Section 4 : La violence familiale envers les personnes âgées

par Andrea Taylor-Butts

[Faits saillants] [Article intégral en PDF]

Passer au texte

Début du texte

La violence envers les personnes âgées peut revêtir de nombreuses formes et est souvent commise par un membre de la famille (Wahl et Purdy, 2010). De plus, les incapacités physiques ou les troubles cognitifs dont certains aînés sont atteints peuvent les rendre plus vulnérables et influer sur la nature de la violence dont ils sont victimes (Edwards, 2011; McDonald et Collins, 2000; Wahl et Purdy, 2010).

Comme bien des pays, le Canada observe un vieillissement de sa population (Statistique Canada, 2012a). Au plus récent recensement, mené en 2011, près de 15 % des Canadiens, soit environ 5 millions de personnes, avaient 65 ans et plus (voir Âge et sexe — Faits saillants en tableaux, Recensement de 2011 à l’adresse www.statcan.gc.ca). Ce nombre continuera de croître, particulièrement au cours des 30 prochaines années, à mesure que les baby-boomers continueront d’atteindre l’âge de 65 ans. D’après les projections démographiques, d’ici 2036, la taille de la population âgée doublera plus ou moins, et les personnes de 65 ans et plus représenteront environ le quart de la population canadienne (Statistique Canada, 2010).

Selon des études antérieures, les hommes et les femmes de 65 ans et plus sont beaucoup moins à risque d’être victimes de violence que les adultes plus jeunes (Brennan, 2012). Néanmoins, les mauvais traitements et la violence à l’endroit des personnes âgées sont reconnus comme un problème social depuis les années 1970 (Brownell et Podnieks, 2005; Conseil national des aînés, 2007). Avec le vieillissement de la population canadienne, la nécessité d’en savoir plus sur ce phénomène souvent appelé un « crime caché » ne fera que croître, ce qui pourrait avoir des répercussions sur la nécessité de sensibiliser la population au phénomène et de mettre sur pied des programmes de prévention et d’intervention (McDonald et Collins, 2000; Brownell et Podnieks, 2005; Conseil national des aînés, 2007; Comité permanent de la condition féminine, 2012).

En s’appuyant sur les données déclarées par la policeNote 1 dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC), on examine, dans la présente section, la mesure dans laquelle les Canadiens âgés (65 ans et plus) ont été victimes d’un crime violent aux mains d’un membre de leur famille aux échelons du pays, des provinces et territoires, et des régions métropolitaines de recensement. Cette section porte sur l’âge et le sexe des personnes âgées victimes de violence familiale et sur la nature particulière du lien de l’auteur présumé avec la victime. Des renseignements sur les caractéristiques des affaires sont également fournis, comme les types de violence commise, les armes utilisées et les blessures subies par les victimes âgées. Il est également question de la façon dont ces crimes sont classés par la police. Enfin, on conclut par une analyse de la violence familiale dans sa forme la plus extrême, soit les homicides commis sur des personnes âgées par des membres de leur famille.

Le tiers des auteurs présumés de crimes violents contre des aînés étaient des membres de leur famille

Selon les données déclarées par la police, près de 8 900 personnes de 65 ans et plus ont été victimes d’un crime violent au Canada en 2013, ce qui représentait un taux de 173,9 victimes pour 100 000 personnes âgées (tableau 4.1). La majorité des auteurs présumés de ces crimes n’avaient pas de lien de parenté avec leur victime (c.-à-d. que 27 % étaient des étrangers, 21 %, de simples connaissances 9 %, des voisins, 5 %, des associés, et 6 %, des amis ou des partenaires amoureux de la victime). Néanmoins, les membres de la famille représentaient le tiers des auteurs présumés de crimes violents envers les personnes âgéesNote 2, soit une proportion semblable à ce qui s’est dégagé d’études antérieures (Brennan, 2013).

Les données déclarées par la police révèlent qu’un peu plus de 2 900 personnes âgées ont été victimes de violence familiale en 2013. Ce chiffre se traduit par un taux de 56,8 victimes pour 100 000 personnes âgées. En 2013, les aînés ont continué de représenter une proportion relativement faible de l’ensemble des victimes de violence familiale, soit environ 3 %, et les taux auxquels ils subissaient de la violence familiale étaient inférieurs à ceux de tout autre groupe d’âge (graphique 4.1). Le taux de violence familiale à l’endroit des hommes de 25 à 34 ans était, par exemple, environ quatre fois plus élevé que le taux observé chez les hommes de 65 ans et plus. L’écart était encore plus marqué chez les femmes, le taux de victimisation des femmes de 25 à 34 ans étant plus de 9 fois supérieur à celui des femmes âgées.

