Prédicteurs des concentrations intérieures de composés BTEX dans les immeubles résidentiels au Canada

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par Amanda J. Wheeler, Suzy L. Wong, Cheryl Khoury et Jiping Zhu

Le benzène, le toluène, l’éthylbenzène, les m-, p-xylènes et l’o-xylène (BTEX) forment un groupe de composés organiques volatils (COV). Les sources intérieures de ces composés comprennent la peinture, la fumée de cigarette et les matériaux de construction. En outre, les gaz d’échappement et les gaz d’évaporation de véhicules peuvent migrer d’un garage attenant au logement à l’intérieur de ce dernier. Ces COV se retrouvent partout dans les milieux résidentiels, à des taux d’exposition de deux à cent fois plus élevés à l’intérieur qu’à l’extérieur1,2.

Les effets sur la santé varient selon que l’exposition aux composés BTEX est aiguë ou chronique. Les effets d’une exposition aiguë (p. ex., vertiges ou étourdissements, tremblements, irritation des yeux, du nez et de la gorge) ne s’observent chez l’homme qu’après une exposition à de très fortes concentrations que l’on ne rencontre habituellement pas dans les milieux résidentiels3,4. Cependant, l’exposition chronique à des concentrations plus faibles peut aussi avoir des effets indésirables sur la santé. Le benzène est un agent cancérigène connu, qui, selon des études sur la santé en milieu de travail, est une cause de leucémie chez l’homme5. En plus d’avoir des effets sur l’ouïe et les reins, on a rapporté que l’éthylbenzène causait des tumeurs du poumon chez les animaux exposés à de fortes concentrations pendant de nombreuses semaines6. Chez les animaux, l’exposition de longue durée à de fortes concentrations de toluène et de xylène peut affecter le système nerveux central3,4.

Peu d’organismes ont établi des lignes directrices concernant les concentrations de composés BTEX dans l’air intérieur. Dans sa Ligne directrice sur la qualité de l’air intérieur résidentiel relative au toluène4, Santé Canada a établi à 2 300 µg/m3 la valeur limite d’exposition prolongée au toluène; celle-ci se situe à l’intérieur de la fourchette de valeurs (qui ne sont pas toutes propres à l’air intérieur) établies par d’autres organismes internationaux reconnus (de 300 à 5 000 µg/m3)7-10. Aucune ligne directrice canadienne relative à l’air intérieur n’est disponible pour les autres composés BTEX. En revanche, la Commission européenne a pris des décisions concernant le benzène (réduire les concentrations au niveau le plus bas pouvant raisonnablement être atteint) et les xylènes (limite d’exposition intérieure prolongée égale à 200 µg/m3). L’Organisation mondiale de la Santé (OMS)11 a publié des lignes directrices pour un certain nombre de polluants de l’air intérieur, y compris le benzène, pour lequel il est recommandé de réduire les concentrations à un niveau aussi faible que possible. L’OMS estime que la concentration de benzène associée à un risque de leucémie de 1 sur 100 000 est égale à 1,7 µg/m3. Les concentrations de référence publiées pour l’éthylbenzène, qui ne sont pas particulières à l’air intérieur, varient de 200 à 2 000 µg/m3, selon l’effet critique sur lequel la valeur est fondée6,12,13.

Étant donné les conséquences pour la santé que peut avoir l’exposition aux composés BTEX, il est important de déterminer les concentrations de ces derniers dans l’air intérieur résidentiel et d’en identifier les sources. La présente étude est fondée sur des données provenant de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) réalisée par Statistique Canada de 2009 à 201114, qui a permis de produire des estimations nationalement représentatives des concentrations de 84 COV, y compris les composés BTEX.

Données et méthodes

L’ECMS est une enquête permanente conçue pour fournir des données sur des mesures directes de la santé à l’échelle nationale14. Le cycle de 2009 à 2011 de l’ECMS avait pour cible la population canadienne à domicile de 3 à 79 ans. Étaient exclus les habitants des réserves des Premières nations ou d’autres établissements autochtones, les personnes vivant en établissement ou dans certaines régions éloignées, ainsi que les membres à temps plein des Forces canadiennes. Plus de 96 % de la population était représentée15. L’ECMS a reçu l’approbation déontologique du comité d’éthique de la recherche de Santé Canada16.

