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  1. Introduction
  2. Y a-t-il un déclin générationnel du travail autonome chez les enfants de parents immigrants par rapport à leurs parents?
  3. Données et méthodes
  4. Résultats
  5. Discussion et conclusion
  6. Annexe

1   Introduction

Le travail autonome est souvent considéré comme un aspect important de l'intégration économique des immigrants dans leur pays d'accueil. Certains immigrants se tournent vers le travail autonome pour surmonter les limites au chapitre des possibilités d'emploi limitées et le faible rendement de leurs compétences acquises à l'étranger sur le marché du travail rémunéré (Fairlie et Meyer, 1996), tandis que d'autres se tournent vers le travail autonome comme moyen de concrétiser leurs idées commerciales, de jouir d'une certaine souplesse et d'avoir des gains plus élevés (Hou et Wang, 2011). Certains immigrants viennent au Canada tout particulièrement pour y travailler à leur compte et ont été sélectionnés à cause de leurs aptitudes entrepreneuriales (Schuetze, 2010). Les immigrants travailleurs autonomes travaillent pour leur propre compte et sont souvent les employeurs d'autres immigrants, fréquemment moins instruits et connaissant moins bien la langue du pays d'accueil (Hou, 2009; Yuengert, 1995). Que ce soit par choix ou par nécessité, les immigrants ont généralement des taux de travail autonome plus élevés que les personnes nées au pays, phénomène qui s'observe au Canada (Li, 1997), aux États-Unis (Lofstrom, 2002; Borjas, 1986) et dans certains pays d'Europe (Andersson et Wadensjö, 2004; Hammarstedt, 2001).

L'importance des immigrants comme source de capital entrepreneurial se reflète dans les politiques d'immigration canadiennes. Le Programme d'immigration des gens d'affaires, mis en oeuvre en 1978, est conçu pour attirer des entrepreneurs et des fonds de placement afin de faciliter l'activité économique (Froschauer, 2001; Schuetze, 2005). Au cours des années 1990, quelque 6 % à 10 % des immigrants qui ont obtenu le droit d'établissement au Canada chaque année ont été admis en vertu de ce programme (Schuetze, 2010), tandis que leur proportion était d'environ 5 % au cours des années 2000 (Citoyenneté et Immigration Canada [CIC], 2010) 1 . Même si une proportion croissante d'immigrants actifs économiquement sont des travailleurs autonomes, les résultats économiques des immigrants travailleurs autonomes n'ont pas été examinés de façon aussi approfondie que ceux des immigrants qui sont des travailleurs rémunérés (Frenette, 2004).

Les auteurs d'études antérieures portant sur les immigrants et le travail autonome se sont penchés plus particulièrement sur les immigrants de la première génération. Cependant, on sait peu de choses sur le travail autonome des immigrants de la deuxième génération au Canada (c.-à-d. les enfants nés au Canada de parents immigrants). Cela tient à ce que la plupart des études de ce groupe ont porté sur leur niveau de scolarité ainsi que leurs traitements et salaires (Georgarakos et Tatsiramos, 2009; Gold et coll., 2006). Il convient d'examiner cette question pour mieux comprendre le rôle du travail autonome dans l'intégration économique à long terme des immigrants et de leurs enfants.

À partir des microdonnées du Recensement de la population de 1981 et de 2006 et au moyen d'une méthode d'analyse de cohorte générationnelle, les auteurs du présent document examinent les niveaux de travail autonome chez les immigrants et les enfants d'immigrants, y compris les enfants nés au Canada de parents immigrants (c.-à-d. la deuxième génération) et les enfants nés à l'étranger de parents immigrants (c.-à-d. la génération 1,5). On examine également les différences entre les parents nés au Canada et leurs enfants (la troisième génération et les générations subséquentes) afin de fournir un repère pour les tendances générales du travail autonome au cours de la période de référence de 25 ans. L'analyse porte plus particulièrement sur trois questions : 1) Les enfants d'immigrants sont-ils plus ou moins susceptibles que les parents immigrants d'être des travailleurs autonomes? 2) Les enfants d'immigrants sont-ils plus ou moins susceptibles que les enfants de parents nés au Canada (c.-à-d. la troisième génération et les générations subséquentes) d'être des travailleurs autonomes? 3) Le changement générationnel de taux de travail autonome observé entre les parents immigrants et les enfants d'immigrants diffère-t-il de celui observé entre les parents nés au Canada et leurs enfants?

Le présent document porte plus particulièrement sur la différence ou la similarité du taux de travail autonome selon les générations, tandis qu'un document d'accompagnement porte sur la question de savoir si certains importants corrélats du travail autonome ont le même effet selon le statut générationnel (Abada et coll., 2011).

Le reste du document est divisé en quatre sections. À la section 2, on passe en revue les ouvrages publiés sur les changements générationnels en matière de travail autonome observés entre les parents immigrants et leurs enfants. La section 3 porte sur la source des données et les méthodes. Les résultats sont présentés à la section 4. Les conclusions suivent à la section 5.

Outre l'analyse présentée dans le corps du document, des renseignements descriptifs sur les caractéristiques des parents et des enfants qui sont des travailleurs autonomes et des travailleurs rémunérés sont fournis à l'annexe. Ils comprennent des renseignements comparatifs sur les niveaux de scolarité, l'expérience de travail au Canada, l'expérience de travail à l'étranger et les gains annuels moyens, renseignements qui ne sont pas facilement accessibles ailleurs.

2   Y a-t-il un déclin générationnel dutravail autonome chez les enfants de parents immigrants par rapport àleurs parents?

La première question abordée ici se rapporte au débat dans les ouvrages publiés concernant la mesure dans laquelle les enfants d'immigrants ont une propension relativement élevée à être des travailleurs autonomes comme leurs parents. Il n'est pas clair a priori si les enfants d'immigrants sont plus ou moins susceptibles que leurs parents d'être des travailleurs autonomes.

