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Les blessures non intentionnelles chez les enfants et les adolescents constituent un problème de santé publique au Canada1. En 2004, les blessures non intentionnelles ont entraîné 30 345 hospitalisations chez les enfants et les jeunes âgés de 0 à 19 ans2. En 2003-2004, environ un cinquième des coûts d'hospitalisation de courte durée chez les enfants étaient attribuables aux blessures et aux empoisonnements3. Les blessures graves et les traumatismes chez les enfants sont associés à des incapacités et à une piètre qualité de vie liée à la santé tant à court terme qu'à long terme4-7. De surcroît, les blessures non intentionnelles sont la principale cause de mortalité chez les enfants et les adolescents au Canada, ayant occasionné 664 décès en 20048.

Il a été établi que le quartier où ils habitent constitue un facteur important de la santé des enfants9-13. Par ailleurs, bien que la recherche semble indiquer que le fait d'habiter dans un milieu mieux nanti a une incidence positive sur la santé des enfants, le lien avec les blessures est moins clair, et on découvre de manière de plus en plus certaine que ce lien dépend du type de blessure14-22.

Pour diverses raisons, le revenu d'un quartier pourrait être lié aux blessures subies par les enfants. L'environnement social et physique des quartiers à faible revenu peut présenter un risque de blessures pour les enfants23-26. De plus, la relation entre le revenu du quartier et les blessures est susceptible de mettre en évidence des facteurs individuels et familiaux. Par exemple, les enfants vivant au sein de familles à faible revenu sont moins susceptibles de porter un casque de vélo que les enfants de familles plus aisées27,28, et plus susceptibles d'être exposés à des risques à la maison29.

La relation entre le fait de vivre dans un quartier défavorisé et les blessures pendant l'enfance a été examinée dans le cadre d'études antérieures au moyen de données d'enquête autodéclarées ou déclarées par les parents30-32 ou encore de données administratives sur l'hospitalisation et la mortalité22,33-35. Les enquêtes, cependant, permettent généralement de recueillir des données sur une seule blessure, et la prévalence déclarée des blessures graves (c'est-à-dire nécessitant une hospitalisation) est faible. Les études fondées sur des données administratives portent souvent sur un seul hôpital ou une seule ville22,35, ou ne portent pas sur une grande variété de blessures non intentionnelles33,34.

Afin de remédier à certaines de ces lacunes, nous nous sommes fondés, dans notre étude, sur des données hospitalières nationales pour examiner le lien entre le revenu des quartiers urbains et l'hospitalisation à la suite de blessures non intentionnelles chez les enfants et les adolescents.

Méthodologie

La Base de données sur la morbidité hospitalière (BDMH) contient, pour chacune des hospitalisations, un dossier de congé du patient. L'information-santé orientée vers la personne (ISOP), tirée de la BDMH, établit des liens entre les dossiers en question à l'échelle de la personne. L'ISOP comprend l'âge, le sexe, les diagnostics, les dates d'admission et de sortie ainsi que le lieu de résidence du patient.

Aux fins de notre analyse, nous avons établi des liens à l'échelle de la personne pour 87 % des dossiers sur la morbidité hospitalière. Des 13 % des dossiers non utilisés, 10 % se rapportaient à des nouveau-nés (exclus) et 3 % comportaient un identifiant non valide. La présente étude est fondée sur 852 234 dossiers d'hospitalisation d'enfants et de jeunes âgés de 0 à 19 ans vivant dans une région urbaine du Canada et ayant obtenu leur congé d'un hôpital de soins de courte durée au cours des exercices financiers (avril à mars) 2001-2002 à 2004-2005.

Classification des blessures

Les blessures non intentionnelles ont été classées à l'aide de la Classification internationale des maladies (CIM). Les provinces canadiennes n'utilisaient pas toutes la même version de la CIM pendant la période visée; les codes de la CIM ont été analysés selon la version utilisée (tableau A en annexe).

Tableau A Versions utilisées de la Classi?cation internationale des maladies, par province et exercice ?nancierTableau A Versions utilisées de la Classification internationale des maladies, par province et exercice financier

Les données indiquent les « cas de blessure » et non le nombre de congés de l'hôpital ou de personnes.

