Statistique Canada
Symbole du gouvernement du Canada

Liens de la barre de menu commune

Avertissement Consulter la version la plus récente.

Information archivée dans le Web

L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.










Resultats

L’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ) est une étude prospective nationale parrainée par le gouvernement fédéral, qui est conçue pour mesurer le bien‑être, la santé et le développement des enfants canadiens, de la naissance au début de l’âge adulte. L’enquête a commencé en 1994‑1995, et la collecte des données est effectuée à des intervalles de deux ans depuis. Dans le cadre de l’entrevue, l’un des parents (habituellement la mère biologique) doit décrire le comportement de l’enfant au moyen de l’Échelle de comportement des enfants.

L’ensemble de l’échelle est constitué de plusieurs sous‑échelles, dont une, la sous‑échelle de l’hyperactivité/inattention (échelle H/I), permet de déceler les comportements hyperactifs, d’inattention et impulsifs chez les enfants de 4 à 11 ans dans de vastes études axées sur la population. Les questions ont été tirées de l’Étude sur la santé des jeunes Ontariens1 et de l’Étude de type longitudinale effectuée à Montréal2.

Plusieurs chercheurs ont utilisé des scores élevés sur cette échelle comme mesures de substitution pour des symptômes cliniquement significatifs souvent associés au trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA)3‑5. Toutefois, les comparaisons entre les études sont limitées par l’absence d’uniformité dans le classement des enfants susceptibles d’avoir un trouble cliniquement significatif comme le THADA. Dans deux études dont l’échelle a été dichotomisée pour distinguer les enfants ayant des difficultés graves, on a utilisé des seuils de 1,5 écart‑type au‑dessus de la moyenne de population3,5, et dans une autre, les 10% supérieurs4.

Le présent article évalue l’échelle H/I déclarée par les parents dans l’ELNEJ, à partir des données du cycle 1 (1994‑1995) de l’enquête. L’échelle H/I de l’ELNEJ est fondée sur l’échelle d’hyperactivité de l’instrument de diagnostic d’enquête de l’Étude sur la santé des jeunes Ontariens (IDEESJO)1, celle-ci ayant été validée en fonction du diagnostic de THADA du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 3e édition (DSM‑III) et reposant sur des données déclarées par les parents et par les enseignants pour la détermination des cas. Toutefois, les critères du DSM en ce qui a trait au THADA ont été révisés de façon significative depuis la publication du DSM‑III6. Néanmoins, depuis le DSM‑II7, le concept sous‑jacent est demeuré un trouble de l’enfance de longue durée caractérisé par des niveaux néfastes d’hyperactivité, d’impulsivité et de distractibilité, ainsi que par un champ de l’attention court.

Outre les changements qui ont touché les critères de diagnostic au fil du temps, il existe une autre raison pour vérifier si l’échelle H/I déclarée par les parents dans le cadre de l’ELNEJ permet d’identifier les enfants ayant un THADA, à savoir que 52% des données déclarées par les enseignants n’étaient pas disponibles au cycle 18. Afin de déterminer si l’enfant affichait des comportements symptomatiques dans plus d’un contexte (à la maison et à l’école), dans l’IDE de l’ESJO, on a demandé que le parent et l’enseignant évaluent tous deux l’enfant. Toutefois, l’absence de réponses d’enseignants pour un peu plus de la moitié des participants à l’ELNEJ amoindrit de façon substantielle l’efficacité de cette méthode pour la détermination des cas à partir des données de cette enquête.

La méthode de la présente étude est fondée sur les travaux de Boyle et coll.9, qui recommandaient que les instruments d’enquête conçus pour les études de la population intègrent des «éléments de détresse, de dysfonctionnement et de considération thérapeutique» dans la définition d’un cas, plutôt que l’application simple d’un nombre déterminé de symptômes9. En 1999, Goodman a démontré qu’une mesure des «répercussions» sur l’enfant qui combinait la «détresse» et le «dysfonctionnement social» améliorait l’identification des cas par rapport aux évaluations par les parents et les enseignants seulement10.