De nombreux parents immigrants qui sont des travailleurs autonomes lancent une entreprise non pas nécessairement pour que leurs enfants en prennent la direction plus tard, mais plutôt pour fournir les ressources financières nécessaires pour permettre à leurs enfants de faire des études plus poussées qui leur ouvriront plus de possibilités sur le marché du travail (Sanders et Nee, 1996). Des études américaines, par exemple, ont révélé qu'une proportion démesurément élevée d'exilés cubains arrivés à Miami dans les années 1960 et 1970 étaient travailleurs autonomes par rapport aux Américains blancs non hispaniques. L'entrepreneuriat ethnique vigoureux leur a permis d'établir un créneau économiquement viable au sein de la société américaine. Toutefois, le taux de travail autonome a baissé de moitié chez leurs enfants. De nombreux Cubains de la deuxième génération ont entrepris une carrière professionnelle sur le marché du travail rémunéré, l'entrepreneuriat de leurs parents leur ayant fourni les ressources nécessaires pour obtenir un diplôme d'études supérieures (Portes et Shafer, 2007). Selon Kasinitz et coll. (2008, p. 181), les études et les titres de compétences professionnels pourraient être le cheminement privilégié par la deuxième génération pour atteindre le succès économique. Pour ces raisons, le travail autonome est peut-être moins prévalent chez les enfants d'immigrants que chez leurs parents. D'autres études également indiquent une diminution du travail autonome entre la première génération et les générations subséquentes (Goldsheider et Kobrin, 1980), et des inquiétudes ont été exprimées voulant que les propriétaires plus âgés de petites entreprises au Canada, particulièrement les immigrants, ont de la difficulté à trouver un successeur pour reprendre leur entreprise (p. ex. McLean, 2009).

Selon une hypothèse contraire, il y aurait une augmentation du travail autonome chez les enfants de parents immigrants par rapport à leurs parents. Comparativement à leurs parents, les enfants d'immigrants sont susceptibles de mieux connaître les langues officielles du pays d'accueil, d'avoir un niveau de scolarité supérieur et d'avoir fait leurs études dans les établissements d'enseignement du pays d'accueil. Ils pourraient ainsi avoir les compétences et l'information nécessaires pour lancer et exploiter une entreprise (Sanders et Nee, 1996; Kloosterman et coll., 1999) d'où, éventuellement, des taux plus élevés de travail autonome chez les enfants d'immigrants que chez leurs parents.

Il est possible de formuler des hypothèses contraires également en ce qui a trait à la deuxième question, celle de savoir si les enfants d'immigrants sont plus ou moins susceptibles que les enfants de parents nés au Canada d'être des travailleurs autonomes. L'exposition à un mode de vie entrepreneurial dans l'enfance et l'adolescence, soit en vivant avec un propriétaire d'entreprise soit en travaillant dans une entreprise familiale, peut accroître la probabilité de devenir travailleur autonome plus tard dans la vie (Aldrich et Kim, 2007). Selon certaines études, le fait d'avoir un père travailleur autonome augmente la probabilité de travail autonome tant chez les enfants d'immigrants que chez ceux de non-immigrants, bien que de nombreux enfants d'immigrants qui sont des travailleurs autonomes ne travaillent pas dans le même domaine que leurs pères (Andersson et Hammarstedt, 2010; Fairlie, 1999; Hout et Rosen, 2000). Dans une étude des propriétaires d'entreprise à Vancouver, par exemple, plus de la moitié des membres de l'échantillon ont déclaré que leurs parents avaient été travailleurs autonomes à un moment donné (Aldrich et coll., 1998). Le même profil s'observe dans d'autres pays, y compris en Allemagne et aux États-Unis (Constant et Zimmerman, 2006; Dunn et Holtz-Eakin, 2000). Comme le taux de travail autonome est plus élevé chez les immigrants que chez les personnes nées au Canada, il peut être plus élevé également chez les enfants d'immigrants que chez les enfants de parents nés au Canada. En pareil cas, il est supposé que les taux de travail autonome des enfants comparativement à ceux de leurs parents sont les mêmes pour les deux groupes.

Inversement, si les immigrants affichent un taux de travail autonome plus élevé que les non-immigrants principalement parce qu'ils rencontrent plus de difficultés sur le marché du travail rémunéré, il faudrait s'attendre à ce que les enfants d'immigrants et les enfants de parents non immigrants affichent des taux comparables. En moyenne, les enfants d'immigrants au Canada et aux États-Unis ont des résultats sur le marché du travail comparables ou supérieurs à ceux de la troisième génération et des générations subséquentes, qui s'expliquent par leurs niveaux de scolarité plus élevés (Picot et Hou, 2010). Ainsi, dans la mesure où le travail autonome est une réaction aux obstacles au travail rémunéré, ce facteur de « poussée » devrait être soit comparable chez les enfants d'immigrants et les enfants de non-immigrants, soit plus faible chez les premiers.

La troisième question abordée dans le présent document est celle de la possibilité que le changement générationnel de taux de travail autonome observé entre les parents immigrants et leurs enfants ne soit pas particulier à ce groupe, mais reflète plutôt une tendance plus généralisée sur le marché du travail. Au Canada, la proportion de la population active occupée composée de travailleurs autonomes a augmenté de la fin des années 1970 aux années 1990 avant de se stabiliser dans les années 2000 (LaRochelle-Côté, 2010; Lin et coll., 1999). Cette tendance peut tenir à plusieurs facteurs, dont le vieillissement de la population active (Acs et coll., 1994; Kamhi et Leung, 2005; Uppal, 2011), le progrès technologique et l'évolution des structures professionnelles et industrielles (Gauthier et Roy, 1997; Kamhi et Leung, 2005; Statistique Canada, 1997) ainsi que des politiques gouvernementales (Lin et coll., 1999; Schuetze, 2002a). Il ne s'agit pas dans le présent document d'évaluer systématiquement l'importance relative de ces facteurs éventuels pour expliquer l'augmentation globale du travail autonome. Néanmoins, il est raisonnable de supposer que les facteurs qui influent sur la tendance globale auront un effet comparable chez les familles immigrantes et celles nées au Canada. Par conséquent, il importe de déterminer si le changement de taux de travail autonome observé entre les parents immigrants et leurs enfants est un « effet de deuxième génération » unique ou un simple « effet temporel » qui s'applique également aux parents nés au Canada et à leurs enfants.

3   Données et méthodes

3.1  Données

Les données utilisées dans la présente étude sont tirées de l'échantillon de 20 % du Recensement de la population du Canada de 1981 et de l'échantillon de 20 % du Recensement de la population du Canada de 2006. Ces ensembles de données sont les seules sources canadiennes qui permettent des comparaisons des taux de travail autonome selon la génération au fil du temps. Selon la définition qui en est donnée, les travailleurs autonomes sont des personnes qui s'identifient comme étant principalement des travailleurs autonomes ayant leur propre entreprise constituée ou non constituée en société 2 . Il s'agit de l'approche habituelle adoptée dans les études fondées sur les données du recensement (p. ex. Fairlie et Meyer, 2003; Portes et Zhou, 1996; van Tubergen, 2005; Yuengert, 1995). À des fins de robustesse, on examine également les tendances des taux de travail autonome en utilisant d'autres définitions (sous-section 6.3 de l'annexe). Comme dans le cas de la plupart des études antérieures dans ce domaine, les pensionnaires d'établissements, les travailleurs non rémunérés des entreprises familiales et les personnes déclarant un revenu négatif provenant d'un travail autonome sont exclus, de même que les travailleurs des industries agricoles 3 .