Les dossiers de congés des patients permettent de consigner plusieurs diagnostics; les dossiers comprenant au moins un diagnostic de blessure non intentionnelle ont été utilisés aux fins de l'analyse.

L'ISOP comprend un enregistrement unique pour chacune des sorties de l'hôpital. Afin d'éviter de compter plusieurs fois la même blessure, nous avons créé un « cas de blessure » pour les personnes ayant obtenu leur congé de l'hôpital et ayant été admises de nouveau (par exemple dans le cas d'un transfert) le même jour. Au cours de la période visée par l'étude, il y a eu 76 227 « cas de blessure » non intentionnelle chez les 0 à 19 ans, ce qui correspond à 73 244 personnes. La grande majorité de ces personnes (96,3 %, n=70 537) ont été hospitalisées une seule fois; durant la même période de quatre ans, 3,7 % des personnes (n=2 707) ont été hospitalisées plus d'une fois à la suite d'une blessure non intentionnelle.

Dans toutes les provinces à l'exception du Québec, il est possible d'indiquer plus d'un code de blessure pour une même blessure. Au total, 349 hospitalisations (0,45 % de l'ensemble des cas) s'étaient vu attribuer des codes de blessure dans plus d'une catégorie. Comme l'analyse d'un échantillon de ces cas a montré qu'ils semblaient tous plausibles (par exemple un épisode d'hypothermie et une blessure découlant d'un accident de la route), ils ont été inclus dans l'étude.

Définitions

Les blessures non intentionnelles regroupent toutes les blessures non intentionnelles à l'exclusion des effets indésirables ou des complications de soins chirurgicaux et médicaux. Les blessures non intentionnelles ont été regroupées en neuf catégories à l'aide des classifications de l'Agence de la santé publique du Canada36 : blessures entraînées par les chutes, blessures liées au transport terrestre, blessures causées par un heurt, coupures et perforations, empoisonnement, blessures causées par le feu, noyade et suffocation, blessures liées au milieu naturel et autres blessures. Ce système de classification a été créé dans le cadre de l'International Collaborative Effort on Injury.

Les blessures entraînées par les chutes sont occasionnées par les chutes sur la glace ou la neige et les chutes d'un meuble, d'une structure de jeux, d'un arbre ou d'une falaise. Les chutes mettant en cause des véhicules de transport, de l'eau (comme dans le cas d'une noyade) et du feu sont dans des catégories différentes.

Les blessures liées au transport terrestre se rapportent aux accidents survenant sur la surface terrestre et mettant en cause piétons, cyclistes, motocyclettes, automobiles, camionnettes, fourgonnettes, véhicules lourds, autobus, trains, tramways, véhicules industriels et véhicules tout-terrain.

Les blessures causées par un heurt sont celles qu'on subit lorsqu'on est heurté par un objet lancé, un équipement de sport, une personne ou une foule, ou qu'on les heurte, ou lorsqu'on se cogne contre un objet en marchant.

Les coupures et perforations (y compris celles causées par des pièces de machinerie) sont causées par le contact avec des objets comme le verre, un couteau, des outils à main, une tondeuse à gazon, des outils électriques ou des appareils électroménagers ainsi que le contact avec des dispositifs de levage, de la machinerie agricole et toute autre machine non précisée.

Les blessures causées par le feu résultent d'un feu dans un logement privé, un bâtiment ou un autre type de construction, ou à l'extérieur (par exemple un incendie de forêt), ou encore de l'inflammation de vêtements et du contact avec un objet en feu.

L'empoisonnement correspond à l'intoxication accidentelle causée par l'exposition à des médicaments, des narcotiques, des pesticides, des produits chimiques, des gaz et des vapeurs.

Par noyade et suffocation (deux causes distinctes combinées en une catégorie) on entend la noyade ou la submersion dans une baignoire, une piscine ou un plan d'eau naturel de même que la suffocation causée par de la terre ou une autre substance, l'obstruction des voies respiratoires, le confinement dans un environnement pauvre en oxygène ou dans un lit.

Les blessures liées au milieu naturel comprennent les morsures, les piqûres et les coups provenant d'un animal, d'un insecte ou d'une plante, l'exposition au bruit, aux vibrations, à la chaleur, au froid ou à la variation de la pression de l'air, ainsi que le manque de nourriture et d'eau.