La base de données de l’ELNEJ comprend deux variables qui représentent ces éléments: l’utilisation actuelle de méthylphénidate (Ritalin), qui sert presque exclusivement à traiter le THADA chez les enfants11,12, et un diagnostic antérieur de trouble émotif, psychologique ou nerveux. Dans chaque cas, le parent de l’enfant devait avoir consulté un professionnel. Dans le premier cas, avant de prescrire du méthylphénidate, un médecin devait avoir convenu que l’enfant avait besoin d’un traitement, et dans le deuxième, pour qu’un trouble affectif soit diagnostiqué chez l’enfant, un professionnel de la santé devait avoir perçu un dysfonctionnement suffisant pour justifier un diagnostic et un traitement.

Dans une certaine mesure, les groupes d’enfants que ces deux variables permettent d’identifier peuvent se chevaucher. Toutefois, l’un d’eux représente un concept étroit, et l’autre, un concept large du trouble. En 1994‑1995, le méthylphénidate était à peu près le seul stimulant prescrit aux enfants11,12, et il était susceptible de constituer un marqueur du THADA, mais pas d’autres troubles. Par ailleurs, la question de l’ELNEJ précisait consommation actuelle de médicaments13. Par contre, un diagnostic de trouble émotif, mental ou nerveux pouvait s’appliquer à plusieurs problèmes de santé dont un seul était le THADA. Par ailleurs, le diagnostic n’était pas rattaché à l’entrevue.

L’ELNEJ comprend des questions concernant le dysfonctionnement (rendement scolaire, entente avec les autres enfants et entente avec les parents), soit le troisième élément mentionné dans Boyle et coll. Comme l’ont fait Boyle et coll., les auteurs de la présente étude ont combiné ces éléments pour indiquer un dysfonctionnement dans au moins un domaine9 .

Parmi les autres éléments qui ont servi à l’élaboration d’un modèle pour évaluer l’échelle H/I figure la sensibilité et la spécificité du seuil servant à déterminer les cas. La sensibilité correspond au pourcentage de cas considérés comme positifs selon le seuil qui affichent réellement un trouble (vrais positifs/vrais positifs + faux négatifs). La spécificité a trait au pourcentage de cas considérés comme négatifs selon le seuil qui n’affichent pas de trouble (vrais négatifs/vrais négatifs + faux positifs)14. Aux fins du dépistage diagnostique, le seuil idéal maximise à la fois la sensibilité et la spécificité, même si les faux positifs et les faux négatifs sont courants. Toutefois, lorsque l’on utilise une échelle pour déterminer la prévalence d’un trouble relativement rare dans une grande population non clinique, la priorité devrait aller à la réduction du taux d’erreur15.

Comme toutes les autres mesures qui sont conçues en fonction d’échantillons de la population, l’échelle H/I de l’ELNEJ est abrégée. De telles échelles sont très sensibles, mais pas très spécifiques. Un seuil choisi pour établir un équilibre entre la sensibilité et la spécificité produirait des taux excessivement élevés de faux positifs dans les échantillons de la population. Le taux global d’erreur est le plus faible lorsque le seuil est établi au point où le nombre de faux positifs et de faux négatifs est le plus près d’être équivalent. Cela donne lieu à une plus grande spécificité et à une moins grande sensibilité. C’est la stratégie qui a été retenue pour la présente étude en raison de la prévalence relativement faible du THADA dans la population.