Les données ont été recueillies à 18 emplacements à travers le pays d’août 2009 à novembre 2011. L’enquête comprenait l’administration d’un questionnaire au domicile du participant à l’enquête, suivie d’une visite de ce dernier à un centre d’examen mobile où l’on a effectué des mesures physiques et administré des questionnaires supplémentaires. La participation était volontaire; les participants pouvaient se retirer ou refuser toute partie de l’enquête à n’importe quel moment. Le consentement éclairé des participants de 14 ans et plus a été obtenu par écrit. Pour les enfants plus jeunes, un parent ou le tuteur légal a fourni un consentement écrit, en plus de l’assentiment écrit de l’enfant (lorsque cela était possible). Des renseignements détaillés sur l’enquête figurent dans le Guide de l’utilisateur des données de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé : cycle 215, et des renseignements détaillés sur la composante de l’air intérieur figurent dans un article complémentaire publié dans Rapports sur la santé17.

Des ménages sélectionnés pour l’ECMS, 75,9 % ont accepté de participer. Dans chaque ménage participant, on a sélectionné une ou deux personnes; 90,5 % des membres sélectionnés des ménages ont répondu au questionnaire sur le ménage et, de ceux-ci, 81,7 % ont participé à la composante subséquente des mesures physiques au centre d’examen mobile, où un échantillonneur d’air intérieur a été remis à un membre répondant par logement afin d’y être installé. Des données valides sur l’air intérieur ont été recueillies pour 81,9 % des participants à la composante du centre d’examen mobile. Le taux de réponse final a été de 46,0 % (75,9 % pour les ménages sélectionnés x 90,5 % pour les personnes sélectionnées x 81,7 % pour les visites au centre d’examen mobile x 81,9 % pour les données valides sur l’air intérieur). Les analyses qui figurent dans le présent article sont fondées sur 5 191 participants provenant de 3 857 résidences pour lesquelles des données valides sur l’air intérieur ont été recueillies.

Les échantillons d’air intérieur pour la détermination des COV ont été recueillis au moyen du tube d’échantillonnage sur sorbants avec désorption thermique de PerkinElmer (no de pièce N9307002, PerkinElmer Inc., Shelton, CT, É.-U.). Les taux d’absorption des COV dans le tube ont été estimés préalablement en effectuant une expérience de mesures passive et active en parallèle18. Au centre d’examen mobile, on a administré un questionnaire portant sur les caractéristiques du logement ainsi que sur la présence et l’utilisation de sources possibles de COV, et on a expliqué aux participants comment manipuler l’échantillonneur. On leur a demandé de l’installer dans leur salon ou leur salle familiale, à au moins 1,5 mètre du sol, pendant sept jours consécutifs, à partir du matin après leur visite au centre d’examen mobile. On leur a demandé d’envoyer l’échantillonneur au laboratoire d’analyse à la fin de la période de sept jours en utilisant l’enveloppe affranchie qui leur avait été remise. Les échantillonneurs ont été analysés en se servant d’un désorbeur thermique (modèle ATD650) de PerkinElmer et d’un chromatographe en phase gazeuse (modèle 6890) d’Agilent couplé à un spectromètre de masse (modèle 5975N) d’Agilent (Agilent Inc., Santa Clara, CA, É.-U.)18.

Quand deux participants appartenaient au même ménage, l’un d’eux a été sélectionné pour participer à la composante de l’air intérieur. Les résultats de cette dernière (données sur l’échantillonneur et celles provenant du questionnaire) ont été appliqués aux deux participants. Pour chacun des 5 191 participants, il existe un jeu de données sur les COV provenant de l’échantillonneur d’air qui a été installé dans son logement. Les poids de sondage ont été appliqués à ces données afin que les résultats soient représentatifs de la population nationale du Canada.

