Tendances dans l'industrie des centres d'appels 

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par Richard Vincent et Larry McKeown, Statistique Canada

Introduction
Points saillants
La croissance des industries de services et l'impartition
Tendances
Structures
Enjeux

Introduction

Avec la croissance de l'économie de services, les services de soutien aux entreprises ont gagné en importance dans l'économie canadienne. L'évolution des pratiques des entreprises, comme l'impartition, a été rendue possible par les progrès de la technologie des communications. C'est pourquoi le secteur des services de soutien aux entreprises, ce qui comprend les agences d'évaluation du crédit, les centres d'appels téléphoniques et les centres de préparation des documents et de services aux entreprises, ont connu une croissance constante. Les centres d'appels téléphoniques en particulier ont été considérés comme des agents catalyseurs pouvant contribuer au développement régional. Les études dans ce domaine ont porté généralement sur les aspects relatifs à l'emploi (p. ex., la création d'emplois) ou ont été des études de cas portant sur des entreprises ou des collectivités. Nous examinons ici, dans l'optique du cycle de vie des entreprises, l'évolution du lieu d'implantation des centres d'appels téléphoniques.1

Points saillants

  • Avec la croissance et l'impartition persistantes des services aux entreprises dans l'économie canadienne, les centres d'appels téléphoniques ont eu une croissance annuelle moyenne de 27,7 % de leurs revenus de 1998 à 2006.

  • Les établissements de centres d'appels téléphoniques se trouvent de façon disproportionnée dans certaines provinces, dans de petites régions urbaines où le chômage est élevé et où il y a une main-d'œuvre relativement scolarisée.

  • La forte hausse du dollar canadien et l'accroissement de la concurrence étrangère ont érodé l'avantage comparatif des lieux d'implantation à faible coût de main-d'œuvre pour les centre d'appels téléphoniques au Canada.

  • À mesure que l'adoption de technologies nouvelles et la proximité des centres de recherche deviennent des facteurs plus importants pour ce qui est du lieu d'implantation, les centres d'appels téléphoniques deviennent moins intéressants comme outil de développement économique régional.

La croissance des industries de services et l'impartition

Les industries de services comptent maintenant pour les trois quarts de l'emploi (74 %) et environ 70 % du produit intérieur brut (PIB). Cette importance croissante a été attribuée à des facteurs allant de l'élasticité du revenu provenant de la demande de nombreux services à la présence accrue des femmes sur le marché du travail.2  Pour les services de soutien aux entreprises, il est important de tenir compte de la tendance de l'impartition afin de répondre à la demande intermédiaire de services par les industries productrices de biens. L'impartition et d'autres changements dans les pratiques des entreprises ont été rendus possibles surtout par les progrès des technologies de l'information et des communications (TIC).

Bien que l'impartition ait commencée dans le secteur de la fabrication, elle s'est propagée en particulier aux secteurs des technologies de l'information et des services aux entreprises. Elle est maintenant associée à la mondialisation (c.-à-d. à la mobilité des capitaux) et à un déplacement vers les pays à bas salaire comme l'Inde et la Chine. En Amérique du Nord, beaucoup d'entreprises américaines confient du travail à des entreprises au Canada en raison du roulement de la main-d'œuvre aux États-Unis, parce qu'il existe un bassin de personnes sans emploi relativement qualifiées au Canada et, jusqu'à récemment, un taux de change favorable.3

L'impartition a eu des conséquences en particulier sur le type d'emploi créé (c.-à-d. les « bons » emplois par opposition aux emplois « précaires »).4  Il y a une autre conséquence possible de l'impartition des services, et c'est sur le développement régional. Certaines activités de service sont plus mobiles, non contraintes par les facteurs liés aux lieux d'implantation traditionnels, comme la proximité physique des ressources ou des marchés.5  Certains services aux entreprises peuvent constituer des agents catalyseurs de la croissance économique dans des lieux périphériques. C'est ainsi que de nombreuses administrations cherchent chacune de leur côté à attirer les centres d'appels téléphoniques en offrant des mesures incitatives financières, des programmes de formation et des technologies de pointe.