L’objectif consiste à élaborer un modèle d’évaluation de l’échelle H/I de l’ELNEJ, de sorte qu’elle puisse servir à identifier les enfants qui ont des symptômes de THADA cliniquement significatifs dans de vastes études fondées sur la population. Le modèle est vérifié au moyen des données pour 1994‑1995, soit le cycle comportant les données les plus complètes qui n’a pas fait l’objet d’attrition au fil du temps. Les objectifs consistent à: 1) évaluer le degré d’association entre les scores de l’échelle H/I de l’ELNEJ et chacun des trois critères possibles du THADA: utilisation actuelle de méthylphénidate, diagnostic de trouble émotif et dysfonctionnement; 2) déterminer le critère comportant l’association la plus forte après correction pour tenir compte de l’âge, du sexe et de la situation socioéconomique; et 3) déterminer le seuil comportant la plus grande égalité entre les faux négatifs et les faux positifs. On estime aussi la prévalence ponctuelle des symptômes du THADA cliniquement significatifs chez les enfants canadiens.

Méthodes

Échantillon

Dans le cadre de l’ELNEJ, on a utilisé une base d’échantillonnage aléatoire de ménages comportant des grappes dans des groupes d’âge et des grandes régions géographiques, afin qu’elle soit représentative des enfants des dix provinces. Les enfants de familles très mobiles, itinérantes ou sans abri étaient sous‑représentés. Les enfants vivant dans des établissements et dans des réserves indiennes ont été exclus. Une description complète de l’ELNEJ est disponible ailleurs16.

Dans chaque ménage, les intervieweurs de Statistique Canada ont administré un questionnaire normalisé à la personne la mieux renseignée au sujet de l’enfant (la mère biologique dans 89,9% des cas). (Dans la présente étude, le terme «mère» ou «parent» est utilisé plutôt que «personne la mieux renseignée», parce que l’échelle H/I de l’ELNEJ a été conçue pour être déclarée par les parents.) Le taux de réponse global a été de 87%. La population analysée représente le sous‑ensemble de l’échantillon de l’ELNEJ constitué d’enfants de 6 à 11 ans en 1994‑1995 dont les parents ont participé à l’entrevue de l’enquête, soit au total 10 498 enfants, représentant 2,36 millions d’enfants au Canada.

Les modèles statistiques ont été élaborés à partir d’un échantillon de formation obtenu grâce à l’échantillonnage répété avec remise17,18; une mise à l’essai du modèle statistique dans l’échantillon de l’ELNEJ a suivi. Il n’était pas possible d’utiliser un demi-échantillon aléatoire pour l’élaboration du modèle, en raison des contraintes de confidentialité découlant du faible nombre de participants à l’enquête ayant obtenu un score positif pour les indicateurs cliniques. L’échantillon de formation a été produit en agrégeant dix échantillons aléatoires répétés, chacun équivalent à 10% de l’échantillon de l’ELNEJ, une stratégie similaire à la procédure bootstrap simplifiée17,18. L’échantillon qui en résulte est comparable à l’échantillon de l’ELNEJ (tableau 1). Les modèles finaux compris dans la présente étude sont ceux évalués dans l’échantillon de l’ELNEJ, et plus particulièrement le sous‑échantillon du cycle1 de l’ELNEJ constitué d’enfants dont les parents ont répondu aux questions de l’enquête.

Tableau 1 Certaines caractéristiques de l’échantillon de formation et de l’échantillon de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ), population à domicile de 6 à 11 ans, Canada, territoires non compris, 1994-1995Tableau 1
Certaines caractéristiques de l’échantillon de formation et de l’échantillon de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ), population à domicile de 6 à 11 ans, Canada, territoires non compris, 1994-1995

Mesures

La sous‑échelle de l’hyperactivité/inattention de l’Échelle de comportement des enfants déclarée par les parents dans l’ELNEJ comprend huit éléments (ne peut rester en place, se laisse distraire, remue sans cesse, est impulsif, a de la difficulté à rester assis, ne peut rester tranquille pour une longue période, est incapable de se concentrer, est inattentif) auxquels on a attribué un score de 0 (pas vrai), 1 (quelques fois vrai) ou 2 (souvent vrai), ce qui produit une échelle continue comportant des scores de 0 à 16. La cohérence interne de l’échelle est bonne (α de Cronbach=0,86)8 .

