Hé-coutez bien! Épisode 4 - Les gagnants et les perdants de l'économie à la demande

Date de diffusion : le 7 janvier 2022

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN: 2816-2269

Hé-coutez bien balados

Le quatrième épisode d'Hé-coutez bien! porte sur le marché florissant des petits boulots et de leur place dans un contexte d'emploi changeant de flexibilité et d'instabilité. Quels sont les avantages et les inconvénients socioéconomiques d'être un travailleur à la demande et quelle incidence la COVID-19 a-t-elle sur eux? De plus en plus de gens travaillent de la maison et la structure d'une journée de travail change en raison de la pandémie, alors comment ces changements seront-ils traduits dans l'économie canadienne à l'avenir? Paul Glavin, professeur agrégé de sociologie à l'Université McMaster, parle de l'incidence et de l'essor des travailleurs à la demande au pays ainsi que des libertés et des limites qui se présentent à eux.

Animatrice

Alexandra Bassa

Invité

Paul Glavin, professeur de sociologie à l'Université McMaster

Écoutez

Hé-coutez bien! Épisode 4 - Les gagnants et les perdants de l'économie à la demande - Transcript

Vous êtes à l'écoute de Hé-coutez bien!, un balado de Statistique Canada où nous faisons la connaissance des personnes derrière les données et découvrons les histoires qu'elles révèlent. Je suis votre animatrice Alexandra.

Alexandra Bassa : Avez-vous déjà entendu parler de l'économie à la demande?

Si vous avez déjà utilisé un service de covoiturage comme Uber ou Lyft ou encore si vous avez déjà embauché un pigiste par l'entremise d'une plateforme en ligne, vous avez participé à l'économie à la demande et avez embauché un travailleur autonome.

Les emplois à la demande sont des emplois rémunérés qui n'entrent pas dans le cadre de la relation traditionnelle employeur-employé. Le travail à la demande peut consister à compléter de petites tâches, comme des corvées ou des courses, ou des contrats à court-terme ou à long terme. Certains travailleurs indépendants font partie de l'économie à la demande ainsi que les travailleurs sur demande qui sont généralement engagés pour des tâches spécifiques à travers des plateformes en ligne, comme Uber ou TaskRabbit.

L'économie des plateformes est l'une des branches de l'économie à la demande. Pour en savoir plus, nous avons parlé à Paul Glavin.

Paul Glavin : Je suis le Dr Paul Glavin, professeur agrégé de sociologie à l'Université McMaster.

Alexandra Bassa : Comment définiriez-vous l'économie des plateformes?

Paul Glavin : Eh bien, dans son sens le plus large, l'économie des plateformes est l'activité économique qui est réalisée par l'intermédiaire d'une plateforme, qui est généralement une plateforme en ligne, mais je dirais que le secteur de l'économie auquel on porte le plus d'attention en ce moment est les plateformes de travail numériques qui sont [...] qui permettent de jumeler des clients d'un service en particulier à un bassin de travailleurs disponibles. Il s'agit de plateformes comme Uber, Instacart, Fiverr, et elles sont responsables de la plus grande part de la croissance du travail à la demande au cours de la dernière décennie.

Alexandra Bassa : Et avez-vous une idée du pourcentage des Canadiens qui travaillent à partir de plateformes?

Paul Glavin : Eh bien, nous en apprenons encore beaucoup sur ce sujet, en raison des différentes définitions du phénomène. Dans mes propres travaux cependant, j'ai observé qu'environ 13 % des Canadiens ont déclaré avoir trouvé du travail par l'intermédiaire d'une plateforme de travail numérique au cours du mois précédent.

Mais il s'agit d'une enquête réalisée auprès des Canadiens en septembre 2019. Donc tout juste avant la pandémie. Un an plus tard, nous avons mené l'enquête de nouveau et un pourcentage légèrement plus faible, mais semblable, assez semblable, a déclaré avoir fait du travail à partir de plateformes.

Alexandra Bassa : Entre 2005 et 2016, la proportion des travailleurs à la demande au Canada est passée de 6 % à environ 8 à 10 %. Il faut cependant se rappeler qu'on ne peut pas comparer les données de Statistique Canada directement avec celles de Paul, parce que le travail à la demande englobe de nombreux types de travail, tandis que Paul nous parle uniquement des personnes qui travaillent à partir de plateformes.

Donc, pour moi, lorsque j'entends parler du travail à partir des plateformes, je pense aux gens qui conduisent pour de grandes plateformes de covoiturage, comme Uber. Est-ce que c'est nécessairement le cas?

Paul Glavin : Eh bien, nous avons tendance à penser à Uber en premier, n'est-ce pas? Parce que Uber est reconnu pour avoir popularisé le modèle du travail à partir de plateformes, mais le nombre de plateformes qui offrent un large éventail de services est toujours croissant, et peut même offrir des services ou des occasions d'emploi auxquels les travailleurs peuvent accéder avec beaucoup plus de facilité. Uber et Lyft exigent d'avoir un accès à un véhicule, ce qui peut poser un obstacle à l'entrée. Donc, il y d'autres types de travail à partir de plateformes qui sont en pleine croissance à mon avis. Surtout pendant la pandémie comme la livraison de repas, le télétravail à partir d'une plateforme en ligne. Et je crois que leur prévalence augmente au moment même où les services de voiturage sont sans doute considérés comme moins sécuritaires du point de vue des travailleurs et également des passagers.

Alexandra Bassa : Les travailleurs à la demande sont présents dans plusieurs domaines et industries. Une étude de Statistique Canada menée en 2019 a montré que le domaine des arts, de la culture, des sports et des loisirs avait la plus grande proportion de travailleurs à la demande, suivie du domaine de la santé puis du domaine des ventes et des services. Les Canadiens dont la profession principale était dans l'industrie de la fabrication et des services d'utilité publique étaient moins susceptibles d'être des travailleurs à la demande.

Alexandra Bassa : Pourriez-vous nous en dire un peu plus des personnes qui travaillent dans l'économie à la demande? Est-ce qu'il y a des distinctions importantes dans les catégories de travailleurs ou bien est-ce que ces travailleurs sont quand même assez semblables?

Paul Glavin : Non, c'est un groupe assez diversifié de travailleurs qui font du travail à partir de plateformes. Pour certains, il s'agit de leur emploi principal, mais c'est seulement le cas pour un faible pourcentage. Pour bon nombre, il s'agit d'un second emploi qui vient compléter leur emploi principal. Et dans cette catégorie, il y a assez,…c'est un groupe de personnes assez diversifié qui ont toutes sortes de motivations, n'est-ce pas? Certains le font seulement pour avoir plus d'argent à dépenser. D'autres le font parce que leur emploi principal n'est pas… leur revenu n'est pas suffisant. Et d'autres encore le font seulement pour avoir une certaine sécurité du revenu.

Alors, vous savez, il y a une grande diversité. Mais on observe certaines tendances qui indiquent que les jeunes travailleurs sont plus susceptibles de faire du travail à partir de plateformes. On constate que les mineurs, les minorités visibles et les immigrants récents au Canada sont plus susceptibles de faire du travail à partir de plateformes. Je crois que ces tendances témoignent probablement de certains des défis auxquels sont confrontés ces groupes pour tenter d'accéder à un emploi permanent plus régulier.

Et donc, le travail à partir de plateformes peut réduire les obstacles à l'entrée chez certains groupes de travailleurs, qui sont peut-être marginalisés, ou certains travailleurs qui sont depuis longtemps en marge, d'un emploi traditionnel.

Alexandra Bassa : En 2019, Statistique Canada a révélé qu'environ la moitié de tous les travailleurs à la demande occupaient également un emploi salarié, ou plusieurs. Ce qui signifie qu'ils ne comptaient pas seulement sur leur travail à la demande pour subvenir à leurs besoins. L'étude a également révélé que le travail à la demande était plus répandu chez les immigrants et les nouveaux arrivants que chez les personnes nées au Canada. En réalité, 10,8 % des travailleurs immigrants masculins qui étaient au Canada depuis moins de cinq ans étaient des travailleurs à la demande, comparativement à 6,1 % des travailleurs masculins nés au Canada.

Alexandra Bassa : Vous vous êtes penché sur la santé mentale des personnes qui travaillent à partir de plateformes. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu sur vos constatations?

Paul Glavin : Oui. En effet, nous avons analysé plusieurs mesures de la santé mentale, dans notre étude des Canadiens qui travaillent à partir de plateformes et nous avons observé une tendance assez claire concernant leur bien-être. Comparativement aux travailleurs salariés et aux travailleurs autonomes traditionnels, les personnes qui travaillent à partir de plateformes ont déclaré des niveaux de dépression et d'anxiété plus élevés. Ils ont déclaré un plus profond sentiment d'impuissance dans leur vie et ils ont aussi déclaré se sentir plus seuls et isolés, ce qui est un important prédicteur de l'accès au soutien social, qui est très important pour, le bien-être. Fait important, cependant, ces pénalités, les pénalités au chapitre de la santé mentale semblaient être principalement subies par les personnes qui travaillaient à partir de plateformes comme emploi principal.

Donc, pour la majorité des personnes qui travaillent à partir de plateformes, nous n'avons constaté aucune différence majeure au niveau de leur santé mentale comparativement aux autres travailleurs et aux autres régimes d'emploi.

Alexandra Bassa : Le travail et les préoccupations financières étaient les principales sources de stress chez les Canadiens âgés de 18 ans et plus en 2019.

Vous avez aussi parlé de stress et de détresse. Avez-vous une idée des causes possibles de cette détresse chez les personnes qui travaillent à partir de plateformes. Quelle en est la source?

Paul Glavin : Oui, il semble y avoir eu un certain nombre de facteurs en cause. En premier lieu, les personnes qui travaillent à partir de plateformes ont déclaré des niveaux plus élevés de difficultés financières comparativement aux autres travailleurs. Et nous savons que la pression financière est une source de stress très importante dans la vie qui nuit à la santé physique et mentale.

Maintenant, nous ne savons pas si ces difficultés financières ont découlé du travail à partir de plateformes ou du fait que les gens qui étaient en difficulté financière ont eux-mêmes choisi le travail à partir de plateformes. Alors, c'est quelque chose que nous devrons examiner plus en détail à l'avenir. Nous avons aussi observé des niveaux plus élevés de conflits travail-famille chez les personnes qui travaillent à partir de plateformes.

Et c'était quelque peu surprenant, car il y a un discours concernant le travail à partir de plateformes selon lequel ce type de travail offre à un travailleur la souplesse nécessaire pour choisir à quel moment il accomplit son travail, pendant combien de temps il travaille. Et nous avons en réalité découvert que, oui, les personnes qui travaillent à partir de plateformes ont effectivement déclaré avoir davantage la possibilité d'aménager leur horaire, mais cela ne semble pas les avoir aidés à concilier leur travail et leur vie familiale.

En fait, malgré cette ressource, on appelle cette flexibilité une ressource d'emploi dans la documentation sur le travail et la santé mentale.

Comme ressource d'emploi, cette souplesse ne semble pas les avoir aidés à concilier leur travail et leur vie familiale.

Et il y a là encore plusieurs possibilités, comme les difficultés financières, il se pourrait que nous envisagions un groupe de travailleurs qui avaient du mal à concilier travail et famille dans leur carrière ou leur emploi précédent. Et ils ont adopté le travail à partir de plateformes en raison de la souplesse que celui-ci offre. Et donc nous observons que ce groupe choisit lui-même ce type de travail.

Il est aussi possible par contre que le travail à partir de plateformes ne soit pas aussi compatible avec la vie familiale qu'on pourrait le penser. Si on examine les données qualitatives qui ressortent des entretiens menés avec des personnes qui travaillent à partir de plateformes, on voit souvent les conducteurs de services de voiturage, les livreurs, même les pigistes en ligne dire que, même si ils peuvent en principe se brancher quand ils veulent et arrêter de travailler quand ils le veulent, leurs heures de travail sont en réalité plus souvent dictées par des facteurs externes comme la demande du marché pour leurs services.

D'accord? Alors, vous savez, si vous êtes un conducteur de service de voiturage, vous devez travailler lorsque vos services sont en demande. Et vos services sont généralement en demande les soirs et les fins de semaine, ce qui n'est pas compatible avec la vie familiale. Si vous êtes un pigiste à distance, vous pouvez avoir des clients étrangers et, dans ce cas, vous devez peut-être travailler en fonction de leurs fuseaux horaires, qui est peut-être au beau milieu de la nuit.

Alors, même s'il existe je crois cette idée concernant la souplesse et le travail à partir de plateformes, je crois qu'il y a d'importantes contraintes pour plusieurs personnes qui travaillent à partir de plateformes, surtout celles qui veulent en faire leur emploi principal, parce qu'elles devront alors travailler 30 heures et plus pour ce faire... Et cette souplesse, elles pourraient alors ne pas pouvoir réellement en profiter en fonction de leurs préférences.

Alors oui, je crois que des questions se posent sur ce discours concernant la souplesse que nous devons examiner plus à fond.

Le dernier facteur que nous avons relevé mettait en jeu des niveaux plus élevés d'isolement ou de sentiment d'isolement et de solitude chez les personnes qui travaillent à partir de plateformes. Et nous savons que l'isolement social et la solitude sont problématiques pour le bien-être des travailleurs. Nous le savons certainement maintenant, avec la pandémie, et nous avons vu quels effet s ils peuvent avoir sur notre santé.

Et il semble que ce soit le cas. Les personnes qui travaillent à partir de plateformes peuvent se sentir plus isolées dans leur travail, n'est-ce pas? Elles font généralement leur travail seules de leur côté. Elles peuvent avoir très peu de contacts avec les autres personnes qui travaillent à partir de plateformes. C'est effectivement le cas. Elles peuvent en réalité être en compétition avec les autres personnes qui travaillent à partir de plateformes pour obtenir des mandats et leurs interactions avec les clients peuvent peut-être être assez limitées.