Définitions et sources des données

Les centres d'appels téléphoniques sont décrits ainsi dans le Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN, 56142) : il s'agit d'établissements dont l'activité principale consiste à recevoir et/ou à faire des appels téléphoniques pour des tiers : solliciter ou fournir des renseignements; faire la promotion des produits ou des services; prendre des commandes; recueillir des fonds. Sont aussi inclus les établissements qui répondent aux appels téléphoniques et qui transmettent les messages aux clients, et les établissements qui fournissent des services de messagerie vocale.

Il est très utile d'établir une distinction entre 1) le service à la clientèle – recevoir des appels et 2) le télémarketing – faire des appels. Dans le premier cas, il s'agit d'offrir un soutien technique, de transmettre des demandes de renseignements sur des problèmes de logiciels par exemple, de prendre des réservations et de dépêcher des techniciens. Comme ce ne sont pas toutes les activités des centres d'appels qui sont confiées à l'extérieur, les données statistiques sur ces activités sont souvent limitées.

Lorsqu'une entreprise confie un service (p. ex., la paie) à une autre entreprise juridiquement distincte, on dit qu'il s'agit d'impartition. Si l'entreprise qui offre le service est situé dans un autre pays (p. ex., en Inde), on dit qu'il s'agit de délocalisation. Si l'entreprise qui fournit les services est située dans un pays distinct mais contigu (p. ex., le Canada par rapport aux États-Unis), on dit qu'il s'agit de délocalisation proche.

Les données sur la taxe sur les produits et services (TPS) remises à l'Agence du revenu du Canada (ARC) sont utilisées pour fournir des tendances sur les recettes des centres d'appels en dollars courants. Les données sur les revenus de la TPS sont déclarées par l'entreprise (au niveau juridique) plutôt que par l'établissement (au niveau statistique). Ces données sur la TPS ont été traitées, calendrialisées et réparties au niveau de l'établissement pour les entreprises complexes (c.-à-d. celles qui ont des établissements opérants dans plus d'une industrie ou dans plus d'une province). Ces données ont été utilisées uniquement à des fins de recherche.

La Structure des industries canadiennes fournit les comptes des établissements actifs au Canada selon la région géographique (CGT – 2001), l'industrie (SCIAN – 2002) et l'effectif. Les chiffres sont compilés à partir du Registre des entreprises (RE), le dépôt central des renseignements sur les entreprises au Canada qui sert de cadre principal pour le programme de la statistique des entreprises à Statistique Canada. Le RE renferme toutes les entreprises canadiennes qui ont des remises des retenues à la source à l'ARC; ou qui ont un chiffre d'affaires d'au moins 30 000 $; ou qui sont constituées en vertu d'une loi fédérale ou provinciale et qui ont produit récemment une déclaration d'impôt fédéral.

Tendances

La croissance de l'emploi dans le secteur des services a constamment devancé celle du secteur des biens. De 1991 à 2005, l'emploi dans les industries productrices de services a augmenté de 25 % (comparativement à 13 % pour les entreprises productrices de biens). Dans les services de soutien aux entreprises, l'emploi a fait un bon de 190 % pendant la même période. En 2006, le secteur des services de soutien aux entreprises a déclaré des revenus de plus de 5,7 milliards de dollars et les centres d'appels téléphoniques représentent 48 % de ces revenus.

Même dans le secteur à croissance rapide des services de soutien aux entreprises, les centres d'appels téléphoniques ont eu une croissance qui exige une attention particulière. Les revenus du secteur ont augmenté constamment pour passer d'un plus de 424 millions de dollars en 1998 à près de 2,76 milliard de dollars en 2006 - une croissance annuelle moyenne de 27,7 % (figure 1). Plus des deux tiers de cette hausse des recettes ont été générés par des centres d'appels situés en Ontario.

Figure 1 Revenus annuels déclarés, centres d'appels téléphoniques, 1998 à 2006. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Figure 1
Revenus annuels déclarés, centres d'appels téléphoniques, 1998 à 2006

Il y a deux tendances manifestes dans le secteur des centres d'appels téléphoniques. En premier lieu, la croissance de l'emploi et des revenus a dépassé beaucoup celle des autres secteurs des services et, en deuxième lieu, une grande partie de cette croissance est concentrée géographiquement.