Les covariables sont l’âge et le sexe de l’enfant, le faible niveau de scolarité de la mère (n’a pas terminé ses études secondaires) et le faible revenu du ménage, selon les variables dérivées de Statistique Canada sur la taille et le revenu du ménage (sous le seuil de faible revenu de 1995)19 .

Trois indicateurs cliniques déclarés par le parent ont été évalués comme des critères possibles de validité:

Utilisation actuelle de méthylphénidate: «Est‑ce que... (votre enfant)... prend l’un ou l’autre des médicaments prescrits suivants de façon régulière... Ritalin?» (Oui/Non)

Diagnostic antérieur de trouble émotif: «Un spécialiste de la santé a‑t‑il diagnostiqué chez... (votre enfant)... certains des problèmes de santé de longue durée suivants? ... Troubles émotifs, psychologiques ou nerveux?» (Oui/Non)

Dysfonctionnement scolaire, social ou familial:

  • «Selon ce que vous savez de son travail scolaire, y compris ses bulletins, ... quel degré de réussite a‑t‑il/elle dans l’ensemble?»
  • «Au cours des 6 derniers mois, dans quelle mesure... (votre enfant)... s’est‑il/elle bien entendu/e avec d’autres enfants, comme ses ami(e)s ou ses copains ou copines de classe (à part ses frères et sœurs)?»
  • «Au cours des 6 derniers mois, dans quelle mesure... (votre enfant)... s’est‑il/elle bien entendu/e avec son (ses) parent(s)?»

Les parents ont évalué chacun de ces trois domaines sur une échelle de 5 points; des scores de 4 ou plus (dysfonctionnement important ou très important) pour l’une ou l’autre des trois échelles indiquaient un dysfonctionnement dans un ou plusieurs domaines9 .

Analyse des données

Le plan de recherche repose sur une analyse transversale rétrospective. L’analyse de régression logistique au moyen de la sélection rétrospective a été appliquée à l’échantillon de formation, afin de mesurer l’association de l’échelle H/I par rapport à chacune des variables de critère possibles, corrigées selon l’âge, le sexe, le faible niveau de scolarité de la mère et le faible revenu du ménage. Les modèles de régression comprenaient des poids de population transversaux8,20,21. Seules les variables indépendantes ayant une signification statistique de p≤0,01 ont été retenues dans les modèles finaux. Les modèles statistiques comportant le meilleur ajustement ont été choisis au moyen de la statistique -­2 log‑vraisemblance et du test d’adéquation d’Hosmer‑Lemeshow. Des courbes ROC (de l’anglais Receiver Operating Characteristic) ont été examinées pour déterminer le modèle comportant l’aire la plus grande sous la courbe. Des analyses de sensibilité pour toute la gamme des scores ont servi à déterminer les scores seuil comportant l’équivalent le plus proche de faux négatifs et de faux positifs. Les estimations de fréquence ont été normalisées pour tenir compte des valeurs manquantes et déclarées avec les poids de population transversaux et les estimations de la variance8,20. La variable de critère choisie était celle comportant l’aire la plus grande sous la courbe ROC, le bêta le plus important, et dont le seuil avait la spécificité la plus grande.

Une fois déterminées la ou les variables de critère de choix, les modèles statistiques ont été testés au moyen de l’échantillon de l’ELNEJ. Selon le score seuil déterminé au moment de l’élaboration du modèle, l’association de l’échelle binaire H/I de l’ELNEJ a été mesurée par rapport aux critères choisis dans l’échantillon de l’ELNEJ (y compris les poids de population transversaux), afin de comprendre les propriétés de la détermination des cas. Par ailleurs, une estimation de la prévalence de symptômes de THADA cliniquement significatifs dans la population a été produite. Toutes les analyses ont été effectuées au moyen de la version 8.2 du SAS22 .

