Décisions rendues par les tribunaux dans les affaires d’homicide de femmes et de filles lié au genre au Canada, 2009-2010 à 2020-2021

par Danielle Sutton et Adam Cotter

Début de l'encadré

Faits saillants

  • Aux fins du présent article de Juristat, les homicides de femmes et de filles liés au genre désignent les homicides résolus par la police qui ont été commis en fonction du genre d’une personne, et qui ont été perpétrés par un auteur présumé de genre masculin qui était un partenaire intime ou un membre de la famille de la victime, qui a infligé des actes de violence sexuelle à la victime lors du meurtre ou qui a tué une femme ou une fille identifiée par la police comme une travailleuse du sexe.
  • De 2009-2010 à 2020-2021, 440 affaires d’homicide lié au genre ont été traitées par les tribunaux de juridiction criminelle. Au total, 1 171 accusations ont été portées dans ces causes, soit une moyenne de 2,7 accusations couplées par cause. Dans l’ensemble, les homicides liés au genre font l’objet de moins d’accusations par cause que les autres groupes examinés dans le présent article (c.-à-d. les homicides de femmes et de filles non liés au genre et les homicides d’hommes et de garçons).
  • Parmi toutes les accusations traitées dans les 440 affaires d’homicide lié au genre, près de la moitié étaient liées à un homicide : 36 % des accusations étaient des accusations de meurtre au premier ou au deuxième degré, et 10 % étaient des accusations d’homicide involontaire coupable.
  • Au cours de la période d’analyse, 58 % des auteurs présumés de l’homicide d’une femme ou d’une fille lié au genre ont été reconnus coupables de l’une ou l’autre des accusations portées dans l’affaire. Cette proportion est plus élevée que celle qui a été observée chez les auteurs présumés de l’homicide d’une femme ou d’une fille non lié au genre, ainsi que chez les auteurs présumés de l’homicide d’une victime de genre masculin (50 % dans chaque cas).
  • Parmi tous les adultes reconnus coupables d’une accusation quelle qu’elle soit dans une affaire comportant au moins une accusation d’homicide et dont les renseignements sur la détermination de la peine étaient connus, plus de 9 auteurs présumés sur 10 (93 %) de l’homicide d’une femme ou d’une fille lié au genre ont été condamnés à une peine de détention. Il s’agit d’une proportion semblable à celles observées chez les auteurs présumés d’un homicide non lié au genre (92 %) et chez les auteurs présumés de l’homicide d’une victime de genre masculin (92 %).
  • Parmi les personnes condamnées à une peine de détention, les adultes reconnus coupables d’un homicide lié au genre avaient, en moyenne, une peine restante de 12,5 ans à purger après l’application du crédit accordé pour le temps passé en détention, soit trois ans de plus que les personnes qui ont été reconnues coupables de l’homicide d’une femme ou d’une fille non lié au genre (9,2 ans en moyenne), et six ans de plus que les personnes reconnues coupables de l’homicide d’une victime de genre masculin (6,1 ans en moyenne).
  • En moyenne, il a fallu 603 jours civils pour traiter les affaires d’homicide lié au genre devant les tribunaux. La durée des affaires est mesurée à compter de la première comparution jusqu’à la décision finale. En moyenne, le traitement de ce type de causes a nécessité 89 jours de plus que le traitement d’affaires d’homicide de femmes et de filles non lié au genre, et 103 jours de plus que les homicides d’hommes et de garçons.
  • Dans les affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves et d’agression sexuelle grave, moins de différences ont été observées dans les décisions des tribunaux rendues dans les affaires liées au genre que dans celles non liées au genre. Même si les causes comportant une infraction avec violence liée au genre comprenaient, en moyenne, plus d’accusations que les causes comportant une infraction avec violence non liée au genre commise contre une personne de genre féminin ou masculin, des proportions semblables d’auteurs présumés de ces crimes ont été reconnus coupables de l’une ou l’autre des accusations portées et ont été condamnés à une peine de détention. Cependant, les personnes reconnues coupables d’une infraction avec violence liée au genre ont reçu des peines plus courtes, en moyenne, que les personnes déclarées coupables dans des causes non liées au genre.

Fin de l'encadré

Bien que les taux d’homicides soient plus élevés chez les hommes et les garçons au Canada (Sutton, 2023b; David et Jaffray, 2022), les circonstances dans lesquelles les femmes et les filles sont tuées sont très différentes de celles des homicides commis contre des personnes de genre masculin. Les homicides de femmes et de filles sont souvent liés au genre, c’est-à-dire que les actes de violence dont elles sont victimes sont fondés sur leur sexe ou leur genre, ce qui, selon certains, s’explique en partie par des facteurs liés à des normes sociales nuisibles, aux inégalités et à la discrimination à l’égard des genres, ainsi qu’aux relations de pouvoir inégales (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2022). Par conséquent, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes a formulé des recommandations à l’intention des gouvernements afin qu’ils publient, chaque année, des données désagrégées sur le féminicide ― c.-à-d. le meurtre de femmes et de filles parce qu’elles sont des femmes et des filles ― ainsi que des renseignements liés à la poursuite et à la détermination de la peine visant les auteurs de ces crimes (Academic Council on the United Nations System, 2017).

Le terme « féminicide » a été utilisé pour la première fois en 1976 comme solution de rechange au terme neutre « homicide », et l’utilisation de ce terme n’a pris de l’ampleur que récemment (Sarmiento et autres, 2014). À l’origine, le terme désignait le meurtre de femmes par des hommes motivé par la haine, le mépris, le plaisir ou un sentiment d’appropriation des femmes (Caputi et Russell, 1990, p. 34). Sa définition a toutefois évolué au fil du temps. Aujourd’hui, le féminicide est généralement considéré comme le meurtre de femmes simplement parce qu’elles sont des femmes (Organisation mondiale de la Santé, 2012). Néanmoins, malgré les discussions qui se poursuivent, il n’existe pas de définition communément admise du féminicide dans un contexte canadien ou mondial (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2018). À ce titre, et conformément à la terminologie utilisée à l’échelle internationale, le terme « homicide de femmes et de filles lié au genre » est utilisé dans le présent article de Juristat (voir la définition à l’encadré 1).

La collecte et la diffusion de données sur la poursuite et la détermination de la peine visant les auteurs de crimes violents sont essentielles pour cerner les lacunes ou les différences dans les interventions du système de justice pénale dans ces affaires de meurtre et de violence non mortelle liée au genre. Les données peuvent ensuite être utilisées pour élaborer des programmes de formation destinés au personnel de première ligne. Bien que des recherches antérieures aient traité des décisions rendues par les tribunaux canadiens dans les affaires de violence entre partenaires intimes (voir Beaupré, 2015; Gannon et Brzozowski, 2004), le présent article est le premier à porter sur les décisions rendues par les tribunaux dans les affaires concernant la forme la plus extrême de violence liée au genre.

Fondé sur un fichier de données couplées créé à partir des données de l’Enquête sur les homicides et de celles recueillies dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité et de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle, cet article de Juristat comprend d’abord un bref exposé des caractéristiques des homicides liés au genre au Canada (pour obtenir un rapport détaillé, voir Sutton, 2023a). Dans la deuxième section, on analyse le cheminement des affaires d’homicide de femmes et de filles lié au genre dans le système des tribunaux de juridiction criminelle au cours d’une période de 12 exercices, c’est-à-dire de la période allant de 2009-2010 à 2020-2021. Une attention particulière est accordée au traitement des causes aux diverses étapes du processus de justice pénale, ainsi qu’à la comparaison des décisions rendues dans ces causes par rapport à celles rendues dans les affaires d’homicide de femmes et de filles non lié au genre et dans les affaires d’homicide d’hommes et de garçonsNote  . Dans la dernière section, on présente des données sur le cheminement, dans le système judiciaire, des affaires de violence non mortelle liée au genre ― c’est-à-dire les tentatives de meurtre ou les voies de fait graves commises contre une femme ou une fille par un partenaire intime ou un membre de la famille de genre masculin, ainsi que les agressions sexuelles graves perpétrées contre une femme ou une fille par un homme ou un garçon, indépendamment de leur relation ―, et on examine si le traitement de ces affaires a été différent de celui des affaires de violence non liée au genre.

Pour faciliter la lecture, les termes « homicides liés au genre » et « homicides non liés au genre » sont souvent utilisés dans le présent article, sans référence au genre des victimes. Toutefois, sauf indication contraire, ils font habituellement référence à des femmes et à des filles.

Cet article a été produit avec l’aide financière de Femmes et Égalité des genres Canada.

Début de l'encadré 1

Encadré 1
Terminologie

Le présent article de Juristat consiste essentiellement en un examen des décisions rendues par les tribunaux dans les affaires d’homicide de femmes et de filles lié au genre au Canada. Les homicides de femmes et de filles liés au genre sont définis comme des homicides perpétrés contre une personne en raison de son genre, c’est-à-dire par un auteur présumé de genre masculin qui était un partenaire intime ou un membre de la famille de la victimeNote  , qui a infligé des actes de violence sexuelle à la victime lors du meurtreNote  ou qui a tué une femme ou une fille identifiée comme une travailleuse du sexe. Pour être inclus dans le présent rapport, l’homicide doit avoir été commis par un auteur présumé de genre masculin Note  et avoir été résolu (c.-à-d. classé) par la policeNote  .

Dans la section 2, on compare les décisions rendues par les tribunaux dans les affaires d’homicide lié au genre par rapport à deux groupes de référence. Le premier groupe comprend les homicides de femmes et de filles non liés au genre, c’est-à-dire les homicides commis contre une femme ou une fille ne présentant aucun des critères liés au genre mentionnés précédemment. Il peut s’agir d’homicides de femmes ou de filles liés à la drogue ou à un vol qualifié, ou encore d’homicides commis par une personne de genre fémininNote  . Le deuxième groupe comprend les homicides d’hommes et de garçons. Pour faciliter la lecture, les termes « homicides liés au genre » et « homicides non liés au genre » sont souvent utilisés dans le présent article, sans référence au genre des victimes. Toutefois, sauf indication contraire, ils font habituellement référence à des femmes et à des filles.