La catégorie des autres blessures comprend les blessures causées par une arme à feu, le surmenage, l'explosion d'un objet, l'exposition à un courant électrique, les séquelles ou les effets tardifs d'un événement classé dans une autre catégorie ainsi que les accidents de transport non terrestre.

Les aires de diffusion (AD), de petites unités géographiques du recensement ayant une population de 400 à 700 habitants, ont servi à définir les quartiers. Pendant le traitement des données, les AD où habitaient des patients ont été déterminées, à l'aide de leur code postal, par le Fichier de conversion des codes postaux plus37. La détermination des AD a été moins précise au Québec, où les dossiers de congés des patients ne comprennent que les trois premiers caractères du code postal. Les analyses de sensibilité desquelles a été exclu le Québec n'ont pas donné de résultats significativement différents, alors le Québec a été inclus dans toutes les analyses. Les AD situées dans une région métropolitaine de recensement (RMR) ou une agglomération de recensement (AR) ont été considérées comme étant des zones urbaines. Les RMR sont des zones urbaines comptant au moins 100 000 habitants; les AR ont un noyau urbain d'au moins 10 000 habitants38.

Les quintiles de revenu du quartier ont été calculés à partir des données du Recensement de 2001 à l'aide du revenu moyen de l'équivalent d'une personne seule dans chacune des AD, calcul qui tient compte des différences de taille des ménages. Le revenu moyen de l'équivalent d'une personne seule a été obtenu en divisant le revenu total des ménages de l'AD par le nombre total d'équivalents d'une personne seule. Afin de tenir compte des variations du coût de la vie au Canada, les quintiles de revenu ont été établis pour chacune des RMR et des AR. Le revenu a été supprimé dans les AD comptant moins de 250 habitants et, dans de tels cas, il a été imputé à l'aide de données non supprimées d'AD environnantes.

Au total, 1 086 hospitalisations à la suite d'une blessure non intentionnelle (1,4 %) ont été exclues des analyses parce que les données sur le revenu des AD n'étaient pas disponibles. De ce nombre, 1 049 cas ont été exclus parce que le code postal était absent ou invalide, et dans 37 cas, il a été impossible d'imputer les données sur le revenu en raison de suppressions dans les AD environnantes.

Méthodes statistiques

Les taux d'hospitalisation à la suite d'une blessure non intentionnelle ont été calculés à l'aide des données du Recensement de 2001. Les taux ont été normalisés selon l'âge afin de tenir compte de la distribution inégale de la population en fonction de l'âge dans les quintiles de revenu du quartier.

Les années-personnes à risque ont servi de dénominateur pour les taux d'hospitalisation. On a interpolé la valeur à partir des recensements de 2001 et de 2006, en se servant du point médian de l'exercice financier (octobre). Le dénominateur final représentait la somme des populations interpolées pour les quatre exercices, soit 2001-2002 à 2004-2005. Les taux pour 10 000 années-personnes à risque ont été calculés par groupe d'âge (0 à 9 ans et 10 à 19 ans) et par sexe pour les quintiles de revenu. Les intervalles de confiance de 95 % ont été calculés à l'aide de la distribution de Poisson.

Le test t a été utilisé pour déterminer s'il y avait une différence notable entre les taux d'hospitalisation à la suite d'une blessure observés dans le quintile de revenu du quartier le plus élevé et ceux observés dans les quintiles inférieurs. On a réalisé un test de tendance linéaire afin de relever les relations linéaires entre les taux d'hospitalisation à la suite d'une blessure et les quintiles de revenu du quartier39. On a utilisé un niveau alpha de p<0,05 pour établir la signification. Le logiciel SAS (version 9.1, SAS Institute, États-Unis) a servi à l'ensemble des analyses statistiques.

Résultats

Taux supérieurs chez les garçons et les adolescents

Au cours des années 2001-2002 à 2004-2005, le nombre d'hospitalisations à la suite de blessures non intentionnelles s'est chiffré à 76 227 (tableau 1) chez les 0 à 19 ans vivant dans un milieu urbain. Les garçons représentaient les deux tiers de ce nombre; c'est donc sans surprise qu'on a observé un taux brut d'hospitalisation pour 10 000 années-personnes à risque nettement supérieur chez ceux-ci (40,8) que chez les filles (21,6). Le taux brut avait tendance à augmenter avec l'âge : il était d'environ 30 hospitalisations pour 10 000 années-personnes à risque chez les enfants de moins de 10 ans et atteignait près de 35 pour 10 000 années-personnes à risque chez les 15 à 19 ans.