Description du graphique 4.1

Les aînés plus jeunes et les femmes âgées sont plus à risque d’être victimes de violence familiale

Même parmi les personnes âgées elles-mêmes, le risque de violence familiale varie. Par exemple, conformément à la tendance globale observée chez les adultes plus jeunes, les taux de violence familiale déclarée par la police sont généralement les plus élevés chez les aînés plus jeunes et diminuent graduellement à mesure que l’âge augmente (graphique 4.2). En 2013, le taux de violence familiale à l’endroit des aînés de 65 à 74 ans était de 1,5 fois supérieur à celui des aînés de 75 à 84 ans et le double du taux enregistré chez les personnes de 85 ans et plus. Les différences quant à la situation des aînés dans le ménage peuvent contribuer à expliquer quelques-uns des écarts des taux de violence familiale entre les aînés plus jeunes et ceux d’âge plus avancé. Les aînés plus jeunes sont plus susceptibles de vivre dans des ménages privés, habituellement avec un conjoint ou un conjoint de fait. Toutefois, cette probabilité diminue avec l’âge, alors que la probabilité de vivre dans un logement collectif comme une résidence pour personnes âgées ou une maison de repos s’accroît (Statistique Canada, 2012a). De plus, les aînés plus âgés, en particulier les femmes, peuvent survivre à leur conjoint, ce qui réduit leur risque d’être victimes de violence familiale aux mains du conjoint (Chappell et autres, 2003; Sinha, 2012). En outre, il se peut que la capacité de signaler la violence (notamment en raison de la fragilité ou d’une déficience cognitive) diminue avec l’âge (Laumann, Leitsch et Waite, 2008).

Description du graphique 4.2

Des différences selon le sexe ont également été observées chez les aînés victimes de violence familiale, bien qu’elles soient moins prononcées que chez leurs homologues plus jeunes. Selon les données déclarées par la police, en 2013, le taux de violence familiale à l’endroit des femmes âgées était supérieur (+26 %) à celui observé chez les hommes âgés (62,7 par rapport à 49,7 pour 100 000 personnes âgées). Ce résultat correspond au risque accru de violence familiale en général, et de violence conjugale en particulier, auquel les femmes sont confrontées. Néanmoins, l’écart entre les taux de violence familiale auxquels les aînés de sexe féminin et masculin sont victimes est bien moins marqué qu’il ne l’est chez les victimes plus jeunes. Par exemple, selon les données policières, les femmes de 15 à 64 ans étaient plus de deux fois plus susceptibles que leurs homologues de sexe masculin d’être victimes de violence familiale. De plus, les femmes de 25 à 34 ans — le groupe ayant affiché le plus fort taux de victimisation — ont enregistré un taux de trois fois supérieur à celui observé chez leurs homologues de sexe masculin.

La violence familiale envers les personnes âgées est plus répandue dans les territoires, au Nouveau-Brunswick, en Alberta et en Saskatchewan

À l’échelle du Canada, les taux de crimes violents étaient généralement les plus élevés dans les territoires. De même, le taux de violence familiale envers les aînés déclarée par la police était le plus élevé au Nunavut, suivi de ceux des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon (tableau 4.2). Parmi les provinces, le Nouveau-Brunswick et l’Alberta, qui ont affiché des taux semblables, ont inscrit les plus forts taux de violence familiale envers les personnes âgées en 2013; ils étaient suivis de près de la Saskatchewan (graphique 4.3). Cette constatation diffère de la tendance générale des crimes violents observée dans les provinces en 2013, selon laquelle les plus hauts taux ont été enregistrés en Saskatchewan et au Manitoba, suivis de Terre-Neuve-et-Labrador.