La section 3 porte sur l’analyse des décisions rendues par les tribunaux dans les affaires de violence non mortelle mais grave, comme les tentatives de meurtre, les voies de fait graves et les agressions sexuelles graves. Pour que les deux premières infractions soient classées comme étant liées au genre, elles doivent avoir été commises contre une femme ou une fille par un auteur présumé de genre masculin qui était soit un partenaire intime, soit un membre de la famille de la victimeNote  . Pour que les agressions sexuelles graves soient classées comme étant liées au genre, la victime doit être de genre féminin et l’auteur présumé doit être de genre masculin, sans égard à la nature de leur relation. Les décisions rendues par les tribunaux dans les affaires de violence liée au genre sont comparées avec les décisions rendues dans les affaires de violence non liée au genre contre une femme ou une fille, c’est-à-dire celles qui ne répondent à aucun des critères mentionnés précédemment, mais qui ont été commises contre une victime de genre féminin par un auteur présumé connu, de genre masculin ou féminin. Le dernier groupe de référence comprend les tentatives de meurtre, les voies de fait graves et les agressions sexuelles graves perpétrées contre un homme ou un garçon par un auteur présumé connu.

Fin de l’encadré 1

Section 1 : Homicides de femmes et de filles liés au genre au Canada, 2011 à 2021

Récemment, le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités a publié des données sur les homicides de femmes et de filles liés au genre sur une période de 11 ans, soit de 2011 à 2021 (voir Sutton, 2023a). Dans l’ensemble, la grande majorité (77 %) des homicides résolus de femmes ou de filles commis par un auteur présumé de genre masculin ont été classés comme étant liés au genre. En d’autres termes, ce groupe d’homicides comprend ceux perpétrés contre une femme ou une fille par un auteur présumé de genre masculin qui était un partenaire intime ou un membre de la famille de la victime, qui a infligé des actes de violence sexuelle à la victime lors du meurtre ou qui a tué une femme ou une fille identifiée par la police comme une travailleuse du sexe. Au total, 1 125 personnes ont été victimes d’un homicide lié au genre perpétré par 1 077 auteurs présumés de genre masculin.

Certaines caractéristiques sont communes chez les victimes d’homicide lié au genre. Plus précisément, la plus forte proportion des victimes ont été tuées dans un lieu résidentiel (87 %), étaient âgées de 35 ans et plus (59 %) et sont mortes à la suite de blessures infligées à l’aide d’une arme pointue (34 %). Ces constatations diffèrent généralement des caractéristiques observées chez les hommes et les femmes victimes d’un homicide non lié au genre (tableau 1).

Parmi les 1 077 hommes identifiés comme auteurs présumés d’un homicide lié au genre, un peu moins de la moitié (48 %) avaient des antécédents criminels connus de la police, dont la plupart étaient de nature violente (33 %) (Sutton, 2023a). Une plus grande proportion d’auteurs présumés d’un homicide lié au genre sont décédés par suicide, comparativement à la proportion enregistrée chez les auteurs présumés d’un homicide non lié au genre commis contre une personne de genre masculin ou de genre féminin (21 % par rapport à 3 %).

Même si les données mentionnées ci-dessus couvrent une période plus courte et comprennent toutes les causes, les constatations peuvent aider à situer les données présentées ci-dessous dans le contexte plus large des homicides liés au genre.

Début de l'encadré 2

Encadré 2
Fichier de couplage

Afin de mieux comprendre le traitement des accusations d’homicide de femmes et de filles lié au genre dans le système des tribunaux de juridiction criminelle au Canada, un fichier de données a été créé pour coupler les données déclarées par la police dans le cadre de l’Enquête sur les homicides et du Programme de déclaration uniforme de la criminalité avec les données sur les causes réglées par les tribunaux provenant de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelleNote  .

Les homicides déclarés par la police au cours de la période allant de 2009 à 2021, pour lesquels au moins un auteur présumé a été identifié et des accusations d’homicides (c.-à-d. meurtre au premier degré, meurtre au deuxième degré, homicide involontaire coupable ou infanticide) ont été portées ou recommandées par la police, ont été inclus dans l’analyse. Bien que la présente analyse porte principalement sur les homicides de femmes et de filles qui sont liés au genre, toutes les affaires d’homicide ont été incluses dans le couplage afin de permettre des comparaisons avec les homicides de femmes et de filles qui ne sont pas liés au genre et les homicides d’hommes et de garçons.

Selon les résultats de l’Enquête sur les homicides, 1 030 femmes et filles ont été victimes d’un homicide lié au genre au cours de la période allant de 2009 à 2021, et la police a déposé ou recommandé des accusations contre au moins un auteur présumé de genre masculinNote  . De ce nombre, 44 % des homicides ont été couplés à au moins une accusation réglée par les tribunaux au cours de la période allant de 2009-2010 à 2020-2021. Ce taux de couplage était comparable aux taux observés pour les homicides de femmes et de filles non liés au genre (47 %) et les homicides d’hommes et de garçons (49 %) au cours de la même période. Il est possible que les décisions rendues par les tribunaux et les caractéristiques des affaires présentées dans cet article de Juristat diffèrent de celles pour lesquelles le couplage n’était pas possible (veuillez consulter la section « Sources de données et méthodologie » pour obtenir des renseignements sur les limites des données).

Fin de l’encadré 2

Section 2 : Décisions rendues par les tribunaux couplées aux affaires d’homicide déclarées par la police, 2009-2010 à 2020-2021

Au cours de la période allant de 2009 à 2021, la police a déclaré 1 271 affaires d’homicide lié au genre dans lesquelles 1 328 femmes et filles ont été tuées. La police a réglé environ 8 de ces affaires sur 10 (78 %) en déposant ou en recommandant une accusation. Parmi ces affaires, 44 % ont été couplées à au moins une accusation portée devant un tribunal, ce qui a donné 440 causes réglées par les tribunaux aux fins de l’analyseNote  . Au total, 1 171 accusations ont été portées dans ces causes, ce qui représente une moyenne de 2,7 accusations couplées par causeNote 

En revanche, 835 femmes et filles ont été tuées dans 809 affaires d’homicide non lié au genre déclarées par la police au cours de la même période. Environ les deux tiers (65 %) de ces affaires ont été classées par mise en accusation, dont 47 % ont été couplées à au moins une accusation portée devant un tribunal, ce qui a donné 266 causes aux fins de l’analyse. En tout, 1 129 accusations ont été portées dans ces causes, ce qui représente une moyenne de 4,2 accusations couplées par cause. Parallèlement, 5 954 hommes et garçons ont été victimes d’un homicide dans 5 781 affaires. Plus des deux tiers (69 %) de ces affaires ont été classées par mise en accusation, dont 49 % ont été couplées à au moins une accusation portée devant un tribunal, ce qui a donné 2 418 causes aux fins de l’analyse. Au total, 8 046 accusations ont été portées dans ces causes, ce qui représente une moyenne de 3,3 accusations couplées par cause (voir la figure 1).

Figure 1 début

Figure 1 Cheminement des affaires d'homicide dans le sysème de justice pénale, selon le statut de l'affaire concernant le genre et le genre de la victime, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau de données de la figure 1 
Tableau de données pour la figure 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données pour la figure 1. Les données sont présentées selon Cheminement dans le système de justice pénale (titres de rangée) et Homicides de femmes et de filles liés au genre, Homicides de femmes et de filles non liés au genre et Homicides d’hommes et de garçons, calculées selon nombre et pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Cheminement dans le système de justice pénale Homicides de femmes et de filles liés au genre Homicides de femmes et de filles non liés au genre Homicides d’hommes et de garçons
nombre pourcentage nombre pourcentage nombre pourcentage
Affaires signalées à la police au CanadaTableau de données pour la figure 1 Note 1 1 271 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 809 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 5 781 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Affaires dans lesquelles une accusation a été portéeTableau de données pour la figure 1 Note 2 995 78 527 65 3 975 69
Affaires portées devant les tribunauxTableau de données pour la figure 1 Note 3 437 44 248 47 1 965 49
Causes réglées par les tribunauxTableau de données pour la figure 1 Note 4 440 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 266 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 2 418 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Décisions comportant un verdict de culpabilitéTableau de données pour la figure 1 Note 5 253 58 134 50 1 209 50
Causes visant des adultes condamnés à une peine de détentionTableau de données pour la figure 1 Note 6 166 91 69 91 735 90

Figure 1 fin

Dans l’ensemble, les homicides liés au genre font l’objet de moins d’accusations par cause que les autres types d’homicides. Il est impossible de déterminer si cela est attribuable aux circonstances entourant la cause ou au fait que trop d’accusations sont portées dans les instances relatives à d’autres types d’homicides, une pratique selon laquelle la Couronne porte un plus grand nombre d’accusations pour avoir plus de poids dans le processus de négociation de plaidoyer.

Pour qu’une cause soit prise en compte, la police doit avoir porté ou recommandé une accusation d’homicide (c.-à-d. meurtre au premier degré ou au deuxième degré, homicide involontaire coupable ou infanticide) contre un auteur présumé, mais une accusation différente aurait pu être portée devant les tribunaux. Par conséquent, les affaires d’homicide incluses dans la présente analyse n’ont pas nécessairement mené à une accusation d’homicide devant les tribunaux de juridiction criminelle.

Selon les données policières, le meurtre constitue l’infraction la plus grave dans 9 affaires d’homicide lié au genre sur 10

Selon les données de la police, le meurtre constitue l’infraction la plus grave dans 90 % des affaires d’homicide lié au genre (graphique 1)Note  . Un peu plus de la moitié (51 %) de ces affaires étaient des meurtres au deuxième degré, et 39 %, des meurtres au premier degré. Pour la proportion restante de 10 % des affaires d’homicide lié au genre, l’homicide involontaire coupable était l’infraction la plus grave. En revanche, dans des proportions plus faibles d’affaires d’homicide non lié au genre ou d’homicide d’un homme ou d’un garçon, le meurtre était l’infraction la plus grave (85 % et 84 %, respectivement), tandis que l’homicide involontaire coupable était plus fréquent (15 % et 16 %, respectivement). La différence s’explique en grande partie par le fait que la police a déposé ou recommandé proportionnellement moins d’accusations de meurtre au premier degré dans ces derniers cas.

