. 249, tableau 16.

En fait, sous cette nouvelle administration, le rôle d'intendant est aboli et ses fonctions sont désormais attribuées au gouverneur. La ville de Québec perd aussi son titre de métropole. En effet, avant la fin de ce siècle, la ville de Québec sera moins populeuse que celle de Montréal qui deviendra ainsi la nouvelle métropole avec une population de 18 000 habitants en 1790. Par contre, Québec avec ses 14 000 habitants restera la capitale administrative de la province et aussi la deuxième ville la plus populeuse. Le Recensement de 1754 est le dernier à fournir des informations complètes sur les villes de Québec et de Montréal jusqu'au Recensement de 1825. Les données de la fin du XVIIIe siècle sont des estimations7.

La population de la ville de Québec fluctue au XVIIIe siècle. Toutefois, on voit clairement que la croissance de la ville a bien repris malgré le changement de régime (graphique 4).

Graphique 4 La population de la ville de Québec se stabilise à la fin du XIXe siècle. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 4
La population de la ville de Québec se stabilise à la fin du XIXe siècle

On peut également retenir de cette époque certains éléments spécifiques concernant la population de Québec vers la fin du XVIIIe siècle. En effet, au Recensement de 1784, on apprend qu'il y avait 88 esclaves vivant dans la grande région de Québec. Ce volet particulier de la vie des habitants de la province n'avait jamais été décrit dans les recensements de la Nouvelle-France8.

Québec, capitale du Bas-Canada

À la suite du décret signé par le roi d'Angleterre, George III (10 juin 1791 — Acte constitutionnel du Canada), le Haut et le Bas-Canada sont créés et Québec devient la capitale du Bas-Canada. Toutefois, il faudra attendre le premier Recensement du Bas-Canada en 1825 pour savoir où en est la population de la ville de Québec.

Les premiers recensements du XIXe siècle

En 1825, le Recensement nous informe que la ville de Québec a dépassé le cap des 20 000 habitants, elle compte en fait 22 101 âmes. Par la suite, il faudra attendre le Recensement de 1851 pour obtenir d'autres chiffres de population spécifiques à la ville de Québec, les recensements qui suivent ne présentent à nouveau que les données pour le comté de Québec.

Notons qu'en 1827, on recense les industries pour la première fois. Ainsi, parmi les 14 différents types d'industries recensées, la plus importante est celle des moulins à scie. Ces moulins se retrouvent en plus grand nombre à Québec (288) qu'à Montréal (200). Montréal devance toutefois largement Québec pour ce qui est du nombre total d'établissements, soit 899 contre 479. Talon avait amorcé d'une certaine façon cette tendance en identifiant les professions en 1666.

En 1831, on recense la population selon la religion pour la première fois. Avant, à l'occasion de certains recensements, c'est plutôt les églises qu'on recensait. On peut noter qu'en 1831 les Catholiques représentent environ 75 % de la population du Bas-Canada et que cette situation se reflète dans les districts de Québec et de Montréal. Toutefois les Anglicans sont relativement plus nombreux dans la région de Québec (15,4 %) que dans celle de Montréal (13,5 %) alors que c'est l'inverse pour la population s'identifiant à l'Église d'Écosse (respectivement 6,0 % contre 8,3 %).

Notons également qu'au Recensement de 1844, de nombreuses variables, outre la religion et l'industrie, apparaissent pour la première fois, soit le lieu de naissance, le niveau de scolarité, la santé, l'emploi, etc.  Ainsi, on note que la ville de Québec connaît une importante vague d'immigration9 puisqu'entre 25 % et 30 % de sa population est née à l'extérieur du pays, et ce, principalement en Irlande. Cette forte présence irlandaise s'explique par le fait qu'au XIXe siècle, surtout après 1815, la démographie croissante et la détérioration de l'économie contraignent de plus en plus de gens à quitter leur pays et que ce mouvement migratoire culmine à la suite de la terrible famine qui y sévit à la fin des années 184010. D'après les données relatives à l'ensemble du Bas-Canada et aux districts de Québec et de Montréal, qui incluent ces villes et les régions environnantes, il est raisonnable de déduire qu'en 1844, la population francophone dans les villes de Québec et de Montréal devait être sous la barre des 50 %. En effet, en 1844, l'ensemble du Bas-Canada comptait 75 % de Canadiens français, le district de Québec, 60,5 % et le district de Montréal, 52,2 %.