Description du graphique 4.3

Par les années passées, alors qu’à l’échelle nationale les femmes âgées affichaient de plus hauts taux de violence familiale que leurs homologues de sexe masculin, dans certaines provinces et certains territoires, c’était plutôt les hommes âgés qui étaient les plus à risque. En 2013, le taux de violence familiale à l’endroit des hommes âgés était plus élevé que celui des femmes âgées dans un certain nombre de provinces et territoires. Au Yukon, par exemple, le taux de violence familiale à l’endroit des hommes âgés était le double de celui observé pour les femmes âgées. De même, mais dans une moindre mesure, les hommes âgés ont également affiché des taux plus élevés de violence familiale à Terre-Neuve-et-Labrador, au Manitoba, en Saskatchewan et à l’Île-du-Prince-Édouard. Les femmes âgées étaient toutefois proportionnellement beaucoup plus nombreuses à être victimes de violence familiale dans les Territoires du Nord-Ouest, en Ontario, au Québec, au Nunavut et en Nouvelle-Écosse. Dans ces provinces et territoires, le taux de victimisation chez les femmes âgées était d’environ 1,5 fois supérieur à celui enregistré chez les hommes âgés. Enfin, les taux observés chez les femmes et les hommes âgés étaient semblables au Nouveau-Brunswick.

Les aînés qui vivent dans les régions métropolitaines de recensement du Canada sont moins susceptibles d’être victimes de violence familiale que ceux qui vivent dans de petites et moyennes villes

Les taux de violence familiale envers les personnes âgées ont tendance à être plus faibles chez les aînés qui vivent en milieu urbain que chez ceux qui habitent en région rurale (Brennan, 2013; Sinha, 2012). Comme par les années passées, les données déclarées par la police de 2013 révèlent que les taux de violence familiale chez les victimes âgées étaient moins élevés chez les aînés vivant dans les 33 régions métropolitaines de recensement (RMR) du Canada que parmi ceux qui résidaient dans de petites et moyennes villes à l’extérieur des RMR. L’isolement peut faire en sorte que les personnes âgées soient plus à risque d’être victimes de violence et peut être l’un des nombreux facteurs qui aident à comprendre les taux plus élevés de violence familiale commise contre les aînés dans des régions autres que les RMR (Conseil national des aînés, 2007; Wahl et Purdy, 2010). Dans l’ensemble, pour chaque tranche de 100 000 personnes âgées vivant dans une RMR, environ 47,7 ont été victimes de violence familiale, comparativement à 73,5 pour 100 000 personnes âgées vivant dans des régions autres que les RMR (tableau 4.3).

St. John’s est la RMR qui a enregistré le plus fort taux de violence familiale envers les aînés, le taux de victimisation étant plus de 1,5 fois supérieur au taux global observé pour le Canada (graphique 4.4). Gatineau, Vancouver, Kelowna, Montréal et Saint John figuraient également parmi les RMR ayant affiché les plus forts taux de violence familiale envers les aînés déclarée par la police, tous des taux qui étaient supérieurs au taux national. Affichant le cinquième du taux national, le Grand Sudbury a inscrit le plus faible taux de violence familiale à l’endroit des personnes âgées parmi les RMR; venaient ensuite Barrie, Sherbrooke, Guelph et Thunder Bay. Les taux de violence familiale envers les aînés affichés par ces RMR demeuraient environ le double de celui observé dans le Grand Sudbury.

Description du graphique 4.4

Les enfants adultes des victimes sont le plus souvent les auteurs de violence familiale envers les personnes âgées

En 2013, comme par les années passées, les personnes âgées ayant subi de la violence familiale étaient surtout susceptibles d’avoir été victimes de violence aux mains de leurs propres enfants adultes, d’après les données policières (Brennan, 2013; Sinha, 2012). Environ 4 aînés sur 10 (43 %) qui ont été victimes de violence familiale déclarée par la police ont indiqué que l’auteur présumé était leur enfant adulte. Le conjoint (28 %) venait au deuxième rang des membres de la famille les plus susceptibles d’avoir commis un acte de violence familiale contre une personne âgée.

Les aînés de sexe féminin et masculin se sont dits victimes de violence aux mains de leurs enfants adultes dans des proportions semblables (graphique 4.5). Leurs taux de victimisation par des frères ou sœurs et par des membres de la famille élargie étaient également semblables, quoique bien inférieurs aux taux de victimisation aux mains de leurs enfants adultes. La plus grande différence observée entre les aînés de sexe féminin et masculin a trait au risque de subir de la violence conjugale. En effet, le taux de violence conjugale à l’endroit des femmes âgées (19,8 pour 100 000) était près du double du taux observé chez les hommes âgés (10,8 pour 100 000). Il demeure que les aînés, sans égard au sexe, affichaient les plus faibles taux de violence conjugale parmi tous les groupes d’âge, une constatation qui a été observée dans des recherches antérieures (Sinha, 2013).