Graphique 1 début

Graphique 1 Causes couplées à des homicides déclarés par la police réglées par les tribunaux de juridiction criminelle, selon le statut de l’affaire concernant le genre et le type d’infraction, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau de données du graphique 1 
Tableau de données du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 1 Le type d'infraction, Homicides de femmes et de filles liés au genre, Homicides de femmes et de filles non liés au genre et Homicides d’hommes et de garçons, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Type d'infraction Homicides de femmes et de filles liés au genre Homicides de femmes et de filles non liés au genre Homicides d’hommes et de garçons
pourcentage
Accusation la plus grave portée (police) Meurtre au premier ou au deuxième degré 90 85 84
Homicide involontaire coupable 10 15 16
Accusations réglées par les tribunauxTableau de données du graphique 1 Note 1 Meurtre au premier ou au deuxième degré 60 49 44
Homicide involontaire coupable 20 30 33
Infanticide 0 1 Note 0s valeur arrondie à 0 (zéro) là où il y a une distinction importante entre le zéro absolu et la valeur arrondie
Autres infractions 19 20 24

Graphique 1 fin

Au total, 1 171 accusations ont été traitées par les tribunaux parmi les 440 affaires d’homicide lié au genre qui ont été couplées aux fins de l’analyse (tableau 2). De ce nombre, près de la moitié (46 %) étaient liées à un homicide; 36 % des accusations étaient des accusations de meurtre au premier ou au deuxième degré, et 10 % étaient des accusations d’homicide involontaire coupable. Par ailleurs, 1 accusation sur 5 (21 %) concernait d’autres infractions avec violence (p. ex. tentative de meurtre, voies de fait graves, infraction sexuelle), et le tiers restant (34 %) des accusations concernaient un crime contre les biens, d’autres infractions au Code criminel ou d’autres infractions de façon plus générale. L’écart entre les données de la police et celles des tribunaux est principalement attribuable au fait que la police n’est tenue que de consigner l’accusation la plus grave portée ou recommandée contre un auteur présumé, alors que plus d’une accusation peut être traitée par les tribunaux en plus de celle d’homicide.

En plus de permettre l’analyse de toutes les accusations traitées par les tribunaux de juridiction criminelle, les données de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle permettent d’examiner la décision la plus sévère rendue, où chaque cause est représentée par une seule infraction. La décision la plus sévère tient d’abord compte de la décision rendue par le tribunal, les décisions qui ont fait l’objet d’un verdict de culpabilité ayant préséance sur les décisions où l’auteur présumé est déclaré non coupableNote  . Lorsque plusieurs accusations ont donné lieu à la même décision, la décision la plus sévère devient l’infraction la plus graveNote  . En tant que décision la plus sévère, les accusations de meurtre étaient moins courantes par rapport aux données de la police, possiblement en raison de la proportion de ces accusations qui n’ont pas donné lieu à un verdict de culpabilité, mais elles demeurent plus courantes dans les affaires d’homicide lié au genre que dans les affaires d’homicide non lié au genre et dans les affaires d’homicide d’hommes et de garçons. Plus précisément, 6 affaires d’homicide lié au genre sur 10 (60 %) comportaient une accusation de meurtre comme décision la plus sévèreNote  ; venaient ensuite les accusations d’homicide involontaire coupable (20 %) et les autres accusations (19 %) (tableau 3).

Les recherches effectuées à ce jour montrent que, pendant très longtemps, les tribunaux au Canada et à l’étranger (p. ex. en Amérique latine) ont traité différemment les auteurs présumés d’un homicide contre un partenaire intime ou un membre de la famille par rapport à ceux qui commettent d’autres types d’homicides, et ce, à diverses étapes du processus d’enquête et de justice pénale (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2018; Dawson, 2016; Sarmiento et autres, 2014; Dawson, 2012). Selon les chercheurs, avant et durant les années 1990, le système de justice appliquait ce que l’on pourrait appeler une « réduction pour cause d’intimité » ou une « réduction pour cause familiale » aux auteurs présumés d’homicides contre un partenaire intime ou un membre de la famille (voir Dawson, 2016; Dawson, 2004a; Dawson, 2004b; Rapaport, 1996). La réduction pour cause d’intimité ou pour cause familiale repose sur l’idée selon laquelle les auteurs présumés de l’homicide d’une personne avec laquelle ils entretiennent une relation étroite peuvent être perçus comme n’ayant pas d’intention criminelle en raison, par exemple, de leur réaction à la provocation ou à de fortes émotions avant l’acte de violence, et la nature de leurs actes peut être considérée comme étant moins prédatrice que celle d’agresseurs qui s’en prennent à des étrangers (Richards et autres, 2015; Dawson, 2006; Rapaport, 1996; Black, 1976). Ces facteurs peuvent ensuite réduire la perception de culpabilité des représentants du système de justice pénale, influençant ainsi les pratiques relatives à la mise en accusation, à la condamnation et à la détermination de la peine (Dawson, 2004b). En raison d’une combinaison de facteurs, y compris la conscientisation du public et des professionnels par les groupes féministes, les changements d’attitude et les modifications législatives apportées au Code criminel, ce traitement différent au Canada semble avoir diminué au fil du temps (Dawson, 2016; Dawson, 2004b).

Les conclusions actuelles appuient un virage vers des interventions plus punitives et moins partiales du système de justice pénale envers les auteurs présumés de violence sexuelle et de violence entre partenaires intimes. Plus précisément, parmi les affaires d’homicide qui ont été couplées aux données des tribunaux, les accusations de meurtre étaient plus fréquentes dans les cas d’homicide lié au genre que dans les cas d’homicide de femmes et de filles non lié au genre et les cas d’homicide d’hommes et de garçons, et ce, tant selon les données déclarées par la police que selon celles des tribunaux.

On observe une proportion plus élevée d’auteurs présumés déclarés coupables de l’une ou l’autre des accusations dans une affaire d’homicide lié au genre; une proportion plus faible des causes se sont réglées par un arrêt des procédures, un retrait ou un rejet

Au cours de la période d’analyse, 58 % des auteurs présumés de l’homicide d’une femme ou d’une fille lié au genre ont été reconnus coupables de l’une ou l’autre des accusations portées dans l’affaire (graphique 2)Note  . Cette proportion est plus élevée que celle qui a été observée chez les auteurs présumés de l’homicide d’une femme ou d’une fille non lié au genre, ainsi que chez les auteurs présumés de l’homicide d’une victime de genre masculin (50 % dans chaque cas). Bien que des proportions semblables d’auteurs présumés aient été acquittés de toutes les accusationsNote  , une proportion plus faible d’auteurs présumés d’un homicide lié au genre ont vu leurs accusations faire l’objet d’un arrêt, d’un retrait ou d’un rejet (34 % par rapport à 42 % et à 45 %, respectivement )Note .

Graphique 2 début

Graphique 2 Causes couplées à des homicides déclarés par la police réglées par les tribunaux de juridiction criminelle, selon le statut de l’affaire concernant le genre et la décision rendue, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau de données du graphique 2 
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2 La décision rendue, Homicides d’hommes et de garçons, Homicides de femmes et de filles non liés au genre et Homicides de femmes et de filles liés au genre, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Décision rendue Homicides de femmes et de filles liés au genre Homicides de femmes et de filles non liés au genre Homicides d’hommes et de garçons
pourcentage
Toutes les causes couplées Verdict de culpabilité 58 50 50
Acquittement 1 1 2
Arrêt, retrait, rejet ou absolution 34 42 45
Autre décision 8 7 3
Causes comportant une accusation d’homicide Verdict de culpabilité 62 54 52
Acquittement 1 Note 0s valeur arrondie à 0 (zéro) là où il y a une distinction importante entre le zéro absolu et la valeur arrondie 3
Arrêt, retrait, rejet ou absolution 28 38 42
Autre décision 9 8 3

Graphique 2 fin

L’examen des décisions rendues dans les causes comportant une accusation d’homicide montre que la tendance mentionnée ci-dessus demeure : une proportion plus élevée d’auteurs présumés d’un homicide lié au genre ont été reconnus coupables (62 %), comparativement aux auteurs présumés de l’homicide d’une femme ou d’une fille non lié au genre (54 %) ou de l’homicide d’une victime de genre masculin (52 %).

Des recherches antérieures ont révélé que les auteurs présumés de l’homicide d’un partenaire intime sont, dans l’ensemble, plus susceptibles d’être reconnus coupables que les auteurs présumés de l’homicide d’une personne autre qu’un partenaire intime. Cette observation peut s’expliquer, en partie, par le fait que les auteurs présumés de l’homicide d’un partenaire intime sont plus susceptibles de plaider coupable (Dawson, 2004a; Dawson, 2004b). Par ailleurs, il peut être plus probable que les affaires d’homicide lié au genre soient associées à des antécédents consignés de violence entre la victime et l’auteur présumé, et que des témoins aient été présents pendant l’homicide (Alisic et autres, 2017). Par conséquent, il est possible que la forte proportion de verdicts de culpabilité reflète la quantité d’éléments de preuve déposés contre l’auteur présumé, ce qui augmente la probabilité qu’un plaidoyer de culpabilité soit enregistré et accepté par le tribunal. Toutefois, les données de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle ne permettent pas d’établir de façon fiable si le verdict de culpabilité est le résultat d’un procès ou d’une négociation de plaidoyer.

