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Perspectives et mesures de l'urbain

Perspectives et mesures de l'urbain

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Henry A. Puderer, Projets spéciaux, Division de la géographie, Statistique Canada

Introduction
Différentes perspectives et mesures
Comment choisir
Conclusion

Introduction

Le terme « urbain » est couramment utilisé, et les gens en saisissent intuitivement le sens – une région se caractérisant par une concentration démographique à forte densité de la population. Le terme contraire, « rural », correspond à une population dispersée et de faible densité.

Cette perspective intuitive pose déjà les deux pôles de ce qui constitue en fin de compte un continuum. Par contre, il ne suffira sans doute pas de se fonder sur la simple intuition si l'on veut segmenter ce continuum. Où commence l'urbain et où commence le rural? Ces deux concepts comportent-ils différents degrés? Existe-t-il quelque chose, une transition quelconque, se situant entre l'urbain et le rural?

La perception de ce continuum à un moment particulier dépend de l'expérience et des besoins de chaque personne. Une perspective peut consister à associer le concept d'« urbain » à de vastes régions métropolitaines, tandis qu'une autre le rattachera à des villes ou cités. Selon des conceptions plus complexes, le continuum urbain-rural, ou continuum du peuplement, se subdivisera en de multiples éléments désignés au moyen de différents termes : région métropolitaine, grand centre urbain, petit centre urbain, hameau, localité, région rurale, rural agricole, rural non agricole, et région éloignée.

Considérant toutes ces variations, existe-t-il un moyen idéal, ou du moins un moyen à préconiser, pour faire la distinction entre urbain et rural? En un mot, la réponse est non. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise perspective. Tout dépend plutôt de l'objet de l'analyse et de la meilleure manière d'organiser le processus d'évaluation.

En l'absence d'une perspective unique et universellement reconnue pour envisager le continuum urbain-rural, comment un organisme statistique doit-il procéder dans l'optique de l'intérêt national? Statistique Canada a recours à différentes approches de mesure de l'urbain et du rural. On dispose ainsi d'une plate-forme adaptable qui permet de formuler diverses définitions du continuum urbain-rural en fonction des exigences analytiques associées à la question étudiée. Le présent article passe en revue certaines des approches et mesures auxquelles a recours Statistique Canada, de manière à aider les utilisateurs lorsqu'ils doivent évaluer le « paysage » urbain et rural canadien ainsi que les questions qui s'y rattachent.

Différentes perspectives et mesures

La perspective « administrative »

À l'instar de nombreux autres pays, le Canada compte des municipalités constituées pour exercer une gouvernance et gérer la prestation des services locaux. Les services et les niveaux de service variés qui sont requis à l'échelon local ont conduit à la constitution de différents genres de municipalités, notamment des villes, des cités, des villages, des hameaux, des cantons, des municipalités rurales et bien d'autres encore. Lors du Recensement de 2006, on distinguait 55 genres de municipalités (voir Pour plus d'information sur Subdivision de recensement (SDR)).

Même si ce n'était pas le but visé, l'ensemble de ces genres de municipalités en est venu à adopter un ordonnancement naturel qui reflète le continuum urbain-rural. Cela a amené beaucoup de Canadiennes et de Canadiens à percevoir une dichotomie implicite entre urbain et rural d'après les genres de municipalités.

Au début des années 1900, il existait une démarcation claire entre urbain et rural. Le terme « urbain » correspondait aux villes, cités et aux villages, peu importe leur taille, tandis que le terme « rural » englobait tout le reste. Cette perception était le fait d'une époque où « aller en ville » signifiait atteler un cheval à une voiture et se rendre dans la ville, la cité ou le village le plus proche afin d'acheter des provisions.

Jusque dans les années 1950, Statistique Canada définissait explicitement le concept d'« urbain » dans le cadre du recensement national en fonction de trois genres de municipalités (villes, cités et villages). Tous les autres genres étaient considérés comme ruraux. Cette approche toute simple concordait avec le point de vue voulant que les distinctions entre urbain et rural soient reflétées dans l'organisation des municipalités et le genre auquel elles appartenaient.