Le présent document porte tout particulièrement sur les différences générationnelles entre les taux de travail autonome. Toutefois, il n'est pas possible d'apparier directement les enfants avec leurs parents véritables en se fondant sur les données de recensement pluriannuelles. Plutôt, on procède au couplage générationnel par appariement d'une cohorte synthétique de parents et d'une cohorte synthétique d'enfants. Ce couplage s'appuie sur les renseignements suivants : i) l'âge des adultes, le statut d'immigrant des adultes et la présence/l'âge des enfants dans le Recensement de 1981; ii) l'âge des adultes, le statut d'immigrant des adultes et le statut d'immigrant des parents dans le Recensement de 2006.

On sélectionne trois groupes d'adultes du Recensement de 1981 appariés à trois groupes d'adultes du Recensement de 2006. Premièrement, on sélectionne à partir du Recensement de 1981 les immigrants adultes de 25 à 44 ans qui avaient des enfants nés à l'étranger âgés de 0 à 18 ans 4 . Il s'agit des parents d'enfants immigrants qui avaient moins de 19 ans à leur arrivée au Canada (ils sont appelés dans le présent document la génération 1,5). Ces enfants immigrants avaient entre 25 et 43 ans en 2006 et sont identifiés d'après leur âge, leur statut d'immigrant et le statut d'immigrant de leurs parents, déclarés à l'époque.

En deuxième lieu, on sélectionne à partir du Recensement de 1981 les immigrants de 25 à 44 ans qui avaient des enfants nés au Canada âgés de 0 à 18 ans. Il s'agit des parents d'immigrants de la deuxième génération (c.-à-d. les enfants nés au Canada de parents immigrants). Ces immigrants de la deuxième génération sont identifiés en 2006 d'après leur âge (c.-à-d. de 25 à 43 ans), leur statut d'immigrant (c.à-d. nés au Canada) et le statut d'immigrant de leurs parents. Enfin, les personnes nées au Canada qui avaient entre 25 et 44 ans et qui avaient des enfants nés au Canada âgés de 0 à 18 ans sont identifiées à partir du Recensement de 1981. Il s'agit des parents de la troisième génération et des générations subséquentes (c.-à-d. les enfants nés au Canada de parents nés au Canada). Les membres de la troisième génération et des générations subséquentes sont identifiés en 2006 également d'après leur âge (de nouveau, de 25 à 43 ans) et le statut d'immigrant de leurs parents. Les enfants nés au Canada d'un parent né à l'étranger et d'un parent né au pays sont exclus de l'étude.

Cette approche consistant à apparier une cohorte synthétique de parents avec leurs enfants potentiels est conforme à la méthode utilisée par Park et Myers (2010) et par Smith (2003). Cette approche facilite les comparaisons intergénérationnelles des activités de travail autonome des parents avec celles de leurs enfants potentiels lorsqu'ils étaient dans la même fourchette d'âge 5 . Étant donné cette approche, l'analyse porte dans une large mesure sur les personnes de 25 à 44 ans, bien que le tableau 1 montre les grandes tendances du travail autonome chez les personnes de 20 à 64 ans.

4   Résultats

4.1  Renseignements descriptifs sur les taux de travail autonome

Toute différence générationnelle en matière de travail autonome entre les parents immigrants et leurs enfants doit être interprétée dans le contexte des tendances globales du travail autonome au Canada. Pour cette raison, il importe d'examiner brièvement les tendances des taux de travail autonome selon le statut d'immigrant au cours de la période allant de 1981 à 2006 (les changements dans certaines caractéristiques de l'emploi autonome sont également examinés à la sous-section 6.2 de l'annexe). Plusieurs points principaux peuvent être tirés des statistiques descriptives figurant au tableau 1.

En premier lieu, les taux de travail autonome ont augmenté au cours de la période de 1981 à 2001 chez les personnes nées au Canada et chez les immigrants, puis ils ont baissé légèrement dans les deux groupes de 2001 à 2006. Ce résultat est conforme à la tendance observée dans l'Enquête sur la population active (EPA) (LaRochelle-Côté, 2010) 6 . Chez les travailleurs de sexe masculin nés au Canada âgés de 20 à 64 ans, le taux de travail autonome est passé de 9,4 % à 11,5 % entre 1981 et 2006, tandis que chez les hommes immigrants il est passé de 13,1 % à 16,8 %. L'augmentation du taux de travail autonome a été supérieure chez les femmes, passant de 3,4 % à 6,9 % chez les femmes nées au Canada et de 5,4 % à 9,4 % chez les immigrantes. Néanmoins, les femmes étaient moins susceptibles que les hommes de travailler de façon autonome.

Une analyse plus poussée révèle que l'augmentation du taux de travail autonome chez les hommes de 1981 à 2006 illustrée au tableau 1 est attribuable à deux facteurs. Premièrement, la proportion de la population active occupée composée de travailleurs âgés a augmenté 7 . Étant donné que les travailleurs âgés affichent des taux de travail autonome supérieurs à ceux des travailleurs plus jeunes, il en est résulté une pression à la hausse sur le taux de travail autonome global. Deuxièmement, le taux de travail autonome lui-même a augmenté chez les travailleurs âgés, passant de 12,7 % à 16,1 % chez les travailleurs de sexe masculin nés au Canada de 45 à 64 ans et de 8,1 % à 8,7 % chez les travailleurs de sexe masculin nés au Canada de 20 à 44 ans. En résumé, la proportion croissante de travailleurs de sexe masculin âgés et le taux à la hausse de travail autonome chez les travailleurs âgés ont exercé une pression à la hausse sur les taux globaux de travail autonome chez les hommes au Canada. En revanche, le taux de travail autonome a augmenté chez les femmes de tous les âges.

Le deuxième point principal à tirer du tableau 1 est que les immigrants ont un taux de travail autonome plus élevé que les personnes nées au Canada. C'est le cas tant des hommes que des femmes tout au long de la période de 1981 à 2006. Toutefois, les nouveaux immigrants, soit ceux arrivés au Canada depuis cinq ans ou moins, présentent généralement un taux de travail autonome moins élevé que les personnes nées au Canada et les immigrants de longue date. La mesure dans laquelle cela tient à des différences en matière d'âge, d'années d'expérience de travail au Canada ou d'autres facteurs est examinée dans un document de recherche d'accompagnement (Abada et coll., 2011).