Et elles ont donc tendance à commencer à travailler en marge au sein des organisations. Et... même si elles pourraient dans certains cas solliciter l'aide d'autres personnes qui travaillent à partir de plateformes, nous savons que, par exemple, il existe des communautés en ligne pour les livreurs et les travailleurs des services de voiturage. Il s'agit de communautés qui offrent je crois, un soutien à titre d'information plutôt qu'un soutien social.

Et donc, je crois qu'il s'agit d'un type de travail qui entraîne nécessairement de l'isolement, s'il s'agit du travail qu'on fait comme emploi à temps plein.

Alexandra Bassa : Une étude de Statistique Canada menée en 2019 a révélé que les gains du travail à la demande de la majorité des travailleurs à la demande ne dépassaient pas 5000 $ par année. Le revenu médian net du travail à la demande s'élevait seulement à 4 303 $. Pourtant, pour plus d'un quart de ces travailleurs, les gains du travail à la demande représentaient l'ensemble de leurs gains annuels et plus de 89 % de leur revenu annuel total.

Le travail à la demande n'est pas réparti également dans l'ensemble des tranches de revenus au Canada. Le pourcentage des travailleurs à la demande dans les 20 % inférieurs de la répartition du revenu des particuliers était près de deux fois plus élevé que celui des travailleurs à la demande dans les 20 % supérieurs.

Alexandra Bassa : Alors, dans vos écrits, vous avez mentionné que les entreprises qui utilisent les plateformes peuvent utiliser les algorithmes de façon à nuire à l'autonomie des travailleurs? Qu'est-ce que vous vouliez dire par ça?

Paul Glavin : Eh bien, considérons un peu le concept de la gestion par algorithme. C'est lorsqu'une entreprise utilise des techniques technologiques pour gérer à distance le travail des travailleurs. Alors les plateformes de travail numériques gèrent généralement une main-d'œuvre qui est dispersée géographiquement.

Et elles ont peu de contacts directs avec leurs travailleurs. Alors elles s'appuient plutôt sur la collecte de données et la surveillance de leurs travailleurs pour automatiser la plupart des décisions de supervision. Ces décisions sont prises par des algorithmes logiciels. Ces algorithmes fonctionnent sans intervention humaine. Et ils peuvent être chargés de l'attribution de tâches particulières aux travailleurs, ils peuvent prendre des décisions relatives au niveau de rémunération, évaluer le rendement au travail et même congédier des travailleurs. Alors les algorithmes sont ce qui rend les plateformes de travail numériques aussi efficaces pour les services sur demande, dont nous bénéficions en tant que consommateurs. Mais ils occasionnent des problèmes pour les travailleurs. Des entretiens approfondis menés avec des travailleurs révèlent qu'il y a des défis à relever pour les travailleurs, leur autonomie et leur succès sur la plateforme.

Ces défis sont posés par ces algorithmes, n'est-ce pas? Donc, au départ, les règles de prise de décision sur lesquelles reposent ces algorithmes ne sont pas toujours connues du travailleur. Alors on ne sait pas toujours clairement pourquoi un travailleur peut se voir offrir un mandat bien rémunéré alors que les autres reçoivent des mandats moins attrayants. Et les travailleurs décrivent souvent dans les faits ces algorithmes comme des boîtes noires, n'est-ce pas?

Et cette transparence ou cette absence de transparence peut s'étendre à des choses comme des mandats précis. Nous avons entendu des livreurs se plaindre du fait qu'ils n'avaient pas les détails de l'emplacement d'un mandat avant d'accepter le mandat en question.

Et ça pouvait les amener à un voyage d'un bout à l'autre de la ville, par exemple, sur une grande distance. Et ce manque de transparence de l'information sur le mandat nuit aux travailleurs, n'est-ce pas? Ça nuit à leur capacité de prendre des décisions concernant l'emplacement des mandats et quels mandats accepter. Je crois qu'il est aussi compliqué pour les travailleurs de remettre en question les algorithmes, n'est-ce pas?

Leur compte pourrait être désactivé temporairement sur la plateforme. Si les scores moyens des évaluateurs n'atteignent pas un certain seuil. Alors avec un superviseur humain, le travailleur pourrait fournir le contexte d'une mauvaise évaluation. Peut-être que le client était en colère et a été injuste, mais les algorithmes tiennent rarement compte des circonstances atténuantes.

Il existe bien des procédures de grief, mais leur règlement peuvent prendre beaucoup de temps. Et en attendant, ce travailleur peut ne pas être en mesure de travailler. Alors on entend assez souvent des travailleurs se plaindre de se sentir à la merci d'un superviseur issu de l'intelligence artificielle froid et détaché. Et là encore, je crois que cela contredit le discours sur le travail à partir de plateformes qui permet de travailler de façon indépendante et sans supervision.

Alexandra Bassa : En 2019, 45 % des entreprises au Canada utilisaient une certaine technologie de pointe ou émergente et 6 % utilisaient l'intelligence artificielle.

Alexandra Bassa : Vous avez aussi parlé d'une idée, d'une certaine notion assez intéressante, celle de l'érosion du contrat social entre l'employeur et l'employé. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ça?

Paul Glavin : Oui. Je veux dire, nous en sommes témoins depuis des décennies, non? À bien des égards, lorsqu'on parle du travail à partir de plateformes, il s'agit de la prochaine étape dans un processus à plus long terme que certains appellent la précarisation du travail. Un processus par lequel on voit les occasions d'emploi permanent diminuer et les autres régimes d'emploi plus précaires augmenter, vous voyez?

Comme, essentiellement les contrats temporaires, les contrats à durée déterminée. Et ces régimes comportent nécessairement un affaiblissement du lien entre le travailleur et l'employeur, car ces derniers ne sont pas indéfiniment liés. Leur relation est temporaire. Et donc lorsque l'on pense au travail à partir de plateformes, c'est vraiment à mon avis la prochaine étape dans la précarisation du travail, plutôt que quelque chose de particulièrement novateur comme nous le voyons depuis quelque temps, mais on constate maintenant que les travailleurs n'ont pratiquement, ou ces personnes qui travaillent à partir de plateformes n'ont pratiquement aucun contrat avec la plateforme de travail numérique.

Alexandra Bassa : En 2018, plus de 1 employé sur 8 occupait un emploi temporaire. Environ six employés temporaires sur 10 travaillaient à temps plein, par rapport à près de neuf employés permanents sur 10.

Alors, pourquoi est-ce que c'est important de se préoccuper du fait qu'une personne soit employé salarié ou travailleur indépendant?

Paul Glavin : Il faut s'en préoccuper, car en vertu du droit du travail actuel, les entrepreneurs indépendants ne profitent pas de bon nombre des avantages et des protections auxquels les employés ont droit. Alors les lois du travail comme la Loi sur les relations de travail au Parlement visent des aspects comme le salaire minimum, les heures supplémentaires, les vacances, qui s'appliquent seulement aux employés.

Et si on est considéré comme un travailleur autonome, cela signifie aussi qu'on ne profite pas de certaines des protections en matière de santé et de sécurité auxquelles les employés ont droit. Alors le droit de refuser un travail dangereux, les inspections en milieu de travail, ceux-ci étant particulièrement importants. Et pendant la pandémie, nous avons vu comment la pandémie a mis en lumière certaines des vulnérabilités de ces travailleurs qui ne sont pas visés par les protections offertes à la main-d'œuvre. Et donc, étant donné que les personnes qui travaillent à partir de plateformes sont généralement considérées comme des entrepreneurs indépendants, cela a une incidence sur leurs droits, cela a une incidence sur le genre d'avantages auxquels elles ont accès.

Alexandra Bassa : En 2018, 15 % de la main-d'œuvre au Canada était composée de travailleurs autonomes. Un tiers des travailleurs autonomes ont indiqué l'indépendance, la liberté et le désir d'être son propre patron comme raison pour laquelle ils étaient travailleurs autonomes.

Et que pensez-vous du fait que certaines personnes considèrent le travail à partir de plateformes comme une forme d'entrepreneuriat?

Paul Glavin : Je crois que je demanderais ce que l'on entend par entrepreneuriat? L'entrepreneuriat n'est pas nécessairement une chose facile à définir, mais si on adopte un point de vue économique, l'entrepreneuriat renvoie généralement à une activité dans le cadre de laquelle une personne travaille pour son propre compte, assume le risque associé aux initiatives qu'elle prend, mais profite aussi du rendement de ces initiatives.

Dans quelle mesure cette définition s'applique-t-elle au travail à partir de plateformes? Dans une certaine mesure, je crois qu'elle s'y applique pour certains travailleurs à la pige qui exercent leurs activités en ligne et qui peuvent établir leurs propres tarifs et sont libres de choisir entre les clients. Je crois que dans ce cas c'est de l'entrepreneuriat. Seulement, je ne suis pas certain qu'elle s'applique à d'autres types de plateformes de travail pour lesquelles, je crois, d'importantes contraintes sont exercées sur l'autonomie et la façon de travailler. Et s'ils ne sont pas en mesure d'établir leurs tarifs, si ces derniers sont dictés par l'algorithme de la plateforme, s'ils risquent la désactivation de leur compte, s'ils n'acceptent pas un certain pourcentage de mandats, s'ils n'obtiennent pas tous les renseignements à propos des mandats, cela ressemble davantage à un employé qu'à un entrepreneur, à mon avis, mais c'est ça c'est l'intérêt de ce débat.

La réponse à cette question n'est pas toujours évidente et peut varier selon le type de plateforme de travail numérique.

Paul Glavin : La question de la définition du travail à partir de plateformes en tant qu'entrepreneuriat est controversée je crois, en partie parce que, oui, elle peut s'appliquer à certaines personnes qui recherchent la liberté et l'indépendance, mais je crois aussi que nous commençons à donner à ce terme entrepreneuriat une signification qui en dit souvent plus sur la résilience d'une personne face à l'incertitude et la précarité.

Et je ne suis pas certain que ce type d'entrepreneuriat est nécessairement avantageux. Alors nous pourrions avoir des gens qui effectuent du travail à partir de plateformes en pensant qu'ils sont des entrepreneurs, mais sans pouvoir en tirer les avantages. Et je participe à des travaux de recherche préliminaires en ce moment qui examinent la façon dont les personnes qui travaillent à partir de plateformes évaluent leur statut social.

Donc pour établir des mesures du statut social subjectif, on demande aux gens de s'autoévaluer sur une échelle de 1 à 10, où 10 correspond aux personnes qui ont les meilleurs emplois, la meilleure formation, le revenu le plus élevé. Et on constate en réalité que les personnes qui travaillent à partir de plateformes ont une meilleure évaluation de leur statut social comparativement aux travailleurs salariés. Cette évaluation est semblable à celle des travailleurs autonomes traditionnels. Alors je crois que des données indiquent qu'ils se jugent différemment. Cependant, lorsque nous avons demandé où ils se voyaient dans 10 ans sur cette échelle, la plupart des travailleurs se voyaient monter cette échelle, vous voyez? Ils se voyaient la remonter. Mais les personnes qui travaillent à partir de plateformes, en fait, sont moins optimistes à propos de leur mobilité. Donc ils déclarent dans les faits moins de mobilité et d'attentes concernant leur mobilité comparativement aux travailleurs salariés. Alors nous avons une dynamique intéressante selon laquelle ils se donnent une très bonne autoévaluation, de leur situation actuelle par rapport aux autres travailleurs, mais ils semblent pessimistes concernant leurs perspectives de mobilité sociale.

Et d'une certaine façon, ils pensent que, on le voit, ils adoptent l'idée de l'entrepreneuriat, mais ils connaissent aussi très bien les défis qui sont associés au travail à partir de plateformes pour le maintien des possibilités économiques.

Alexandra Bassa : Pour la plupart des travailleurs à la demande, le travail à la demande n'était qu'une activité temporaire.

Environ la moitié de ceux qui ont commencé un travail à la demande au cours d'une année donnée n'avait aucun revenu de travail à la demande l'année suivante. Cependant, une part non-négligeable des personnes ayant commencé un travail à la demande, environ le quart, sont demeurées des travailleurs à la demande pendant au moins trois ans ou plus.

Alexandra Bassa : Une étude de Statistique Canada a révélé que la taille de l'économie à la demande est passée de 6,0 % en 2008 à 6,8 % en 2009, alors que certains de ceux qui avaient perdu leur emploi salarié pendant la récession ont été poussés au travail autonome.

Croyez-vous qu'il est possible que la pandémie cause une autre tendance semblable?

Paul Glavin : Je crois que c'est une possibilité. Je veux dire, nous verrons, à mesure que les mesures de soutien du revenu commenceront à prendre fin, cela pourrait se produire. Je crois que les gens pourraient chercher ce type de travail pour compléter les heures de travail insuffisantes dans leur emploi principal. Ou s'ils ont du mal à trouver un emploi régulier, ils pourraient alors se tourner vers le travail à partir de plateformes.

La Prestation canadienne d'urgence (PCU) a fourni un coussin de sécurité. Les travailleurs pourraient aussi simplement avoir de nouvelles valeurs professionnelles. Aujourd'hui, en raison de la pandémie, il y a beaucoup de discussions à ce sujet et en ce qui concerne la souplesse de plus en plus recherchée. Le désir croissant de pouvoir travailler de la maison. Alors certains types de travail à partir de plateformes, mais aussi le travail à distance en ligne depuis le domicile.