Depuis 2015-2016, une plus forte proportion d’auteurs présumés d’un homicide lié au genre ont été reconnus coupables d’au moins une accusation dans l’affaire

L’analyse des tendances d’une année à l’autre a permis d’établir que, parmi les auteurs présumés d’un homicide lié au genre, la plus faible proportion des verdicts de culpabilité à l’une ou l’autre des accusations portées a été observée en 2010-2011 (32 %), tandis que la proportion la plus élevée a été enregistrée en 2015-2016 (71 %) (graphique 3). Cependant, d’une année à l’autre, le nombre de cas d’homicide va fluctuer. Pour tenir compte de ces fluctuations attendues, il est plus instructif d’examiner les moyennes regroupées afin de déterminer s’il existe des tendances relatives aux données. Par exemple, au cours de la période allant de 2009-2010 à 2014-2015, environ la moitié (52 %) des auteurs présumés d’un homicide lié au genre ont été déclarés coupables de l’une ou l’autre des accusations portées dans l’affaire; cette proportion est semblable, quoique légèrement inférieure, aux proportions enregistrées chez les auteurs présumés d’un homicide non lié au genre (55 %) et les auteurs présumés de l’homicide d’un homme ou d’un garçon (53 %). Toutefois, une tendance différente se dégage au cours de la plus récente période (2015-2016 à 2020-2021) : 61 % des auteurs présumés d’un homicide lié au genre ont été déclarés coupables de l’une ou l’autre des accusations portées dans l’affaire, une proportion beaucoup plus élevée que celle observée pour les auteurs présumés reconnus coupables de l’homicide d’une femme ou d’une fille non lié au genre ou de l’homicide d’une victime de genre masculin (48 % dans chaque cas).

Graphique 3 début

Graphique 3 Pourcentage de causes ayant donné lieu à un verdict de culpabilité couplées à des homicides déclarés par la police réglées par les tribunaux de juridiction criminelle, selon l’année et le statut de l’affaire concernant le genre, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau de données du graphique 3 
Tableau de données du graphique 3
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 3 Homicides de femmes et de filles liés au genre, Homicides de femmes et de filles non liés au genre et Homicides d’hommes et de garçons, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Homicides de femmes et de filles liés au genre Homicides de femmes et de filles non liés au genre Homicides d’hommes et de garçons
pourcentage
2009-2010 50 40 43
2010-2011 32 38 55
2011-2012 41 71 51
2012-2013 62 57 52
2013-2014 64 65 58
2014-2015 56 47 51
2009-2010 à 2014-2015 52 55 53
2015-2016 71 36 47
2016-2017 60 33 50
2017-2018 59 51 51
2018-2019 66 50 47
2019-2020 54 71 54
2020-2021 59 29 38
2015-2016 à 2020-2021 61 48 48

Graphique 3 fin

La plupart des auteurs présumés reconnus coupables dans des affaires d’homicide sont condamnés à une peine de détention, et ce, peu importe le statut de l’affaire concernant le genre

Parmi tous les adultes reconnus coupables de l’une ou l’autre des accusations dans une affaire comportant au moins une accusation d’homicide dont les renseignements sur la détermination de la peine étaient connusNote  , la grande majorité ont reçu une peine privative de liberté. Plus précisément, 93 % des auteurs présumés reconnus coupables de l’homicide d’une femme ou d’une fille lié au genre ont été condamnés à une peine de détention, une proportion semblable à celle observée pour les peines privatives de liberté imposées aux personnes reconnues coupables d’un homicide non lié au genre et pour les personnes reconnues coupables de l’homicide d’une victime de genre masculin (92 % dans chaque cas) (graphique 4).

Graphique 4 début

Graphique 4 Causes couplées à des homicides déclarés par la police réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, selon la peine imposée et le statut de l’affaire concernant le genre, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau de données du graphique 4 
Tableau de données du graphique 4
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 4 La peine imposée , Homicides d’hommes et de garçons, Homicides de femmes et de filles non liés au genre et Homicides de femmes et de filles liés au genre, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Peine imposée Homicides de femmes et de filles liés au genre Homicides de femmes et de filles non liés au genre Homicides d’hommes et de garçons
pourcentage
Toutes les causes couplées Emprisonnement 91 91 90
Condamnation avec sursis 0 0 1
Probation 3 4 3
Amende 1 0 1
Autre peine 5 5 5
Causes comportant une accusation d’homicide Emprisonnement 93 92 92
Condamnation avec sursis 0 0 Note 0s valeur arrondie à 0 (zéro) là où il y a une distinction importante entre le zéro absolu et la valeur arrondie
Probation 1 3 3
Amende 0 0 Note 0s valeur arrondie à 0 (zéro) là où il y a une distinction importante entre le zéro absolu et la valeur arrondie
Autre peine 5 5 4

Graphique 4 fin

Bien que les données mentionnées précédemment ne reflètent pas les renseignements sur la détermination de la peine pour les personnes reconnues coupables d’homicide, mais plutôt pour l’une ou l’autre des accusations portées dans la cause, les tendances persistent lorsque les décisions relatives aux déclarations de culpabilité à des homicides sont examinées.

Les personnes reconnues coupables d’un homicide lié au genre et condamnées à une peine de détention reçoivent, en moyenne, les peines les plus longues

Parmi les personnes reconnues coupables d’un homicide pour lequel la peine la plus sévère était la détention et la durée de détention était connueNote  , les personnes reconnues coupables d’un homicide lié au genre avaient, en moyenne, une peine restante de 12,5 ans à purger après le crédit accordé pour le temps passé en détention préventive. Cela correspond à une durée de trois ans de plus que pour les personnes reconnues coupables de l’homicide d’une femme ou d’une fille non lié au genre (moyenne de 9,2 ans), et au double de la moyenne observée dans le cas des peines privatives de liberté imposées lorsque la victime était de genre masculin (6,1 ans)Note  .

Les disparités mentionnées précédemment quant à la détermination de la peine entre les types d’homicides selon le statut de l’affaire concernant le genre pourraient être liées aux différences entre les accusations portées et la décision la plus sévère rendue par les tribunaux, car les peines varient selon le type de déclaration de culpabilité à des homicides. Par exemple, les auteurs présumés d’un homicide lié au genre étaient plus souvent accusés de meurtre au premier ou au deuxième degré que les personnes dans les groupes de référence. Pour les adultes, une déclaration de culpabilité à un meurtre au premier degré entraîne automatiquement une peine de détention à perpétuité avec possibilité de libération conditionnelle après 25 ans. De même, le meurtre au deuxième degré est passible d’une peine de détention à perpétuité, mais l’admissibilité à la libération conditionnelle se situe entre 10 et 25 ans. En revanche, une déclaration de culpabilité à un homicide involontaire coupable n’est pas assortie d’une peine minimale, à moins que l’homicide n’ait été commis à l’aide d’une arme à feu et qu’une peine minimale de quatre ans ne soit imposée. Ici, la durée de la peine correspond au temps que le délinquant doit purger après le crédit accordé pour le temps passé en détention préventive, calculé en fonction de la peine totale imposée plutôt qu’en fonction de l’admissibilité à la libération conditionnelle.

L’examen des affaires d’homicide lié au genre où les auteurs présumés ont été déclarés coupables de meurtre montre que la durée moyenne de la peine était de 21,3 ans, soit trois ans et demi de plus que pour les personnes déclarées coupables de meurtre dans une affaire d’homicide non lié au genre (moyenne de 17,8 ans), et dix ans de plus que pour celles qui ont été déclarées coupables du meurtre d’un homme ou d’un garçon (10,9 ans)Note  . Les peines imposées aux personnes reconnues coupables d’homicide involontaire coupable lié au genre étaient plus longues, en moyenne, que celles imposées aux personnes dans les groupes de référence (7,5 ans par rapport à 5,4 ans pour une affaire d’homicide involontaire coupable non lié au genre et 5,3 ans pour une affaire d’homicide involontaire coupable d’un homme ou d’un garçon)Note  .

Début de l'encadré 3

Encadré 3
Sous-alinéa 718.2a)(ii) du Code criminel

Avant les années 1990, les actes de violence conjugale commis contre des femmes étaient souvent jugés moins graves que les actes de violence perpétrés contre des étrangers, car ils étaient considérés comme des affaires privées qui devaient être réglées par la famille et non par les tribunaux (Grant, 2017). De même, les affaires d’homicide entre partenaires intimes étaient également qualifiées comme étant moins graves que d’autres types d’homicides coupables en raison, en partie, de la nature « émotionnelle » perçue de tels crimes et du danger public minimal perçu que représentent les délinquants (Richards et autres, 2015; Grant, 2010). À la fin des années 1980, toutefois, certains tribunaux ont commencé à reconnaître la gravité de la violence faite aux femmes par un partenaire intime, précisément parce que les incidents se produisent au domicile et à l’abri des regards, et témoignent d’un grand abus de confiance (Grant, 2017).

En 1996, le sous-alinéa 718.2a)(ii) du Code criminel a été « adopté en réaction aux pratiques de tribunaux, qui avaient l’habitude de banaliser les actes de violence conjugale commis par des hommes contre des femmes et d’accorder une plus grande importance au maintien de l’unité familiale qu’à la sécurité de la plaignante » (Grant, 2017). Cette modification oblige les tribunaux à traiter la violence contre un partenaire intime ou un membre de la famille comme une circonstance aggravante lors de la détermination de la peine pour tous les crimes.

De plus, le projet de loi C-75, qui a reçu la sanction royale en juin 2019, exige que les tribunaux accordent une attention particulière aux principes de dénonciation et de dissuasion lors de l’imposition d’une peine pour violence à l’égard d’un partenaire intime et tiennent compte de la vulnérabilité accrue des victimes de genre féminin (gouvernement du Canada, 2022). Le projet de loi précise qu’en vertu du Code criminel, un partenaire intime inclut l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire amoureux, actuel ou ancien, et les autres membres de la famille (gouvernement du Canada, 2022). Même si l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle ne permet pas de recueillir de données sur les circonstances aggravantes, la conclusion selon laquelle les auteurs d’homicide lié au genre reçoivent des peines plus longues, en moyenne, que les personnes reconnues coupables d’autres homicides est cohérente avec le sous-alinéa 718.2a)(ii) et les modifications adoptées aux termes du projet de loi C-75.