Si le taux de travailleurs autonomes chez les hommes de 20 à 64 ans a augmenté de 1981 à 2006 pour ce qui est tant des immigrants que des personnes nées au Canada, cette tendance à la hausse ne s'observe pas lorsqu'on compare les pères en 1981 avec les fils en 2006, soit quand chaque groupe était dans la tranche d'âge de 25 à 44 ans (tableau 2). En fait, le taux de travail autonome a baissé de 1,7 point de pourcentage entre les pères nés au Canada et les fils de la troisième génération ainsi que des générations subséquentes et de 2 points de pourcentage entre les pères immigrants et les fils de la deuxième génération (tableau 2).

Au cours de la période allant de 1981 à 2006, le taux a augmenté — de 1,2 point de pourcentage — seulement chez les pères immigrants et les fils de la génération 1,5. Cette augmentation a été attribuable principalement au faible taux de travail autonome chez les parents immigrants de la génération 1,5 comparativement au taux de travail autonome chez les parents immigrants de la deuxième génération (une différence de 3 points de pourcentage chez les hommes). Comparativement aux pères immigrants de la deuxième génération, on constate que les parents immigrants de la génération 1,5 étaient plus âgés au moment de leur arrivée au Canada et avaient moins d'années d'expérience de travail au Canada (tableau 5). Ainsi, leur plus faible taux de travail autonome relativement aux pères immigrants de la deuxième génération pourrait s'expliquer par une plus faible connaissance du marché du travail canadien, un plus petit nombre de réseaux sociaux établis et un plus grand nombre de contraintes financières. Une analyse plus poussée montre que le nombre d'années d'expérience de travail à l'étranger et le nombre d'années d'expérience de travail au Canada expliquent environ les deux tiers de l'écart entre les taux de travail autonome des pères immigrants de la génération 1,5 et ceux des pères immigrants de la deuxième génération (le tableau peut être consulté sur demande).

Chez les femmes, les filles dans les trois groupes ont des taux de travail autonome plus élevés que leurs mères. Cette augmentation intergénérationnelle a tendance à être plus importante entre les mères nées au Canada et leurs filles qu'entre les mères immigrantes et leurs filles. Alors que les mères nées au Canada avaient un taux de travail autonome inférieur à celui des mères immigrantes en 1981, les différences entre les taux chez leurs filles étaient modestes en 2006.

4.2  Résultats de l'analyse multivariée des taux de travail autonome

Ces changements observés du taux de travail autonome au fil des générations peuvent être liés aux changements sociodémographiques touchant les immigrants ainsi que les personnes nées au Canada. Le choix du travail autonome est souvent associé à des facteurs sociodémographiques, y compris l'expérience de travail, le niveau de scolarité, l'état matrimonial et la présence d'enfants (p. ex. Apitzsch, 2005; Borjas, 1986; Li, 2001). Certains de ces facteurs ont beaucoup changé au cours des dernières décennies. Dans la présente section, on s'appuie sur les estimations du modèle multivarié pour examiner les changements générationnels des taux de travail autonome observés lorsque les changements dans les facteurs sociodémographiques sont pris en compte.

Étant donné que les caractéristiques sociodémographiques des personnes influent sur leur choix du travail autonome plutôt que d'un emploi rémunéré, on construit un modèle probit pour neutraliser l'effet des différences entre ces facteurs chez les parents et chez les enfants. Ce modèle est estimé à l'aide des données groupées de trois groupes de parents et de trois groupes d'enfants correspondants, comme suit : 

(1)
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PA2, PA15, G3, G2 et G15 sont des variables nominales représentant, respectivement, les parents immigrants de la deuxième génération, les parents immigrants de la génération 1,5, la troisième génération et les générations subséquentes, la deuxième génération et la génération 1,5. Le groupe de référence commun pour ces variables nominales est celui des parents nés au Canada (tel qu'observé dans le Recensement de 1981).

X i représente les caractéristiques sociodémographiques, y compris les niveaux de scolarité, les années d'expérience de travail potentielle, l'état matrimonial, la langue maternelle, le nombre d'enfants dans la famille, le mode d'occupation du logement, les groupes ethniques et la région géographique 8 . Les ouvrages publiés montrent que ces facteurs ont tendance à être associés significativement à la probabilité de travail autonome (p. ex. Blanchflower, 2000; Li, 2001). D'autres facteurs qui jouent éventuellement un rôle important dans le choix du travail autonome, comme la motivation, l'esprit d'entreprise, l'accès à des ressources financières et les réseaux sociaux, ne sont pas inclus dans le recensement. Des modèles probit distincts sont exécutés pour les hommes et pour les femmes, l'un fondé sur un échantillon groupé de pères et de fils et l'autre, sur un échantillon groupé de mères et de filles.

Pour répondre à la question de savoir si les enfants d'immigrants sont plus ou moins susceptibles d'être des travailleurs autonomes que leurs parents, on détermine dans le présent document si les différences β4β1 et β5β2 sont statistiquement significatives. Le premier terme (β4β1) est la variation générationnelle de la probabilité d'être travailleur autonome (lorsqu'elle est exprimée sous forme d'effets marginaux) entre les membres de la deuxième génération et leurs parents, tandis que le deuxième terme (β5β2) est la variation générationnelle de la probabilité d'être travailleur autonome entre les membres de la génération 1,5 et leurs parents.

Pour déterminer si les enfants d'immigrants sont plus ou moins susceptibles que les enfants de parents nés au Canada d'être des travailleurs autonomes, on détermine dans le présent document si les différences β4β3 et β5β3 sont statistiquement significatives. Le terme β4β3 est la différence quant à la probabilité d'être travailleur autonome (lorsqu'exprimée sous forme d'effets marginaux) entre la deuxième génération ainsi que et la troisième génération et les générations subséquentes, tandis que le terme β5β3 est la différence quant à la probabilité d'être travailleur autonome entre la génération 1,5 et la troisième génération ainsi que les générations subséquentes.

Pour déterminer si le changement générationnel de taux de travail autonome observé entre les parents immigrants et leurs enfants diffère de celui observé entre les parents nés au Canada et leurs enfants, on détermine dans le présent document si les différences β4β1β3 et β5β2β3 sont statistiquement significatives. β3 est le changement générationnel quant à la probabilité d'être travailleur autonome observé entre les parents nés au Canada et la troisième génération ainsi que les générations subséquentes. Ainsi, β4β1β3 est la différence en ce qui concerne le changement générationnel observé entre les parents immigrants de la deuxième génération et leurs enfants et le changement générationnel observé entre les parents nés au Canada et la troisième génération ainsi que les générations subséquentes. De même, β5β2β3 est la différence en ce qui concerne le changement générationnel observé entre les parents immigrants de la génération 1,5 et leurs enfants et le changement générationnel observé entre les parents nés au Canada et la troisième génération ainsi que les générations subséquentes.