Ce type de travail devient plus attrayant en raison de la pandémie. Mais je crois que, oui, il pourrait y avoir une incitation économique selon la situation de l'économie, tandis que la pandémie se poursuit.

Alexandra Bassa : Est-ce que l'économie à la demande joue un rôle dans l'accroissement des inégalités?

Paul Glavin : Je crois qu'il faut être prudent et ne pas trop jeter le blâme sur l'économie de plateforme. Là encore, je crois que son avènement pourrait être un symptôme de l'accroissement des inégalités, comme vous l'avez mentionné, en lien avec la grande récession.

Ce n'est pas le fruit du hasard, selon moi, qu'on ait assisté à la croissance du travail à partir de plateformes après, au lendemain de la grande récession. Et je crois que sa croissance au cours de la dernière décennie pourrait plutôt être une réaction des travailleurs aux options tout simplement inadéquates du travail salarié. Alors on lui accorde beaucoup d'attention. Ce modèle de travail à partir de plateformes reçoit l'attention des consommateurs, des travailleurs et aussi des autres entreprises qui veulent réduire les coûts de main-d'œuvre. Mais je crois que ce sont des problèmes auxquels sont en réalité confrontés les personnes qui travaillent à partir de plateformes ou auxquels les travailleurs font face depuis longtemps et qui sévissent depuis longtemps. Alors je crois que, d'une certaine façon, le travail à partir de plateformes est le prolongement de ce qui se passe depuis des décennies. Et qu'il peut certainement peut-être accentuer cette tendance. Mais je crois qu'il n'en est pas l'origine.

Alexandra Bassa : Les perspectives d'avenir des jeunes Canadiens continueront d'être façonnées par de nombreux facteurs, y compris l'économie à la demande. Des travaux récents de Statistique Canada ont examiné les débouchés des jeunes, du point de vue des tendances de la mobilité intergénérationnelle du revenu. Ceux-ci révèlent que la corrélation entre le rang du revenu d'un enfant à l'âge adulte et celui de ses parents suit une tendance croissante. Ce qui signifie que votre revenu à l'âge adulte est de plus en plus influencé par le revenu de vos parents lorsque vous étiez enfant. Cette diminution de la mobilité du revenu entre les générations, combinée au degré croissant d'inégalité du revenu chez les parents, soulève des inquiétudes particulières quant aux perspectives à long terme des Canadiens à faible revenu.

Qui sont les gagnants et les perdants de l'économie à la demande?

Paul Glavin : C'est une bonne question. Je crois que ce sont d'abord et avant tout les consommateurs qui sont les gagnants. Je pense que si nous devions revenir 20 ans en arrière, l'idée que nous pourrions éventuellement nous faire livrer des repas au beau milieu de la nuit, en 30 minutes et à un prix raisonnable nous aurait fait rire. Et je crois que c'est vraiment bien pour les consommateurs. Je crois qu'il y a des gens, des gens qui pensent que nous profitons vraiment de services pratiques et rapides qui ne témoignent pas du coût véritable, n'est-ce pas? Et le coût de ces services est donc, est subventionné par le capital des risques associés aux plateformes ou les faibles salaires des personnes qui travaillent à partir de ces plateformes. Mais inévitablement, sans aucun doute, les consommateurs en sont les gagnants.

Quant aux travailleurs, je crois qu'il y a des gens qui en profitent, ceux dont les compétences sont en demande, en particulier les pigistes en ligne qualifiés. Je crois qu'ils profitent de la clientèle élargie que ces plateformes fournissent. Je crois que pour ceux qui veulent seulement avoir un petit revenu d'appoint dont ils ne dépendent pas vraiment, un travail auquel ils s'intéressent peut-être davantage, c'est quelque chose comme un passe-temps. Je crois que c'est particulièrement utile pour ceux qui pensent peut-être partir à la retraite et que c'est une façon, vous savez, de faire progressivement la transition vers la retraite qui pourrait être avantageuse. Et certainement pour ceux qui, comme je l'ai mentionné, qui ont du mal à obtenir un emploi à temps plein, peut-être les personnes en situation de handicap ou les jeunes travailleurs qui ont moins d'expérience, je crois que c'est avantageux pour un bon nombre d'entre eux.

En même temps, je me demande s'il serait plus avantageux pour ces groupes de simplement avoir accès à un emploi stable et sûr qui leur offrirait cette souplesse. Les perdants, je crois, sont ceux qui deviennent dépendants de ce régime de travail pour leur revenu d'emploi à temps plein.

Je ne crois pas que leur modèle de travail permette de répondre aux besoins des travailleurs à temps plein. Je ne crois pas qu'il permette de répondre aux besoins financiers. Je ne crois pas qu'il permette à ces groupes de bien assumer leurs obligations familiales, car on peut s'interroger sur le degré de souplesse qu'il offre réellement. Et donc à l'heure actuelle, nous nous penchons sur un faible pourcentage qui fait ce travail comme emploi principal.

La grande question est de savoir si ce régime de travail augmentera chez ce groupe en particulier.

Alexandra Bassa : L'accès à un emploi stable et sûr est très important, surtout en ce moment. Un emploi à triple protection est un emploi qui n'a pas de date de fin prédéterminée, qui présente un faible risque d'automatisation et qui permet de faire face aux pandémies. En 2019, avant la pandémie de la COVID-19, deux employés sur 5 âgés de 18 à 64 ans occupaient un emploi à triple protection.

Et comment est-ce qu'on peut en savoir plus au sujet de vos travaux?

Paul Glavin : Des mises à jour sur mes travaux sont présentées sur le site Web du Département de sociologie de l'Université McMaster. Je participe aussi à une étude en cours appelée l'étude canadienne sur la qualité du travail et la vie économique. Cette étude est dirigée par l'Université de Toronto, en collaboration avec l'Université McMaster et d'autres établissements d'enseignement au Canada, et nous suivons le travail, la famille et la santé des Canadiens pendant la pandémie.

Et nous avons un site Web qu'on peut facilement trouver du même nom que l'étude canadienne sur la qualité du travail et la vie économique.

Alexandra Bassa : Merci beaucoup pour votre temps, c'était vraiment très, très intéressant.

Paul Glavin : Merci Alexandra.

Alexandra Bassa : Vous étiez à l'écoute de Hé-Coutez bien. Merci à notre invité, le professeur Paul Glavin.

Vous pouvez vous abonner à cette émission là où vous obtenez vos balados. Vous pourrez également trouver la version anglophone de notre balado, appelée Eh Sayers. Merci de nous avoir écouté et à la prochaine!

Hé-coutez bien! Épisode 3 - L'art de l'artisanat au Canada

Date de diffusion : le 22 décembre 2021

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN: 2816-2269

Hé-coutez bien balados

La pratique ancienne de travailler avec ses mains à des projets d'artisanat a connu un regain d'intérêt pendant la pandémie, à un moment où les gens ont voulu se garder occupés, essayer un nouveau passe-temps ou peaufiner leurs habiletés à un niveau professionnel. Mais ce n'est pas tout, selon MaegenBlack, directrice de la Fédération canadienne des métiers d'art. Nous discutons du mouvement des arts et de l'artisanat au Canada, de sa renaissance et de sa nécessité.

Animatrice

Alexandra Bassa

Invitée

Maegen Black, directrice de la Fédération canadienne des métiers d'art

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Hé-coutez bien! Épisode 3 - L'art de l'artisanat au Canada - Transcription

Générique : Vous êtes à l'écoute de Hé-coutez bien!, un balado de Statistique Canada où nous faisons la connaissance des personnes derrière les données et découvrons les histoires qu'elles révèlent. Je suis votre animatrice Alexandra.

Narration : Lorsque la pandémie de la COVID-19 a frappé, nous avons tous eu à limiter nos déplacements et nos activités. Pour certains, pas tous bien sûr, ça voulait dire se retrouver avec beaucoup plus de temps libre. Il fallait maintenant trouver de nouvelles façons de s'occuper, en tenant compte du fait que les lieux publics, les centres communautaires, les centres de sports et les autres activités habituelles n'étaient plus disponibles.

De nombreux endroits comme les universités et les bibliothèques, ont proposé une panoplie d'activités ou de cours en ligne pour donner l'occasion (ou l'impression pour certains) d'utiliser cette période pour être plus productifs, selon leurs intérêts. D'autres se sont lancé à fond dans l'activité physique, par exemple en pratiquant des cours de yoga, de zumba ou tout autre entraînement en ligne. Ou encore, avez-vous pris part à la ruée vers les vélos ou même les patins à roulettes? Certains ont préféré utiliser cette période de temps pour apprendre une nouvelle langue. Plusieurs ont préféré des activités comme les casse-têtes ou les jeux de société. Pour les plus créatifs il y avait les activités d'art et d'artisanat. L'artisanat a joué un rôle très particulier dans cette pandémie. Au niveau amateur, il a donné l'occasion aux gens de créer quelque chose de concret, ce qui est à la fois positif et productif. Certains artisans amateurs ont fait le saut vers le commercial et ont pu vendre leurs créations pour la première fois, rejoignant ainsi les rangs des artistes professionnels des métiers d'arts. Quelle que soit l'expertise, et peu importe s'il est pratiqué à des fins récréatives ou commerciales, l'artisanat peut tisser des liens et renforcer l'esprit communautaire, deux notions dont nous avions tous besoin en ces temps incertains. Pour en savoir un peu plus sur l'artisanat et les métiers d'arts, nous avons parlé à Maegen Black.

Maegen Black : Je suis Maegen Black, et je suis la directrice de la Fédération canadienne des métiers d'art.

Alexandra Bassa : Elle anime également le balado Citizens of Craft ou Citoyens des métiers d'art, disponible en anglais seulement). Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous faites?

Maegen Black : En fait, c'est un peu difficile d'expliquer ce que je fais. Être la directrice d'une organisation nationale de service artistique est un poste un peu inhabituel. J'aide les organisations de métiers d'art à entrer en contact, à apprendre les unes des autres et à promouvoir les métiers d'art dans leur ensemble, ici au Canada et à l'étranger. La Fédération canadienne des métiers d'art existe depuis très longtemps sous différentes formes depuis 1974; je travaille pour l'organisation depuis 15 ans à une variété de projets divers avec de merveilleuses personnes de partout au pays.

Alexandra Bassa : Ma première question est très ouverte. Qu'est-ce qui fait partie de l'artisanat?

Maegen Black : C'est en effet la question! C'est la question qu'on me pose le plus souvent, probablement tout au long de ma vie professionnelle et il n'existe vraiment aucune définition facile et concise. Je réponds souvent quelque chose comme « Quelle est la définition de l'art? » ou « Quelle est la définition de la beauté? » Ça devient très ésotérique, mais lorsque j'essaie réellement simplement d'aller au fond des choses et de l'expliquer, l'une des versions de cette définition que j'utilise est que l'artisanat est une forme de fabrication qui associe les traditions matérielles aux compétences, à la conception et à la technologie contemporaine. Ça peut donc couvrir un vaste éventail de différents types d'artisanats et de métiers d'arts. En fin de compte, cependant, il s'agit de personnes qui fabriquent des choses pour la beauté ou pour l'utilité, et parfois à ces deux fins.

Narration - Alexandra Bassa : Selon l'Enquête sociale générale, Les Canadiens au travail et à la maison de 2016, la moitié des Canadiens ont participé à des activités créatives, les activités artisanales représentant la majorité de celles-ci, suivi par la musique et les arts visuels.

Alexandra Bassa : Est-ce qu'il y a des passe-temps ou des activités que les gens font sans nécessairement penser qu'il s'agit d'artisanat, par exemple la pâtisserie ou la boulangerie? Est-ce que ça c'est de l'artisanat?

Maegen Black : Vous savez, à nouveau, ça dépend vraiment. L'artisanat et les métiers d'art représentent vraiment tout un éventail; alors lorsque l'on parle de métier d'art à la Fédération canadienne des métiers d'art, nous désignons réellement les personnes qui travaillent de façon professionnelle à titre d'artisans; donc des personnes qui travaillent en orfèvrerie, en conception de meuble, en poterie, en soufflage du verre ou à des activités qui pour lesquelles il faut réellement un certain niveau de compétences. On ne peut toutefois pas ignorer que dans la société contemporaine, la terminologie de métier d'art ou d'artisanat s'est beaucoup étendue. Il suffit de dire que l'on perfectionne son art et cela pourrait vouloir dire n'importe quoi. Donc, je comprends pourquoi, parfois, il est un petit peu difficile de saisir cela. Je pense que d'envisager l'artisanat comme étant un éventail de capacités, permet aux gens de comprendre que leurs performances ne sont peut-être pas parfaites dans le domaine en question. Pourtant, chacun a un rôle à jouer dans toute forme de réalisation, donc je n'aime pas dire que faire son pain est inclus ou non ou que le soufflage du verre est inclus ou non. On pourrait dire qu'il s'agit un peu de la professionnalisation d'une activité, mais il y a également une place pour la participation des amateurs.

Narration - Alexandra Bassa : Si c'est la pâtisserie qui vous intéresse, les données suivantes seront peut-être plus à votre goût! En 2020, il y avait 60,4 kg de farine de blé disponible, pour chaque personne au Canada.

En 2020, le Canada a importé plus de 13,5 millions de kg de levures actives, soit plus de 3 millions de plus qu'en 2019.

Alexandra Bassa : Lorsque la pandémie a éclaté, les épiceries ont manqué de levure parce que tout à coup plein de gens ont commencé à faire du pain. Qu'est-ce qui explique cette réaction, selon vous? Pourquoi, en pleine pandémie, les gens ont-ils souhaité créer quelque chose de leurs propres mains, alors qu'ils achèteraient ça d'habitude en magasin?