Tableau 1 Nombre d'hospitalisations pour blessure non intentionnelle, années-personnes à risque et taux brut pour 10 000 années-personnes à risque, population urbaine de 0 à 19 ans, Canada, 2001-2002 à 2004-2005Tableau 1 Nombre d'hospitalisations pour blessure non intentionnelle, années-personnes à risque et taux brut pour 10 000 années-personnes à risque, population urbaine de 0 à 19 ans, Canada, 2001-2002 à 2004-2005

Les blessures entraînées par les chutes étaient la principale cause d'hospitalisation à la suite d'une blessure non intentionnelle (43 %), suivies des blessures liées au transport terrestre (21 %) (figure 1). Les blessures causées par un heurt représentaient 11 % des hospitalisations à la suite d'une blessure non intentionnelle. Relativement peu d'hospitalisations découlaient d'un empoisonnement (5 %), d'une coupure ou d'une perforation (3 %), d'une blessure causée par le feu (2 %), d'une blessure liée au milieu naturel (2 %) et de la noyade ou de la suffocation (1 %).

Figure 1 Distribution en pourcentage des hospitalisations pour blessure non intentionnelle, par catégorie, population urbaine de 0 à 19 ans, Canada, 2001­2002 à 2004-2005Figure 1 Distribution en pourcentage des hospitalisations pour blessure non intentionnelle, par catégorie, population urbaine de 0 à 19 ans, Canada, 2001­2002 à 2004-2005

Comme la répartition par âge de la population était inégale parmi les quintiles de revenu du quartier, les taux d'hospitalisation à la suite d'une blessure non intentionnelle ont été normalisés selon l'âge. Le taux normalisé selon l'âge est passé d'environ 33 hospitalisations pour 10 000 années-personnes à risque dans les quartiers ayant le revenu le plus faible à environ 30 pour 10 000 années-personnes à risque dans les quartiers ayant le revenu le plus élevé (figure 2). Cette tendance a été observée chez les garçons et les filles ainsi que chez les enfants de 0 à 9 ans. Cependant, chez les 10 à 19 ans, les liens entre le revenu du quartier et les hospitalisations à la suite d'une blessure n'étaient pas statistiquement significatifs.

Figure 2 Taux d'hospitalisation pour blessure non intentionnelle pour 10 000 années-personnes à risque, par sexe, groupe d'âge et quintile de revenu du quartier, population urbaine de 0 à 19 ans, Canada, 2001-2002 à 2004-2005Figure 2 Taux d'hospitalisation pour blessure non intentionnelle pour 10 000 années-personnes à risque, par sexe, groupe d'âge et quintile de revenu du quartier, population urbaine de 0 à 19 ans, Canada, 2001-2002 à 2004-2005

Faible revenu du quartier et taux d'hospitalisation élevés

Dans le cas de plusieurs causes de blessure non intentionnelle, les enfants et les adolescents des quartiers à faible revenu étaient plus susceptibles d'être hospitalisés que ceux des quartiers à revenu élevé (tableau 2, tableau B en annexe). Les taux d'hospitalisation (normalisés selon l'âge) à la suite d'un empoisonnement ou d'une coupure ou d'une perforation étaient nettement plus élevés dans les trois quintiles de revenu du quartier les plus faibles que dans le quintile supérieur. À l'appui de cette observation, le test de tendance linéaire a été globalement significatif, en fonction du sexe et en fonction du groupe d'âge. De même, les taux d'hospitalisation à la suite d'une blessure causée par le feu tendaient à augmenter à mesure que le revenu du quartier diminuait. Le test de tendance linéaire effectué pour les cinq quintiles de revenu a été significatif pour les deux sexes et tous les groupes d'âge.