Les résultats des modèles probit sont présentés au tableau 3. Les chiffres dans le tableau représentent les effets marginaux (dF/dX) et montrent la différence quant à la probabilité d'être travailleur autonome associée à une augmentation d'une unité dans une variable indépendante lorsque les valeurs des autres variables sont maintenues constantes à leurs moyennes.

Lorsque les variables sociodémographiques incluses dans le modèle sont prises en compte, la probabilité de travail autonome est plus élevée chez les hommes et les femmes titulaires d'un diplôme universitaire en médecine, en médecine dentaire, en médecine vétérinaire et en optométrie que chez les personnes ayant d'autres niveaux de scolarité. Le nombre d'années d'expérience de travail potentielle comporte une association positive avec le travail autonome. Les personnes mariées sont plus susceptibles que les autres d'être des travailleurs autonomes, de même que les personnes ayant des enfants à la maison. Les propriétaires sont plus susceptibles d'être des travailleurs autonomes que les locataires. Les personnes dont la langue maternelle est l'anglais ou le français ont généralement des taux de travail autonome inférieurs à ceux des personnes d'autres langues maternelles 9 . On observe de fortes variations des taux de travail autonome selon l'ascendance ethnique ou l'appartenance à une minorité visible. Les résultats de l'analyse multivariée portant sur les différences générationnelles de taux de travail autonome entre les hommes et les femmes sont examinés ci-après selon l'ordre des questions posées.

Pour les hommes, en ce qui a trait à la première question posée au départ, celle de savoir si les enfants d'immigrants sont plus ou moins susceptibles que leurs parents d'être des travailleurs autonomes, les résultats de l'analyse multivariée indiquent que les fils qui sont des immigrants de deuxième génération ont un taux de travail autonome légèrement plus élevé (de 0,5 point de pourcentage) que celui de leurs pères immigrants (il s'agit de la différence entre les coefficients pour les fils de la deuxième génération et les coefficients pour les pères immigrants de la deuxième génération). De même, les fils de la troisième génération et des générations subséquentes ont essentiellement le même taux de travail autonome que leurs pères. En revanche, le taux de travail autonome des fils de la génération 1,5 est de 5,3 points de pourcentage plus élevé que celui de leurs pères.

Il convient de souligner que, les résultats descriptifs montrés au tableau 2, qui ne tiennent pas compte des différences dans les caractéristiques sociodémographiques, présentent des taux de travail autonome d'environ 1 à 2 points de pourcentage inférieurs chez les fils de la deuxième génération et ceux de la troisième génération ainsi que des générations subséquentes que chez leurs pères. Ce n'est pas le cas des résultats de l'analyse multivariée. On peut en conclure que les changements dans les caractéristiques sociodémographiques au fil des générations ont eu tendance à faire baisser les taux de travail autonome chez les fils en 2006. Une analyse par décomposition révèle ensuite qu'une grande partie de ce changement était attribuable à trois facteurs, à savoir une diminution de la proportion de fils qui étaient mariés, une diminution de la proportion de fils qui avaient des enfants et une diminution du nombre d'années d'expérience de travail potentielle des fils (attribuable à leur plus grand nombre d'années de scolarité) (voir le tableau 4).

En ce qui a trait à la deuxième question posée, celle de savoir si les enfants d'immigrants sont plus ou moins susceptibles que les enfants de parents nés au Canada d'être des travailleurs autonomes, les fils qui sont des immigrants de la deuxième génération ont un taux de travail autonome considérablement plus élevé que les fils de la troisième génération et des générations subséquentes, soit une différence de 1,4 point de pourcentage. L'écart générationnel entre les taux de travail des parents immigrants et ceux de la deuxième génération est à peu près le même que celui entre les taux des parents nés au Canada et ceux de la troisième génération ainsi que les générations subséquentes. Par conséquent, le taux de travail autonome plus élevé observé chez les fils de la deuxième génération est attribuable à leur « point de départ » plus élevé, c'est-à-dire le taux de travail autonome plus élevé chez leurs pères que chez les pères des fils de la troisième génération et des générations subséquentes.

La réponse à la troisième question posée, celle de savoir si le changement générationnel de taux de travail autonome observé entre les parents immigrants et leurs enfants diffère de celui observé entre les parents nés au Canada et les leurs enfants, est indiquée ci-dessus. De nouveau, l'écart générationnel en matière de travail autonome est à peu près le même entre les pères immigrants et leurs fils de la deuxième génération qu'entre les pères nés au Canada et leurs fils. Les fils de la génération 1,5 se démarquent de nouveau en ce que l'écart générationnel est beaucoup plus élevé dans le cas de ce groupe que dans celui des deux autres groupes.

Pour les femmes, en ce qui a trait à la première question posée, les filles dans les trois groupes ont un taux de travail autonome statistiquement plus élevé que leurs mères respectives, soit une différence de 2 à 4 points de pourcentage. L'augmentation qui s'observe chez les filles par rapport à leurs mères est légèrement plus petite dans le cas de la deuxième génération que dans la génération 1,5 et dans la troisième génération ainsi que les générations subséquentes. Ces différences entre les groupes tiennent à un taux de travail autonome plus élevé chez les mères de la deuxième génération que chez les mères des deux autres groupes.

En ce qui a trait à la deuxième question posée (concernant les différences de groupe chez les filles), on constate que les filles de la deuxième génération et les filles de la troisième génération ainsi que des générations subséquentes ont des taux de travail autonome comparables; la génération 1,5 a un taux légèrement plus élevé que les deux autres groupes. En ce qui a trait à la troisième question, concernant les changements générationnels des taux de travail autonome, l'augmentation observée chez les filles par rapport à leurs mères est légèrement plus petite chez les filles de la deuxième génération que chez celles de la troisième génération et des générations subséquentes, soit une différence d'environ 0,5 point de pourcentage. La variation intergénérationnelle est la plus marquée entre les mères immigrantes et les filles de la génération 1,5.

5   Discussion et conclusion

La présente étude porte sur les changements intergénérationnels des taux de travail autonome entre les parents immigrants et leurs enfants dans la même fourchette d'âge, mais avec un décalage de 25 ans. Elle est centrée sur trois questions : 1) Les enfants d'immigrants sont-ils plus ou moins susceptibles que les parents immigrants d'être des travailleurs autonomes? 2) Les enfants d'immigrants sont-ils plus ou moins susceptibles que les membres de la troisième génération et des générations subséquentes d'être des travailleurs autonomes? 3) Le changement générationnel de taux de travail autonome observé entre les parents immigrants et les enfants d'immigrants diffère-t-il de celui observé entre les parents nés au Canada et leurs enfants?