Résultats

Les scores de l’échelle H/I de l’ELNEJ (déclarée par les parents) ont été associés avec chacun des trois indicateurs cliniques: utilisation actuelle de méthylphénidate; diagnostic antérieur de trouble émotif; et dysfonctionnement scolaire, social ou familial chez les enfants de 6 à 11 ans (tableau 2). Le chevauchement statistique entre les trois modèles était important, les valeurs bêta se situant dans une fourchette étroite allant de 0,29 (ET=0,01) pour le dysfonctionnement à 0,31 (ET=0,02) pour le trouble émotif.

Tableau 2 Modèles de régression logistique de l’utilisation actuelle de méthylphénidate, de trouble émotif diagnostiqué et de dysfonctionnement, population à domicile de 6 à 11 ans, Canada, territoires non compris, 1994-1995Tableau 2
Modèles de régression logistique de l’utilisation actuelle de méthylphénidate, de trouble émotif diagnostiqué et de dysfonctionnement, population à domicile de 6 à 11 ans, Canada, territoires non compris, 1994-1995

Les analyses de sensibilité et les courbes ROC en résultat montrent que l’utilisation de méthylphénidate et le trouble émotif ont produit essentiellement le même modèle statistique, c’est‑à‑dire un modèle comportant une plus grande aire sous la courbe ROC et une plus grande spécificité au seuil déterminé en comparaison avec le dysfonctionnement (tableau 3, figure 1). Lorsque l’utilisation de méthylphénidate ou le trouble émotif constituait le critère, un seuil d’échelle H/I de 14 ou plus sur 16 a permis de distinguer les cas des non‑cas. Lorsque l’utilisation de méthylphénidate constituait le critère, la sensibilité était égale à 0,25 et la spécificité, à 0,98; lorsque le trouble émotif constituait le critère, la sensibilité était égale à 0,23 et la spécificité, à 0,98. Ce seuil a donné lieu à une détermination de cas très spécifique, mais pas très sensible.

Tableau 3 Valeurs de sensibilité et de spéci?cité pour le seuil de la sous-échelle de l’hyperactivité/inattention de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, selon l’utilisation actuelle de méthylphénidate, le trouble émotif diagnostiqué et le dysfonctionnement, population à domicile de 6 à 11 ans, Canada, territoires non compris, 1994-1995Tableau 3
Valeurs de sensibilité et de spécificité pour le seuil de la sous-échelle de l’hyperactivité/inattention de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, selon l’utilisation actuelle de méthylphénidate, le trouble émotif diagnostiqué et le dysfonctionnement, population à domicile de 6 à 11 ans, Canada, territoires non compris, 1994-1995

Figure 1 Courbes ROC tirées des analyses de sensibilité à partir de la sous-échelle de l’hyperactivité/inattention de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes représentées en fonction de l’utilisation actuelle de méthylphénidate, d’un trouble émotif diagnostiqué et d’un dysfonctionnement, population à domicile de 6 à 11 ans, Canada, territoires non compris, 1994-1995Figure 1
Courbes ROC tirées des analyses de sensibilité à partir de la sous-échelle de l’hyperactivité/inattention de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes représentées en fonction de l’utilisation actuelle de méthylphénidate, d’un trouble émotif diagnostiqué et d’un dysfonctionnement, population à domicile de 6 à 11 ans, Canada, territoires non compris, 1994-1995

Les modèles de régression logistique pour l’échelle continue font ressortir des similitudes et des différences entre les modèles (tableau 2). Si l’utilisation du méthylphénidate constitue le critère, le modèle le mieux ajusté pour l’échelle continue H/I comprend l’âge et le sexe comme modificateurs, les enfants plus âgés et les garçons étant plus susceptibles de prendre du méthylphénidate. Si le trouble émotif constitue le critère, le modèle le mieux ajusté pour l’échelle continue H/I comprend l’âge et le faible revenu du ménage, les enfants plus âgés et ceux provenant de ménages à faible revenu étant plus susceptibles d’avoir été diagnostiqués.