L'utilisation croissante de l'automobile a fait en sorte que la distinction entre les genres de municipalités urbaines et rurales a perdu de sa clarté, et le développement urbain en est venu à déborder les limites municipales des villes et des cités. Il était possible de ne pas s'arrêter au village le plus proche mais de continuer jusqu'à la ville, plus grande, où l'on pouvait trouver un plus vaste choix de biens et de services. Le caractère « urbain » des villes et des villages de plus petite taille était remis en question. La distinction claire associée précédemment aux genres de municipalités n'opérait plus, et la perspective administrative de l'urbain et du rural était de moins en moins pertinente aux fins de décrire adéquatement le paysage canadien.

Statistique Canada n'a plus recours explicitement aux genres de municipalités pour décrire le continuum urbain-rural. Cela dit, on dispose de l'information requise pour segmenter ce continuum à différents degrés de détail, selon les besoins analytiques de l'utilisateur.

La perspective « basée sur la forme »

Lorsque nous évoquons la perspective basée sur la forme, nous parlons de la forme physique, c'est-à-dire ce qui est observable sur le terrain. Les attributs associés à la forme physique comprennent la concentration démographique, la densité de la population et l'utilisation du sol. (p. ex. résidentiel, commercial ou industriel, aménagement de réseaux de transport, agriculture ou espace libre). Les valeurs de ces attributs à l'un et l'autre pôles du continuum sont censées être diamétralement opposées. Le pôle « urbain » se caractérise par une concentration démographique élevée, une forte densité de la population, un développement intensif en matière de transports, l'utilisation du sol à des fins résidentielles, commerciales et industrielles, et une absence totale ou quasi-totale d'agriculture et d'espace libre; en outre, l'utilisation du sol est pour l'essentiel bien établie, et peu de changements sont possibles. Ce sera l'inverse lorsque l'on arrivera au pôle « rural ».

La perspective fondée sur la forme a commencé à se répandre après la Deuxième Guerre mondiale, en raison entre autres des limites associées à la perspective administrative. Des aspects propres à cette perspective ont été incorporés peu à peu à l'approche administrative au cours des années 1950 et 1960.

À compter des années 1970, Statistique Canada n'incorporait plus de considérations administratives à la définition du concept d'« urbain ». C'est à cette époque que l'on a mis de l'avant une approche statistique fondée exclusivement sur la forme. En gros, conformément à cette méthodologie, une région est considérée comme étant urbaine si la concentration démographique y est d'au moins 1 000 habitants et la densité de la population, d'au moins 400 habitants au kilomètre carré. Toutes les autres régions sont réputées être des régions rurales. Des changements progressifs surviennent lors de chaque recensement : des régions qui atteignent les seuils de densité fixés sont incorporées aux régions urbaines existantes, ou de nouvelles régions urbaines sont créées lorsque les critères sont remplis.

Statistique Canada continue de produire une mesure des régions urbaines au moyen d'une méthodologie fondée sur la perspective de la forme du continuum urbain-rural aux fins de la diffusion des données de recensement, dans le cadre du programme des régions urbaines. Pour la plus grande partie, cette méthodologie est demeurée stable depuis qu'on a commencé à l'utiliser, lors du Recensement de 1971. L'utilisateur dispose donc d'une information cohérente se prêtant à des analyses longitudinales, et il a la latitude nécessaire pour établir des seuils afin de structurer le continuum en fonction de ses besoins. Le tableau qui suit montre comment ces régions urbaines peuvent être classées en groupes de taille de la population aux fins d'analyser le continuum urbain-rural. Ceci a pour conséquence que les utilisateurs peuvent utiliser différents seuils pour définir la population urbaine pour leurs analyses.  Par exemple, les régions ayant plus de 100 000 de population représentent 59% de la population canadienne, tandis que les régions avec plus de 50 000 de population représentent 64,2% de la population. La possibilité de fixer différents seuils est un élément important, étant donné les différentes perspectives possibles en ce qui touche la démarcation entre urbain et rural, le point de démarcation étant imprécis. De ce fait, bien que Statistique Canada ait constamment utilisé le seuil des 1 000 habitants pour maintenir un point de référence de base à l'égard des régions urbaines, de nombreux utilisateurs modifient ce seuil et procèdent à une nouvelle compilation des données de recensement, de manière à les rendre plus conformes à leurs besoins ou à mettre à l'essai leurs points de vue concernant le concept d'« urbain » ou d'autres aspects du continuum urbain-rural.