Fin de l’encadré 3

Le temps de traitement des affaires d’homicide lié au genre par les tribunaux est plus long

En moyenne, il a fallu 603 jours civils pour traiter les affaires d’homicide lié au genre devant les tribunaux. La durée est mesurée à compter de la première comparution jusqu’à la décision finale. En moyenne, le traitement de ce type de cause a nécessité 89 jours de plus que le traitement d’affaires d’homicide de femmes et de filles non lié au genre, et 103 jours de plus que les homicides d’hommes et de garçons (graphique 5). Ces différences peuvent être attribuables au fait que les accusations de meurtre et les condamnations sont plus fréquentes dans les cas d’homicide lié au genre. Les procès pour meurtre ajoutent un niveau de complexité en ce qui concerne la preuve présentée, le fardeau de la preuve et le temps requis pour les directives au jury et ses délibérations, ce qui peut allonger la durée du procès. Mis à part les questions de complexité, le temps supplémentaire requis pour la détermination de la peine peut avoir une incidence sur le temps de traitement des affaires, ce qui constitue une explication valable en raison de la proportion plus élevée de verdicts de culpabilité dans les affaires d’homicide lié au genre.

Graphique 5 début

Graphique 5 Causes couplées à des homicides déclarés par la police, selon le nombre de jours nécessaires pour que les tribunaux de juridiction criminelle règlent la cause et selon le statut de l’affaire concernant le genre et le type de décision rendue, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau de données du graphique 5 
Tableau de données du graphique 5
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 5 Homicides de femmes et de filles liés au genre, Homicides de femmes et de filles non liés au genre et Homicides d’hommes et de garçons, calculées selon nombre de jours unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Homicides de femmes et de filles liés au genre Homicides de femmes et de filles non liés au genre Homicides d’hommes et de garçons
nombre de jours
Verdict de culpabilité Moyenne 726 581 575
Médiane 626 569 502
Verdict de non-culpabilité Moyenne 436 446 426
Médiane 383 374 399
Total Moyenne 603 514 500
Médiane 513 438 437

Graphique 5 fin

Dans le cas des verdicts de culpabilité, beaucoup plus de temps est nécessaire pour régler les causes, peu importe le statut de l’affaire concernant le genre, encore une fois, probablement en raison du temps supplémentaire requis pour déterminer la peine. Par exemple, les homicides liés au genre ont pris, en moyenne, 290 jours de plus à régler lorsqu’un verdict de culpabilité a été prononcé que si le verdict était non coupable. De même, le temps de traitement des affaires d’homicide de femmes et de filles non lié au genre et des affaires d’homicide de victimes de genre masculin était plus long lorsqu’un verdict de culpabilité a été prononcé (135 et 148 jours de plus, respectivement).

Un verdict de culpabilité est prononcé moins souvent dans les affaires d’homicide lié au genre d’un membre de la famille autre que le conjoint

À l’instar des tendances générales relevées parmi tous les homicides liés au genre commis au cours de la période allant de 2011 à 2021, 4 causes sur 10 (41 %) réglées par les tribunaux de juridiction criminelle concernaient des conjointsNote  ; venaient ensuite les membres de la famille autres que le conjoint (30 %), les partenaires intimes autres que le conjoint (18 %)Note  , les connaissances (8 %) et les étrangers (3 %)Note  .

Parmi les auteurs présumés d’un homicide lié au genre, les deux tiers d’entre eux ont été reconnus coupables de l’une ou l’autre des accusations portées lorsqu’il s’agissait d’un homicide entre partenaires intimes. Plus précisément, 66 % des auteurs présumés d’un homicide lié au genre d’un partenaire intime autre que le conjoint ont été reconnus coupables de l’une ou l’autre des accusations portées dans l’affaire, et environ 6 sur 10 (61 %) ont été reconnus coupables lorsque la victime était un conjoint (graphique 6). De même, 67 % des auteurs présumés d’un homicide lié au genre d’une victime avec laquelle ils avaient une relation plus distante (c.-à-d. un étranger ou une connaissance) ont été déclarés coupables, tandis que la moitié (50 %) des auteurs présumés d’un homicide lié au genre ont été reconnus coupables lorsque la victime était un membre de la famille autre que le conjointNote  . Ce dernier constat, cependant, est unique aux homicides liés au genre; dans le cas des auteurs présumés d’un homicide non lié au genre ou de l’homicide d’une victime de genre masculin, la plus grande proportion des personnes reconnues coupables ont tué un membre de la famille autre que le conjoint (65 % et 60 %, respectivement).

Graphique 6 début

Graphique 6 Pourcentage de causes ayant donné lieu à un verdict de culpabilité couplées à des homicides déclarés par la police réglées par les tribunaux de juridiction criminelle, selon le lien de l’auteur présumé avec la victime et le statut de l’affaire concernant le genre, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau de données du graphique 6 
Tableau de données du graphique 6
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 6. Les données sont présentées selon Lien de l’auteur présumé avec la victime (titres de rangée) et Homicides de femmes et de filles liés au genre, Homicides de femmes et de filles non liés au genre et Homicides d’hommes et de garçons, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Lien le plus proche de l’auteur présumé avec la victimeTableau de données du graphique 6 Note 2 Homicides de femmes et de filles liés au genre Homicides de femmes et de filles non liés au genre Homicides d’hommes et de garçons
pourcentage
Conjoint 61 50 56
Membre de la famille autre que le conjoint 50 65 60
Partenaire intime autre que le conjoint 66 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer 54
Autre lienTableau de données du graphique 6 Note 1 67 44 54

Graphique 6 fin

Les conclusions actuelles appuient davantage le recul de la « réduction pour cause d’intimité » au cours des dernières années, en ce sens que des proportions semblables de verdicts de culpabilité ont été recensées pour les auteurs présumés d’homicide d’un partenaire intime lié au genre et pour les auteurs présumés d’homicide d’un étranger ou d’une connaissance lié au genre. En ce qui concerne la durée de la peine, les personnes qui ont tué un partenaire intime autre que le conjoint avaient, en moyenne, la durée restante de peine à purger la plus longue (14,2 ans) après le crédit accordé pour le temps passé en détention préventive; venaient ensuite les personnes qui ont tué une connaissance ou un étranger (13,0 ans) ou un conjoint (11,2 ans). Les personnes reconnues coupables d’homicide d’un membre de la famille autre que le conjoint lié au genre avaient la durée de peine restante la moins longue à purger (8,8 ans).

La proportion de verdicts de culpabilité est semblable dans les affaires d’homicide lié au genre de victimes autochtones et de victimes non autochtones

Parallèlement à la proportion de toutes les victimes d’homicide lié au genre tuées au cours de la période allant de 2011 à 2021 (voir Sutton, 2023a), parmi les affaires d’homicide lié au genre qui ont été traitées par les tribunaux de juridiction criminelle, un peu plus de 1 victime sur 5 (22 %) était autochtone (Premières Nations, Métis ou Inuit), et ce, même si les femmes et les filles autochtones ne représentaient que 5 % de la population féminine en 2021 (Statistique Canada, 2022) (tableau 4). Lorsque l’on compare les décisions rendues par les tribunaux dans les affaires d’homicide lié au genre contre des victimes autochtones par rapport aux victimes non autochtones, des proportions semblables d’auteurs présumés ont été déclarés coupables de l’une ou l’autre des accusations portées (57 % et 59 %, respectivement). Voir Burczycka et Cotter, 2023 pour obtenir une analyse complète des décisions rendues par les tribunaux dans les affaires d’homicide commis contre des victimes autochtones.

Moins de verdicts de culpabilité sont prononcés dans les affaires d’homicide lié au genre impliquant plusieurs auteurs présumés

La majorité des affaires d’homicide lié au genre traitées par les tribunaux de juridiction criminelle concernaient une seule victime et impliquaient un seul auteur présumé (91 % dans chaque cas), dont des proportions semblables ont donné lieu à un verdict de culpabilité (57 % et 60 %, respectivement) (tableau 5). Bien que l’homicide de plusieurs victimes dans une seule affaire ait légèrement contribué à l’augmentation de la proportion d’auteurs présumés déclarés coupables (laquelle est passée de 57 % à 61 %), l’implication de plusieurs auteurs présumés semble avoir eu l’effet contraire. Plus précisément, 37 % des affaires d’homicide lié au genre impliquant deux auteurs présumés ont donné lieu à un verdict de culpabilité pour l’une ou l’autre des accusations portées; ce pourcentage diminuait pour s’établir à 29 % lorsque trois auteurs présumés ou plus étaient mis en cause. Cela va à l’encontre de recherches antérieures qui ont révélé, tout en tenant compte d’autres facteurs, que l’implication de plusieurs auteurs présumés augmente la probabilité de condamnation dans le cadre d’un procès pour homicide, sans égard au genre de la victime ni à son lien avec les auteurs présumés (Dawson, 2004b).

Les homicides liés au genre comportent moins souvent une infraction connexe, selon la police

Dans le cadre de l’Enquête sur les homicides, lorsqu’il existe un lien direct et immédiat entre une infraction connexe et l’affaire d’homicide, la police est tenue de déclarer l’infraction la plus grave. Pour les homicides liés au genre, environ 4 sur 10 (42 %) comprenaient une infraction connexe (tableau 5). De ce nombre, 79 % comportaient une infraction avec violence, et il s’agissait plus particulièrement d’infractions liées à des voies de fait et à une agression sexuelle. Une plus grande proportion d’homicides de femmes et de filles non liés au genre et d’homicides commis contre une victime de genre masculin comportaient une infraction connexe (54 % et 56 %, respectivement). La majorité de ces affaires comportaient également une infraction connexe avec violence (60 % et 78 %, respectivement), et il s’agissait le plus souvent d’infractions de voies de fait et de vol qualifié.

Par définition, au moins certains homicides liés au genre doivent comprendre une infraction connexe (c.-à-d. une agression sexuelle). Le fait que de tels homicides comportent moins d’infractions connexes que les groupes de référence signifie que d’autres types d’homicides liés au genre (p. ex. ceux qui surviennent entre des partenaires intimes et des membres de la famille) sont beaucoup moins susceptibles de comporter une infraction connexe consignée par la police.