Description du graphique 4.5

Les voies de fait simples représentaient plus de la moitié des crimes violents envers les aînés commis par les membres de la famille

Quel que soit l’âge de la victime, les voies de fait simplesNote 3 — dans lesquelles la victime subit des blessures corporelles mineures ou ne subit aucune blessure —, comme le fait de pousser une personne, de la gifler, de la frapper à coups de poing et de proférer des menaces à son endroit, constituent le type d’infraction déclarée dans la majorité des affaires de violence familiale. Ainsi, plus de la moitié (55 %) des personnes âgées ayant été victimes de violence aux mains d’un membre de leur famille ont subi des voies de fait simples ou de niveau 1 en 2013 (tableau 4.4). Les menaces (19 %), suivies de types plus graves de voies de fait (12 %), étaient ensuite les actes de violence familiale les plus souvent perpétrés à l’endroit des aînés.

Dans l’ensemble, la répartition des divers actes de violence familiale commis envers les aînés et les adultes plus jeunes était semblable. Toutefois, les personnes âgées victimes d’un crime commis par un membre de la famille étaient proportionnellement plus nombreuses (19 % par rapport à 12 %) à se voir proférer des menaces que ne l’étaient les victimes de violence familiale qui n’étaient pas des aînés (c.-à-d. les adultes de 15 à 64 ans).

Les données fournies par un sous-ensemble de services de police peuvent être utilisées pour examiner les tendances de deux formes de violence familiale : les voies de fait et l’agression sexuelleNote 4. Ces données ont révélé que, dans l’ensemble, la tendance récente sur cinq ans de la forme la plus courante de violence familiale envers les aînés — les voies de fait — est demeurée relativement stable, la différence entre 2009 et 2013 n’étant que de 1 %. Alors que le taux annuel de voies de fait envers les aînés commises par un membre de la famille dans son ensemble était généralement semblable de 2009 à 2013, les tendances des taux selon le sexe étaient quelque peu différentes (graphique 4.6). Après une baisse de 8 % d’une année à l’autre enregistrée en 2010, les taux de violence familiale envers les hommes âgés sont demeurés stables entre 2010 et 2013. Toutefois, chez les femmes âgées, la tendance sur cinq ans était plus variée. Le taux de violence familiale commise contre les femmes âgées a progressé de 11 % entre 2009 et 2010, est demeuré stable de 2010 à 2012, puis a régressé de 7 % entre 2012 et 2013.

Comparativement aux voies de fait, les agressions sexuelles à l’endroit des aînés par un membre de la famille sont beaucoup moins fréquentes et ont tendance à toucher les femmes âgées de façon disproportionnée lorsqu’elles surviennent. Par exemple, en 2013, il y a eu 23 agressions sexuelles commises contre des aînés par un membre de la famille, lesquelles représentaient 1 % de l’ensemble des affaires de violence familiale envers les personnes âgées; 96 % de ces victimes âgées d’agression sexuelle étaient des femmes. Les données sur les tendances de 2009 à 2013 révèlent que le taux global d’agressions sexuelles commises envers les aînés par un membre de la famille a diminué de façon constante entre 2009 et 2012, étant passé de 0,6 à 0,3 pour 100 000 personnes âgées (-51 %). Toutefois, en 2013, le taux a augmenté (+47 % par rapport à 2012), retournant à 0,5 pour 100 000 personnes âgées.

Description du graphique 4.6

Peu d’affaires de violence familiale envers les aînés impliquent une arme

Dans une forte majorité des affaires (85 %), les auteurs de violence familiale envers une personne âgée ont utilisé la force physique (p. ex. étrangler, pousser, gifler, frapper à coups de poing) ou ont proféré des menaces (c.-à-d. verbalement ou par des gestes) à son endroit, au lieu d’utiliser une arme. C’était le cas pour les victimes âgées de sexe féminin et masculin. Dans l’ensemble, plus de la moitié (60 %) des aînés victimes de violence aux mains d’un membre de la famille en 2013 ont vu celui-ci recourir à la force physique et 24 %, proférer des menaces à leur endroit (tableau 4.5). Comparativement aux personnes âgées, les adultes plus jeunesNote 5 victimes de violence familiale étaient plus susceptibles de voir quelqu’un recourir à la force physique contre eux (68 %) et moins susceptibles de subir des menaces (16 %).