Les recensements décennaux

En 1847, convaincu de l'importance des recensements, James Bruce, comte d'Elgin et gouverneur du Canada-Uni va permettre la création du bureau d'enregistrement et de statistique. Ainsi, en vertu de la Loi du recensement des Provinces unies, un recensement devra être effectué dans les mois de février et de mars 1848 et être répété dans ces mêmes mois en 185011. Puis, le 30 août 1851, la sanction royale est accordée à une loi qui assure qu'un recensement soit effectué périodiquement, d'abord en 1851, puis en 1861 et tous les 10 ans par la suite. On peut ainsi dire que le recensement décennal date de 1851. Ces innovations relatives à la tenue des recensements vont permettre d'obtenir des statistiques plus fiables et régulières que celles offertes durant le siècle précédent.

Les recensements de 1851 et de 1861

Les recensements de 1851 et de 1861 sont les deux seuls recensements décennaux du Bas-Canada. En 1851, la population de la ville de Québec a presque doublé depuis 1825 atteignant 42 052 habitants et la croissance se poursuit puisque la population atteint 51 109 habitants en 1861. Cette croissance importante de la population de la ville de Québec dans le milieu du XIXe siècle est le résultat combiné d'une baisse relative de la mortalité et d'une augmentation de la natalité12. Malgré une immigration soutenue, cette dynamique de croissance a pour effet d'augmenter la proportion de Canadiens de naissance qui, sûrement inférieure à 70 % en 1825, atteint presque les 80 % en 1861.

La Confédération de 1867

Les rébellions de 1837 ainsi que les revendications de la population qui souhaite un gouvernement élu représentatif de la taille de la population mènent à la proclamation de la Loi constitutionnelle de 1867. Les articles 8 et 51 de ce document précisent que le recensement doit fournir des chiffres de population qui serviront à établir le nombre de représentants de chaque province à la Chambre des communes. La Loi constitutionnelle de 1867 a pour principal effet d'influencer la décision d'uniformiser la méthode de jure et de rendre essentielle la tenue de recensements tous les 10 ans, en fonction d'une base géographique précise, à date fixe. On effectue ainsi, en 1871, le premier recensement en vertu de cette loi. Joseph Charles Taché13 joue un rôle déterminant dans la tenue des recensements durant toute cette période allant du début de la Confédération jusqu'à la nomination du premier statisticien fédéral et à la création d'un bureau permanent du recensement et des statistiques.

Le découpage géographique plus détaillé permet de mieux analyser les caractéristiques démographiques de l'étalement urbain des grandes villes. Le Recensement de 1871 marque un tournant quant à la diffusion de nouvelles statistiques de population pour la ville de Québec. Ainsi, la diffusion des chiffres de population par quartiers permet de mieux apprécier les changements démographiques survenus à Québec en cette fin de XIXe siècle.  Par exemple, dans le cadre de la transition du commerce à l'industrialisation, on peut constater la croissance démographique des quartiers St-Roch, Jacques-Cartier, St-Sauveur et St-Vallier de la partie est de la ville. La population y bondit de 28 305 à 36 200 de 1871 à 1891, tandis qu'elle tend à décroître dans les autres quartiers.

La fin du XIXe siècle marque aussi un ralentissement important de la croissance démographique de Québec (graphique 5).