Pour mieux comprendre les propriétés de la détermination de cas à partir de l’échelle H/I, on a examiné l’association de la variable binaire avec l’utilisation du méthylphénidate et avec le trouble émotif (données non présentées). Les enfants utilisant du méthylphénidate étaient plus susceptibles: d’afficher des niveaux élevés plutôt que faibles d’hyperactivité et d’inattention déclarés par les parents (RC=16,2; IC de 99%=11,2 à 23,5); d’être des garçons plutôt que des filles (RC=3,8; IC de 99%=2,6 à 5,4); et de se situer dans la tranche la plus âgée des 6 à 11 ans (RC=1,1; IC=1,0 à 1,2). Les enfants ayant reçu un diagnostic de trouble émotif, psychologique ou nerveux étaient plus susceptibles: d’afficher des niveaux élevés d’hyperactivité et d’inattention déclarés par les parents (RC=16,9; IC=11,3 à 25,2); de provenir de ménages à faible revenu (RC=2,2; IC=1,6 à 3,1); et de se situer dans la tranche la plus âgée de la fourchette d’âge (RC=1,3; IC=1,2 à 1,4).

Sur la base d’un seuil de 14 ou plus sur l’échelle H/I de l’ELNEJ, on estime que 2,1% (IC de 99%=1,5 à 2,7) des enfants canadiens de 6 à 11 ans avaient des symptômes de THADA cliniquement significatifs.

Discussion

La présente étude montre que la sous-échelle de l’hyperactivité/inattention de l’ELNEJ est associée à deux indicateurs cliniques du THADA chez les enfants canadiens âgés de 6 à 11 ans en 1994‑1995: utilisation de méthylphénidate, corrigée selon l’âge et le sexe, et diagnostic antérieur de troubles émotifs, corrigé selon l’âge et le revenu du ménage. Les études antérieures fondées sur l’ELNEJ ont démontré une association entre des niveaux élevés d’hyperactivité déclarés par les parents et l’utilisation de méthylphénidate chez les garçons d’âge scolaire3,5, mais la présente étude évalue pour la première fois l’association entre l’hyperactivité et le trouble émotif, et élabore un modèle pour déterminer un seuil pouvant être utilisé comme marqueur pour l’identification des enfants ayant un THADA.

Même s’il n’y a pas d’avantage statistique clair à choisir l’utilisation actuelle de méthylphénidate ou le diagnostic antérieur de trouble émotif comme critère pour évaluer l’échelle H/I de l’ELNEJ, le choix du dernier peut avoir une valeur conceptuelle importante. Même s’il n’est pas surprenant de constater que l’utilisation de méthylphénidate peut servir de critère pour le THADA, il est relativement plus nouveau d’utiliser aussi des antécédents de trouble émotif comme critère. Les courbes ROC pour l’utilisation de méthylphénidate et pour le trouble émotif semblent constituer essentiellement le même modèle statistique. Cela est en harmonie avec la probabilité que les enfants qui prennent du méthylphénidate aient été diagnostiqués avant de commencer à en prendre. C’est donc dire que le concept de base de la «constitution d’un cas» est respecté– un professionnel de la santé a été consulté pour un enfant en raison des préoccupations des parents, et ce professionnel a convenu qu’une attention thérapeutique était justifiée. Toutefois, le diagnostic de trouble émotif représente une vaste gamme de troubles possibles. De ce fait, on pourrait envisager de l’utiliser comme critère pour évaluer d’autres sous‑échelles de l’Échelle de comportement des enfants de l’ELNEJ en tant que mesures possibles des troubles de santé mentale.