Tableau 2 Taux d'hospitalisation (normalisé selon l'âge) pour blessure non intentionnelle pour 10 000 années-personnes à risque, par catégorie de blessures, quintile de revenu du quartier, sexe et groupe d'âge, population urbaine de 0 à 19 ans, Canada, 2001-2002 à 2004-2005Tableau 2 Taux d'hospitalisation (normalisé selon l'âge) pour blessure non intentionnelle pour 10 000 années-personnes à risque, par catégorie de blessures, quintile de revenu du quartier, sexe et groupe d'âge, population urbaine de 0 à 19 ans, Canada, 2001-2002 à 2004-2005

Tableau B Nombre d'hospitalisations pour blessure non intentionnelle, par catégorie de blessures, quintile de revenu du quartier, sexe et groupe d'âge, population urbaine de 0 à 19 ans, Canada, 2001-2002 à 2004-2005Tableau B Nombre d'hospitalisations pour blessure non intentionnelle, par catégorie de blessures, quintile de revenu du quartier, sexe et groupe d'âge, population urbaine de 0 à 19 ans, Canada, 2001-2002 à 2004-2005

Dans le cas de certaines autres blessures, les taux d'hospitalisation étaient supérieurs dans les quartiers à faible revenu chez les enfants, mais non chez les adolescents. Par exemple, alors que les enfants et les adolescents des quartiers à faible revenu présentaient des taux d'hospitalisation nettement plus élevés pour la noyade et la suffocation, les blessures liées au transport terrestre et les autres blessures que ceux des quartiers les mieux nantis, le test de tendance linéaire n'était significatif que chez les enfants de 0 à 9 ans.

Les enfants de 0 à 9 ans des quartiers ayant le revenu le plus faible présentaient des taux d'hospitalisation nettement plus élevés que ceux du quintile supérieur pour ce qui est des blessures entraînées par les chutes. En revanche, chez les 10 à 19 ans de ces mêmes quartiers, le taux d'hospitalisation à la suite d'une blessure entraînée par une chute était en fait nettement plus faible que chez ceux des quartiers du quintile supérieur.

Revenu du quartier élevé et taux d'hospitalisation élevés

Chez les 10 à 19 ans, les taux d'hospitalisation (normalisés selon l'âge) à la suite de blessures causées par un heurt tendaient à augmenter avec le quintile de revenu du quartier. Le test de tendance linéaire a été significatif chez les 10 à 19 ans, mais pas chez les enfants de 0 à 9 ans.

Absence de gradient

Dans le cas des blessures liées au milieu naturel, aucun gradient en fonction du revenu du quartier n'a été relevé quant aux taux d'hospitalisation. Par exemple, les jeunes des quartiers à revenu moyen (troisième quintile) présentaient des taux d'hospitalisation à la suite de blessures liées au milieu naturel plus élevés que ceux du quintile de revenu du quartier le plus faible.

Discussion

Comme l'ont fait d'autres études14,15,22,34,40, notre analyse a démontré que les taux d'hospitalisation à la suite d'une blessure non intentionnelle chez les enfants et les adolescents canadiens étaient généralement supérieurs dans les quartiers défavorisés. Cette tendance était observable pour la plupart des types de blessures non intentionnelles, ce qui semble indiquer que les blessures sont liées au niveau de revenu du quartier où vivent les enfants.

Les taux d'hospitalisation à la suite d'un empoisonnement, d'une coupure ou d'une perforation et de blessures causées par le feu étaient supérieurs chez les enfants et les adolescents des quartiers à faible revenu. De plus, chez les enfants de 0 à 9 ans (mais pas chez les 10 à 19 ans), les liens entre le faible revenu du quartier et les hospitalisations à la suite de blessures entraînées par les chutes et d'autres types de blessures non intentionnelles étaient significatifs.

Cependant, les taux d'hospitalisation relatifs à l'ensemble des catégories de blessure n'étaient pas constamment supérieurs chez les enfants des quartiers à faible revenu. En réalité, les taux relatifs aux blessures causées par un heurt étaient nettement supérieurs chez les 10 à 19 ans des quartiers à revenu supérieur. Ce phénomène pourrait s'expliquer par le fait que cette catégorie comprend les blessures causées par la pratique d'un sport, qui sont susceptibles d'être plus répandues dans les quartiers à revenu supérieur. En effet, une étude menée en Angleterre, en Écosse et au pays de Galles a montré que les taux de fractures dues à la pratique d'un sport chez les enfants augmentaient avec l'aisance du secteur41. Une analyse préliminaire des codes des causes d'hospitalisation de la CIM a appuyé cette théorie : 29 % des blessures causées par un heurt dans les quartiers dont le revenu était le plus élevé étaient associées au sport, comparativement à 24 % dans les quartiers ayant le revenu le plus faible.