Les résultats donnent à penser que les hommes de la deuxième génération (les enfants de sexe masculin nés au Canada de parents immigrants) avaient un taux de travail autonome en 2006 inférieur à celui des pères immigrants en 1981. Toutefois, lorsqu'on tient compte de l'effet des différences sociodémographiques entre les deux générations, leurs taux de travail autonome sont à peu près les mêmes. Comparativement aux pères immigrants au même âge, les hommes de la deuxième génération avaient moins d'années d'expérience de travail, un plus faible taux de mariage et un plus petit nombre d'enfants, et la plus grande partie de la diminution du taux de travail autonome chez les hommes de la deuxième génération est attribuable à ces trois facteurs démographiques.

Ce changement intergénérationnel du taux de travail autonome et les facteurs démographiques qui y sont associés ne sont pas particuliers à la deuxième génération; ils s'observent également chez les hommes de la troisième génération et des générations subséquentes. Lorsque les changements dans les facteurs sociodémographiques sont pris en compte, l'écart générationnel entre les taux de travail autonome des parents immigrants et ceux de la deuxième génération est à peu près le même que celui entre les taux des parents nés au Canada et ceux de la troisième génération ainsi que les générations subséquentes.

Les hommes de la deuxième génération ont un taux de travail autonome supérieur à ceux de la troisième génération et des générations subséquentes. Cela est conforme à la différence de groupe qui s'observe entre leurs pères. Les pères de la deuxième génération ont un taux de travail autonome supérieur à celui des pères de la troisième génération et des générations subséquentes; ce résultat est corrélé à la probabilité de travail autonome chez leurs enfants. Les données du recensement ne fournissent pas d'éclaircissements quant à la question de savoir comment ou pourquoi cela se produit, bien que les chercheurs signalent divers facteurs tels que la propension à prendre des risques, l'héritage de biens d'entreprise des parents, les réseaux et l'expérience, ainsi que l'importance des modèles de rôle (Aldrich et Kim, 2007; Andersson et Hammarstedt, 2010).

Les hommes de la génération 1,5 (les enfants de sexe masculin nés à l'étranger de parents immigrants) ont un taux de travail autonome plus élevé que celui de leurs pères et le taux de travail autonome le plus élevé des trois groupes étudiés. Ces observations ne changent pas lorsque les caractéristiques sociodémographiques sont prises en compte.

En 2006, les femmes de la génération 1,5, les femmes de la deuxième génération et les femmes de la troisième génération et des générations subséquentes avaient toutes des taux de travail autonome plus élevés que leurs mères 25 ans auparavant. Cette augmentation généralisée est conforme aux tendances générales chez les femmes en matière de niveau de scolarité, de participation à la population active, de diversification des structures professionnelles et de gains au cours des dernières décennies (Goldin, 2006; Kuhn et Schuetze, 2001). L'augmentation du travail autonome chez les filles par rapport à leurs mères est légèrement plus petite chez les membres de la deuxième génération que chez ceux de la génération 1,5 ainsi que de la troisième génération et des générations subséquentes.

Globalement, les résultats de la présente étude laissent entendre que l'écart intergénérationnel entre les taux de travail autonome des parents immigrants et ceux de la deuxième génération est à peu près le même que l'écart entre les taux des parents nés au Canada et ceux de la troisième génération ainsi que les générations subséquentes. En outre, des facteurs sociodémographiques comparables influent sur la transition intergénérationnelle dans le cas de l'un et l'autre groupe. Bien entendu, le « point de départ » reste important. Lorsque l'écart intergénérationnel entre les taux est comparable, un taux de travail autonome chez les parents immigrants plus élevé que chez les parents nés au Canada entraîne un taux de travail autonome plus élevé chez la deuxième génération que chez la troisième génération et les générations subséquentes, particulièrement chez les hommes.

6   Annexe

6.1  Comparaison intergénérationnelle des caractéristiques des travailleurs autonomes et des travailleurs rémunérés

Outre les différences en ce qui concerne le taux de travail autonome, d'importantes différences s'observent entre les niveaux de scolarité, l'expérience de travail potentielle et les gains des travailleurs autonomes et des travailleurs rémunérés, tant chez les parents selon le statut d'immigrant que chez les enfants selon le statut générationnel (tableau 5). Ces renseignements ne sont pas facilement accessibles ailleurs et ils sont fournis ici à titre d'information complémentaire.

Les pères immigrants avaient un niveau de scolarité supérieur à celui des pères nés au Canada et cette même longueur d'avance s'observe chez leurs fils 25 ans plus tard, sans égard à la situation de travailleur autonome des uns et des autres. L'écart entre les taux de réussite des études universitaires des enfants de sexe masculin d'immigrants (tant la génération 1,5 que la deuxième génération) et des hommes de la troisième génération et des générations subséquentes en 2006 était à peu près le même ou plus important que l'écart entre les taux des pères immigrants et des pères nés au Canada en 1981 (tableau 5, graphique 1 et graphique 2). Environ 29 % des travailleurs autonomes de la génération 1,5 et de la deuxième génération ont obtenu un diplôme universitaire, comparativement à 20 % des travailleurs autonomes de la troisième génération et des générations subséquentes.

En 2006, les jeunes adultes de sexe masculin avaient moins d'années d'expérience de travail potentielle que leurs pères dans le même groupe d'âge 25 ans auparavant, résultat lié au niveau de scolarité à la hausse et au plus grand nombre d'années passées à l'école au fil des générations. La baisse du nombre d'années d'expérience de travail potentielle a tendance à être plus marquée chez les travailleurs rémunérés que chez les travailleurs autonomes au fil des générations. Une baisse particulièrement importante s'observe entre les pères immigrants et leurs fils. On observe peu de changement en ce qui concerne le nombre d'années d'expérience de travail potentielle chez les travailleurs autonomes entre les pères nés au Canada et les fils de la troisième génération et des générations subséquentes.

Même si les hommes de la génération 1,5, de la deuxième génération et de la troisième génération ainsi que des générations subséquentes étaient plus instruits que leurs pères, leurs gains annuels moyens provenant d'un travail autonome étaient sensiblement inférieurs à ceux de leurs parents (tableau 5 et graphique 5). Les gains des hommes de 25 à 44 ans de la troisième génération et des générations subséquentes travaillant à leur propre compte étaient de 21 % inférieurs à ceux de leurs parents au même âge et quelque 25 ans plus tôt, même s'ils avaient un nombre comparable d'années d'expérience de travail potentielle. La baisse intergénérationnelle des gains tirés d'un travail autonome entre les pères immigrants et les hommes de la génération 1,5 était également importante, tandis qu'elle était relativement petite entre les pères immigrants et les hommes de la deuxième génération.