Chaque participant à l’enquête a répondu au questionnaire sur le ménage, qui comprenait des questions sur des caractéristiques comportementales personnelles, telles que la participation à des activités de loisirs et l’utilisation de fragrances et de produits de coiffage. Plusieurs questions ont été désignées a priori comme concernant des prédicteurs possibles des concentrations dans l’air intérieur (tableau explicatif 1).

Tableau explicatif 1
Questions de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé de 2009 à 2011 à partir desquelles les variables prédictives ont été dérivées et catégorisation utilisées dans les analyses de régression pas à pas

Tableau explicatif 1
Questions de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé de 2009 à 2011 à partir desquelles les variables prédictives ont été dérivées et catégorisation utilisées dans les analyses de régression pas à pas
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de questions de l'enquête canadienne sur les mesures de la santé de 2009 à 2011 à partir desquelles les variables prédictives ont été dérivées et catégorisation utilisées dans les analyses de régression pas à pas . Les données sont présentées selon question (titres de rangée) et catégorie dérivée(figurant comme en-tête de colonne).
Question Catégorie dérivée
Dans quel type de logement demeurez-vous? Maison individuelle, maison double, maison en rangée, duplex

Immeuble d'appartements de moins de cinq étages, immeuble d'appartements de cinq étages ou plus, institution, hôtel, maison de chambres / pension, camp, maison mobile, autre
Avez-vous un garage sur votre propriété? Note * Oui/Non
Au cours du dernier mois, avez-vous ou quelqu'un d'autre a-t-il senti des gaz d'échappement de voiture, de camion ou d'autres véhicules à l'intérieur de votre domicile? Oui/Non
Au cours du dernier mois, avez-vous fait des rénovations majeures? Oui/Non
Au cours du dernier mois, a-t-on installé de la nouvelle moquette ou des tapis neufs dans votre domicile? Oui/Non
Au cours de la dernière semaine, quels produits parmi les suivants avez-vous ou quelqu'un d'autre a-t-il utilisés à l'intérieur de votre domicile? Essence ou appareils à essence (Oui/Non)
Kérosène (Oui/Non)
Boules à mites (Oui/Non)
Peinture (Oui/Non)
Décapant (Oui/Non)
Solvants (Oui/Non)
Chandelles (Oui/Non)
Teinture (Oui/Non)
Au cours d'une journée type la semaine dernière, avez-vous normalement ouvert les fenêtres ou les portes pour faire entrer l'air frais dans votre domicile? Oui/Non
Quel est l'âge de ce logement? (années) Moins de 20 ans
De 20 à 39 ans
40 ans et plus
En excluant le sous-sol et le garage, quelle est la superficie approximative de ce logement? (en pieds carrés) 1,000 ou moins
1 001 à 3 000
3 001 et plus
Quel est le système de chauffage principal dans ce logement? Fournaise à l'huile (Oui/Non)
Fournaise au gaz (Oui/Non)
Chauffage électrique (Oui/Non)
Poêle à bois (Oui/Non)
Foyer au bois (Oui/Non)
Foyer au gaz (Oui/Non)
Quel est le nombre total de personnes qui habitent ici? Une
Plus d'une
En comptant les membres du ménage et les visiteurs réguliers, y a-t-il quelqu'un qui fume à l'intérieur de ce domicile, chaque jour ou presque chaque jour? Oui/Non
Au cours des trois derniers mois, avez-vous fait l'une des activités suivantes durant vos loisirs ou à l'école? Travaux artistiques (Oui/Non)
Construction de modèles réduits (Oui/Non)
Réparation d'automobiles (Oui/Non)
Réparation de meubles (Oui/Non)
Travail du bois (Oui/Non)
Au cours des 24 dernières heures, avez-vous utilisé l'un des produits suivants? Fragrances (Oui/Non)
Produits de coiffage (Oui/Non)

Au total, on a évalué 173 blancs de terrain, 74 blancs de déplacement et 79 paires d’échantillons en double. Pour plus de 50 % des blancs de terrain pour le benzène, l’éthylbenzène et l’o-xylène, les valeurs étaient supérieures à la limite de détection du laboratoire. Les données pour ces COV ont été corrigées pour tenir compte des blancs en soustrayant la valeur médiane des blancs de terrain. Des renseignements détaillés sur la méthode de correction pour tenir compte des blancs, ainsi que les résultats pour les blancs et les analyses en double sont présentés dans l’article complémentaire publié dans Rapports sur la santé17.