La similitude des modèles statistiques nous incite à nous demander si l’utilisation de méthylphénidate et le trouble émotif diagnostiqué concernent les mêmes enfants. Comme il est noté précédemment, les deux groupes peuvent se chevaucher, mais partiellement seulement. Par exemple, les garçons étaient plus susceptibles que les filles d’utiliser du méthylphénidate, mais le sexe ne comportait pas d’association significative avec le diagnostic de trouble émotif. En outre, même si les enfants des ménages à faible revenu étaient plus susceptibles d’avoir reçu un diagnostic de trouble émotif, le revenu du ménage n’était pas associé à l’utilisation de méthylphénidate. L’absence de chevauchement peut être attribuable à plusieurs facteurs. La question de l’ELNEJ concernant les troubles émotifs visait à déterminer si l’enfant avait déjà reçu un diagnostic. Par conséquent, il est possible qu’un enfant ait reçu un diagnostic de THADA par le passé, mais ne prenait pas de médicament au moment de l’entrevue. Par ailleurs, lorsque le parent déclare qu’un professionnel a diagnostiqué un trouble émotif chez l’enfant, cela peut englober toute une gamme de problèmes, y compris des problèmes cognitifs et d’apprentissage détectés par les enseignants et d’autres troubles de comportement pour lesquels les médicaments ne constituent pas un traitement approprié.

L’estimation de la prévalence de 2,1% du THADA chez les 6 à 11 ans au Canada est faible comparativement à d’autres estimations. Dans le cadre de l’Étude sur la santé des jeunes Ontariens, la proportion était de 6,1% chez les enfants de 4 à 16 ans23, et dans le cadre de l’Enquête de Santé Québec sur la santé mentale des enfants, de 5,4% chez les enfants de 6 à 14 ans24. Ces deux estimations ont été fondées sur des données fournies par les parents et par les enseignants concernant les symptômes et une mesure du dysfonctionnement. Dans un examen systématique des études fondées sur cette combinaison de méthodes de détermination de cas, Waddell et coll. ont produit une estimation sommaire de la prévalence du THADA chez les enfants de 4,8% (IC de 95%: 2,7 à 7,3)25 .

La faible estimation à partir de l’échelle H/I de l’ELNEJ peut être le fait de l’utilisation des données fournies par le parent seulement. Toutefois, elle peut aussi découler de l’apport des cliniciens. En 2000, les chercheurs britanniques Goodman et coll. ont estimé que 2,4% des enfants de 5 à 15 ans avaient un THADA selon les critères du DSM‑IV26. Leur méthode de détermination des cas comprenait des déclarations et des évaluations de dysfonctionnement par les parents et les enseignants, ainsi qu’un examen du dossier par un clinicien, afin de déterminer si l’enfant respectait les critères de diagnostic. Les professionnels de la santé examinent les enfants qui ont des problèmes de comportement dans le but de trouver une explication autre que le THADA; or, les enquêtes ne permettent pas un tel recours au jugement, ce qui pourrait influencer les taux de détermination des cas27. Par conséquent, une autre explication de la faible estimation de l’ELNEJ est qu’elle reflète peut‑être la pratique des professionnels de la santé au Canada en 1994‑1995. Par exemple, en 1995‑1996, des données administratives du Manitoba ont permis de déterminer que 2,9% des enfants de 7 à 9ans et 2,2% des enfants de 10 à 13 ans avaient un THADA, un taux similaire à celui de l’ELNEJ27 .

Limites

La présente étude soulève une question importante, à savoir si les marqueurs de cas cliniques déclarés par les parents constituent la «norme par excellence» pour le diagnostic du THADA chez les enfants. On peut prétendre avec raison que les données déclarées par les parents sont à l’origine de multiples sources d’erreurs possibles. Waddell et coll .25 ont recommandé une intervention professionnelle indépendante pour les études fondées sur la population. Le plan original de l’ELNEJ aurait permis d’utiliser cette méthode, mais l’absence de données fournies par les enseignants a fait en sorte que cette option a été écartée.

La question consiste à tirer le meilleur parti possible des aspects positifs des données de l’ELNEJ pour examiner les prédicteurs et les conséquences de l’hyperactivité et de l’inattention graves chez les enfants. Les marqueurs cliniques sont des critères cibles utiles pour les problèmes graves de comportement. De façon plus particulière, les antécédents de trouble émotif déclarés par le parent peuvent servir à établir des seuils pour les sous‑échelles du questionnaire sur le comportement des enfants dans l’ELNEJ.