En revanche, l'ampleur de la baisse générationnelle des gains tirés d'un travail rémunéré était beaucoup plus petite que celle de la baisse générationnelle des gains tirés d'un travail autonome. Les gains des travailleurs rémunérés âgés de 25 à 44 ans ont diminué d'environ 7 % entre les pères nés au Canada et leurs fils de la troisième génération et des générations subséquentes tandis qu'ils ont diminué de 3 % entre les pères immigrants et leurs fils de la génération 1,5 (tableau 5 et graphique 6). Au cours de la période allant des les pères immigrants à leurs fils de la deuxième génération, les gains des travailleurs rémunérés ont augmenté de 6 %.

Les auteurs d'études canadiennes et américaines antérieures ont observé la diminution des gains des jeunes hommes sur le marché du travail rémunéré et ont avancé de nombreuses thèses pour l'expliquer (p. ex. Beaudry et Green, 2000; Katz et Autor, 1999). La baisse beaucoup plus importante des gains tirés d'un travail autonome, toutefois, est moins bien connue et reflète probablement l'évolution de la nature du travail autonome chez les jeunes hommes (c.-à-d. la proportion croissante de travailleurs autonomes sans aide rémunérée et l'hétérogénéité croissante ainsi que le caractère plus précaire des emplois chez les travailleurs autonomes (Arum et Mueller, 2004; Baldwin et Chowhan, 2003; Kuhn et Schuetze, 2001).

Chez les femmes, la hausse du niveau de scolarité entre les mères et leurs filles a été beaucoup plus rapide qu'entre les pères et leurs fils (tableau 5, graphique 3 et graphique 4). Sans égard au statut d'immigrant et de travailleur autonome, les mères avaient des taux de réussite des études universitaires sensiblement inférieurs à ceux des pères en 1981. Cette tendance s'est inversée 25 ans plus tard. En 2006, les taux de réussite des études universitaires des jeunes femmes étaient nettement supérieurs à ceux des jeunes hommes. Comme dans le cas de leurs homologues de sexe masculin, les jeunes femmes de parents immigrants ont des taux de réussite des études universitaires plus élevés que leurs homologues de la troisième génération et des générations subséquentes.

Les gains des filles, tant tirés d'un travail autonome que sur le marché du travail rémunéré, étaient supérieurs à ceux de leurs mères (tableau 5, graphique 7 et graphique 8); ce résultat est fort différent des changements générationnels dans les gains observés chez les jeunes hommes. Cette constatation est conforme à la tendance générale à la hausse du niveau de scolarité, de la participation à la population active et des gains des femmes observée au cours des dernières décennies (Goldin, 2006; Kuhn et Schuetze, 2001). Néanmoins, la hausse des gains provenant d'un emploi rémunéré a été beaucoup plus importante que celle des gains tirés d'un travail autonome. Par conséquent, l'avantage du travail autonome sur le plan des gains moyens par rapport à l'emploi rémunéré chez les jeunes femmes, comme chez les jeunes hommes, a disparu au fil des générations.

6.2  Changements à long terme dans les caractéristiques des travailleurs autonomes et des travailleurs rémunérés selon le statut d'immigrant

La sous-section 6.1 de l'annexe porte sur les changements générationnels dans les caractéristiques des travailleurs autonomes ou rémunérés quand parents et enfants étaient de jeunes adultes (âgés de 25 à 44 ans), tandis que la présente section fournit un contexte plus large en examinant les changements à long terme dans les caractéristiques des travailleurs autonomes et rémunérés âgés de 20 à 64 ans. Plusieurs points principaux se dégagent des statistiques descriptives présentées au tableau 6, au tableau 7 et au tableau 8.

Premièrement, l'une des tendances systématiques qui se dégagent au cours de la période allant de 1981 à 2006 est que les travailleurs autonomes ont un niveau de scolarité plus élevé que les travailleurs rémunérés, ce dont témoigne leur proportion de titulaires de diplôme universitaire. La proportion d'hommes nés au Canada et d'immigrantes titulaires d'un diplôme universitaire est de 4 à 6 points de pourcentage plus élevée que la proportion de travailleurs rémunérés dans ces deux groupes qui sont titulaires d'un diplôme universitaire. Cette tendance s'observe également chez les immigrants jusqu'en 2006, année où il y avait très peu de différence entre les proportions de travailleurs autonomes et de travailleurs immigrants rémunérés titulaires d'un diplôme universitaire.

Deuxièmement, une autre tendance systématique qui se dégage est que les travailleurs autonomes ont généralement un plus grand nombre d'années d'expérience de travail potentielle que les travailleurs rémunérés. Chez les personnes nées au Canada, les travailleurs autonomes ont en moyenne entre quatre et cinq années d'expérience de travail de plus que les travailleurs rémunérés. La différence en ce qui concerne le nombre d'années d'expérience de travail potentielle entre les travailleurs autonomes et les travailleurs rémunérés immigrants (1 à 2 ans environ) est plus petite que la différence entre les personnes nées au Canada appartenant à ces deux groupes.

Troisièmement, chez les immigrants, l'écart entre les gains moyens des travailleurs autonomes et ceux des travailleurs rémunérés a beaucoup évolué au fil du temps 10 . Dans le cas des immigrants, les gains des travailleurs autonomes étaient plus élevés que ceux des travailleurs rémunérés en 1981 et 1991, mais cette tendance s'est inversée depuis 2001 11 . En 2006, les travailleurs autonomes immigrants gagnaient 17 % de moins que leurs homologues sur le marché du travail rémunéré. Au cours de la période de 25 ans étudiée, les gains des travailleurs rémunérés immigrants ont d'abord baissé puis se sont stabilisés à compter de 1991. En revanche, les gains des travailleurs autonomes immigrants ont diminué de façon considérable entre 1991 et 2006. Comme le montrent le tableau 7 et le tableau 8, les nouveaux immigrants arrivés au pays depuis peu de temps n'ont pas été les seuls à connaître cette évolution importante au fil du temps. La longueur d'avance des gains tirés d'un travail autonome sur ceux provenant d'un emploi rémunéré a également disparu pour les immigrants qui étaient au pays depuis plus de 10 ans. Une tendance similaire s'observe chez les immigrantes.