Maegen Black : Vous savez, c'est juste mon impression personnelle, fondée sur le fait que j'évolue dans le monde de l'artisanat et des métiers d'art depuis si longtemps et en ayant vécu la pandémie moi-même, bien sûr. Je pense que c'est un sentiment de contrôle. Je pense que les gens avaient si peu de contrôle sur leur vie quotidienne et sur ce qu'ils pouvaient ou ne pouvaient pas faire, sans savoir ce que l'avenir allait apporter.

Alors d'une certaine façon, il était possible de diriger son énergie vers quelque chose qui allait apporter un moment de joie ou un moment de compréhension ou un moment de révélation dans un contexte où tout cela manquait. Donc, je pense qu'il y avait quelque chose de fondamental dans le fait de fabriquer quelque chose, que ce soit en s'essayant à un type d'arts textiles, apprendre le crochet, apprendre seul comment faire du pain des pâtisseries, ou tout simplement de prendre les premiers pas et explorer ce qui nous entourait constamment. Peut-être que nous n'avions pas le temps ou le désir de nécessairement faire ce pas et de mettre vraiment les mains dans la matière et essayer de créer et fabriquer des choses. Donc j'espère que les gens ressortent de la pandémie avec une plus profonde appréciation de tout ce qui entre dans la fabrication de toutes ces choses, que ce soit un chef de restaurant qui fait son propre pain ou autre chose... comme un type de versions consommables de ce que nous faisons... qu'il s'agisse d'un bijou ou d'un objet en verre coloré ou de la tasse dans laquelle vous buvez votre café. Il y a, comme je l'ai dit plus tôt, tout cet éventail de différents objets qui existent et qui nous entourent jusqu'à l'art public, même les choses que vous voyez dans votre ville, dans votre collectivité, qui font de votre collectivité ce qu'elle est, ou qui sont le reflet que vous avez de votre collectivité. Je pense par conséquent que même si cela commence à petite échelle, à partir de ce que vous pouvez faire avec vos mains, jusqu'à la manière dont nous sommes reliés à travers les endroits où nous vivons, où nous travaillons et où nous nous divertissons en fait. Lorsque nous n'avons plus eu accès à tout ça au cours de la pandémie, nous avons trouvé des manières plus personnelles de faire ces liens.

Narration - Alexandra Bassa : Se tisser des liens et garder contact a été très important pour de nombreuses personnes alors que nous faisons face à la pandémie.

Près de 38 % des Canadiens ont indiqué avoir éprouvé des sentiments de solitude ou d'isolement en raison de la pandémie de la COVID-19.

Alexandra Bassa : Avez-vous remarqué des tendances en rapport avec l'artisanat pendant la pandémie?

Maegen Black : Je pense que l'une des plus grandes tendances d'artisanat pendant la pandémie était définitivement de faire des masques. Vous savez, tout le monde essayait de trouver un masque pour de nombreuses raisons, des raisons de santé très importantes, mais également simplement parce que c'était quelque chose que nous pouvions faire pour s'entraider et donc une foule de personnes fabriquaient des masques et les vendaient en ligne. Beaucoup d'artistes textiles ont redirigé leurs activités pour fabriquer des masques très créatifs. Je connais des artistes à Cap-Breton qui faisaient une sorte de masques à teinture naturelle de style shibori. Des artistes dans l'ensemble du pays ont adopté des perspectives différentes en la matière. Il y a d'ailleurs eu une exposition vraiment excellente formée à partir d'un groupe Facebook dans le cadre d'un projet communautaire. Le projet breathe (respire). Si vous faites une recherche en ligne sur ce projet, vous trouverez des masques absolument fabuleux faits par des artistes dans l'ensemble du pays. Il ne s'agit pas d'œuvres qui visaient l'aspect sanitaire. Il s'agissait réellement d'œuvres artistiques sculpturales; certains étaient en écorce de bouleau, d'autres, ornés de perles et d'autres en fourrure. Un grand nombre d'artistes autochtones ont participé à la création d'œuvres de cette exposition. Il s'agissait principalement d'artistes autochtones de l'ensemble du Canada, mais également du reste de l'Amérique du Nord. C'est une belle communauté d'artistes se rassemblant et utilisant le masque comme symbole pour créer quelque chose à un moment très difficile pour tout le monde. C'était un projet vraiment beau qui s'est perpétué pour donner une exposition dans la vraie vie, si on peut dire, et non un projet issu du domaine virtuel. L'exposition est en tournée dans le pays maintenant. C'est une excellente exposition que je recommande vraiment vivement.

Je me souviens dans les mois précédant Noël, je me disais que les masques faits à la main allaient être le cadeau incontournable de l'année. J'avais raison.

Alexandra Bassa : Quand on y pense, il y a plusieurs personnes qui sont des couturiers et couturières en herbe, comme par exemple les parents qui fabriquent les costumes d'Halloween de leurs enfants. Plusieurs personnes ont fabriqué leur propres masques au début de la pandémie et ont même créé des masques personnalisés pour leurs proches. C'était une façon de pouvoir prendre soin de nos proches, de loin.

Maegen Black : C'est tout à fait ça et c'est vraiment un bel aspect de l'artisanat. C'est comme une nécessité. Vous pouvez faire quelque chose pour vous quand vous en avez besoin, mais c'est également une manière de montrer votre appréciation, que vous pouvez faire quelque chose pour aider quelqu'un grâce à une simple compétence.

Alexandra Bassa : En général, avez-vous remarqué s'il y avait effectivement un plus grand nombre de gens qui ont cherché quelque chose de créatif à faire depuis le début de la pandémie?

Maegen Black : Depuis la pandémie, je crois oui, simplement dans ma vie personnelle et dans mes connaissances, mes amis, ma famille et les gens de ma communauté. Nous avons définitivement vu davantage de gens s'essayant simplement à quelque chose de nouveau. Je ne sais pas si cela découle de ne simplement pas pouvoir faire les autres choses qui rempliraient notre temps, comme de voyager ou d'aller au restaurant ou quoi que ce soit d'autre, mais je pense que les gens cherchaient à apporter un petit peu de joie dans leur journée ou même simplement pour s'occuper, n'est-ce pas? Quelque chose à faire lorsqu'il y a tant de limites à ce que vous seriez généralement occupés à faire. Je pense que ce n'est pas étonnant que les gens se soient tournés vers l'artisanat comme exutoire.

Alexandra Bassa : Les loisirs, c'est important! Les femmes âgées de 25 à 54 ans, ont consacré en moyenne 3,6 heures par jour à des activités de loisirs en 2015, par rapport à 4,1 heures par jour, pour les hommes. Est-ce que vous une idée des types d'artisanat qui ont été les plus populaires au cours de la pandémie et pourquoi ?

Maegen Black : À nouveau, du point de vue statistique, nous n'avons pas nécessairement encore d'informations à ce sujet. Cela viendra peut-être avec le temps, mais je pense que si j'étais dans cet état d'esprit, si je devais prendre le temps d'observer dans cette optique la pandémie ou l'après-pandémie, je pense que certains des artisanats les plus simples à aborder sont ceux basés sur le textile, juste parce qu'ils ne sont, d'une certaine manière, pas aussi salissants que certains autres. Il y a bien sûr des outils et des espaces de studio dont vous avez besoin pour faire ces choses, mais il est possible de commencer à un niveau très basique, très fondamental pour faire quelque chose avec simplement une aiguille, un fil, des ciseaux et du tissu, comme premier pas. Cela peut devenir bien plus complexe en évoluant jusqu'à pouvoir filer de la laine, carder de la laine depuis l'arrière d'une patte de mouton. Cela va vraiment jusqu'aux fils individuels, n'est-ce pas? Alors je pense que pour une réponse courte ce seraient les textiles. Je vous ai donné une réponse longue, mais une réponse course serait vraiment que les textiles sont probablement l'artisanat le plus accessible que les gens peuvent aborder en premier lieu, mais il existe tout un monde de métiers d'art. Ce tout petit pas vous emmène dans un vaste monde vous incitant à essayer de nouvelles choses. Avec les studios, lorsque vous découvrez la céramique, ça devient un peu plus difficile. Vous devez avoir un four et disposer d'autres espaces particuliers où créer ces objets. Il en va de même pour le métal ou la forge. Vous devez avoir du feu, des enclumes, de la ventilation et prendre des précautions. Il existe un immense éventail d'activités, réellement immense.

Alexandra Bassa : Ce sont les textiles qui vous intéressent? En 2019, selon les estimations, 1,1 million de kg de laine brute a été achetée au Canada directement auprès des producteurs canadiens.

Okay, revenons à nos moutons!

Est-ce que vous trouvez qu'il y avait beaucoup de gens qui ont essayé de nouvelles activités artisanales à W

Maegen Black : Je pense que les gens ont toujours fait cela. Depuis plusieurs, plusieurs générations, des personnes se sont essayé à de nouvelles choses ou ont essayé d'apprendre de nouvelles compétences ou de se tremper le bout des pieds dans un aspect différent de l'artisanat, quel que soit le moyen d'expression ou quelle que soit la discipline. Je pense cependant avoir constaté une augmentation de ce que je vais appeler des kits ou des ateliers; vous savez, tout ce phénomène de soirée peinture, comme je l'appelle. Je pense que cela a définitivement augmenté, parce que les gens ont, d'une certaine manière, un plus grand accès à des directives grâce à Internet et que les gens peuvent apprendre eux-mêmes.

J'ai vu des artistes faire des choses vraiment intéressantes comme une artiste en Nouvelle-Écosse.

Narration - Alexandra Bassa : Maegen a enchaîné par la suite en nous expliquant comment certains artisans ont fait preuve de créativité en vendant des trousses et des tutoriels en ligne pour enseigner une nouvelle forme d'artisanat. Parfois ils offraient même des cours virtuels en direct.

Témoignage - Andrea Tsang Jackson : Je m'appelle Andrea Tsang Jackson et je suis une artiste textile et fabricante de courtepointes basée à K'jipuktuk/Halifax, en Nouvelle-Écosse. Alissa Kloet de Keephouse Studio est une conceptrice textile qui vit à Seaforth, en Nouvelle-Écosse. Ensemble, nous sommes collaboratrices de longue date. Au cours d'un programme d'artiste en résidence auquel nous avons participé ensemble à l'été 2019, nous avons eu l'idée de collaborer sur des trousses de courtepointe. Elle s'occuperait de la conception d'une meilleure crème pour le tissu imprimé et moi du motif de la courtepointe. Les fabricants de courtepointe aiment souvent acheter du tissu en paquets appelés Fat Quarter bundles, ce qui signifie différents quarts de mètre de tissu coordonné.

Nous avons lancé notre premier paquet juste avant le début de la pandémie. Le fait de créer quelque chose à la main, nous permet de garder un lien avec le monde physique, surtout dans un monde qui a été si rapidement numérisé et rendu virtuel pendant cette pandémie. Il y a tellement de réconfort et de familiarité, associé à la courtepointe. Quand on vit des temps incertains, nous recherchons des choses auxquelles nous pouvons nous accrocher, littéralement, et les courtepointes sont tactiles. L'acte même de créer, loin de toutes les réunions Zoom et des appels sur FaceTime, créer un lien qui nous fait apprécier le moment présent. En même temps, les courtepointes c'est un peu comme recevoir un câlin physique, mais à distance lorsque nous en fabriquons pour d'autres personnes.

Maegen Black : C'est alors un pas plus loin que de simplement acheter un livre ou de simplement obtenir un manuel de marche à suivre pour essayer de faire quelque chose soi-même. Vous disposez alors d'un expert qui peut vous guider tout au long du travail et vous donner des conseils. C'est là que la magie s'opère réellement. Je trouve que lorsque l'on apprend une nouvelle compétence, parler à quelqu'un qui en sait un peu plus et qui s'y est exercé longtemps, et peut vraiment vous guider tout au long du processus, est vraiment je pense, une expérience inspirante; quelque chose qui multiplie votre niveau de compétence. En disposant de quelqu'un qui vous guide, le processus est plus facile.

Alexandra Bassa : Donc pour les auditeurs adeptes d'artisanat qui souhaiteraient passer à l'étape suivante, c'est-à-dire par exemple, des gens qui pratiquent déjà une activité d'artisanat à un niveau amateur mais qui souhaitent devenir professionnels, avez-vous des conseils pour eux? Des ressources qui pourraient leur être utiles?

Maegen Black : Absolument. J'ai tellement de conseils pour les personnes souhaitant atteindre le niveau suivant dans un métier d'art. La première chose que je dirais est de communiquer avec leur conseil des métiers d'art local, provincial ou territorial. Que ce soit Craft Ontario dans le centre-ville de Toronto ou l'Alberta Craft Council à Edmonton, qui a également un espace à Calgary. Cela n'a pas d'importance que vous soyez dans une grande ville ou dans une région rurale. Tournez-vous vers votre conseil des métiers d'art provincial ou territorial et consultez leurs programmes. Ils peuvent vous mettre en contact avec d'autres guides ou d'autres artistes de votre propre collectivité. Tournez-vous vers votre galerie d'art locale également. Un grand nombre d'entre elles proposent des cours ou des événements ponctuels où des artistes professionnels viennent enseigner. Il y a tant de possibilités et je peux pratiquement vous garantir que dans toute collectivité qu'il s'agisse d'une grande ville ou d'un minuscule hameau au Canada, il y a une boutique d'artisanat quelque part, alors faites vos recherches. Parlez aux gens qui y travaillent, achetez des œuvres de vos artistes locaux et demandez-leur s'ils proposent des ateliers ou des cours. Si vous voulez vraiment passer au niveau supérieur, les Conseils des métiers d'art sont vraiment la marche à suivre.