Les signes conventionnels utilisés dans les tableaux
Tableau
Exemple de groupes de taille de population choisis, régions urbaines, Recensement de 2006 
  Population Nombre de régions urbaines
Total % de la population urbaine totale % de la population canadienne % du total cumulatif
de la population canadienne
Nombre de régions urbaines % du nombre total de régions urbaines
Groupes de taille de population  
1 000 000 et plus 10 022 987 39,5 31,7 31.7 3 0,3
500 000 à 999 999 4 660 213 18,4 14,7 46.4 6 0,7
100 000 à 499 999 3 973 453 15,7 12,6 59.0 20 2,2
50 000 à 99 999 1 653 109 6,5 5,2 64.2 23 2,6
10 000 à 49 999 2 760 072 10,9 8,7 72.9 131 14,6
5 000 à 9 999 960 734 3,8 3,1 76.0 136 15,2
2 500 à 4 999 695 905 2,7 2,2 78.2 198 22,1
1 000 à 2 499 624 270 2,5 2,0 80.2 378 42,2
Total, autres régions 6 262 154 ... 19,8 ... ... ...
Total 31 612 897 ... 100,0 ... ... ...

La perspective « fonctionnelle »

La perspective fonctionnelle est plus abstraite que celle basée sur la forme en ce sens que l'on ne peut délimiter aussi facilement les peuplements; de plus, il est possible de regrouper des régions dont certaines seraient considérées comme urbaines et d'autres, comme rurales selon la perspective de la forme. La perspective fonctionnelle repose sur l'établissement de liens entre l'endroit où une personne vit et l'endroit où elle travaille, où elle magasine, où elle obtient des soins de santé, où elle mène des activités récréatives – ce que l'on pourrait appeler la zone d'activité de la personne. L'agrégation des zones d'activité de nombreuses personnes permet de définir une région socialement et économiquement intégrée, soit une zone, ou région, « fonctionnelle ».

Une région urbaine fonctionnelle comprendra un noyau urbain central et des régions périphériques hautement intégrées qui peuvent s'étendre au-delà d'une seule municipalité et qui, souvent, englobent plus d'une région constituée adjacente. De façon générale, plus le noyau urbain central est étendu, plus il influera sur les régions périphériques et plus la région fonctionnelle sera vaste.

Dans la pratique, la perspective fonctionnelle est utilisée dans de nombreux pays, dont le Canada, afin de définir les régions métropolitaines ou les grands centres urbains. Pour mesurer l'interaction entre les régions périphériques et le noyau urbain central ainsi que l'intensité de cette interaction, on utilise la relation entre l'endroit où une personne réside et celui où elle travaille. Dans ce contexte, la région fonctionnelle est considérée comme étant le principal marché du travail de ces grands centres urbains.

Au Canada, cette approche est utilisée depuis les années 1970 pour définir les grands et les petits centres urbains fonctionnels, appelés respectivement régions métropolitaines de recensement (RMR) et agglomérations de recensement (AR). Une RMR comprend un noyau d'au moins 50 000 habitants, tandis qu'une AR a un noyau d'au moins 10 000 habitants (voir Pour plus d'information sur Région métropolitaine de recensement (RMR) et agglomération de recensement (AR)).

Perspectives combinées

De même que les questions sociales, économiques et démographiques, le paysage urbain-rural est complexe et diversifié. Lorsque l'on étudie de telles questions, il est courant de procéder à un recoupement de différentes mesures socio-économiques afin de mieux comprendre la situation et de l'envisager selon une meilleure perspective, au lieu de s'en remettre à une seule mesure. Cette approche n'est pas aussi fréquemment utilisée dans le cas de concepts géographiques. Néanmoins, on peut présenter des exemples où différentes perspectives ont été combinées. Cela revient au fond à procéder à un recoupement de concepts géographiques.

Les données de recensement diffusées en fournissent différents exemples. Il y a des tableaux qui recoupent des régions urbaines avec des municipalités, ou encore des régions urbaines avec des RMR et des AR. D'ailleurs, dans ce dernier cas, on fournit souvent des données plus précises au niveau des régions urbaines et rurales à l'intérieur des RMR/AR afin de mettre en lumière les différences : noyau urbain – la région urbaine centrale d'une RMR ou d'une AR; banlieue urbaine – la région urbaine située à l'extérieur du noyau mais à l'intérieur de la RMR ou de l'AR; banlieue rurale – les régions rurales à l'intérieur de la RMR ou de l'AR.