Plus de la moitié des auteurs présumés d’un homicide lié au genre devant les tribunaux ont fait l’objet d’une condamnation antérieure

Selon les renseignements déclarés par la police, la grande majorité (93 %) des auteurs présumés d’un homicide lié au genre ne participaient pas à des activités illicites au moment de l’homicideNote  . Toutefois, une plus grande proportion de personnes impliquées que de personnes non impliquées dans de telles activités ont été reconnues coupables de l’une ou l’autre des accusations portées dans l’affaire d’homicide (63 % par rapport à 58 %) (tableau 6).

De même, plus de la moitié (53 %) des auteurs présumés d’homicide lié au genre avaient déjà un casier judiciaire, et 70 % de ces antécédents comportaient au moins une infraction avec violence. En outre, une proportion plus élevée de ces auteurs présumés ont été reconnus coupables de l’une ou l’autre des accusations portées, comparativement à ceux qui n’avaient pas de casier judiciaire (64 % par rapport à 51 % des auteurs présumés sans condamnation antérieure). Parmi les auteurs présumés d’un homicide non lié au genre, plus de la moitié (54 %) avaient un casier judiciaire, mais une plus faible proportion (51 %) d’entre eux ont été reconnus coupables de l’une ou l’autre des accusations portées. Dans le cas des auteurs présumés d’un homicide dont la victime était de genre masculin, plus des deux tiers (70 %) avaient un casier judiciaire. De ce nombre, 49 % ont été déclarés coupables de l’une ou l’autre des accusations portées.

Plus des trois quarts des auteurs présumés dans une affaire d’homicide lié au genre sont âgés de 25 ans et plus

Parmi tous les enregistrements d’auteurs présumés d’un homicide lié au genre qui ont été couplés à au moins une accusation portée devant un tribunal, 77 % des auteurs présumés étaient âgés de 25 ans et plus (tableau 6). En revanche, environ 6 auteurs présumés sur 10 (59 %) de l’homicide d’une femme ou d’une fille non lié au genre et une proportion légèrement inférieure (56 %) des auteurs présumés de l’homicide d’un homme ou d’un garçon étaient du même âge.

Près des deux tiers des auteurs présumés reconnus coupables dans une affaire d’homicide lié au genre avaient consommé de l’alcool, des drogues ou une substance intoxicante avant l’homicide

La moitié (51 %) des auteurs présumés d’un homicide lié au genre avaient consommé de l’alcool, des drogues ou une substance intoxicante avant de commettre l’homicide (tableau 6). Cette proportion était semblable à celle des auteurs présumés d’un homicide non lié au genre (46 %) et à celle des auteurs présumés de l’homicide d’une victime de genre masculin (52 %) dont la consommation de substances avait été établie.

Des différences apparaissent entre les trois groupes en ce qui concerne la catégorie « inconnue ». Plus précisément, les renseignements sur la consommation de substances étaient connus pour environ 8 auteurs présumés sur 10 (79 %) d’un homicide lié au genre, pour près des trois quarts (73 %) des auteurs présumés de l’homicide d’une femme ou d’une fille non lié au genre, et pour plus des deux tiers (68 %) des auteurs présumés de l’homicide d’une victime de genre masculin.

Près des deux tiers (64 %) des auteurs présumés d’un homicide lié au genre qui avaient consommé une substance intoxicante ont été reconnus coupables de l’une ou l’autre des accusations portées dans l’affaire. En comparaison, de plus faibles proportions d’auteurs présumés d’un homicide non lié au genre et d’auteurs présumés de l’homicide d’un homme ou d’un garçon qui avaient consommé une substance intoxicante ont été reconnus coupables (57 % et 56 %, respectivement).

Début de l'encadré 4

Encadré 4
Géographie de la justice

Les chercheurs du Centre for the Study of Social and Legal Responses to Violence se penchent sur la façon dont les affaires d’homicide sont traitées et réglées par les tribunaux de juridiction criminelle canadiens, en accordant une attention particulière au rôle joué par les caractéristiques liées à la victime, à l’auteur présumé et à l’affaire au fil du temps et d’un endroit à l’autre. Cette initiative de recherche, financée initialement par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, a mené à la création d’une base de données nationale sur les décisions rendues par les tribunaux dans les affaires d’homicide depuis plus de 40 ans. Le projet trouve son origine dans l’étude du rôle joué par l’intimité et le genre lors des interventions du système de justice pénale ontarien dans les affaires d’homicide, mais il a été étendu à l’échelle nationale depuis. La base de données permet d’explorer des questions de recherche relatives aux caractéristiques liées à l’homicide ainsi qu’aux interventions pénales dans les cas d’homicides, ce qui donne lieu à de nombreuses publications sur des sujets comme le féminicide, le filicide, le parricide et les résultats en matière de justice pénale selon le type de lien (voir Dawson et Mobayed, 2023; Dawson et Carrigan, 2021; Dawson et Hill, 2021; Johnson et Dawson, 2021; Dawson et Sutton, 2017; Dawson, 2016).

Les données de cette initiative de recherche éclairent notamment les rapports de recherche de #Cestunfémicide publiés chaque année par l’Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation (voir Dawson et autres, 2023; Dawson et autres, 2021; Dawson et autres, 2019). Ces rapports ont démontré à maintes reprises que les auteurs présumés de féminicide sont le plus souvent accusés de meurtre au deuxième degré, suivi du meurtre au premier degré et de l’homicide involontaire coupable. Bien que les renseignements sur les décisions rendues par les tribunaux ne soient pas toujours disponibles immédiatement, ces rapports contiennent également des renseignements qualitatifs sur les condamnations et les résultats de la détermination de la peine, réitérant l’importance de publier chaque année des données sur les poursuites et les peines imposées aux personnes reconnues coupables de violence faite aux femmes et aux filles.

Fin de l’encadré 4

Section 3 : Décisions rendues par les tribunaux dans les affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves et d’agression sexuelle grave liées au genre

En plus d’examiner les décisions des tribunaux concernant les homicides liés au genre, il est également instructif de se pencher sur d’autres formes de violence grave qui auraient pu entraîner la mort afin de mieux comprendre quelles sont les populations les plus à risque et comment les auteurs présumés de ces crimes sont traités par les tribunaux. La section suivante s’appuie sur le même fichier de couplage que la section 2, mais repose sur les données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité couplées à celles de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle pour examiner les décisions rendues par les tribunaux au cours d’une période de 12 exercices (2009-2010 à 2020-2021).

Les données sur les tentatives de meurtre, les voies de fait graves et les agressions sexuelles graves liées au genre qui ont été classées par la police seront présentées. Les tentatives de meurtre et les voies de fait graves liées au genre sont définies comme des tentatives de meurtre et des voies de fait graves perpétrées par un auteur présumé de genre masculin qui était soit un partenaire intime, soit un membre de la famille de la victime. Les agressions sexuelles graves liées au genre comprennent tous les crimes de ce type commis par un auteur présumé de genre masculin contre une victime de genre féminin, peu importe la relation entre les partiesNote  . Le fait d’inclure une analyse sur la façon dont les tentatives de meurtre et les voies de fait graves liées au genre sont traitées par les tribunaux fournit des données pour éclairer les programmes et les politiques, en cernant les possibilités de prévention avant qu’une affaire devienne un homicide.

Un plus grand nombre d’accusations sont portées, en moyenne, par cause lorsque l’affaire est liée au genre

De 2009 à 2021, il y a eu 7 752 victimes dans des affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves ou d’agression sexuelle grave liées au genre qui ont été classées par mise en accusation, dont 69 % ont été couplées à au moins une accusation portée devant les tribunaux, ce qui a donné 4 551 causes aux fins de l’analyseNote  . Dans ces causes, 24 445 accusations ont été portées, ce qui représente une moyenne de 5,4 accusations couplées par cause.

En revanche, il y a eu 2 668 victimes de genre féminin dans des affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves ou d’agression sexuelle grave non liées au genre qui ont été classées par mise en accusation, dont 62 % ont été couplées à au moins une accusation portée devant les tribunaux, ce qui a donné 1 492 causes aux fins de l’analyse. Dans ces causes, 5 364 accusations ont été portées, ce qui représente une moyenne de 3,6 accusations couplées par cause. En outre, il y a eu 17 322 victimes de genre masculin dans des affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves ou d’agression sexuelle grave qui ont été classées par mise en accusation, dont 65 % ont été couplées à au moins une accusation portée devant les tribunaux, ce qui a donné 10 106 causes aux fins de l’analyse. Dans ces causes, 36 090 accusations ont été portées, ce qui représente une moyenne de 3,6 accusations couplées par cause.

En général, on observe une hausse du nombre d’affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves et d’agression sexuelle grave liées au genre réglées par les tribunaux de juridiction criminelle d’une année à l’autre

À l’exception des diminutions constatées en 2013-2014, en 2014-2015, en 2020-2021 et, dans une moindre mesure, en 2018-2019, il y a eu une augmentation globale du nombre d’infractions avec violence liées au genre portées devant les tribunaux de juridiction criminelle au fil du temps (graphique 7). Des augmentations semblables peuvent être observées en ce qui concerne le nombre d’affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves et d’agression sexuelle grave réglées par les tribunaux comportant une victime de genre masculin, tandis que la tendance relative aux infractions non liées au genre contre une femme ou une fille est demeurée assez stable au fil du temps. Ces données montrent également que les tribunaux traitent environ trois fois plus d’affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves et d’agression sexuelle grave liées au genre que d’affaires non liées au genre contre une femme ou une fille.