Une arme était impliquée dans moins de 1 affaire de violence familiale sur 6 envers des victimes âgées. Toutefois, lorsqu’une arme était présente, c’était rarement une arme à feu (1 %). Les armes les plus souvent en cause dans les affaires de violence familiale à l’endroit des personnes âgées étaient des couteaux, des objets contondants et d’autres armes.

La plupart des victimes âgées de violence familiale ne subissent pas de blessures corporelles

Les victimes âgées de violence familiale ont subi des blessures corporelles moins souvent que les victimes qui étaient des adultes plus jeunes. Selon les données déclarées par la police, parmi les personnes âgées victimes d’un crime commis par un membre de la famille, 61 % n’ont pas subi de blessures corporelles par suite de la violence envers elles, comparativement à 53 % des victimes adultes plus jeunes. Parmi la proportion de 39 % des aînés qui ont été blessés, la grande majorité ont subi des blessures mineures ne nécessitant pas ou presque pas de soins médicaux (p. ex. des premiers soins) (tableau 4.6). Ce résultat correspond aux données publiées antérieurement, selon lesquelles les trois quarts des affaires de violence familiale perpétrées contre des aînés consistent en la forme la moins grave de voies de fait ou en des menaces, et que la plupart des affaires ne mettent pas en cause une arme. Néanmoins, 3 % des victimes âgées (par rapport à 2 % des victimes adultes plus jeunes) ont subi des blessures corporelles graves ou sont décédées des suites de la violence familiale. Quant à la gravité des blessures subies, des proportions semblables ont été observées chez les femmes et les hommes victimes de violence familiale envers les aînés.

La majorité des affaires de violence familiale envers les aînés déclarées par la police entraînent des accusations

Ce ne sont pas tous les crimes qui sont portés à l’attention de la police. D’après une étude sur la victimisation autodéclarée chez les adultes de 55 ans et plus, les actes de violence commis à l’endroit des adultes de cette catégorie d’âge étaient plus susceptibles d’être signalés à la police que ne l’étaient les crimes violents perpétrés contre des victimes plus jeunes (15 à 54 ans). Ainsi, un peu moins de la moitié (46 %) des crimes violents dont ont été victimes les Canadiens plus âgés ont été signalés à la police, comparativement à 28 % des crimes violents envers les adultes plus jeunes (Brennan, 2012). Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les victimes âgées de violence familiale peuvent choisir de ne pas signaler leur victimisation à la police, notamment les suivantes : les victimes peuvent croire que la violence est de leur faute ou ne pas reconnaître une situation de violence; elles peuvent se sentir honteuses, embarrassées ou humiliées; elles peuvent craindre de subir des représailles si elles dénoncent la violence (p. ex. une aggravation de la violence, la perte de soutien financier, la perte de contacts avec des êtres chers); il se peut que les victimes ne sachent pas à qui s’adresser pour obtenir de l’aide (Emploi et Développement social Canada, 2011; Wahl et Purdy, 2010). Les données de l’Enquête sociale générale sur la victimisation révèlent que, parmi les victimes autodéclarées de violence âgées de 55 ans et plus, les raisons les plus souvent invoquées pour ne pas déclarer leur victimisation avec violence à la police étaient que l’incident a été réglé d’une autre façon; qu’elles ne pensaient pas que la police pouvait faire quoi que ce soit à ce sujet; que l’incident n’était pas assez important; ou qu’elles considéraient qu’il s’agissait d’une affaire personnelle (Brennan, 2012).

Lorsqu’une affaire de violence familiale envers une personne âgée est portée à l’attention de la police, elle est susceptible de mener à l’identification d’un auteur présumé et au dépôt d’accusations. En 2013, la police a classé 85 % des affaires de violence familiale envers les aînés (tableau 4.7).

Plus de la moitié (55 %) des affaires de violence familiale envers les aînés ont été classées par mise en accusation, ce qui signifie qu’au moins un auteur présumé a été identifié et qu’une accusation a été déposée, ou recommandée, contre cet individu. En outre, dans l’ensemble, les taux de classement étaient semblables pour les aînés et les adultes plus jeunes (85 % et 86 % respectivement), mais une proportion légèrement plus élevée (58 %) d’affaires de violence familiale envers les adultes non âgés ont donné lieu au dépôt ou à la recommandation d’accusations.