Structures

Contrairement aux lieux d'implantation des usines de fabrication, qui sont axés soit sur l'offre, soit sur la demande, selon les coûts des facteurs de production (p. ex., le transport) et les facteurs relatifs au marché, les services sont généralement offerts là où ils sont consommés. Les services aux entreprises, toutes choses étant égales, sont généralement situés dans les grands centres commerciaux. Avec l'évolution des technologies toutefois, il est moins nécessaire pour les activités de service d'être situées dans un lieu en fonction du marché. Par exemple, il est possible, grâce aux progrès des TIC, d'offrir de nombreux services sur de plus grandes distances, même sur le plan international. Avec les centres d'appels téléphoniques, il y a de plus en plus à la fois d'impartition et de délocalisation (voir Définitions).

Au Canada, les centres d'appels sont davantage présents dans quelques provinces de l'Est et en Ontario (tableau 1). Bien qu'en moyenne on recense 6,8 centres d'appels pour 10 000 établissements commerciaux à l'échelle nationale, les chiffres pour l'Île-du-Prince-Édouard (15,8), le Nouveau-Brunswick (13,1) et l'Ontario (8,4) sont beaucoup plus élevés. En revanche, dans les provinces de l'Ouest, où il y a pénurie de main-d'œuvre, le nombre de centres d'appels est inférieur à la moyenne.

Tableau 1 Nombre de centres d'appels pour 10 000 établissements commerciaux, 2005. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 1
Nombre de centres d'appels pour 10 000 établissements commerciaux, 2005

Les établissements qui comptent des employés ont été divisés en trois catégories selon le nombre d'employés : petits < 10 employés (42 % des établissements), moyens, de 10 à 49 (33 %), et grands > 50 (25 %).  Depuis 2000, on compte près de 100 établissements actifs de plus (tableau 2). Il y a moins de petits centres ayant un effectif de moins de dix employés mais le nombre de grands centres a augmenté. Ce regroupement des fournisseurs de services est une caractéristique du modèle de cycle de vie des entreprises en ce qui concerne de nombreux services. Généralement, dans les débuts d'une activité de service, le marché est caractérisé par un assez grand nombre de petits fournisseurs.

Tableau 2 Évolution du nombre d'établissements de centre d'appels téléphoniques, 2000 à 2005. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 2 Évolution du nombre d'établissements de centre d'appels téléphoniques, 2000 à 2005

Par exemple, parmi les fournisseurs de services Internet (FSI), les entreprises à grossir. Au début, le secteur des FSI comprenait un grand nombre de petits établissements offrant l'accès commuté. À mesure que le secteur s'est développé, des établissements moins nombreux mais plus gros ont accaparé une plus grande partie du marché à large bande. Pour ce qui est des centres d'appels téléphoniques, un grand nombre de petits fournisseurs ont créé au départ un marché concurrentiel de sorte que la production s'est déplacée vers les lieux où les coûts de la main-d'œuvre étaient les plus faibles.

Parmi les facteurs importants relatifs au lieu d'implantation des centres d'appels téléphoniques, mentionnons une certaine combinaison de facteurs comme l'offre de main-d'œuvre et les qualifications de cette main-d'œuvre, le coût, la proximité du marché et l'infrastructure de télécommunications, concurremment avec les mesures incitatives offertes par les gouvernements.6  La présente étude porte sur l'offre de main-d'œuvre et les qualifications et, à cette fin, nous avons classé les lieux d'implantation des centres d'appels selon la taille des villes, le taux de chômage et la population ayant fait des études postsecondaires. Nous avons supposé que les centres d'appels téléphoniques sont situés, toutes choses étant égales, dans des régions caractérisées par le sous-emploi, un taux de chômage élevé, mais une population relativement scolarisée.

Pour examiner la concentration relative, nous avons calculé une mesure de la densité du nombre de centres d'appels téléphoniques par tranche de 100 000 personnes. À l'échelle nationale, il y a environ 2,5 centre d'appels téléphoniques pour 100 000 Canadiens (tableau 3).

Tableau 3 Centres d'appels téléphoniques par tranche de 100 000 citoyens urbains selon le chômage et la scolarité, 2005 . Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 3 Centres d'appels téléphoniques par tranche de 100 000 citoyens urbains selon le chômage et la scolarité, 2005

Les résultats étayent notre hypothèse selon laquelle les plus fortes densités de centres d'appels (5,8 et 4,7 pour 100 000 personnes) se trouvent dans les régions urbaines à chômage élevé (c.-à-d. dans les deux premiers quartiles) et dont la population est la plus scolarisée (études postsecondaires).  Et la plus forte densité (6,1 établissements par tranche de 100 000 personnes) était observée dans les petites régions urbaines (population de 33 500 à 58 350).