Comme il a été constaté dans certaines études42-44, mais pas toutes18,22, les enfants de 0 à 9 ans des quartiers ayant le revenu le plus faible présentaient un taux d'hospitalisation à la suite de blessures entraînées par une chute plus élevé que ceux des quartiers dont le revenu était le plus important. Par contre, chez les 10 à 19 ans, le taux était inférieur dans les quartiers ayant le revenu le plus faible. Il est possible que les circonstances des chutes ne soient pas les mêmes chez les jeunes enfants et chez les enfants plus âgés. Par exemple, les risques associés à l'absence de barrières pour enfants pourraient rendre les jeunes enfants plus susceptibles d'être hospitalisés à la suite d'une chute.

Points forts et limites

Les études canadiennes portant sur les liens entre le revenu du quartier et les blessures chez les enfants ont généralement été fondées sur des données d'enquête autodéclarées, qui ne fournissent pas de renseignements sur les diagnostics30-32, ou sur des données administratives se rapportant à une seule ville ou un seul hôpital22,35. En revanche, nous avons utilisé quatre années de données d'hospitalisation (basées sur la population) se rapportant aux enfants de milieux urbains du Canada pour calculer des taux en fonction de l'âge et du sexe. En outre, les taux présentés dans notre article sont probablement conservateurs, car les hospitalisations à la suite de blessures survenues à l'extérieur de la province de résidence ont été exclues, de même que les cas où les enfants et les adolescents sont décédés avant d'être admis à l'hôpital. De plus, par définition, les personnes s'étant présentées aux urgences, à un cabinet de médecins ou à une clinique ont été exclues.

Notre étude comporte plusieurs limites. Comme le Québec ne consigne que les trois premiers caractères du code postal, la détermination des quintiles de revenu du quartier y a été moins précise que dans les autres provinces.

La recherche semble indiquer que le quartier a des effets indépendants sur les blessures subies par les enfants même lorsque l'on tient compte des facteurs individuels et familiaux45. Malgré tout, en raison du manque d'information relativement aux caractéristiques familiales ou aux comportements de l'enfant susceptibles d'influer sur le risque de blessures32,46, il nous a été impossible d'établir, dans notre analyse, la contribution relative des facteurs liés à l'individu, à la famille et au quartier.

Il s'agit d'une étude écologique : les liens observés à l'échelle du quartier ne s'appliquent pas nécessairement à l'échelle de l'individu. De plus, les observations ne s'appliquent qu'aux milieux urbains et ne sont donc pas nécessairement valides dans le cas des milieux ruraux. En outre, nous n'avons eu accès à aucune donnée sur l'emplacement géographique où était survenue la blessure.

Répercussions sur la recherche

Les blessures subies par les enfants constituent un des grands enjeux stratégiques au Canada1. Les résultats de la présente étude pourraient être utiles dans le cadre de l'élaboration de stratégies visant à réduire les blessures chez les enfants. De plus, les taux d'hospitalisation présentés peuvent servir à examiner les changements au fil du temps. Il restera aux chercheurs à étudier l'incidence des dimensions sociales et physiques des quartiers sur les blessures subies par les enfants de même que l'influence relative des facteurs individuels et des facteurs liés au quartier, et à déterminer si les mêmes phénomènes s'observent dans les milieux ruraux.

Conclusion

Le taux d'hospitalisation à la suite de blessures non intentionnelles chez les enfants des milieux urbains du Canada varie selon le revenu du quartier. En effet, le taux d'hospitalisation à la suite d'une blessure causée par le feu, d'un empoisonnement, d'une noyade ou d'une suffocation et de coupures ou de perforations augmentait à mesure que le revenu du quartier diminuait. Dans le cas des hospitalisations à la suite d'une blessure causée par un heurt, la tendance présentait un gradient inverse, c'est-à-dire que la hausse du revenu du quartier était associée à un taux d'hospitalisation plus élevé.

Remerciements

Nous souhaitons souligner la contribution de Russell Wilkins, de Michelle Rotermann et de Helen Johansen, de la Division de l'analyse de la santé de Statistique Canada.