Parmi les victimes âgées de violence familiale, 30 % des affaires ont été classées par la police autrement que par le dépôt d’une accusation. Dans ces cas, bien qu’un auteur présumé ait été identifié et qu’il y ait suffisamment de preuves pour porter des accusations, l’affaire a été classée sans mise en accusation, notamment lorsque la victime âgée a demandé que des accusations ne soient pas portées contre le membre de sa famille (18 %) ou lorsque la police a exercé son pouvoir discrétionnaire (7 %).

Dans l’ensemble, le pourcentage total des affaires de violence familiale envers les aînés classées par la police était semblable chez les femmes âgées (84 %) et les hommes âgés (86 %). Le dépôt d’accusations était un peu plus fréquent dans les affaires où la victime était une femme âgée (57 %) comparativement à un homme âgé (51 %), tandis que les affaires commises envers les hommes âgés (35 %) ont plus souvent été classées sans mise en accusation que celles perpétrées contre des femmes âgées (27 %).

Les homicides dans la famille sur des personnes âgées demeurent rares

Il arrive dans de rares cas que des affaires de violence familiale se soldent par un homicide. Dans le cadre de l’Enquête sur les homicides, des renseignements détaillés sont recueillis sur les caractéristiques des homicides, des victimes et des auteurs présumés et, bien que les homicides perpétrés dans la famille sur des personnes âgées et les homicides en général soient relativement rares au Canada, les données tirées de cette enquête permettent d’examiner de plus près les tendances à long terme des taux d’homicides commis dans la famille sur des aînés et les facteurs qui motivent ces crimes.

En 2013, le taux global d’homicides dans la famille sur des aînés s’établissait à 3,2 pour 1 million de personnes de 65 ans et plus. De façon générale, le taux d’homicides dans la famille sur des aînés est à la baisse depuis 30 ans, sous réserve de certaines fluctuations annuelles. Ces fluctuations peuvent être prises en compte lorsqu’on examine les tendances des homicides dans la famille sur des aînés, en calculant le taux moyen d’homicides sur une plus longue période, comme une décennie. Par exemple, la moyenne sur une période de 10 ans des taux d’homicides dans la famille sur des aînés constatée pour la plus récente décennie (2004 à 2013) était de 15 % inférieure au taux moyen observé pour la période décennale précédente (1994 à 2003) et de 30 % inférieure à la moyenne décennale notée il y a 20 ans (1984 à 1993).

Lorsqu’on examine la tendance au fil du temps, on remarque que le taux d’homicides dans la famille sur des aînés est généralement à la baisse de façon plus marquée chez les hommes que chez les femmes (graphique 4.7). Encore une fois, lorsqu’on utilise une moyenne sur 10 ans, on constate que le taux d’homicides sur des hommes âgés aux mains d’un membre de la famille a reculé de 40 % par rapport au taux enregistré il y a 20 ans, alors que le taux correspondant chez les femmes âgées a régressé de 22 % pendant cette période.

De façon générale, le risque élevé de violence familiale auquel sont généralement exposées les femmes âgées comparativement aux hommes âgés semble également correspondre à un risque accru d’être victimes d’un homicide dans la famille. Au cours des 30 dernières années, le taux d’homicides aux mains d’un membre de la famille a un peu plus reculé chez les hommes âgés et, dans la plupart des cas, ces derniers étaient moins susceptibles que les femmes âgées d’être tués par un membre de la famille. Toutefois, en 2013, les hommes âgés ont enregistré un taux d’homicides dans la famille (4,1 pour 1 million) qui était près de deux fois supérieur à celui observé chez les femmes âgées (2,5 pour 1 million).

Description du graphique 4.7

Dans près de la moitié des homicides dans la famille sur des aînés, l’auteur était l’enfant de la victime

Pour ce qui est des auteurs de violence familiale envers les aînés, les tendances observées à l’égard des formes moins extrêmes de violence s’appliquent généralement aux actes de violence familiale qui entraînent la mort. Les victimes âgées d’un homicide dans la famille étaient surtout susceptibles d’avoir été tuées par leurs enfants adultes. Entre 2003 et 2013, un enfant adulte de la victime a été identifié comme l’auteur de l’acte dans près de la moitié (47 %) des homicides dans la famille sur des aînés. Par comparaison, la majorité (58 %) des adultes plus jeunes qui ont été victimes d’un homicide dans la famille ont été tués par leur conjoint actuel ou un ex-conjointNote 6. Dans les homicides commis dans la famille sur des personnes âgées, le conjoint actuel ou un ex-conjoint était le deuxième auteur présumé en importance, représentant 33 % des auteurs d'homicides.