Donc, les établissements de centres d'appels téléphoniques se trouvent de façon disproportionnée dans certaines provinces, dans de petites régions urbaines ou le chômage est élevé et ou il y a une main-d,œuvre relativement scolarisée.

Enjeux

Au cours des années 90 et au début des années 2000, de plus en plus de centres d'appels téléphoniques se sont établis dans de petites villes, souvent où les industries étaient en déclin, mais aussi où les citoyens avaient fait des études postsecondaires en plus grand nombre. Le secteur des centres d'appels téléphoniques, y compris celui du télémarketing de sortie, a créé des emplois dans des régions qui a en avaient grandement besoin et a contribué à l'« exportation » de services utiles. Dans les débuts du cycle de vie de l'industrie, ces lieux à main-d'œuvre abordables sont attrayants. Avec une infrastructure de télécommunications à la fine pointe, une main-d'œuvre bilingue bien scolarisée et un audacieux programme de mesures incitatives, le Nouveau-Brunswick a été considéré comme un lieu d'implantation attrayant.7

Les centre d'appels au Canada ont perdu l'avantage de la faiblesse du dollar et se heurtent à une plus forte concurrence en provenance de la  Chine, de l'Inde et d'ailleurs. C'est ainsi que le secteur des centres d'appels téléphoniques au Canada devrait progresser au-delà de l'étape du faible coût de main-d'œuvre dans le cycle de vie de ce secteur. Il devient important pour les centres d'appels téléphoniques d'offrir une plus grande valeur ajoutée sur le plan des compétences, à la fois techniques et linguistiques, et sur celui des technologies.8  Toutefois, ces services à valeur ajoutée transformeront davantage le rôle déterminant du lieu d'implantation, particulièrement pour les centres de services « entrants », car la proximité des établissements postsecondaires et un bassin de main-d'œuvre qualifiée pour soutenir l'infrastructure avancée des TIC deviennent des facteurs plus importants.

Il y a aussi des signes d'un certain regroupement en grands établissements. Bien que la normalisation dans l'industrie favorise les lieux d'implantation à faible coût de main-d'œuvre, l'avantage comparatif du Canada ne se trouve plus dans les lieux qui se trouvent dans les régions à chômage élevé. Dans les étapes à valeur ajoutée du cycle de vie des centres d'appels téléphoniques, il existe de nouveaux facteurs importants comme la proximité des universités et l'adoption de nouvelles technologies. Les qualifications de la main-d'œuvre évoluent aussi. Si le nouvel avantage comparatif est la proximité des « grappes de recherche » ou les économies d'agglomération, un centre d'appels téléphoniques sera beaucoup moins en mesure d'être un agent catalyseur de développement régional dans les régions périphériques.


Références

  1. Croil, S. and MacLachlan, I. (2005). Your call is important to us. Call Centres in Lethbridge, Alberta. Department of Geography, University of Alberta.
  2. Fiori, J, McKeown, L. and Taktek, N. (2005). L'importance croissante des industries de services : la nécessité d'établir des indicateurs infra-annuels. Conférence économique 2005. Ottawa : Statistique Canada 11F0024.
  3. Schick, Shane (2004). U.S.to come calling for call centres, Computing Canada. 10 septembre 2004.
  4. Akyeampong, E. (2005). Services de soutien aux entreprises. L'emploi et le revenu en perspective, mai. Ottawa: Statistique Canada 75-001.
  5. Wernerheim, M. and Sharpe, C. (2002). 'High order' producer services in Metropolitan Canada: How footloose are they?Regional Studies, 37(5).
  6. Larner, W. (2002). Calling capital: call centre strategies in New Brunswick and New Zealand. Global Networks 2 (2).
  7. Power, C. (2000). New Brunswick called best place for a call center. American Banker, 65 (8).
  8. Hill, Bert (2006). Dell to boost employment at Ottawa call centre to 1,500. Ottawa Citizen. Ottawa: 6 mai, p. B1.