Pour les analyses statistiques, les résultats sur les COV inférieurs à la limite de détection (LD) du laboratoire ont été remplacés par une valeur égale à la moitié de la LD. Pour chaque polluant, on a calculé la moyenne arithmétique, la moyenne géométrique et la distribution en centiles. On a également calculé les statistiques descriptives et les écarts entre statistiques pour les composés BTEX selon le type de logement et la configuration du garage. Pour évaluer les associations entre les composés BTEX, on a calculé les coefficients de corrélation de Pearson. On a effectué des analyses de régression pour évaluer la relation entre les composés BTEX et les prédicteurs a priori possibles sélectionnés. Comme les distributions des composés BTEX présentaient une asymétrie positive,  on a procédé à une transformation log-normale pour toutes les analyses de régression. On a effectué des régressions univariées pour chaque composé BTEX et chaque prédicteur. Puis, on a considéré l’inclusion des prédicteurs marginalement significatifs (p < 0,10) dans les analyses univariées dans un modèle de régression pas à pas (p < 0,10 pour y entrer et p < 0,10 pour être gardé). Les résultats des régressions et les intervalles de confiance à 95 % ont été exprimés sous forme de variation relative (en pourcentage) des concentrations de composés BTEX associées à une variation donnée du prédicteur, calculée par 100x(expβ-1), où β est le coefficient de régression provenant du modèle dans lequel la variable de résultat est le logarithme des concentrations de composés BTEX.

Toutes les estimations sont fondées sur des données pondérées au niveau de la personne. Les analyses statistiques ont été exécutées à l’aide des logiciels SAS et SUDAAN. Les erreurs-types, les coefficients de variation et les intervalles de confiance à 95 % ont été calculés par la méthode du bootstrap19,20. On a établi à 13 le nombre de degrés de liberté pour tenir compte du plan d’échantillonnage de l’ECMS15. La signification statistique a été fixée au seuil de p < 0,05.

Résultats

Description des données

Les statistiques descriptives sur les composés BTEX (où X représente les m-, p-xylènes et l’o-xylène séparément) sont présentées au tableau 1. Pour plus de 99 % des échantillons, les valeurs étaient supérieures à la limite de détection pour chaque composé. La moyenne, ainsi que le 10e au 95e centile était de 1,95 µg/m3 (0,33 à 7,42) pour le benzène, de 19,17 µg/m3 (2,28 à 73,60) pour le toluène, de 4,09 µg/m3 (0,36 à 15,07) pour l’éthylbenzène, de 14,42 µg/m3 (1,28 à 59,90) pour les m-, p-xylènes et de 4,16 µg/m3 (0,37 à 16,56) pour l’o-xylène. Toutes les valeurs pour le toluène étaient inférieures à la valeur de 2 300 µg/m3 figurant dans les lignes directrices de Santé Canada sur la qualité de l’air intérieur résidentiel.

Selon les coefficients de corrélation de Pearson, les associations les plus fortes entre les composés BTEX étaient celles entre l’éthylbenzène, les m-, p-xylènes et l’o-xylène (toutes les valeurs étaient supérieures à r = 0,87; données non présentées). La corrélation entre le benzène et le toluène, ainsi que leur corrélation aux autres composés BTEX étaient modérées (r = 0,31 à 0,52).

Prédicteurs de l’exposition

En se basant sur les prédicteurs a priori relevés dans la littérature, des questions ont été posées dans le cadre de l’ECMS afin d’identifier les sources possibles des composés BTEX. Des régressions univarées ont été exécutées afin de déterminer les prédicteurs qu’il convenait d’inclure dans le modèle final (données non présentées). Les résultats du modèle de régression pas à pas final figurent au tableau 2.