L'une des combinaisons les plus récentes repose sur l'utilisation des zones d'influence des régions métropolitaines de recensement et des agglomérations de recensement (ZIM). Ces ZIM, qui découlent du concept de RMR/AR, ont pour objet de mieux exposer l'influence que l'accessibilité à une région métropolitaine exerce sur les régions non métropolitaines. Statistique Canada a combiné la classification des ZIM et le concept de RMR/AR pour produire la Classification des secteurs statistiques, qui a fait l'objet d'un recoupement avec les régions urbaines et rurales afin de désagréger encore plus le continuum urbain-rural. À ce sujet, on peut se reporter aux Faits saillants en tableaux du Recensement de 2006, aux Chiffres de population et des logements, à la Classification des secteurs statistiques (CSS), ou encore au document de travail intitulé Les facteurs stimulant l'économie rurale canadienne, Ray D. Bollman, Série de documents de travail sur l'agriculture et le milieu rural, le 13 février 2007 (21-601-MIF2007083).

Comment choisir

Ainsi que cela a été mentionné dans l'introduction, il n'y a pas de bon ou de mauvais choix, et on ne saurait recommander une perspective en particulier. Cela dit, il est possible de formuler quelques conseils.

Si l'objectif visé consiste à examiner des questions économiques générales rattachées aux grands centres urbains, les RMR représentent un point de départ logique, puisque la perspective fonctionnelle permet de disposer d'un cadre se prêtant à des comparaisons à l'échelle nationale et définit des régions fonctionnelles qui ne sont pas cantonnées à une seule municipalité. Les RMR constituent aussi l'unité géographique qui convient pour la diffusion des résultats des enquêtes sur la population active et des statistiques sur le logement établies par la Société canadienne d'hypothèques et de logement, ainsi que pour la publication de différents périodiques commerciaux qui reflètent la perspective d'une économie de marché.

Si l'on veut mettre l'accent sur des municipalités données, la perspective administrative constitue probablement le choix logique. Ce sera souvent le cas si l'on veut disposer de statistiques comparatives afin de mesurer les résultats d'une municipalité particulière. Il sera possible, pour y arriver, de choisir des genres de municipalités similaires – d'autres villes et cités. On pourra accroître la comparabilité en choisissant à l'intérieur d'un genre donné des municipalités présentant des similitudes entre elles en ce qui touche la taille de la population, la répartition de la population entre régions urbaines et rurales, le fait que la municipalité fasse partie ou non d'une RMR/AR ou le degré d'influence qu'exerce la RMR/AR (c'est-à-dire les zones d'influence des régions métropolitaines de recensement et des agglomérations de recensement).

Lorsque l'examen porte sur les peuplements plus petits (p. ex., moins de 10 000 habitants), il peut convenir de le situer à l'échelon inframunicipal. Cette approche permet de modifier les seuils et offre un autre moyen de composer avec l'imprécision entourant le point de démarcation entre urbain et rural. Cela pourrait aussi constituer le choix approprié s'il faut procéder à des comparaisons longitudinales pour faire le suivi des variations de la population ou de la consommation au niveau de la superficie des terres. Si l'on veut adopter une perspective plus contextuelle, par exemple sous l'angle de l'accès à une RMR ou à une AR, il est possible d'adopter une approche reposant sur des perspectives combinées.

Conclusion

Bien qu'il n'existe pas de mesures universellement acceptées de l'urbain, Statistique Canada a utilisé une définition qui est basée sur des critères de densité de la population et de concentration démographique. L'avantage principal d'utiliser systématiquement la même définition est d'assurer la continuité historique des analyses du changement dans les regroupements de population. Cependant, cette mesure n'est pas destinée à fournir une vue définitive de l'urbain. En effet, avec l'évolution de la société canadienne, d'autres points de vue peuvent être plus adéquats pour certains utilisateurs.

En l'absence d'une perspective du continuum urbain-rural qui puisse répondre à tous les besoins, Statistique Canada a cherché à ce que les utilisateurs disposent de choix variés pour définir la dichotomie entre urbain et rural ou pour déterminer un continuum urbain-rural adapté à leurs besoins analytiques et stratégiques particuliers. Les choix disponibles fournissent une souplesse considérable et les utilisateurs sont incités à définir leur propre construction de l'urbain pour servir leurs propres besoins analytiques. Les utilisateurs peuvent communiquer au besoin avec le bureau régional de Statistique Canada le plus près pour obtenir des précisions ou des conseils additionnels sur les données qui sont disponibles ou qui pourraient être produites.

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