L'évolution de la gravité des infractions au cours de la carrière délinquante

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Les indications découlant de la recherche sur l'évolution de la gravité des infractions au cours de la carrière délinquante ou criminelle sont mixtes. Selon certaines recherches, il y aurait augmentation de la gravité, ou intensification, alors que d'autres ont fait état d'une diminution. Toutefois, la majorité des études ont laissé entendre que la gravité des infractions commises a tendance à être relativement stable pendant la carrière (Piquero, Farrington et Blumstein, 2003, p. 387, 388 et 452; Kyvsgaard, 2003, p. 173 et 174). La tendance de la gravité des infractions au cours de la carrière n'est pas nécessairement monotone : au moins une étude a fait ressortir une courbe U inversée dans les carrières plus longues, la gravité des infractions s'accroissant au début de la carrière puis décroissant plus tard dans la carrière (Kyvsgaard, 2003, p. 177). Des recherches canadiennes antérieures fondées sur des données des tribunaux n'ont révélé « aucune tendance prononcée à l'intensification, à la stabilité ou à la diminution », 41 % des carrières devant les tribunaux étant caractérisées par une diminution, 31 %, par une intensification et 28 %, par une stabilité (Carrington, Matarazzo et deSouza, 2005, p. 39).

Une façon simple d'étudier l'évolution de la gravité durant la carrière consiste à comparer les infractions présumées les plus graves dans les première et dernière affaires de la carrière. Dans le tableau 8, les affaires sont classées selon six niveaux de gravité, allant des moins graves — celles dont l'infraction la plus grave est une autre infraction sommaire ou mixte — aux plus graves — celles dont l'infraction la plus grave est un acte criminel contre la personne. Seules les affaires substantielles1 sont incluses dans l'analyse, et seuls les auteurs présumés comptant au moins deux affaires substantielles durant leur carrière sont inclus. Les carrières sont regroupées au tableau 8 selon l'infraction la plus grave dans la première affaire substantielle de la carrière (dans les rangées du tableau), et selon que l'infraction la plus grave dans la dernière affaire est plus grave que la première (intensification), au même niveau de gravité que la première (stabilité) ou moins grave (diminution). La dernière rangée (Nombre total) pour chaque cohorte de naissance fait ressortir un nombre considérable de carrières qui affichent chacune des trois tendances. Dans l'ensemble, la stabilité est la tendance la plus courante dans les deux cohortes, suivie de la diminution, puis de l'intensification. Les chiffres relatifs aux carrières marquées par une intensification et une diminution sont très semblables. Par conséquent, il n'y a nettement pas de tendance globale vers l'intensification ou la diminution.

Tableau 8 Évolution de la gravité des infractions, de la première à la dernière infraction substantielle consignée, selon la cohorte de naissance. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 8
Évolution de la gravité des infractions, de la première à la dernière infraction substantielle consignée, selon la cohorte de naissance

L'analyse du tableau 8 est limitée par deux facteurs. Le premier est la mesure relativement rudimentaire de la gravité, qui comporte seulement six niveaux, l'ordre dans lequel ceux-ci apparaissent étant fondé uniquement sur l'intuition plutôt que sur des données empiriques. Le deuxième facteur tient à ce que seules les première et dernière affaires (substantielles) sont incluses, ce qui ne permet pas de dégager des tendances plus complexes autres qu'une simple intensification, diminution ou stabilité. Ces deux contraintes sont surmontées à la figure 39, où  l'ordre dans lequel l'affaire se situe dans la carrière délinquante (la première affaire substantielle dans la carrière, la deuxième affaire substantielle, etc.) est représenté sur l'axe des x pour toutes les affaires dans la carrière. L'axe des y indique le score moyen de gravité des infractions substantielles les plus graves consignées dans toutes les affaires selon leur ordre : première, deuxième, etc2. Dans ce tableau, la gravité est mesurée selon l'échelle mise au point par le Centre canadien de la statistique juridique pour classer les infractions criminelles selon leur gravité3.