Alexandra Bassa : En 2016, on comptait 14 160 artisans employés au Canada. Selon vous, qu'est-ce qui distingue vraiment les artistes canadiens?

Maegen Black : Je pense que ce qui distingue particulièrement les métiers d'art canadiens est qu'ils englobent tant d'origines et d'expériences diversifiées y compris des expériences contemporaines. Ils peuvent ainsi intégrer des traditions, mais sont également liés à ce que nous fabriquons actuellement ou les tendances des styles ou des expériences que nous avons de nos jours, ou même les concepts que nous souhaitons explorer désormais. Nous pouvons observer l'histoire d'un lieu à travers l'artisanat et la culture comme contexte et je ressens honnêtement que le Canada est un endroit tellement diversifié. Nous avons tellement de gens différents, issus d'horizons différents, qu'il s'agisse d'artistes autochtones ayant des histoires remontant à des milliers et des milliers d'années ou des immigrants ici seulement depuis quelques générations ou de tout nouveaux arrivants au Canada. L'artisanat et les métiers d'art ont accompagné toutes ces diverses expériences. Je pense que nous avons beaucoup à apprendre et à partager et que c'est une manière pour nous de nous comprendre les uns les autres sans barrières linguistiques. Je pense que l'artisanat et l'art nous permettent de partager, de croître et d'apprendre sur les autres et peut-être de mieux nous comprendre malgré toutes ces origines si diversifiées.

Le Canada a également une histoire complexe et je ne pense pas que quiconque puisse échapper à cette conversation. Je pense franchement d'ailleurs qu'il est irresponsable de ne pas penser à cette conversation. Il y a en effet également cette très profonde histoire d'artisanat autochtone au Canada qui est si belle, selon moi, et qui a beaucoup à dire et qui est si pertinente dans la société, vous savez, du point de vue artistique, du point de vue de la compréhension culturelle et de la façon dont nous pouvons commencer à nous comprendre mutuellement. Lorsque vous commencez à parler d'enjeux importants et difficiles, à travers les arts, cela aide à ouvrir des portes, à ouvrir des esprits et à ouvrir des perspectives. Je ne pense pas que cela résoudra tous les problèmes, mais je pense vraiment que c'est une façon pour les gens de communiquer. Cela présente une immense valeur. J'encourage donc également les gens à communiquer avec le Collectif des commissaires autochtones, de découvrir les collections et les musées de Premières Nations, les galeries ayant des magasins et des boutiques ainsi que les artistes travaillant dans l'ensemble du Canada issus de diverses nations et de différentes collectivités. Il y a tellement de belles choses dans notre pays grâce auxquelles nous pouvons communiquer et j'espère que les gens prennent le temps de les explorer, car le Canada est tellement diversifié, tout comme notre artisanat.

Alexandra Bassa : En 2017, environ un quart des autochtones âgés de 15 ans et plus vivant hors réserve ont réalisé des sculptures, des dessins, des bijoux ou d'autres types d'œuvres d'art au cours des 12 derniers mois. Est-ce qu'il reste quelque chose que je n'ai pas mentionné et dont vous aimeriez parler?

Maegen Black : Je pense que j'encouragerais les personnes dans l'ensemble du Canada à considérer l'artisanat comme une manière de retisser des liens avec la communauté, pas seulement dans leur propre maison ou pour leur propre expérience personnelle. Ce sont deux aspects vraiment très sains et bénéfiques, mais lorsque vous émergez du cocon post-pandémique que nous nous sommes créé, tournez-vous vers votre collectivité pour découvrir les pratiques d'artisanat du moment ou les événements de métier d'art qui s'y déroulent. C'est une manière pour nous de ressortir dans la collectivité afin de se soutenir pour le plaisir, pour se sentir productifs, pour se sentir reliés. Il y a tellement d'occasions de regarder des œuvres artisanales, d'acheter de l'artisanat, si vous souhaitez en faire collection, ou de saisir l'occasion d'apprendre quelque chose de nouveau pour vous-même en essayant une nouvelle pratique d'artisanat. Des établissements d'enseignement proposent des programmes. Comme je l'ai déjà mentionné, il y a les conseils des métiers d'art dans l'ensemble du pays, des galeries, des musées, des boutiques locales, des centres d'amitié. Il y a tant d'endroits où vous pouvez entrer en contact avec les métiers d'art. Si vous cherchez à faire quelque chose d'épanouissant, je pense que ce sont d'excellents endroits à explorer.

Alexandra Bassa : Il y a plusieurs façons de s'impliquer dans le monde de l'artisanat. En décembre 2020, on comptait 67 930 entreprises dans le secteur des arts, du divertissement et des loisirs.

Alors, comment est-ce qu'on peut en savoir plus à votre sujet et sur votre travail? Est-ce que vous êtes sur les réseaux sociaux?

Maegen Black : Vous pouvez trouver de plus amples renseignements sur la Fédération canadienne des métiers d'art elle-même et les métiers d'art en général à deux endroits : le site Web canadiancraftsfederation.ca/fr/ qui présente notre organisation et toutes les nombreuses organisations avec lesquelles nous travaillons. Il y a également Citoyens des métiers d'art à citizensofcraft.ca/fr . Vous y trouverez plus de 700 profils d'artistes et d'organisations de métiers d'art dans l'ensemble du pays. Nous explorons dans cet espace la signification des métiers d'art. C'est réellement un centre d'information sur les métiers d'art et nous y proposons également un balado. Bien sûr je veux partager ça avec tout le monde, alors consultez notre site Web en effet. Je suis disponible à Citoyens des métiers d'art et à la Fédération canadienne des métiers d'art et à pratiquement tous les événements de métiers d'art auxquels je peux assister. C'est là que vous trouverez Maegen Black.

Alexandra Bassa : Et, si vous cherchez l'exposition d'art sur les masques que Maegen a mentionnée.

Maegen Black : Pour cette exposition, il suffit de faire une recherche avec le mot « breathe. » dans Facebook, avec un point à la fin; donc breathe. avec un point à la fin. Cela vous dirigera vers un groupe public qui compte environ 2 000 membres et qui présente des centaines de masques que des personnes ont fabriqués.

Alexandra Bassa : Allez voir. C'est vraiment chouette.

Alexandra Bassa : Vous étiez à l'écoute de Hé-coutez bien! Merci à Maegen Black de la Fédération canadienne des métiers d'art et à Andrea Tsang-Jackson de Third Story Workshop pour nous avoir parlé de son artisanat.

Vous pouvez vous abonner à cette émission là où vous obtenez vos balados. Vous pourrez également trouver la version anglophone de notre balado, appelé Eh Sayers. Merci de nous avoir écouté et à la prochaine!

À propos du recensement

Le recensement a lieu tous les cinq ans. Les données recueillies seront utilisées afin de prendre des décisions importantes concernant votre collectivité, votre province ou territoire ainsi que le pays dans son ensemble.

Le Recensement de 2026

Le prochain recensement aura lieu en mai 2026. Voyez comment les données du recensement contribuent à appuyer les décisions importantes qui ont une incidence sur les familles, les quartiers, les entreprises et le secteur agricole au Canada.

Protection de votre vie privée

Statistique Canada prend toutes les précautions possibles pour protéger votre vie privée et maintenir la confidentialité et la sécurité des questionnaires remplis. Découvrez comment.

À quoi servent les données du recensement?

Découvrez comment les données du recensement sont utilisées pour prendre des décisions éclairées qui profitent directement à vous, à votre collectivité et à l'ensemble du pays.

Bref historique du recensement canadien

Le recensement canadien a beaucoup évolué depuis 1666. Apprenez de quelle façon!

Bref historique du recensement canadien

Les origines du recensement canadien remontent à 1666, mais tout comme le Canada, le recensement a beaucoup évolué depuis : apprenez de quelle façon!

Une ligne du temps sur l’histoire du recensement

  • 1666

    Le premier recensement en Amérique du Nord

    Le tout premier recensement effectué dans ce qui allait devenir le Canada a été mené en 1666 par Jean Talon, l’intendant de la Nouvelle-France. Jean Talon a effectué lui-même la plus grande partie du recensement, allant de porte en porte, prenant en note le nom, le sexe, l’âge et la profession des personnes. Il a ainsi recensé 7 bouchers, 11 boulangers et 3 fabricants de chandeliers.

  • 1871

    Le premier recensement national canadien

    La Loi constitutionnelle (1867) exigeait qu’un recensement national soit effectué tous les 10 ans. Le premier a eu lieu en 1871. Même s’il s’agissait d’un recensement « national », il a été mené uniquement dans les quatre provinces d’origine (l’Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick), même si le Manitoba et la Colombie-Britannique faisaient également partie de la Confédération à cette époque.

  • 1906

    Le recensement des provinces des Prairies

    En 1906, le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta ont commencé à mener le recensement tous les cinq ans afin de suivre la croissance économique de l’Ouest canadien.

  • 1921

    Un questionnaire pour les données agricoles

    Depuis le premier recensement d’avant la Confédération, mené en 1666, les données agricoles sont recueillies dans ce qui est aujourd’hui le Canada. Du premier recensement national postconfédératif, mené en 1871, jusqu’en 1921, les données agricoles ont été recueillies au moyen de multiples questionnaires distincts du recensement. La situation change en 1921 : on a alors recours à un seul questionnaire pour recueillir ces données. Depuis cette date, la population canadienne continue de tirer parti du Recensement de l’agriculture consacré aux données agricoles, qui fournit des renseignements très précieux sur l’un des plus importants secteurs du Canada.

  • 1941

    L’échantillonnage est adopté

    Le premier recensement canadien à utiliser l’échantillonnage comme méthode de collecte de données a été le Recensement de 1941. Auparavant, tous les ménages recevaient le même questionnaire du recensement. Cependant, lors du Recensement de 1941, 9 ménages sur 10 ont commencé à recevoir un questionnaire plus court et plus simple, tandis que 1 ménage sur 10 a reçu un questionnaire plus long et plus détaillé. En 1951, ces ratios ont été modifiés de sorte que 20 % des ménages ont reçu le questionnaire détaillé.

  • 1971

    La Loi sur la statistique de 1971

    Les premiers jalons du recensement moderne ont été posés en 1971. Non seulement l’organisme responsable du recensement, alors appelé le Bureau fédéral de la statistique, a pris le nom de Statistique Canada, mais le recensement a commencé à être effectué tous les cinq ans. Le Recensement de 1971 a également été le premier à inclure l’autodénombrement, dans le cadre duquel chaque ménage (sauf les réserves autochtones et des communautés du Nord) remplit lui-même son questionnaire avant de le retourner à Statistique Canada. Cette année-là marquait aussi le 100e anniversaire du recensement national canadien.

  • 2016

    Rétablissement du questionnaire détaillé du recensement

    En 2010, un décret a été émis pour remplacer le questionnaire détaillé obligatoire du recensement, qui s’applique alors au Recensement de la population de 2011, par l’Enquête nationale auprès des ménages, une enquête à participation volontaire. Le 7 décembre 2016, le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique a présenté le projet de loi C-36 pour modifier la Loi sur la statistique, et c’est dans le cadre du Recensement de 2016 que le questionnaire détaillé obligatoire était de retour.

  • 2021

    Le premier recensement en période de pandémie

    Le Recensement de 2021 a été le premier recensement canadien à se dérouler en période de pandémie. Un certain nombre de changements ont dû être apportés au recensement en réponse aux réalités de la vie en temps de pandémie de COVID-19, y compris le fait d’effectuer le dénombrement en respectant la distanciation physique et de permettre à tous et toutes de remplir le questionnaire du recensement en ligne.

Utiliser le recensement pour faire des recherches sur l'histoire de votre famille — Partie 1 : introduction au recensement

Le recensement canadien est l'un des meilleurs outils disponibles pour faire des recherches sur l'histoire de votre famille. Dans ce billet de blogue en trois parties, nous détaillerons les types de renseignements que vous pouvez trouver dans le recensement. Notre deuxième billet présentera des conseils et des pratiques exemplaires pour effectuer des recherches sur l'histoire de votre famille au moyen du recensement, et notre troisième billet montrera un exemple concret de ce que vous pouvez apprendre sur l'histoire de votre famille en utilisant le recensement.

Le recensement manuscrit et le recensement imprimé

Les premiers recensements existent sous deux formes différentes : le recensement manuscrit et le recensement imprimé. Le recensement manuscrit contient des renseignements détaillés sur chaque personne au pays. Ces renseignements ont été recueillis par les agents recenseurs officiels. Aujourd'hui, le recensement manuscrit fait référence aux questionnaires que vous remplissez et renvoyez à Statistique Canada. Toutefois, avant 1971, les données du recensement étaient recueillies par des agents recenseurs qui faisaient du porte-à-porte pour interviewer chaque personne.

Figure 1
Figure 1 - Une page du Recensement de 1871. Il s'agit de la page 36 du recensement pour le Québec, plus précisément dans le district 140 et le sous-district d'Ascot.

Une fois que chaque agent recenseur avait recueilli les renseignements sur tous les habitants de sa région, il renvoyait les réponses obtenues à Statistique Canada (lequel relevait auparavant du ministère de l'Agriculture). Une fois le recensement manuscrit reçu, il était examiné pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Une fois cet examen terminé, les résultats étaient diffusés publiquement dans un rapport officiel; c'est ce que l'on appelle le recensement imprimé.

Figure 2
Figure 2 - Un manuscrit imprimé du Recensement de 1871. Il comprend des statistiques sur le lieu de naissance des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard, ainsi que sur la superficie moyenne de leurs terres et le nombre de bovins qui leur appartenaient.