Graphique 7 début

Graphique 7 Causes couplées à des affaires de tentative de meurtre et de voies de fait graves déclarées par la police, selon l’année et le statut de l’affaire concernant le genre, tribunaux de juridiction criminelle, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau de données du graphique 7 
Tableau de données du graphique 7
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 7 Tentatives de meurtre et voies de fait graves liées au genre envers des femmes et des filles, Tentatives de meurtre et voies de fait graves non liées au genre envers des femmes et des filles et Tentatives de meurtre et voies de fait graves envers des hommes et des garçons, calculées selon nombre de causes unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Tentatives de meurtre et voies de fait graves liées au genre envers des femmes et des filles Tentatives de meurtre et voies de fait graves non liées au genre envers des femmes et des filles Tentatives de meurtre et voies de fait graves envers des hommes et des garçons
nombre de causes
2009-2010 207 69 457
2010-2011 322 117 757
2011-2012 383 129 835
2012-2013 399 120 935
2013-2014 385 127 883
2014-2015 327 122 849
2015-2016 382 128 882
2016-2017 419 146 938
2017-2018 434 140 951
2018-2019 432 134 891
2019-2020 456 141 961
2020-2021 395 118 752

Graphique 7 fin

Le nombre relativement faible d’affaires réglées en 2009‑2010 peut s’expliquer en partie par la façon dont le couplage a été effectué. Le fichier de couplage renferme des données sur les affaires déclarées par la police survenues au cours de la période allant de 2009 à 2021 et sur les décisions connexes rendues par les tribunaux. Les affaires survenues en 2008 ou avant qui ont été réglées par les tribunaux en 2009-2010 ne seraient pas prises en compte dans le couplage ou indiquées dans le graphique. De même, la baisse du nombre d’affaires réglées constatée en 2020-2021 peut s’expliquer, en partie, par les retards liés à la COVID-19 et aux mesures de confinement connexes, faisant en sorte que de nombreuses affaires sont toujours actives devant les tribunaux.

Les accusations de voies de fait graves sont les plus courantes portées par la police et donnent lieu aux décisions les plus sévères rendues par les tribunaux

Selon les données policières, de 2009 à 2021, la police a déposé ou recommandé 5 951 accusations de voies de fait graves dans des affaires liées au genre, ce qui représente 80 % des accusations portées au sein de ce groupe. La plus grande proportion des affaires liées au genre réglées par les tribunaux comprenait une accusation de voies de fait graves (36 %) menant à la décision la plus sévère dans la cause, ce qui concorde avec les pratiques relatives à la mise en accusation (tableau 7)Note  . Parmi les personnes accusées de voies de fait graves par la police, 41 % ont été reconnues coupables de l’infraction qui leur était reprochée, et 35 % ont été accusées de voies de fait simples (niveau 1) ou de voies de fait causant des lésions corporelles (niveau 2), lesquelles ont mené à la décision la plus sévèreNote  .

De plus, 763 (10 %) accusations de tentative de meurtre et 751 (10 %) accusations d’agression sexuelle grave ont été portées ou recommandées par la police contre des auteurs présumés dans des affaires de violence grave liée au genre. Parmi les auteurs présumés accusés de tentative de meurtre, la décision la plus sévère la plus courante était également celle liée à la tentative de meurtre (32 %); 38 % ont été reconnus coupables de l’infraction reprochée, tandis que dans 26 % des cas, les voies de fait graves ont mené à la décision la plus sévèreNote  . Enfin, lorsque la police a déposé ou recommandé une accusation d’agression sexuelle grave, cette accusation menait également à la décision la plus sévère la plus courante (38 %) devant les tribunaux; venait ensuite l’agression sexuelle de niveau 1 ou 2 (23 %)Note  .

Les tendances présentées ci-dessus peuvent refléter l’enregistrement de plaidoyers de culpabilité étant donné que, selon des recherches antérieures, les auteurs présumés de violence entre partenaires intimes et de violence familiale sont plus susceptibles de plaider coupables (Dawson, 2004a; Dawson, 2004b). Cela peut aider à expliquer pourquoi les décisions les plus sévères sont liées à l’accusation initialement portée par la police ou à une accusation légèrement moins grave.

Les deux tiers des affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves et d’agression sexuelle grave liées au genre donnent lieu à un verdict de culpabilité

La plupart (66 %) des auteurs présumés dans des affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves ou d’agression sexuelle grave liées au genre ont été reconnus coupables de l’une ou l’autre des accusations portées dans l’affaire (graphique 8). Les accusations portées contre une plus faible proportion d’auteurs présumés se sont soldées par un arrêt, un retrait, un rejet ou une absolution (29 %), ou les auteurs présumés ont été acquittés de toutes les accusations (4 %). Ces proportions étaient semblables à ce qui a été observé pour les auteurs présumés des mêmes infractions sans composante liée au genre.

Graphique 8 début

Graphique 8 Causes couplées à des affaires de tentative de meurtre et de voies de fait graves déclarées par la police, selon la décision rendue par les tribunaux de juridiction criminelle et le statut de l’affaire concernant le genre, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau de données du graphique 8 
Tableau de données du graphique 8
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 8. Les données sont présentées selon Type de décision (titres de rangée) et Infractions avec violence liées au genre envers des femmes et des filles, Infractions avec violence non liées au genre envers des femmes et des filles et Infractions avec violence envers des hommes et des garçons, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Décision rendue Infractions avec violence liées au genre envers des femmes et des filles Infractions avec violence non liées au genre envers des femmes et des filles Infractions avec violence envers des hommes et des garçons
pourcentage
Verdict de culpabilité 66 67 65
Acquittement 4 3 3
Arrêt, retrait, rejet ou absolution 29 27 30
Autre décision 1 3 2

Graphique 8 fin

Parmi les adultes reconnus coupables d’une infraction avec violence liée au genre, près de 7 sur 10 reçoivent une peine de détention

Dans les affaires impliquant des auteurs présumés adultes seulement, on constate que, parmi ceux qui ont été déclarés coupables de l’une ou l’autre des accusations portées dans une affaire liée au genre et dont les renseignements sur la détermination de la peine étaient connusNote  , près de 7 sur 10 (67 %) avaient reçu une peine privative de liberté. Une personne sur cinq (20 %) a été condamnée à une peine de probation, et de plus petites proportions de personnes ont reçu une condamnation avec sursis (8 %), une amende (2 %) ou un autre type de peine (2 %).

Encore une fois, des proportions semblables ont été observées pour les personnes reconnues coupables dans une affaire de tentative de meurtre, de voies de fait graves ou d’agression sexuelle grave non liée au genre contre une victime de genre féminin ou masculin. Lorsque les renseignements sur la détermination de la peine étaient connusNote  , 64 % des adultes reconnus coupables d’une infraction avec violence non liée au genre contre une victime de genre féminin ont été condamnés à une peine de détention, 18 % ont été condamnés à une peine de probation et 14 % ont reçu une condamnation avec sursis. Lorsque la victime était de genre masculin, 66 % des délinquants ont reçu une peine privative de liberté, 18 % ont reçu une ordonnance de probation et 12 % se sont vu imposer une condamnation avec sursisNote  .

En moyenne, la durée de la peine est plus courte lorsque la cause est liée au genre

Lors de l’examen des affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves ou d’agression sexuelle grave liées au genre dans lesquelles l’auteur présumé a été déclaré coupable de l’une ou l’autre des accusations portées dans l’affaire et condamné à une peine de détention d’une durée connue, les peines allaient d’un jour à 9 125 joursNote  , et la durée moyenne de la peine restante était de 420 jours ou de 1,2 an à purger après l’octroi du crédit pour le temps passé en détention préventive. Ces peines étaient plus courtes de 177 jours en moyenne par rapport aux peines privatives de liberté imposées lorsque l’affaire n’était pas liée au genre mais que la victime était de genre féminin, et de 34 jours de moins, en moyenne, lorsque la victime était de genre masculin.

Ce qui précède va à l’encontre des constatations concernant la détermination de la peine dans les affaires d’homicide lié au genre à l’issue desquelles les personnes reconnues coupables avaient des peines restantes plus longues à purger que les personnes déclarées coupables dans les affaires d’homicide non lié au genre et dans les affaires d’homicide d’hommes et de garçons. La détermination de la peine est un processus complexe, qui dépend de facteurs aggravants et atténuants, des déclarations de la victime et de facteurs liés à la violence familiale, comme le désir potentiel de la victime de se réconcilier ou les demandes de clémence. Toutefois, ces facteurs n’ont pas pu être examinés en raison des limites relatives à la disponibilité des données.

Résumé

À l’aide d’un fichier de couplage qui intègre les données de l’Enquête sur les homicides avec celles recueillies dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité et de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle, le présent article de Juristat fournit un examen de la façon dont les tribunaux ont traité les affaires d’homicide de femmes et de filles lié au genre et comment les décisions dans ces affaires se comparent à celles rendues dans les cas d’homicides non liés au genre. Une analyse de suivi a été effectuée pour déterminer comment les affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves et d’agression sexuelle grave liées au genre sont traitées dans le système judiciaire et si leur traitement diffère de celui des affaires non liées au genre.

Au cours de la période allant de 2009-2010 à 2020-2021, 440 affaires d’homicide lié au genre ont été traitées par les tribunaux de juridiction criminelle, comportant en moyenne 2,7 accusations couplées par cause. Comparativement aux auteurs présumés d’un homicide non lié au genre, les auteurs présumés d’un homicide lié au genre étaient plus susceptibles d’être accusés de meurtre comme infraction la plus grave, d’être reconnus coupables de l’une ou l’autre des accusations portées dans l’affaire, d’être condamnés à une peine de détention et de se voir imposer des peines privatives de liberté plus longues.

Contrairement à ce qui a été mentionné précédemment, moins de différences notables ont été observées entre les trois groupes en ce qui concerne les décisions rendues par les tribunaux dans les affaires de tentative de meurtre, de voies de fait graves et d’agression sexuelle grave. Même si les causes liées au genre comptaient, en moyenne, un plus grand nombre d’accusations que les causes non liées au genre concernant une victime de genre féminin ou masculin, des proportions semblables d’auteurs présumés de ces crimes ont été reconnus coupables de l’une ou l’autre des accusations portées et ont été condamnés à une peine de détention. Les personnes reconnues coupables d’une infraction avec violence liée au genre ont reçu des peines plus courtes, en moyenne, que les personnes déclarées coupables dans des causes non liées au genre.