Graphique 5 La population de la ville de Québec double de 1901 à 1941 et atteint un sommet en 1971. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 5
La population de la ville de Québec double de 1901 à 1941 et atteint un sommet en 1971

Le XXe siècle

Évidemment, la tendance des recensements amorcée à la fin du XIXe siècle se prolonge au siècle suivant, si bien qu'au même rythme, tous les dix ans, de précieuses informations démographiques portant sur la ville de Québec sont disponibles. De plus, à partir de 1956, on effectue des recensements quinquennaux.

Au début du XXe siècle, la population de la ville de Québec connaît une croissance assez spectaculaire. Du reste, on peut dégager deux périodes distinctes quant à l'évolution de la ville de Québec dans ce troisième siècle d'existence. Premièrement, de 68 840 âmes en 1901, la population de Québec passe à 171 979 personnes en 1961 sur une trajectoire de croissance presque continue dont le rythme ne commence à ralentir qu'après 1931. En second lieu, malgré une hausse de sa population en 1971, la croissance démographique de la ville va finalement se stabiliser jusqu'en 2001.

Le XXIe siècle

Le XXIe siècle débute à l'image du siècle précédent lorsqu'on examine les résultats du Recensement de 2001. En effet, la population dénombrée de la ville de Québec au 15 mai 2001 se situe à 169 076, soit à nouveau une faible augmentation depuis le précédent Recensement de 1996 mais, surtout, un niveau encore en deçà des 171 979 personnes recensées en 1961. La stabilisation de la population de la ville de Québec décrite plus haut se prolonge en ce début de siècle.

Les fusions municipales de 2002

Le 1er janvier 2002, un changement majeur survient. Treize municipalités incluant Québec fusionnent avec ce qui devient la nouvelle ville de Québec. L'impact démographique de cette fusion propulse les effectifs de la ville à 507 991 habitants14. Puis, un autre changement important survient quatre ans plus tard.  Le 1er janvier 2006, deux anciennes municipalités fusionnées en 2002 défusionnent de la nouvelle ville de Québec. La population de la ville de Québec passe donc sous la barre du demi-million, 31 661 personnes15 n'étant plus énumérées au sein de la nouvelle ville.

Le Recensement de 2006

Ainsi, le 16 mai 2006, à l'occasion du plus récent recensement, la ville de Québec fait un bond démographique fulgurant. De 169 076 personnes recensées en 2001, elle atteint maintenant 491 142 habitants en raison des fusions municipales. Québec redevient ainsi la deuxième ville la plus populeuse de la province16.

Au moment d'écrire ces lignes, on ne sait pas encore tout du Recensement de 2006, mais on peut déjà remarquer que la population de la ville de Québec continue de vieillir. En effet, les personnes âgées de 65 ans et plus y représentent plus de 16 % de l'ensemble de la population, soit un sommet historique. Dans ce contexte, une autre statistique mérite d'être soulignée : la population âgée de 15 ans et plus vivant en couple (mariée ou en union libre) représente plus de 53 % de l'ensemble des 15 ans et plus, ce qui ne s'est pas vu depuis 1825.

En 2006, Québec est une ville très francophone, puisque près de 95 % de ses habitants déclarent le français comme seule langue maternelle. D'autre part, les personnes nées à l'étranger représentent à nouveau tout près de 5 % de l'ensemble des habitants de la ville, un niveau qui remonte à 1891, alors que cette proportion atteignait les 4,5 %.

Québec au tournant de son 400e anniversaire

Enfin, le 3 juillet 2008, la ville de Québec aura 400 ans bien sonnés. Ce jour-là, à combien s'élèvera son nombre d'habitants? Selon les estimations de population par municipalités publiées par l'Institut de la Statistique du Québec, il était de 502 119 habitants en 200717. On peut donc affirmer que Québec aura plus de un demi-million d'habitants lors de son anniversaire. C'est un  bel hommage à Samuel de Champlain et à son équipage, venus pour fonder la ville de Québec dans de si rudes conditions.