Le recours à une stratégie fondée sur l’échantillonnage répété avec remise plutôt qu’à un demi‑échantillon aléatoire pour l’établissement de l’ensemble de développement pourrait constituer une limite du fait que les participants peuvent se retrouver dans l’ensemble de données plus d’une fois. Même si cela peut sembler nuire à l’indépendance des observations (et introduire un biais éventuel dans les estimations dérivées), la stratégie est une version simplifiée de la procédure du bootstrap, qui sert à produire des estimations de la variance et des intervalles de confiance fiables de valeurs calculées à partir d’échantillons de population17,18. En fait, les estimations tirées de l’échantillon de développement étaient très comparables aux estimations de l’échantillon des parents de l’ELNEJ (tableau 1).

Certains chercheurs ont proposé que les données de l’ELNEJ soient utilisées sans poids de population dans le cas d’études où les estimations de population ne figurent pas au premier plan. Même si les lacunes méthodologiques dont il est question ici pourraient laisser croire à ce genre d’étude, il est important d’envisager la probabilité de la variabilité géographique. Les différences de taux dans les données administratives en matière de diagnostics de THADA et d’ordonnances pour psychostimulants laissent supposer que les enfants canadiens ont un accès différent aux spécialistes et que les pratiques cliniques varient27,28. Pour la présente étude, la prévalence des marqueurs cliniques est trop faible pour produire des estimations provinciales. Les stratégies transversales de pondération de la population de Statistique Canada ont servi à résoudre les problèmes de répartition de la population et à produire une estimation nationale.

Il existe une autre limite, à savoir que l’échelle a été élaborée pour recueillir des données au sujet des enfants de 4 à 11 ans, mais les questions sur le diagnostic antérieur de trouble émotif et le dysfonctionnement scolaire ont été posées uniquement aux enfants de 6 à 11 ans. Par ailleurs, la taille de l’échantillon n’était pas suffisante pour procéder à des analyses de sensibilité distinctes selon le sexe et l’âge, ces deux variables étant des modificateurs connus de l’hyperactivité et du champ de l’attention. L’établissement de valeurs seuil distinctes selon le sexe ou selon l’âge est plausible. Enfin, le petit nombre d’enfants dont on a déclaré qu’ils utilisaient du méthylphénidate ou qu’ils avaient reçu un diagnostic de trouble émotif est source d’incertitude. Toutefois, une approche conservatrice a été utilisée dans les analyses de régression, et on a conservé uniquement les variables ayant une signification statistique de ≤ 0,01, ce qui fait augmenter la confiance à l’égard des résultats.

Orientation pour l’avenir

Selon la méthode décrite dans le présent document, l’échelle H/I déclarée par les parents dans le cadre de l’ELNEJ peut servir à déterminer les symptômes du THADA cliniquement significatifs chez les enfants canadiens de 6 à 11 ans, que ce soit comme mesure de résultat dans l’évaluation des antécédents de développement de ces symptômes, ou comme variable indépendante permettant de prédire les résultats chez les adolescents et les adultes de l’échantillon de l’ELNEJ. Même en l’absence de données fournies par les enseignants, un score de 14 ou plus sur cette échelle permet d’identifier les enfants susceptibles d’avoir des difficultés cliniquement significatives. Par ailleurs, un diagnostic antérieur de trouble émotif peut être utilisé comme critère cible pour évaluer d’autres sous‑échelles du questionnaire sur le comportement des enfants de l’ELNEJ. Une méthode commune d’utilisation des sous‑échelles de comportement comme marqueurs cliniques pourrait permettre d’appliquer les données de l’ELNEJ à l’étude des troubles de santé mentale chez les enfants.

Remerciements

L’accès aux données de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes a été rendu possible avec l’appui du Centre de données de recherche de Statistique Canada de la région de Toronto, à l’Université de Toronto.