Les hommes âgés qui ont été tués par un membre de leur famille étaient particulièrement susceptibles d’être morts aux mains de leur enfant, les enfants adultes représentant 72 % des auteurs présumés (tableau 4.8). Toutefois, parmi les femmes âgées victimes d’un homicide dans la famille, la plus forte proportion ont été tuées par leur conjoint marié ou leur conjoint de fait (46 %), suivi de leur enfant (33 %).

Les disputes et les sentiments de frustration, de colère ou de désespoir sont souvent des facteurs déclencheurs des homicides dans la famille sur des aînés

Dans la plupart des affaires d’homicide dans la famille sur des personnes âgées, le mobile principal est connu, ou il y a de fortes indications quant au mobile sous-jacent. Selon les dossiers de la police, des sentiments de frustration, de colère ou de désespoir chez l’auteur présumé ont mené à 33 % de ces homicides et près du tiers (31 %) ont découlé d’une dispute ou d’une querelle. Les affaires sans mobile apparent, notamment celles dans lesquelles des maladies mentales ou la démence étaient en cause, représentaient moins de 1 homicide sur 5 dans la famille sur une personne âgée (tableau 4.9).

Les mobiles des homicides dans la famille sur des aînés diffèrent quelque peu selon le sexe de la victime. Les homicides dans la famille motivés par la frustration, la colère ou le désespoir étaient plus fréquents chez les femmes âgées, ayant été à l’origine de 42 % des affaires (par rapport à 18 % de celles dont ont été victimes des hommes âgés). Toutefois, les disputes étaient la cause la plus fréquente des homicides dans la famille sur des hommes âgés, ayant été à l’origine de près de la moitié (45 %) de ces homicides; cette proportion était près du double de celle enregistrée chez les femmes âgées (24 %).

De plus, les homicides dans la famille sur des personnes âgées qui ont été classés dans la catégorie « Euthanasie ou suicide assisté » étaient plus fréquents chez les femmes âgées (8 %) que chez les hommes âgés (2 %). De même, la proportion des homicides dans la famille sans mobile apparent était plus élevée chez les hommes âgés (21 %) que chez les femmes âgées (14 %).

Résumé

Selon les données déclarées par la police, les personnes âgées étaient proportionnellement moins nombreuses à être victimes de violence familiale en 2013 que les adultes plus jeunes, une tendance appuyée par des résultats déjà obtenus. De même, les constatations actuelles indiquent également que l’âge, le sexe et l’emplacement géographique demeurent des facteurs pertinents associés à la violence familiale envers les personnes âgées. Les aînés plus jeunes étaient plus susceptibles d’être victimes de violence familiale que les aînés plus âgés, tandis que les femmes âgées étaient plus à risque de subir ce type de violence que les hommes âgés.

Sur le plan des variations géographiques, les taux de violence familiale envers les aînés demeuraient les plus élevés dans les territoires en 2013, tandis que, parmi les provinces, ce sont le Nouveau-Brunswick, l’Alberta et la Saskatchewan qui ont enregistré les plus forts taux. Pour ce qui est des RMR et des régions autres que les RMR au Canada, le risque de victimisation dans la famille chez les personnes âgées était généralement supérieur pour celles qui vivent dans des régions autres que les RMR.

Tout comme les années précédentes, les actes de violence familiale à l’endroit des aînés de sexe féminin et masculin étaient les plus souvent perpétrés par les enfants adultes des victimes. Toutefois, les femmes âgées étaient plus susceptibles que les hommes âgés d’être victimes de violence aux mains de leur conjoint. Les crimes violents envers un aîné commis par un membre de la famille consistaient généralement en des voies de fait simples. Une arme était rarement présente sur les lieux des affaires de violence familiale envers les personnes âgées. En revanche, la force physique et les menaces étaient le plus souvent utilisées contre des victimes âgées. La violence familiale envers les aînés qui dégénère en homicide demeure rare.