Gwenaël Cartier est Conseiller régional, Région de l'Est,  Statistique Canada.

Notes

  1. Statistique Canada. (1984). Sur les traces de Jacques Cartier. No 11-X-524F au catalogue. Ottawa, Ministre de l'Industrie.
  2. Jean Talon a été le premier intendant de la Nouvelle-France pendant deux mandats, de 1665 à 1668 et de 1670 à 1672. Louis Robert de Fortel a été nommé premier intendant de Nouvelle-France mais n'a jamais occupé les fonctions. Trois recensements ont été effectués sous l'intendance de Talon, ceux de 1666, 1667 et 1671.
  3. Statistique Canada. (2002). Le recensement de 2001 en bref.  No 92-379-XPB au catalogue. Ottawa, Ministre de l'Industrie.
  4. Statistique Canada, ESTAT, À propos de  Jean Talon,
    /pub/98-187-x/4064814-fra.htm
  5. On doit à Jacques Duchesneau les recensements de 1675, 1676, 1679 et 1681. Duchesneau n'a remplacé Talon qu'en 1675, Frontenac ayant gouverné la Nouvelle-France sans intendant de 1672 à 1675.
  6. Statistique Canada. (2002). Le recensement de 2001 en bref. No 92-379-XPB au catalogue. Ottawa, Ministre de l'Industrie.
  7. Concernant les effectifs de population de la ville de Québec au Recensement de 1765, une note inscrite à l'époque (au Recensement de 1871) où sont consignées les statistiques, indique l'utilisation d'un « estimé calculé sur la proportion des recensements antérieurs », et ceci tant pour la ville de Québec que pour celle de Montréal. Au Recensement de 1784, les résultats présentés ne nous informent de la situation démographique que pour les districts de Québec, Montréal et Trois-Rivières; l'auteur a calculé un estimé en se basant également sur ceux faits par Bouchette ainsi que sur les informations des autres recensements. Pour ce qui est des effectifs de population de la ville de Québec au Recensement de 1790, une note indique sensiblement les mêmes réserves qu'au Recensement de 1765.
  8. Mathieu de Costa, travaillait pour Sieur Du Gua de Mons et aurait aussi vraisemblablement servi Champlain comme interprète auprès des autochtones. L'esclavage devient légal en Nouvelle-France le 13 avril 1709 par une ordonnance de l'intendant Raudot [Le Dictionnaire biographique du Canada en ligne. http://www.biographi.ca/FR/index.html]
  9. En 1844, les immigrants sont au nombre de 87 178 dans tout le Bas-Canada qui compte au total  697 084 habitants.
  10. L'Encyclopédie canadienne. Extrait le 3 avril 2008 de http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=f1SEC852191
  11. Statistique Canada. (2002). Le recensement de 2001 en bref. No 92-379-XPB au catalogue. Ottawa, Ministre de l'Industrie.
  12. Les statistiques de l'état civil de la ville de Québec pour la période de 1771 à 1870 sont consignées dans le vol. V du Recensement de 1871.
  13. Statistique Canada. (1993). 75 ans à compter: l'histoire de Statistique Canada, Ottawa. p. 6.
  14. Les 507 991 habitants représentent la population de la ville de Québec au 15 mai 2001, selon la géographie du 1er janvier 2002. Statistique Canada. (2006). Classification géographique type, CGT. Vol. I (provisoire), La classification. No 12-571-XWF au catalogue. Ottawa, Ministre de l'Industrie.
  15. Statistique Canada. (2006)
  16. Au Recensement de 2001, la ville de Laval arrive au second rang avec 343 005 habitants et, cinq ans plus tard, elle glisse au troisième rang avec 368 709 habitants.
  17. Cette estimation est disponible sur le site du ministère des Affaires municipales et Régions du Québec dans le cadre du décret de la population. http://www.mamr.gouv.qc.ca/organisation/orga_donn_popu.asp