Chez les hommes nés au Canada, les travailleurs autonomes ont en moyenne des gains plus élevés que les travailleurs rémunérés, même si l'écart s'est rétréci au cours de la période de 25 ans à l'étude. Au cours de cette période, les gains moyens des travailleurs autonomes ont peu changé, tandis que les gains des travailleurs rémunérés se sont accrus de 12 %. Chez les femmes nées au Canada, l'écart entre les gains des travailleuses autonomes et ceux des travailleuses rémunérées a été petit tout au long de la période étudiée.

Les tendances divergentes des gains tirés d'un travail autonome chez les immigrants adultes et les personnes nées au Canada ont abouti à un renversement complet de la situation relative en matière de gains des immigrants adultes travaillant à leur propre compte. Même si en 1981 les travailleurs autonomes immigrants avaient en moyenne des gains légèrement plus élevés que les travailleurs autonomes nés au Canada, en 2006 ils gagnaient 26 % de moins. Chez les femmes, les travailleuses autonomes immigrantes gagnaient 19 % de plus en 1981, mais 14 % de moins en 2006 que les travailleuses autonomes nées au Canada. Ces changements importants au fil du temps chez les immigrants donnent à penser qu'il n'y a pas lieu de généraliser les résultats des analyses portant sur les parents immigrants qui ont été observés en 1981 aux parents immigrants adultes qui sont arrivés au pays depuis les années 1980. Ces résultats montrent qu'il y a lieu de procéder à un examen plus minutieux de l'évolution de la nature du travail autonome en général et plus particulièrement du travail autonome chez les immigrants 12 .

La baisse importante des gains des travailleurs autonomes par rapport à ceux des travailleurs rémunérés reflète probablement l'évolution de la nature du travail autonome en général. Il a été signalé que la nature du travail autonome a peut-être changé au cours des dernières décennies (Arum et Mueller, 2004). Des études empiriques antérieures ont montré qu'une grande partie de l'augmentation du travail autonome s'est concentrée chez les travailleurs autonomes sans aide rémunérée, particulièrement dans les années 1990 (LaRochelle-Côté, 2010; Lin et coll., 1999). Alors que le nombre de travailleurs autonomes a augmenté, la croissance de leurs gains nets a été inférieure à celle des gains des travailleurs rémunérés au cours des années 1990 (Baldwin et Chowhan, 2003). Kuhn et Schuetze (2001) ont examiné la qualité du nouveau travail autonome telle que mesurée par les gains, le travail à temps plein et la présence d'employés dans le cas des personnes qui travaillent à leur propre compte depuis moins d'un an. Ils ont constaté qu'entre les années 1980 et les années 1990, la situation s'est détériorée en ce qui concerne ces trois aspects pour les hommes tandis qu'elle s'est améliorée pour les femmes. À leur avis, l'augmentation du travail autonome chez les femmes est attribuable aux meilleures possibilités sur le marché du travail et au plus grand attrait du travail autonome pour les femmes. Toutefois, l'augmentation des taux de travail autonome chez les hommes tient probablement au fait que les possibilités d'emploi salarié sont devenues moins attrayantes et moins nombreuses pour les hommes (Kuhn et Schuetze, 2001).

6.3  Tendances du travail autonome selon d'autres définitions du travail autonome

Aux fins de vérification de la robustesse, on examine également les tendances des taux de travail autonome et les caractéristiques des travailleurs autonomes et des travailleurs rémunérés au moyen de deux définitions de rechange. Selon la première définition de rechange, les travailleurs autonomes comprennent seulement ceux qui sont des travailleurs autonomes non constitués en société tandis que ceux qui sont des travailleurs autonomes constitués en société sont traités comme étant des travailleurs rémunérés 13 . Selon la deuxième définition de rechange, les travailleurs autonomes sont ceux dont les gains nets provenant d'un travail autonome représentent plus de la moitié de leurs gains nets tirés d'un emploi l'année qui a précédé le recensement 14 . Étant donné qu'on a demandé aux répondants au recensement de déclarer des gains tirés d'un travail autonome seulement s'ils ont travaillé dans une entreprise non constituée en société, ceux qui étaient travailleurs autonomes constitués en société auront déclaré leurs gains comme traitement ou salaire et donc seront traités comme étant des travailleurs rémunérés (ils sont rémunérés par leur propre entreprise) selon la deuxième définition de rechange. Le tableau 9 et le tableau 10 présentent les taux de travail autonome et les caractéristiques des travailleurs autonomes et des travailleurs rémunérés selon ces deux approches.

Une comparaison des taux indiqués au tableau 1 avec ceux indiqués au tableau 9 montre que les taux de travail autonome sont sensiblement plus élevés lorsque les travailleurs autonomes dans une entreprise constituée en société sont traités comme des travailleurs autonomes. Les immigrants sont plus susceptibles d'être touchés par la différence de définition, puisqu'ils sont généralement plus susceptibles que les personnes nées au Canada d'être des travailleurs autonomes dans une entreprise constituée en société. En outre, du moins dans le cas des hommes, les travailleurs autonomes d'entreprises constituées en société ont généralement un niveau de scolarité supérieur à leurs homologues d'entreprises non constituées en société. Dans le cas tant des hommes que des femmes, les travailleurs autonomes d'entreprises constituées en société ont généralement des gains plus élevés que les travailleurs autonomes d'entreprises non constituées en société. Même si les niveaux diffèrent, le tableau 1 et le tableau 9 montrent des tendances comparables en ce qui a trait au taux de travail autonome.

Au tableau 10, le travail autonome est basé sur la déclaration des gains tirés d'un travail autonome au cours de l'année qui a précédé le recensement. Ce tableau montre une tendance en ce qui concerne les taux de travail autonome fort semblable à celle au tableau 9 pour la période allant de 1981 à 2001. Toutefois, au cours de la période allant de 2001 à 2006, le taux de travail autonome soit diminue, soit change peu dans le tableau 1 et le tableau 9, mais augmente de façon importante dans le tableau 10. L'augmentation au tableau 10 est attribuable probablement aux modifications qui ont été apportées à la façon dont les données sur le revenu ont été recueillies dans le cadre du recensement. Au Recensement de 2006, les données sur le revenu de la majorité de la population ont été tirées des dossiers fiscaux des déclarants. Par conséquent, le nombre de particuliers dont le revenu était faible était plus élevé au Recensement de 2006 qu'au Recensement de 2001. Ainsi, la démarche fondée sur le statut de travailleur autonome défini d'après la part relative du revenu provenant d'un travail autonome dans le total des gains ne convient pas autant aux recensements précédents que la démarche fondée sur le statut de travailleur autonome autodéclaré.

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