Les prédicteurs de la concentration de benzène étaient la consommation régulière de tabac dans le logement, l’existence d’un garage sur la propriété, la construction de modèles réduits au cours des trois mois qui ont précédé l’enquête, l’ouverture des fenêtres la semaine précédente pour faire entrer de l’air frais dans le logement (réduction des concentrations) et l’utilisation de chandelles la semaine précédente.

Pour l’éthylbenzène, les m-, p-xylènes et l’o-xylène, les prédicteurs étaient similaires, à savoir un garage sur la propriété, le nombre d’occupants, l’exécution de rénovations le mois précédent, l’utilisation de fragrances au cours des 24 dernières heures et l’utilisation d’un décapant la semaine précédente. En outre, la consommation régulière de tabac dans le logement était un prédicteur supplémentaire des concentrations de m-, p-xylènes.

Les prédicteurs de la concentration de toluène étaient l’existence d’un garage sur la propriété, un logement neuf, l’utilisation de peinture ou de décapant pour peinture la semaine précédente, et la consommation régulière de tabac à l’intérieur du logement.

Appartements, garages

Le type de logement est un prédicteur significatif pour tous les composés BTEX dans les analyses univariées, mais non dans les modèles finaux. En raison de la conception du questionnaire, la question sur la présence d’un garage sur la propriété n’a été posée qu’aux personnes vivant dans une maison individuelle, une maison double, un duplex ou une maison en rangée. Donc, les prédicteurs « type de logement » et « présence d’un garage » sont reliés, et les modèles finaux comprenaient la variable « présence d’un garage », mais non la variable « type de logement ». Des analyses plus approfondies ont été effectuées pour examiner les différences de concentration entre les types de logement (tableau 3). Les niveaux d’exposition au toluène, à l’éthylbenzène, aux m-, p-xylènes et à l’o-xylène étaient plus élevés dans les appartements que dans les maisons individuelles, les maisons doubles, les duplex ou les maisons en rangée.

Des analyses supplémentaires ont été effectuées pour les maisons individuelles, les maisons doubles, les duplex et les maisons en rangée afin de déterminer l’influence de la présence d’un garage sur les concentrations de composés BTEX (tableau 4). Les concentrations moyennes de ces composés dans les logements avec garage attenant (qu’il existe ou non une porte communicante) étaient environ le double de celles dans les logements sans garage attenant. En outre, les concentrations de benzène et de toluène étaient significativement plus élevées (valeur p = 0,065 et 0,047) dans les maisons munies d’une porte communiquant avec le garage que dans celles sans porte communicante; les concentrations moyennes de benzène étaient de 3,09 et 2,13 µg/m3 respectivement, et les concentrations moyennes de toluène, de 34,72 et 23,0 µg/m3, respectivement.

Discussion

Selon les données du cycle de 2009 à 2011 de l’ECMS, les composés BTEX sont décelables dans l’air intérieur de presque toutes les résidences au Canada. Les données de la présente étude, qui sont nationalement représentatives, confirment les constatations récentes selon lesquelles, en général, les Canadiens sont exposés à des concentrations intérieures relativement faibles de composés BTEX. En outre, une comparaison avec les résultats d’une étude à l’échelle de la population sur les résidences des Canadiens menée en 199121 donne à penser que l’exposition aux composés BTEX a diminué au cours du temps. Cette constatation pourrait refléter une réduction de la teneur en COV dans les produits, ainsi qu’une réduction des concentrations de benzène dans l’air ambiant. Dans l’étude de 1991, la concentration moyenne de benzène variait de 2,72 µg/m3 (été) à 6,98 µg/m3 (automne), et la tendance saisonnière était comparable pour l’éthylbenzène et les xylènes; les concentrations les plus faibles de toluène s’observaient en hiver et les plus élevées, au printemps, les valeurs variant de 17,88 à 84,34 µg/m3. Selon l’ECMS, les moyennes étaient de 1,95 µg/m3 pour le benzène et de 19,17 µg/m3 pour le toluène. Le plan de sondage de l’ECMS n’a pas produit suffisamment de données pour évaluer l’influence des facteurs saisonniers, tels que la température et la ventilation, qui sont des prédicteurs importants des concentrations de composés BTEX dans l’air intérieur22.