Pour effectuer des recherches sur l'histoire de votre famille, vous devriez utiliser le recensement manuscrit, car celui-ci permet de recueillir des renseignements sur les personnes individuelles. En revanche, le recensement imprimé contient des statistiques et des renseignements plus généraux.

Recensements disponibles

Au cours des 400 dernières années, des centaines de recensements ont été réalisés dans cette région que nous appelons aujourd'hui le Canada. Le premier recensement officiel de l'histoire du Canada a été réalisé par Jean Talon, l'intendant de la Nouvelle-France, en 1666. De 1666 à 1870, les différents gouvernements procédaient à un recensement chaque fois qu'ils le jugeaient nécessaire. Cela signifie que dans certaines régions, un recensement était réalisé chaque année, alors que dans d'autres régions, il pouvait s'écouler des décennies entre deux recensements. Au cours de cette période, 98 recensements ont été réalisés.

Tout a changé en 1871. Cette année a marqué le premier recensement national, soit le premier recensement effectué au Canada après la Confédération. Les premiers recensements nationaux ont été menés tous les 10 ans jusqu'en 1951 (à l'exception des recensements des provinces des Prairies, qui avaient lieu plus fréquemment). Depuis 1951, le Recensement de la population a lieu tous les cinq ans.

Étant donné que les renseignements recueillis dans le cadre du recensement sont personnels, les recensements manuscrits demeurent confidentiels pendant 92 ans. Ce n'est qu'après ce délai que l'on peut les consulter à des fins de recherche. Le dernier recensement manuscrit à avoir été publié date de 1926.

Ce que les recensements peuvent vous révéler

Les recensements peuvent nous apprendre beaucoup de choses. Chaque recensement est différent : les questions posées peuvent changer d'un recensement à l'autre, tout comme les réponses possibles à chaque question. Ces fluctuations reflètent non seulement la façon dont la société canadienne s'est transformée, mais aussi les différents renseignements que le gouvernement cherche à connaître au sujet de sa population. Par exemple, les recensements des XVIIe et XVIIIe siècles portaient souvent sur la fiscalité, de sorte que les questions étaient axées sur la propriété. D'autres s'intéressaient à l'évaluation de la force militaire, se concentrant sur le dénombrement des soldats et des officiers. Plus récemment, le financement des programmes gouvernementaux est devenu un enjeu plus important; par conséquent, le recensement visait à offrir une meilleure compréhension des caractéristiques de la population canadienne.

En général, vous pouvez vous attendre à ce que la plupart des recensements effectués après 1871 (mais pas tous) contiennent les renseignements suivants :

  • L'âge;
  • Le sexe;
  • L'état matrimonial;
  • Le pays ou la province de naissance;
  • La confession religieuse (depuis 1951, les questions sur la religion sont seulement posées tous les 10 ans);
  • L'origine ethnique;
  • La profession;
  • La scolarité.

Il est important de noter qu'il pourrait manquer des données aux premiers recensements. Par le passé, les conditions météorologiques dangereuses et même les catastrophes naturelles pouvaient empêcher les agents recenseurs d'obtenir les renseignements dont ils avaient besoin. Par exemple, le Recensement de 1861 a été mené en janvier, et le mauvais temps a empêché la collecte de renseignements dans plusieurs régions. Dans d'autres cas, les dossiers originaux ont été perdus à la suite d'un incendie ou ont subi des dégâts causés par l'eau.

Le recensement et l’histoire de votre famille

Nous pouvons en apprendre beaucoup sur l’histoire de notre famille grâce au recensement. Voulez-vous savoir comment utiliser le recensement pour en savoir plus sur l’histoire de votre famille? Consultez nos autres billets de blogue!

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la façon d’utiliser le recensement pour effectuer des recherches, consultez le guide détaillé de Bibliothèque et Archives Canada.

Utiliser le recensement pour faire des recherches sur l'histoire de votre famille — Partie 2 : conseils et pratiques exemplaires

Dans notre dernier billet, nous avons examiné le fonctionnement du recensement et le type de renseignements qu'il contient. Voici maintenant des pratiques exemplaires et des conseils liés à l'utilisation du recensement pour effectuer des recherches sur l'histoire de votre famille.

Où trouver le recensement

Les recensements canadiens sont transférés à Bibliothèque et Archives Canada (BAC) 92 ans après leur réalisation. Les recensements de 1825 à 1926 peuvent être consultés dans des bases de données en ligne. En sélectionnant sur le nom d'une base de données, vous pouvez obtenir plus de renseignements sur un recensement précis, de même qu'un lien vers la base de données elle-même. On peut uniquement faire des recherches sur un recensement à la fois.

BAC détient également des dossiers de recensement qui n'ont pas été complètement numérisés ou versés dans une base de données, y compris ceux de 1640 à 1825. Les documents en format microfilm de Terre-Neuve-et-Labrador sont disponibles pour les années 1921, 1935 et 1945. Veuillez visiter la page de BAC Instrument de recherche 300 pour en savoir davantage sur les renseignements disponibles qui datent de ces périodes et sur la façon d'y accéder.

Vous pouvez également effectuer des recherches sur les recensements du Canada sur d'autres sites Web. Certains de ces sites vous permettent de consulter plusieurs recensements à la fois, bien que bon nombre d'entre eux nécessitent un abonnement payant. Ces bases de données comprennent les suivantes :

  • Ancestry
    • contient des données de 1825 et de 1842 à 1921;
    • abonnement requis, gratuit dans de nombreuses bibliothèques publiques;
    • disponible en français et en anglais.
  • Automated Genealogy (en anglais seulement)
    • contient des données de 1851, 1901, 1906, 1911 et une partie de 1921 au Nouveau-Brunswick;
    • gratuit;
    • disponible en anglais seulement.
  • FamilySearch
    • contient des données de 1825 à 1926; au Manitoba, de 1831 à 1870; à Terre-Neuve-et-Labrador, de 1921, 1935 et 1945;
    • gratuit;
    • disponible en français et en anglais.
  • FindMyPast (en anglais seulement)
    • contient des données de 1825 et de 1842 à 1911;
    • abonnement requis;
    • disponible en anglais seulement.
  • Programme de recherche en démographie historique
    • contient des données de 1666, 1667, 1681, 1688, 1700, 1716 et 1744;
    • abonnement et version gratuite disponibles;
    • disponible en français et en anglais.

Commencer votre recherche sur l'histoire de votre famille

Pour commencer, il suffit d'avoir quelques renseignements. Demandez aux membres de votre famille le nom de vos ancêtres, leur lieu de résidence, leur date de naissance et tout autre élément d'information que vous pouvez découvrir. Écoutez les histoires sur votre famille et prenez note de tout ce que vous apprenez. Vous pouvez maintenant commencer vos recherches.

Chaque site Web possède son propre moteur de recherche. Comme la plupart des documents liés aux recensements canadiens proviennent de BAC, nous nous concentrerons sur son moteur de recherche. Choisissez le recensement qui vous semble le plus pertinent compte tenu des renseignements que vous avez recueillis. Par exemple, si votre ancêtre est né en 1869, le Recensement de 1871 serait le premier à en avoir la trace.

La plupart des bases de données vous permettent de faire des recherches par nom et par lieu. Bon nombre d'entre elles offrent également la possibilité de faire des recherches par mot-clé, ce qui vous permet de rechercher à peu près n'importe quoi. Une fois les champs remplis, il suffit d'utiliser la touche « Entrée ».

Figure 1
Figure 1 - Moteur de recherche pour le Recensement de 1871. Recherche par mot-clé, nom de famille, prénom, âge, province et autres options avancées.

Une fois que vous aurez entré vos termes de recherche, une liste de résultats qui contient d'autres renseignements de base apparaîtra. Par exemple, si vous cherchez un John Smith à Sherbrooke, né vers 1823, la première entrée ci-dessous semble prometteuse.

Figure 2
Figure 2 - Les résultats de la recherche pour John Smith à Sherbrooke. Il y a trois entrées visibles sur la page, y compris deux entrées complètes et une entrée partielle. Chacune comporte une imagette de la page du recensement où l'on peut trouver plus de renseignements. À côté de chaque imagette se trouve un résumé des renseignements qui figurent sur la page du recensement, soit l'année, le numéro d'item, le nom de famille, le prénom, l'âge, la province, le nom du district et le nom du sous-district.

Vous pouvez choisir de visualiser le recensement manuscrit en format JPG ou PDF, puis parcourir la liste des noms pour trouver la personne que vous cherchez. Vous pouvez cliquer sur le numéro d'item pour voir la référence complète, qui comprend le lieu de naissance et la religion.

Pratiques exemplaires à garder à l'esprit

Dans un monde parfait, il suffirait d'entrer un nom dans une base de données du recensement pour obtenir les renseignements voulus. Cependant, la recherche est souvent un peu plus compliquée. Parfois, vous aurez de la difficulté à trouver les renseignements que vous cherchez, et dans d'autres cas, la liste d'entrées sera si longue qu'il vous sera difficile de trouver la bonne. Voici quelques suggestions pour faciliter vos recherches.

Vérifier les noms

Lorsque l'on utilise le recensement pour faire des recherches sur l'histoire de sa famille, il est important d'éviter les recherches qui se limitent au nom de la personne. Les noms fournis dans le recensement peuvent être trompeurs pour plusieurs raisons. Parfois, les noms sont répétés d'une génération à l'autre ou il s'agit de noms très courants. Parfois, il y a des erreurs dans la base de données parce que l'indexeur ne pouvait pas lire l'écriture de l'agent recenseur. En outre, l'orthographe d'un nom peut changer au fil du temps.

Vérification par recoupement

Dans la mesure du possible, il est toujours bon de faire une vérification par recoupement pour tous les renseignements que vous trouvez. Parfois, cela signifie qu'il faut passer d'un recensement à l'autre pour retrouver la trace de votre famille. Vous pouvez faire des vérifications par recoupements à l'aide de certificats de naissance, de mariage et de décès, de répertoires de ville, de dossiers d'immigration et de dossiers militaires, entre autres. Par exemple, vous vous doutez probablement qu'il pourrait y avoir eu plus d'un John Smith né en 1823 à Sherbrooke. Alors, comment faire pour savoir si vous avez trouvé le bon?

Supposons que vous avez trouvé le certificat de mariage de votre parent, John Smith, et que ce certificat indique qu'il a épousé une femme nommée Christie. Après avoir téléchargé l'image, vous pouvez l'agrandir et voir que le document de recensement de ce John Smith montre qu'il a marié une femme du nom de Christie et qu'ensemble ils ont eu neuf enfants. Vous savez que John Smith et Christie Smith sont mariés, car ce détail est inscrit à la colonne 15. Il y a donc de bonnes chances que vous ayez trouvé une correspondance. Sinon, vous pouvez revenir aux résultats de la recherche et réessayer.

Soyez créatif

La recherche peut ressembler davantage à un art qu'à une science et, dans bien des cas, il peut être utile d'adopter une approche créative. Par exemple, vous pouvez essayer de suivre votre ancêtre au fil des recensements, en avançant et en reculant dans le temps pour vous assurer que vous avez trouvé la bonne personne. Dans d'autres cas, vous pouvez essayer de combiner une variété de termes de recherche. Vous pouvez également trouver des renseignements en examinant le quartier dans lequel une personne a vécu, le type de travail qu'elle faisait et même la façon dont sa vie a changé au fil des ans.

N'abandonnez pas!

Faire des recherches sur l'histoire de votre famille peut être difficile, mais ne vous inquiétez pas. Ce travail fait davantage penser à un marathon qu'à un sprint; il demandera du temps. Parallèlement, de nouveaux recensements sont publiés à quelques années d'intervalle, et les bases de données sont constamment mises à jour avec de nouveaux renseignements et des corrections. Assurez-vous donc de reprendre vos recherches de temps en temps. Si vous rencontrez des problèmes, vous pouvez toujours demander de l'aide. Une impressionnante communauté d'historiens de famille et de généalogistes s'étend sur le monde entier.

Le recensement et l’histoire de votre famille

Nous pouvons en apprendre beaucoup sur l’histoire de notre famille grâce au recensement. Voulez-vous savoir comment utiliser le recensement pour en savoir plus sur l’histoire de votre famille? Consultez nos autres billets de blogue!

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la façon d’utiliser le recensement pour effectuer des recherches, consultez le guide détaillé de Bibliothèque et Archives Canada.

Utiliser le recensement pour faire des recherches sur l'histoire de votre famille — Partie 3 : exemple concret

Dans ce billet, nous nous pencherons sur un exemple illustrant ce que vous pouvez apprendre sur l'histoire de votre famille en utilisant le recensement. Pour obtenir de plus amples renseignements sur la façon d'utiliser le recensement pour faire des recherches sur l'histoire de votre famille, n'oubliez pas de jeter un coup d'œil aux deux premiers billets de cette série.

Nous allons découvrir Mildred (Lewis) Ware, une figure historique importante. Mildred était l'épouse de John Ware, un important éleveur et agriculteur noir qui a vécu en Alberta au cours des années 1890.

Avant de commencer nos recherches à l'aide du recensement, nous devons recueillir quelques renseignements de base. Dans ce cas-ci, nous détenons déjà plusieurs détails (en anglais seulement), grâce à des recherches effectuées par la Heritage Community Foundation. Ces recherches montrent que Mildred est née à Toronto en 1871. Elle a épousé son mari en 1892, à peu près au moment où elle a déménagé en Alberta. Mildred a donné naissance à cinq enfants et elle est décédée en 1905, à l'âge de 34 ans.

Le Recensement de 1881 nous servira de point de départ, puisque Mildred n'était peut-être pas née lors du Recensement de 1871. Nous cherchons une Mildred Lewis qui a vécu à Toronto et qui aurait eu 9 ou 10 ans à l'époque. Pour obtenir un maximum de résultats, nous n'entrerons que son prénom et son nom de famille.