Tableaux de données détaillés

Références

BRENNAN, Shannon. 2013. « La violence familiale envers les personnes âgées », La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2011, produit no 85-002-X au catalogue de Statistique Canada.

BRENNAN, Shannon. 2012. « La victimisation chez les Canadiens âgés, 2009 », Juristat, produit no 85-002-X au catalogue de Statistique Canada.

BROWNELL, Patricia, et Elizabeth PODNIEKS. 2005. « Long-overdue recognition for the critical issue of elder abuse and neglect: A global policy and practice perspective », Brief Treatment and Crisis Intervention, vol. 5, no 2, p. 187 à 191 http://btci.edina.clockss.org/cgi/reprint/5/2/187.pdf (site consulté le 18 janvier 2014).

CHAPPELL, Neena L., et autres. 2003. Aging in Contemporary Canada, Toronto, Prentice Hall.

Comité permanent de la condition féminine. 2012. Rapport du Comité permanent de la condition féminine : Les mauvais traitements envers les femmes âgées, 3e rapport, 41e législature, 1re session http://www.parl.gc.ca.

Conseil national des aînés. 2007. Rapport du Conseil national des aînés sur les mauvais traitements envers les aînés, produit no 978-0-662-07705-3 au catalogue http://www.conseildesaines.gc.ca/fra/recherche_publications/traitements_aines/2007/hs4_38/page00.shtml (site consulté le 18 janvier 2014).

EDWARDS, Peggy. 2011. Mauvais traitements envers les aînés au Canada : Analyse comparative entre les sexes, produit no HP10-21/2012F-PDF au catalogue de l’Agence de la santé publique du Canada
http://publications.gc.ca/collections/collection_2012/aspc-phac/HP10-21-2012-fra.pdf (site consulté le 18 janvier 2014).

Emploi et Développement social Canada. 2011. Projets pancanadiens : Modules sur les mauvais traitements envers les aînés http://www.rhdcc.gc.ca/fra/aines/financement/pancanadiens/mauvais_traitements_aines.shtml (site consulté le 18 janvier 2014).

LAUMANN, Edward O., Sara A. LEITSCH et Linda J. WAITE. 2008. « Elder mistreatment in the United States: Prevalence estimates from a nationally representative study », Journal of Gerontology: Social Sciences, vol. 63, no 4, p. S248 à S254.

MCDONALD, Lynn, et April COLLINS. 2000. Mauvais traitements et négligence à l’égard des aînés : document de travail, Santé Canada, produit no H72-21/162-1998F au catalogue du Centre national d’information sur la violence dans la famille http://publications.gc.ca/collections/Collection/H88-3-30-2001/pdfs/violence/abuse_f.pdf (site consulté le 16 janvier 2014).

PERREAULT, Samuel, et Shannon BRENNAN. 2010. « La victimisation criminelle au Canada, 2009 », Juristat, vol. 30, no 2, produit no 85-002-X au catalogue de Statistique Canada.

SINHA, Maire. 2013. « La violence entre partenaires intimes — La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2011 », Juristat, produit no 85-002-X au catalogue de Statistique Canada.

SINHA, Maire. 2012. « La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2010 », Juristat, produit no 85-002-X au catalogue de Statistique Canada.

Statistique Canada. 2012a. La situation des personnes âgées dans les ménages, produit no 98-312-X2011003 au catalogue
http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2011/as-sa/98-312-x/98-312-x2011003_4-fra.pdf (site consulté le 24 janvier 2013).

Statistique Canada. 2012b. La population canadienne en 2011 : âge et sexe, produit no 98-311-X2011001 au catalogue
http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2011/as-sa/98-311-x/98-311-x2011001-fra.cfm#a2 (site consulté le 24 janvier 2013).

Statistique Canada. 2010. Projections démographiques pour le Canada, les provinces et les territoires, 2009 à 2036, produit no 91-520-X au catalogue http://www.statcan.gc.ca/pub/91-520-x/91-520-x2010001-fra.htm (site consulté le 18 décembre 2013).

WAHL, Judith, et Sheila PURDY. 2010. Maltraiter une personne âgée : Le crime caché, Toronto, Ontario, Advocacy Centre for the Elderly (ACE) et Éducation juridique communautaire Ontario (CLEO), http://www.cleo.on.ca/fr/publications/elderabfr (site consulté le 16 janvier 2014).

Notes

Date de modification :