Les niveaux de concentration des composés BTEX fondés sur les données de l’ECMS diffèrent légèrement des niveaux observés dans le cadre d’études réalisées à Halifax23, à Regina24, à Windsor25,26 et à Ottawa2. Ces différences pourraient tenir à la portée des études (nationalement représentative par opposition à une seule ville), à la taille des échantillons, à la période de collecte des données et au type d’échantillonneur d’air utilisé.

Peu de données ont été publiées concernant les associations entre les composés BTEX dans l’air intérieur. Héroux et coll.27 ont observé de fortes corrélations entre l’éthylbenzène et les xylènes (r = 0,97 à 0,99). Les résultats de l’ECMS sont similaires, mais les associations sont plus faibles. L’absence de fortes associations observables entre le benzène et le toluène, et entre ceux-ci et les autres composés BTEX pourraient être le signe de sources intérieures différentes. En outre, on a montré que les sources extérieures jouent un rôle important, surtout pour le benzène2,28.

En fait, même si les prédicteurs des concentrations des composés BTEX fondés sur les données de l’ECMS concordent généralement avec ceux signalés dans d’autres études, de nombreuses autres sources associées aux concentrations de composés BTEX dans l’air intérieur sont mentionnées dans la littérature. Par exemple, l’étude TEAM (Total Exposure Assessment Methodology Study) a permis d’identifier deux sources de benzène, à savoir un fumeur dans le logement, mais aussi un jardinier dans le logement. Certaines sources d’éthylbenzène, de m-, p-xylènes et d’o-xylène considérées comme importantes selon les modèles TEAM sont similaires à celles dégagées de la présente analyse, à savoir l’âge du logement et la présence d’un fumeur dans le logement. D’autres sources non incluses dans l’ECMS étaient les suivantes : le fait qu’un occupant ait pompé de l’essence le jour en question, le fait qu’un occupant ait travaillé avec des produits chimiques, et le fait que le logement soit considéré comme étant poussiéreux. Aucune donnée de l’étude TEAM n’était disponible pour le toluène29.

En procédant à des analyses factorielles des COV mesurés dans leur étude, Fellin et Otson21 ont déterminé que les concentrations d’éthylbenzène et de xylènes étaient associées à la peinture, aux concentrations dans l’air extérieur et aux gaz d’échappement des véhicules. Ces prédicteurs diffèrent de ceux dégagés pour l’éthylbenzène et les xylènes d’après les données de l’ECMS.

Une étude de l’air intérieur résidentiel réalisée à Regina28 a permis de cerner un certain nombre de prédicteurs des concentrations de benzène, y compris l’existence d’un garage attenant au domicile, la fumée de cigarette, les concentrations extérieures de benzène et l’utilisation de laque pour cheveux. Pour le toluène, les prédicteurs comprenaient l’âge du logement, l’existence d’un garage attenant, de nouveaux meubles ou tapis, et l’utilisation d’un climatiseur.

Selon l’étude européenne EXPOLIS, le nombre de cigarettes fumées à l’intérieur est un prédicteur systématique de la concentration de benzène, l’augmentation étant de l’ordre de 16 % à 17 % par cigarette30.

Selon les données de l’ECMS, les niveaux d’exposition au toluène, à l’éthylbenzène, aux m-, p-xylènes et à l’o-xylène sont plus élevés dans les appartements que dans les autres types de logements. Les données canadiennes comparables sur les concentrations de composés BTEX selon le type de logement sont limitées, bien qu’un rapport de la Société canadienne d’hypothèques et de logement ait conclu que les concentrations de polluants dans l’air intérieur étaient plus élevées dans les appartements étudiés que dans les immeubles commerciaux et que dans les maisons individuelles équipés d’une technologie de ventilation similaire31. Dans une certaine mesure, les concentrations élevées de composés BTEX dans les immeubles à appartements pourraient tenir au fait que ces immeubles ont tendance à être situés dans des zones plus urbaines où les concentrations ambiantes sont plus importantes.