Notre recherche a donné quatre résultats, mais un seul d'entre eux correspond à une fille qui vivait à Toronto et qui appartenait au groupe d'âge qui nous intéresse.

Figure 1
Figure 1 - Une capture d'écran des résultats de recherche de la base de données du Recensement de 1881. Trois entrées sont visibles sur cette image. L'une désigne une fille de 6 ans du nom de Anne Mildred Lewis, une autre désigne une fille de 10 ans du nom de Mildred Lewis, et une autre entrée partielle désigne une personne ayant le nom de famille de Lewis. Chaque entrée comporte une imagette d'une page du recensement manuscrit et des renseignements de base sur la personne faisant l'objet de la recherche. Ces renseignements comprennent l'année de recensement, le numéro d'item, le nom de famille, le prénom, l'âge, la province, le nom du district et le nom du sous-district.

En sélectionnant l'option JPG pour cette page du recensement, nous verrons la page où apparaît Mildred et sa famille.

Figure 2
Figure 2 - Une capture d'écran d'une page du recensement manuscrit de 1881. Cette page comprend des entrées pour Mildred Lewis et sa famille, ainsi que plusieurs autres familles qui ont été dénombrées dans la même région.

Nous pouvons voir ci-dessous que Mildred était la fille de Daniel et Charlotte Lewis, et qu'elle vivait dans le quartier Saint-David à Toronto avec ses frères et sa sœur.

Figure 3
Figure 3 - Une version recadrée de l'image précédente, mettant la famille de Mildred Lewis bien en évidence.

Au moment de ce recensement, Daniel avait 47 ans et était marié à Charlotte, âgée de 32 ans. Selon les renseignements figurant sur l'image ci-dessus, Daniel, un charpentier, est né aux États-Unis. Charlotte est née en Ontario. À l'époque, la profession d'une femme n'était inscrite que si elle travaillait en dehors de la maison. Puisqu'aucune profession n'a été inscrite, nous pouvons en déduire que Charlotte travaillait à la maison. On a indiqué que la famille était d'origine africaine (noire) et qu'elle était de confession baptiste. En plus de Mildred, la famille comptait trois autres enfants : un fils de 12 ans nommé Thomas, une fille de 2 ans nommée Jessie et un fils de 9 mois nommé Spencer. Tous les enfants sont nés en Ontario. Thomas et Mildred fréquentaient l'école lors de la tenue du recensement.

En jetant un coup d'œil aux autres personnes recensées en même temps que les Lewis, nous pouvons voir que la famille vivait dans une région diversifiée. Dans le voisinage des Lewis, il y avait des Irlandais, des Anglais, des Écossais et des Allemands, ainsi qu'une autre famille noire. Parmi les professions énumérées par les voisins, on comptait un boucher, un ferreur, un embouteilleur, un fabricant de chaussures et un domestique.

Revenons ensuite au Recensement de 1871 pour voir si nous pouvons trouver la trace de la famille de Mildred avant sa naissance. Pour ce faire, nous entrerons le nom de Charlotte Lewis dans le moteur de recherche. Notre recherche initiale a donné 16 résultats. Seulement deux des femmes dans cette liste étaient dans la bonne tranche d'âge : une habitait à Markham, en Ontario, et une habitait dans le quartier Saint-David de Toronto, en Ontario.

Figure 4
Figure 4 - Une capture d'écran d'une page du Recensement de 1871, axée sur la famille de Charlotte Lewis.

Un coup d'œil rapide nous apprend que la femme nommée Charlotte Lewis qui habitait dans le quartier Saint-David était mariée à Daniel Lewis, un charpentier de 37 ans, et qu'ils avaient un fils de 2 ans qui s'appelait Thomas (recensé sous le nom de Thomas Henry). Comme cela correspond aux renseignements que nous avons déjà, il s'agit probablement de la même famille, même si son adresse est différente. Une autre enfant est mentionnée ici, Frances Jane, qui avait 1 mois. Comme son nom n'apparaissait pas dans le Recensement de 1881, elle est probablement décédée entre 1871 et 1881.

Contrairement au Recensement de 1881, le Recensement de 1871 a permis de recueillir des renseignements sur la littératie des gens, et nous pouvons constater ici que Charlotte et Daniel savaient tous les deux lire et écrire. Ce qui est curieux dans cette entrée, c'est qu'il est indiqué que Charlotte et ses enfants sont tous nés en Ontario, mais leur origine ethnique est indiquée comme étant anglaise. Celle de Daniel est indiquée comme étant américaine. Selon le manuel du Recensement de 1871, la réponse inscrite au recensement correspondait à la réponse donnée par la personne interrogée.

Ensuite, nous nous pencherons sur le Recensement de 1891. Cependant, celui-ci ne comprend aucune entrée concernant Charlotte, Daniel ou Thomas. Plusieurs raisons pourraient expliquer ce fait. Toutefois, nous avons trouvé une personne qui vivait en Alberta, et il s'agit fort probablement de Mildred. Cette Mildred Lewis avait 20 ans et son lieu de naissance était l'Ontario. Dans le recensement, il est indiqué que son père est né aux États-Unis et que sa mère est née en Ontario. En outre, nous pouvons voir que Mildred était de confession baptiste. Les questions de ce recensement ne portaient que sur le pays ou la province de naissance, donc rien n'est inscrit au sujet de son origine raciale ou ethnique, mais une note indique qu'elle vivait dans ce ménage en tant que domestique. Nous pouvons le constater à la colonne 10 sous « Lien de parenté avec le chef de famille », où apparaît la mention « Dom », ce qui signifiait « domestique » dans ce recensement. Ce recensement nous indique également qu'elle était célibataire et qu'elle savait lire et écrire.

Figure 5
Figure 5 - Une capture d'écran d'une page du Recensement de 1891 montrant l'entrée de Mildred Lewis.

Mildred ne figure pas dans le Recensement de 1901, ni sous son nom de jeune fille ni sous son nom de femme mariée. Sa famille n'a pas été dénombrée non plus. D'ailleurs, il n'y avait aucune entrée pour son mari, John Ware. Encore une fois, les raisons pouvant expliquer cette lacune sont nombreuses.

Bien que nous sachions que Mildred est décédée en 1905, suivie de près par son mari, nous devrions tout de même consulter le Recensement de 1906 (Recensement des provinces du Nord-Ouest, 1906 — Alberta, Manitoba et Saskatchewan) pour vérifier si nous pouvons trouver des renseignements sur ses parents, ses frères et sœurs ou ses enfants. Si nous entrons les données correspondant à Charlotte dans le moteur de recherche en nous assurant d'utiliser la bonne tranche d'âge, nous avons droit à une heureuse surprise.

Figure 6
Figure 6 - Une capture d'écran d'une page du Recensement de 1906 montrant une entrée sur la famille Lewis-Ware.

Nous trouvons non seulement Charlotte, Daniel et leurs enfants, Thomas, Jessie et Spencer, mais aussi deux autres enfants nés entre 1881 et 1906 : un fils âgé de 17 ans, Daniel, et une fille âgée de 16 ans, Alberta. Selon le recensement, Alberta est née dans la province de l'Alberta, alors il semble que la famille y ait déménagé après le décès de Mildred. La famille vivait dans sa propre maison à la campagne. Spencer semble également avoir été le propriétaire de quatre chevaux.

Le plus remarquable, c'est que cinq autres enfants, tous nés en Alberta, appartenaient à ce ménage : Janet Ware, âgée de 13 ans; Robert Ware, âgé de 12 ans; William Ware, âgé de 8 ans; Lina Ware, âgée de 8 ans; et Arthur Ware, âgé de 6 ans. Il s'agit des petits-enfants de Daniel et Charlotte, partis vivre avec leurs grands-parents à la mort de leurs parents, Mildred et John.

Comme le montre cet exemple, le recensement peut nous apprendre beaucoup de choses sur l'histoire d'une famille. Imaginez les autres histoires que vous pourriez découvrir!

Figure 7
Figure 7 - John Ware, éleveur noir, et sa famille dans le sud de l'Alberta, vers 1896, musée Glenbow (dossier NA-263-1).

Le recensement et l’histoire de votre famille

Nous pouvons en apprendre beaucoup sur l’histoire de notre famille grâce au recensement. Voulez-vous savoir comment utiliser le recensement pour en savoir plus sur l’histoire de votre famille? Consultez nos autres billets de blogue!

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la façon d’utiliser le recensement pour effectuer des recherches, consultez le guide détaillé de Bibliothèque et Archives Canada.

La vie d'un agent recenseur du Recensement de 1871

Vous vous êtes déjà demandé à quoi ressemblait la vie d'un agent recenseur en 1871? Ou à quel point le recensement était différent dans le passé? Lisez la suite pour le savoir!

Le Recensement de 1871

Le recensement national a été instauré dans le cadre de la Loi constitutionnelle de 1867, aussi connue sous le nom de Loi de 1867 sur l'Amérique du Nord britannique. Il s'agit du document juridique qui a créé le Dominion du Canada. Cette loi précisait qu'un recensement serait réalisé en 1871 et tous les 10 ans par la suite.

Bien que le Recensement de 1871 soit appelé un recensement national, il couvrait uniquement le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Ontario et le Québec. Le Manitoba et les Territoires du Nord-Ouest sont entrés dans la Confédération en 1870, mais ils n'ont pas participé à ce recensement. La Colombie-Britannique, qui s'est jointe à la Confédération en 1871, n'y a pas participé non plus. Le but premier du Recensement de 1871 était de déterminer le nombre de députés qui devaient être affectés à chaque district, en fonction de la taille de la population. Le recensement était obligatoire; tous les Canadiens étaient donc légalement tenus d'y participer.

Le Recensement de 1871 comprenait 211 questions réparties en neuf groupes différents (aussi appelés « tableaux »). Ils comprenaient les rubriques suivantes :

  • Tableau 1 : Dénombrement des vivants
  • Tableau 2 : Dénombrement des morts
  • Tableau 3 : Établissements publics, propriétés immobilières et mobilières
  • Tableau 4 : Les terres cultivées et leurs produits
  • Tableau 5 : Bétail, produits animaux y compris les fourrures
  • Tableau 6 : Établissements industriels
  • Tableau 7 : Produits des forêts
  • Tableau 8 : Navigation et pêcheries
  • Tableau 9 : Produits des mines

La vie d'un agent recenseur

Pour mener le recensement, le gouvernement a dû embaucher des agents recenseurs. Nous pouvons en apprendre davantage sur leur vie en consultant le manuel pour les agents recenseurs du Recensement de 1871.

Figure 1
Figure 1 - La première page du manuel de l'agent recenseur pour le Recensement de 1871. Le titre officiel est Manuel comprenant « L'Acte du Recensement » et les instructions destinées aux officiers employés dans le premier recensement du Canada, 1871. Il a été publié à Ottawa par ce qui était alors le département de l'Agriculture.

Ce recensement a nécessité la participation de 2 789 agents recenseurs travaillant au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, en Ontario et au Québec. Les personnes embauchées pour faire ce travail étaient « intelligentes, honnêtes, laborieuses et bien préparées ». Certains agents recenseurs habitaient dans la même collectivité où ils menaient leur enquête, mais pas tous. Le devoir le plus important d'un agent recenseur était d'être discret et de protéger la confidentialité des renseignements personnels recueillis. Comme l'explique le manuel, on s'attendait à ce que tous les agents recenseurs « doivent apporter, à l'accomplissement de leurs fonctions, la discrétion qui doit caractériser les actes d'hommes appelés à remplir des devoirs importants et d'une nature délicate ». Autrement dit, ils étaient chargés de veiller à ce que tous les renseignements recueillis demeurent confidentiels.

Chaque agent recenseur recevait « cahiers d'une grandeur convenable, facile par conséquent à transporter et à manœuvrer ». Ces feuilles de papier avaient été conçues pour contenir toutes les réponses d'un tableau sur une seule page, afin de réduire la quantité de feuilles à manipuler. Elles devaient être rangées dans un dossier ou un porte-documents pour faciliter leur transport. Le porte-documents servait également de surface solide sur laquelle l'agent recenseur pouvait écrire. Chaque page comportait une liste de rubriques permettant aux agents recenseurs d'inscrire des renseignements sur la région où ils menaient leur enquête. Toutes les pages devaient être numérotées dans le bon ordre.

Figure 2
Figure 2 - Le haut d'une page du recensement où les agents recenseurs indiquaient la province, le district et le sous-district faisant l'objet d'un recensement par interview, ainsi que le numéro de page du document.

À la fin de la journée, les agents recenseurs devaient également apposer leur signature à la dernière ligne du Tableau 1 et indiquer la date.

Figure 3
Figure 3 - Le bas d'une page du recensement, montrant la signature de l'agent recenseur dans le coin inférieur droit.

Les agents recenseurs faisaient du porte-à-porte pour interviewer les membres de chaque ménage et consigner leurs réponses. L'exactitude était d'une importance cruciale. Si des erreurs étaient commises au moment d'inscrire les renseignements, elles étaient corrigées en les rayant d'un mince trait à l'encre. Si une personne refusait de répondre, on s'attendait à ce que les agents recenseurs soient courtois, mais fermes. Dans ces cas, on avertissait la personne que le refus de répondre aux questions du recensement pouvait entraîner une amende.

Une fois toutes les interviews terminées, toutes les feuilles de papier officielles (même celles qui n'avaient pas servi) étaient envoyées au ministère de l'Agriculture (Bureau du recensement). Il était interdit de faire des copies des réponses à l'enquête.