Figure 39 Gravité moyenne de chaque affaire substantielle dans la carrière, selon la cohorte. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Figure 39
Gravité moyenne de chaque affaire substantielle dans la carrière, selon la cohorte

La figure 39 ne révèle aucune tendance à l'intensification. En effet, la gravité moyenne des affaires substantielles fluctue autour de 62 pour les deux cohortes, sans aucune tendance évidente à la hausse ou à la baisse au fur et à mesure qu'augmente le nombre d'affaires dans la carrière. Lorsqu'on opère une régression du score de gravité sur le nombre d'affaires, la pente de la régression pour les auteurs présumés nés en 1987 est faible et statistiquement non significative (b = 0,035, erreur type = 0,042, p = 0,40), c'est-à-dire ni significativement positive (indiquant une intensification) ni significativement négative (indiquant une diminution). Pour les auteurs présumés nés en 1990, la pente de la régression est négative et statistiquement significative (b = -0,295, erreur type = 0,054, p < 0,001), c'est-à-dire qu'il y a une tendance générale à la diminution.

Un examen visuel du graphique pour la cohorte de 1987 révèle une courbe en U, avec une diminution dans le cas des premières affaires durant la carrière (jusqu'à la 14e affaire), suivie d'une intensification. Cette constatation est confirmée lorsqu'on opère des régressions distinctes sur les 14 premiers points et du 14e point au 25e point. En ce qui concerne la cohorte de 1987, la pente est négative et statistiquement significative (b = -0,25, erreur type = 0,09, p = 0,017) pour les 14 premiers points, et elle est positive et statistiquement significative (b = 0,30, erreur type = 0,05, p < 0,001) du 14e point au 25e point. Les valeurs absolues des deux pentes sont à peu près égales, et à peu près égales à la valeur absolue de la pente de régression pour les 18 premiers points dans le cas de la cohorte de 1990. Il se peut fort bien que la diminution générale constatée chez les auteurs présumés de la cohorte de 1990 soit attribuable à la limite fixée à la 18e affaire, et qu'on obtienne une forme en U en prolongeant la courbe jusqu'à la 25e affaire. Dans le cas des auteurs nés en 1987, la diminution suivie d'une intensification de la gravité concorde en partie avec les résultats obtenus par Kyvsgaard (2003, p. 177), qui étaient fondés sur une analyse des carrières de différentes durées séparément. L'auteure avait aussi constaté une diminution dans les carrières comportant peu d'affaires, mais elle avait obtenu une courbe U inversée pour les carrières comptant de multiples affaires.


Note

  1. Les infractions substantielles désignent toutes les infractions sauf les infractions contre l'administration de la justice, dont les plus courantes sont les manquements aux conditions de la probation ou de la liberté sous caution, et le défaut de comparaître en cour. D'autres infractions contre l'administration de la justice qui sont beaucoup moins courantes comprennent le bris de prison, l'évasion d'une garde légale et d'autres infractions très peu fréquentes. Voir le tableau A.1 de l'annexe pour obtenir une répartition détaillée des infractions imputées aux membres de la population étudiée.
  2. En raison des petits chiffres, seules les 18 premières infractions substantielles dans la carrière sont indiquées pour les auteurs présumés nés en 1990. Pour la même raison, la 26e et toutes les affaires substantielles subséquentes sont agrégées pour les auteurs présumés nés en 1987.
  3. Elle est fondée sur la durée moyenne des peines d'incarcération imposées relativement à des condamnations prononcées entre 1994 à 1995 et 2000 à 2001 par les tribunaux de juridiction criminelle (Robinson, 2004, p. 11). Sa valeur est inversement liée à la gravité de l'infraction, et elle varie entre 1 pour le meurtre au premier degré et 112 pour les infractions à d'autres lois fédérales. Il s'agit d'une échelle ordinale (ordonnée) qui, en toute rigueur, ne devrait pas être utilisée dans les analyses fondées sur des opérations arithmétiques comme le calcul de la moyenne. Toutefois, le recours à des échelles de gravité ordinales de ce genre dans les analyses utilisant des moyennes est courant dans les recherches sur l'intensification des carrières (p. ex. Kyvsgaard, 2003, chapitre 13).