Dans la présente analyse, les concentrations de tous les composés BTEX étaient les plus élevées dans les maisons munies d’un garage attenant. En particulier, les concentrations de benzène et de toluène étaient significativement plus élevées dans les maisons munies d’un garage attenant avec porte communicante. De même, une étude réalisée à Windsor a montré que les concentrations de benzène étaient environ trois fois plus élevées dans les maisons possédant un garage attenant que dans celles avec garage non attenant ou sans garage26. En outre, selon l’étude BEAM (Boston Exposure Assessment in Microenvironments study), les concentrations de composés BTEX dans l’air intérieur étaient significativement plus élevées dans les résidences avec garage attenant que dans celles sans garage attenant32. Dans un article publié en 2006, Batterman et coll.33 ont estimé qu’environ 16 % de l’air du garage s’infiltrait dans le logement.

Points forts et limites

L’un des points forts de la présente étude est la source des données, soit une grande enquête représentative de la population qui fournit des données uniques pouvant être utilisées pour évaluer et gérer le risque associé aux composés BTEX. Par exemple, on a déterminé que le fait d’avoir fait des travaux de peinture la semaine qui a précédé l’enquête était un prédicteur de la concentration de toluène. Habituellement, ce genre de détermination est impossible dans le cas des enquêtes sur la qualité de l’air, en raison du petit nombre de logements typiquement contrôlés et de l’improbabilité que des projets de rénovation coïncident avec la période d’échantillonnage.

Le nombre limité de questions que comprenait l’ECMS a restreint l’interprétation des données, comme en témoignent les faibles valeurs de r2 des modèles. Cependant, comme la valeur de r2 est un indicateur de la qualité de l’ajustement de la droite de régression aux données et, pour ce qui est des prédicteurs dichotomiques, un mauvais indicateur de la part de la variance expliquée, les faibles valeurs de r2 peuvent aussi refléter la nature dichotomique des prédicteurs.

Les niveaux d’exposition peuvent être mal classés si l’on ne prélève qu’un seul échantillon d’air durant une seule saison. Donc, un autre point fort de l’étude est dû au fait que l’échantillon moyen sur sept jours était représentatif d’une exposition hebdomadaire (jours de semaine et fin de semaine). Par ailleurs, la moyenne sur sept jours est une limite, parce que les données sur les concentrations de composés BTEX ne peuvent pas être analysées en fonction des jours de semaine ou de la fin de semaine, durant laquelle les activités diffèrent souvent. L’utilisation de moyennes limite aussi la capacité d’établir le lien entre les pics d’exposition et des activités particulières.

Mot de la fin

Sur la base des données provenant de la seule autre étude des composés BTEX représentative de la population, qui a été réalisée en 199121, les concentrations courantes de composés BTEX relevées dans le cadre de l’ECMS semblent indiquer que les niveaux d’exposition des Canadiens à ces composés dans l’air intérieur ont diminué. Les sources de chacun des composés visés par la présente analyse concordent avec celles mentionnées dans la littérature. Les prédicteurs des concentrations de composés BTEX comprennent l’existence d’un garage sur la propriété, la consommation régulière de tabac dans le logement, les rénovations récentes, le nombre d’occupants, l’utilisation de décapant pour peinture et l’utilisation de fragrances. Cette information est nécessaire si l’on veut élaborer des moyens de réduire les sources d’exposition intérieure aux composés BTEX. Elle est particulièrement importante dans le cas du benzène, un agent cancérigène pour lequel aucun seuil n’est établi et qui est considéré comme ayant des effets nocifs à tous les niveaux d’exposition. À l’avenir, la collecte de données pourrait être étendue en vue de déterminer l’incidence d’autres sources, telles que les émissions associées à la circulation routière et les concentrations extérieures, sur les concentrations intérieures de composés BTEX.

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