Questions et réponses inhabituelles

L'un des aspects les plus singuliers du Recensement de 1871 était qu'il s'agissait du premier recensement à recueillir des renseignements sur les origines nationales, raciales ou ethniques de tous les Canadiens. Les recensements précédents comportaient uniquement des questions sur le pays de naissance et la religion. Ainsi, le Recensement de 1871 est particulièrement important pour les historiens, car il montre la diversité du pays dès 1871. Les agents recenseurs devaient inscrire la réponse exactement telle qu'elle avait été donnée par chaque personne.

Figure 4
Figure 4 - Un extrait du manuel de l'agent recenseur donnant des instructions sur la façon d'inscrire les renseignements concernant l'origine ethnique de la personne recensée. Le texte se lit comme suit : « Colonne 13. L'origine des familles et des individus doit-être inscrite telle que donnée par le chef de famille ou la personne interrogée comme suit : Anglaise, Irlandaise, Écossaise, Africaine, Sauvage, Allemande, Française etc., ainsi qu'illustré par le Tableau-Exemple ».

Les agents recenseurs recevaient également des instructions sur la façon d'inscrire la profession, le métier ou l'occupation de certaines personnes. Par exemple, si les fils travaillaient pour leur père, on notait qu'ils exerçaient le même métier que lui. Donc, si un homme était charpentier et que son fils travaillait pour lui, on inscrivait que le fils était également charpentier. Toutefois, tout jeune homme qui étudiait, que ce soit à l'école ou comme apprenti, était inscrit comme étudiant.

Figure 5
Figure 5 - Une capture d'écran du manuel avec le texte : « Colonne 14. La profession, le métier ou l'occupation doivent aussi être inscrits tels que donnés. Quand deux professions sont pratiquées par la même personne, on peut les inscrire toutes deux, ou n'en inscrire qu'une selon l'avis de la personne elle-même. Les enfants qui suivent la profession de leur père ou lui sont associés doivent porter la même indication. Par exemple : Un fils de cultivateur travaillant avec son père doit-être désigné comme " Cultivateur ", le fils d'un charpentier comme " Charpentier ". Les jeunes gens étudiant une profession ou apprenant un métier, doivent être désignés dans cette colonne comme suit : " Etud : en médecine " — " Etud : en loi "— " Apprenti forgeron " et ainsi de suite. Les élèves des maisons d'éducation peuvent être désignés sous le nom générique d'étudiants. »

La profession des femmes était seulement inscrite si leur travail se faisait en dehors de leurs fonctions habituelles à la maison. Dans ces cas, la profession d'une femme était notée par un tiret « — », qui était le même signe que l'on inscrivait pour les enfants.

Figure 6
Figure 6 - Une capture d'écran du manuel contenant le texte suivant : « Quant à ce qui regarde les femmes, à moins qu'elles n'aient une occupation distincte à part des travaux de la maison, elles doivent être désignées comme n'ayant pas de profession spéciale par le signe — ; il en est de même des enfants. Les femmes ayant une occupation spéciale, comme celle de couturière, de commis, d'employée de manufacture, doivent être désignées selon le cas. »

Au Tableau 6 : Établissements industriels, le manuel contient des exemples très précis. Lorsque nous pensons à des établissements industriels, nous pensons souvent à des usines ou des projets à grande échelle, mais selon le Manuel contenant l'Acte de recensement, il s'agissait d'endroits où les gens travaillaient pour fabriquer, modifier, créer ou transformer les matériaux, pour la vente ou la consommation, quelle que soit la quantité produite. Dans ce recensement particulier, les moulins et les poteries, ainsi que les magasins de chaussures et les boutiques de vêtements et de tailleurs, étaient tous considérés comme des établissements industriels.

Figure 7
Figure 7 - Une capture d'écran du manuel avec le texte : « Par établissement on entend un local quelconque dans lequel une ou plusieurs personnes sont employées à transformer une matière quelconque en article d'usage ou de consommation, sans égard à la valeur de l'établissement et de ses produits.
Un four à chaux, une fromagerie à part d'une ferme, un chantier de construction de navires, une fabrique d'acide sulfurique, un moulin quelconque, une marbrerie, une poterie, une fonderie, une manufacture de roues ou de voitures, une charcuterie, une raffinerie, une manufacture de draps, une usine quelconque, tout aussi bien que les boutiques de cordonniers, de selliers, de tailleurs, de forgerons, de menuisiers, de charpentiers, etc., etc., sont tous des établissements industriels. Dans les produits de tous ces établissements on doit enregistrer la valeur des travaux ordinaires de réparation et de raccommodage. Il va sans dire que la valeur du travail des ouvriers employés à gage ne doit pas être enregistrée à part, attendu que cela fait partie des produits de l'établissement qui les emploie. »

Conclusion

Nous pouvons en apprendre beaucoup sur le Recensement de 1871, sur le travail des agents recenseurs et sur les perspectives des Canadiens à la fin du XIXe siècle simplement en consultant le Manuel contenant l'Acte de recensement. Aujourd'hui, le fait le plus important n'a pas changé : être un agent recenseur demeure une responsabilité importante.

Le recensement et l’histoire de votre famille

Nous pouvons en apprendre beaucoup sur l’histoire de notre famille grâce au recensement. Voulez-vous savoir comment utiliser le recensement pour en savoir plus sur l’histoire de votre famille? Consultez nos autres billets de blogue!

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la façon d’utiliser le recensement pour effectuer des recherches, consultez le guide détaillé de Bibliothèque et Archives Canada.

Foire aux questions — Renseignements pour les employés du recensement

Dois-je déclarer les revenus de mon emploi au recensement?

Oui. Les revenus des employés du recensement sont imposables et assurables aux fins de l'assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada.

Comment puis-je obtenir mes feuillets T4 et Relevé 1?

Tous les relevés d'impôt seront produits et envoyés aux employés au moyen du service postelMC de Postes Canada à la fin de février 2022.

Comment puis-je obtenir mon relevé d'emploi?

Tous les relevés d'emploi seront accessibles sur le site Web de Service Canada pendant une période de deux (2) ans. Vous pouvez ouvrir une session à Mon dossier Service Canada pour accéder à votre relevé d'emploi dans les cinq (5) jours ouvrables suivant la réception de votre dernier paiement.

J'ai encore des documents du recensement. Que dois-je en faire?

Tous les documents du recensement doivent être rendus à votre superviseur à la fin de votre emploi. Si vous ne pouvez pas joindre votre superviseur, retournez vos documents au bureau régional du recensement de votre région. Veuillez communiquer avec nous au 1-855-560-9733 si vous avez des questions.

À quoi servent les données du recensement?

Les administrations publiques, les communautés et organismes autochtones, les organismes communautaires et agricoles, les entreprises ainsi que bien d'autres organisations utilisent les données du recensement.

Voici quelques exemples de la façon dont les données du recensement sont utilisées pour prendre des décisions éclairées qui profitent directement à vous, à votre collectivité et à l'ensemble du pays.

Administrations publiques

Gouvernement fédéral

  • Vote : Le gouvernement fédéral utilise les chiffres de population de certaines années de recensement pour redéfinir les limites des circonscriptions électorales fédérales et pour assurer une représentation égale de la population à la Chambre des communes.
  • Sécurité de la vieillesse et Allocation canadienne pour enfants : Les ministères utilisent les données démographiques et les données sur la composition des ménages provenant du recensement pour planifier des programmes sociaux comme la Sécurité de la vieillesse et l'Allocation canadienne pour enfants.
  • Planification en cas de catastrophes naturelles et autres : Les équipes de recherche fédérales utilisent les données du recensement pour modéliser les risques liés aux catastrophes comme les inondations, les tremblements de terre, les aléas côtiers et les catastrophes causées par l'homme. Cela permet de comprendre où se trouvent les populations et d'établir un modèle afin d'estimer les endroits où les personnes pourraient être exposées à des catastrophes.

Gouvernements provinciaux et territoriaux

  • Garderies, écoles et résidences pour retraités : Les gouvernements provinciaux et territoriaux utilisent les données du recensement sur l'âge et les chiffres de population pour comprendre l'évolution des régions et pour estimer les besoins en matière de programmes, y compris la nécessité d'établir de nouvelles garderies, écoles et résidences pour retraités.
  • Services de santé : En mettant en correspondance les données du recensement, les gouvernements provinciaux et territoriaux peuvent fournir de meilleurs services communautaires de santé en fonction des besoins du quartier.
  • Routes et transports publics : Les planificateurs en transport des administrations provinciales, territoriales, régionales et municipales utilisent les données du recensement pour analyser les débits de circulation, évaluer les services de transport existants et planifier les modifications aux services et aux réseaux routiers.

Administrations municipales

  • Écoles et services d'urgence : Les municipalités utilisent les données démographiques et les données sur la composition des ménages provenant du recensement pour planifier divers services, comme les garderies, les écoles ainsi que les services de police et de protection contre les incendies.
  • Services aux aînés : Les administrations municipales utilisent les données du recensement sur les personnes âgées pour planifier les besoins en matière de logements abordables ou de prestations de logement transférables pour les aînés. Les données du recensement sur les personnes âgées sont également utilisées pour déterminer les endroits où les volumes d'appels aux services paramédicaux pourraient augmenter dans les années à venir et si les ressources appropriées sont affectées correctement.
  • Besoins en traduction : Les administrations municipales et provinciales utilisent les données du recensement sur la langue pour déterminer la nécessité de traduire des documents et de la signalisation.

Communautés et organismes autochtones

  • Soutien communautaire : Les communautés autochtones utilisent les données du recensement pour évaluer les services sociaux et de santé existants et pour déterminer les meilleures façons de soutenir leur communauté, que ce soit par l'entremise de programmes d'éducation, de services d'emploi et de formation, de services de santé, de soutien au logement ou de services à la petite enfance.
  • Développement économique : Les Premières Nations utilisent les données du recensement pour favoriser le développement économique afin de fournir des données sur les subventions, les programmes et les services.
  • Programmes pour la communauté : Les organismes qui fournissent des services aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits se servent des données sur l'identité autochtone et des données démographiques de base pour planifier et élaborer des programmes qui répondent aux besoins de la population.
  • Langues autochtones : Les dirigeants autochtones utilisent les données du recensement sur les langues autochtones afin d'évaluer le besoin de services dans les langues traditionnelles et de créer des programmes visant à soutenir l'apprentissage et la croissance de ces langues dans leur communauté.

Organismes communautaires

  • Emploi : Les gestionnaires de programmes utilisent les données du recensement pour aider la population des minorités visibles et les personnes ayant une incapacité à intégrer le marché du travail et à obtenir de meilleurs emplois. Ils se fient également au recensement pour obtenir des renseignements sur le marché du travail.
  • Services aux personnes ayant une incapacité : Les données du recensement servent à déterminer les personnes qui devraient être comprises dans l'Enquête canadienne sur l'incapacité. Celle-ci permet de recueillir des renseignements sur le type d'incapacité et sa gravité, l'utilisation d'aides et d'appareils fonctionnels, l'aide reçue ou requise, le recours à diverses thérapies et divers soutiens des services sociaux, le niveau de scolarité, les aspects relatifs à l'activité sur le marché du travail, les exigences et les besoins insatisfaits en matière d'adaptation à l'école ou au travail ainsi que le confinement à la maison. Ces renseignements aident les organismes et les administrations publiques à évaluer et à mettre en œuvre des programmes et des services adaptés aux personnes ayant une incapacité ainsi qu'à éliminer les obstacles auxquels celles-ci peuvent être confrontées.

Organismes agricoles

  • Décisions financières : Les organismes agricoles s'appuient sur les renseignements du recensement pour prendre des décisions liées à la production, à la commercialisation et à l'investissement.
  • Tendances : Les données du recensement servent à déterminer les tendances et les changements dans les pratiques agricoles ainsi qu'à fournir des renseignements factuels sur les enjeux économiques et sociaux émergents, de même que sur les possibilités et les défis au sein de la communauté agricole.
  • Répercussions des conditions météorologiques : Les organismes agricoles utilisent les données du recensement pour évaluer les répercussions des catastrophes naturelles sur l'agriculture (comme les inondations, les sécheresses et les tempêtes) et y réagir adéquatement.

Entreprises

  • Décisions relatives à la propriété : Les entreprises déterminent l'emplacement de nouvelles usines et de nouveaux magasins et bureaux en se fondant principalement sur la taille et la répartition de la population dans les différentes régions, soit des éléments qui sont déterminés à partir des données du recensement.
  • Décisions relatives au marché : Les propriétaires d'entreprise utilisent les données du recensement sur la géographie et le revenu médian pour déterminer le montant que les clients potentiels d'une région peuvent dépenser pour un bien ou un service.
  • Assurance-vie : Les sociétés d'assurance-vie utilisent les données du recensement sur l'âge pour établir leurs barèmes des primes.
  • Conception de produits : Les fabricants d'équipement ménager et agricole utilisent les données du recensement pour déterminer les meilleurs emplacements de marché pour leurs produits. Ils peuvent également évaluer les avantages de concevoir certains produits par la connaissance des caractéristiques de la population de régions en particulier.

Particuliers

  • Recherche d'une nouvelle maison : Les familles examinent les données du recensement au moment de choisir un nouveau quartier pour s'assurer que l'environnement est adapté à leur mode de vie.
  • Négociations salariales : Les travailleurs utilisent les données du recensement sur les professions pour déterminer les salaires moyens selon la profession, ce qui peut les aider à faire valoir leurs arguments en faveur d'un salaire plus élevé.
  • Choix en matière d'éducation : En examinant les données du recensement relatives aux professions, les étudiants peuvent déterminer les professions les plus recherchées, ce qui peut les aider à prendre des décisions éclairées quant à leur choix de programme d'études.