Les constatations présentées dans cet article de Juristat se limitent à un sous-ensemble de causes qui pouvaient être couplées avec les ensembles de données, ainsi qu’aux renseignements contenus dans chaque fichier de données. Malgré ces limites, le présent article fournit d’importants renseignements sur la façon dont les tribunaux traitent les affaires d’homicide, de tentative de meurtre et de voies de fait graves liés au genre.

Tableaux de données détaillés

Tableau 1 Victimes d’homicide, selon le statut de l’affaire concernant le genre et les caractéristiques liées à la victime et à l’affaire, Canada, 2011 à 2021

Tableau 2 Accusations portées dans les affaires couplées à des homicides déclarés par la police, selon le type d’accusation réglée par les tribunaux de juridiction criminelle et le statut de l’affaire concernant le genre, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau 3 Accusation portée dans les affaires couplées à des homicides déclarés par la police, selon la décision la plus sévère rendue par les tribunaux de juridiction criminelle et le statut de l’affaire concernant le genre, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau 4 Caractéristiques liées aux victimes d’homicide associées aux causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle, selon le statut de l’affaire concernant le genre, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau 5 Caractéristiques liées aux affaires d’homicide associées aux causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle, selon le statut de l’affaire concernant le genre, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau 6 Caractéristiques liées aux auteurs présumés d’homicide associées aux causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle, selon le statut de l’affaire concernant le genre, Canada, 2009-2010 à 2020-2021

Tableau 7 Causes couplées à des affaires de tentative de meurtre et de voies de fait graves déclarées par la police, selon la décision la plus sévère rendue par les tribunaux de juridiction criminelle et le statut de l’affaire concernant le genre, 2009-2010 à 2020-2021

Sources de données et méthodologie

Enquête sur les homicides

L’Enquête sur les homicides permet de recueillir des données auprès de la police sur les caractéristiques liées à l’ensemble des affaires d’homicide, des victimes et des auteurs présumés d’homicide au Canada. Dans le cadre de cette enquête, on a commencé à recueillir des renseignements sur l’ensemble des meurtres en 1961, puis le champ de l’enquête s’est élargi en 1974 afin d’inclure les affaires d’infanticide et d’homicide involontaire coupable. Les renseignements sur ces affaires ne sont pas disponibles pour les années antérieures à 1974, mais des chiffres tirés du Programme de déclaration uniforme de la criminalité le sont, et ils sont pris en compte dans les totaux historiques globaux.

Lorsque la police prend connaissance d’un homicide, le service de police qui mène l’enquête remplit les questionnaires de l’Enquête sur les homicides, puis les envoie à Statistique Canada. Certains homicides sont portés à l’attention de la police des mois ou des années après avoir été commis. Ces affaires sont comptabilisées dans l’année au cours de laquelle la police en a été informée (d’après la date du rapport). Les renseignements sur les auteurs présumés d’homicide sont accessibles uniquement en ce qui concerne les affaires résolues (c.-à-d. celles dans lesquelles au moins un auteur présumé a été identifié). Les caractéristiques liées aux auteurs présumés sont mises à jour à mesure que les causes d’homicide sont résolues et que de nouveaux renseignements sont envoyés aux responsables de l’Enquête sur les homicides. Les données recueillies au moyen des questionnaires sur la victime et sur l’affaire sont également mises à jour lorsque la cause est résolue. En ce qui concerne les affaires comptant plus d’un auteur présumé, seul le lien de l’auteur présumé ayant le lien le plus proche avec la victime est consigné.

L’année 2019 a marqué le premier cycle de collecte des données de l’Enquête sur les homicides pour lequel des renseignements sur l’identité de genre ont été déclarés à la fois pour les victimes et les auteurs présumés d’homicide. L’identité de genre fait référence au genre qu’une personne exprime publiquement dans sa vie quotidienne, y compris au travail, dans les commerces et services, dans son milieu de vie ou dans la communauté en général. Avant 2019, les données de l’Enquête sur les homicides étaient présentées selon le sexe des victimes et des auteurs présumés. Le sexe et le genre font référence à deux concepts différents. Il convient de faire preuve de prudence lorsque l’on compare les chiffres de la variable « sexe » avec ceux de la variable « genre ». Étant donné le petit nombre de victimes et d’auteurs présumés déclarés ou identifiés comme des personnes non binaires, les données agrégées de l’Enquête sur les homicides accessibles au public ont été recodées de sorte à attribuer à ces victimes et auteurs présumés la valeur « hommes » ou « femmes » afin d’assurer la protection des renseignements personnels et la confidentialité. La valeur « hommes » ou « femmes » a été attribuée aux victimes et aux auteurs présumés déclarés ou identifiés comme des personnes non binaires en fonction de la répartition régionale des victimes ou des auteurs présumés selon le genre.

Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire

Le Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire (DUC 2) est une enquête à base de microdonnées qui permet de saisir des renseignements détaillés sur les crimes signalés à la police et dont cette dernière a établi le bien-fondé, y compris les caractéristiques liées aux victimes, aux auteurs présumés et aux affaires. On estime que la couverture du Programme DUC 2 de 2009 à 2021 s’élève à 99 % de la population du Canada. Seuls sont inclus les services de police qui ont toujours participé au Programme DUC 2, afin que des comparaisons puissent être établies au fil du temps.

L’option permettant à la police de coder les victimes comme des personnes de « diverses identités de genre » dans le Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) a été ajoutée en 2018. Dans le contexte du Programme DUC, une personne « de diverses identités de genre » est une personne qui exprime publiquement un genre ni exclusivement masculin ni exclusivement féminin. Compte tenu de l’existence possible d’un petit nombre de victimes identifiées comme étant « de diverses identités de genre », les données du Programme DUC accessibles au public ont été recodées de manière à répartir les victimes selon les catégories « genre masculin » ou « genre féminin » en fonction de la répartition régionale des victimes selon le genre. Ce recodage assure la protection des renseignements personnels et la confidentialité des victimes.

Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle

L’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle sert à recueillir des renseignements statistiques sur les causes portées devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes et les tribunaux de la jeunesse qui comportent des infractions au Code criminel et aux autres lois fédérales. Les données dont il est question dans le présent article représentent tant la composante des tribunaux de juridiction criminelle pour adultes que la composante des tribunaux de la jeunesse de cette enquête.

Tous les tribunaux de la jeunesse au Canada déclarent des données à la composante de l’enquête sur les jeunes depuis l’exercice 1991-1992. Depuis l’exercice 2005‑2006, tous les tribunaux (de juridiction criminelle pour adultes) provinciaux et territoriaux dans les 10 provinces et 3 territoires ont déclaré des données à l’enquête. Cependant, les données provenant des cours supérieures de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, de même que les données obtenues auprès des cours municipales du Québec, n’ont pas pu être extraites des systèmes de déclaration électronique de ces provinces et, par conséquent, ne figurent pas dans l’enquête. Les renseignements de la Cour supérieure de l’Île-du-Prince-Édouard n’étaient pas disponibles avant l’exercice 2018‑2019.

L’unité d’analyse de base est la cause. Une cause comprend une ou plusieurs accusations contre une personne ou une société qui ont été traitées par les tribunaux en même temps et qui ont fait l’objet d’une décision finale. Elle regroupe toutes les accusations portées contre la même personne et dont une ou plusieurs dates clés se chevauchent (date de l’infraction, date de l’introduction, date de la première comparution, date de la décision ou date de la détermination de la peine) en une seule cause.

Une cause qui comporte plus d’une accusation est représentée par l’accusation liée à l’infraction la plus grave, laquelle est sélectionnée selon les règles ci-après. On tient d’abord compte des décisions rendues par les tribunaux, puis l’accusation ayant abouti à la décision la plus sévère est choisie. Les décisions sont classées de la plus sévère à la moins sévère, comme suit : 1) auteur présumé reconnu coupable; 2) auteur présumé reconnu coupable d’une infraction moindre; 3) auteur présumé acquitté; 4) arrêt des procédures; 5) procédure retirée ou rejetée, ou auteur présumé absous; 6) auteur présumé non criminellement responsable; 7) autre; 8) cause renvoyée à un autre palier de juridiction.

Ensuite, dans les cas où deux accusations ou plus ont entraîné la même décision la plus sévère (p. ex. auteur présumé reconnu coupable), il faut tenir compte des peines imposées en vertu du Code criminel. L’accusation pour l’infraction la plus grave est choisie selon une échelle de gravité des infractions, qui est fondée sur les peines qui ont effectivement été imposées par les tribunaux au Canada. Chaque type d’infraction est classé en fonction de a) la proportion d’accusations avec verdict de culpabilité qui ont entraîné une peine de détention; b) la durée moyenne des peines d’emprisonnement imposées pour le type précis d’infraction. Ces valeurs sont ensuite multipliées, ce qui permet d’obtenir le classement final de la gravité de chaque type d’infraction. Si au moins deux accusations obtiennent toujours le même classement à la suite de cet exercice, on tient alors compte des renseignements sur le type de peine et sur la durée de la peine (p. ex. l’emprisonnement et la durée de l’emprisonnement, ensuite la probation et la durée de la probation).

Fichier de couplage : aperçu et limites

Les sections 2 et 3 du présent article de Juristat sont fondées sur un fichier de couplage des données déclarées par la police dans le cadre de l’Enquête sur les homicides et du Programme DUC et des données administratives de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC).

Le couplage a été effectué en plusieurs étapes à l’aide de renseignements clés sur les personnes en cause et les affaires. Premièrement, les renseignements sur les personnes, comme la province, le genre (ou le sexe dans le cas des données de l’EITJC), l’âge ou la date de naissance et le code Soundex (un algorithme qui encode les noms) ont été pris en compte. Ensuite, tous les appariements ont été couplés en fonction de la date de l’affaire, de la date à laquelle elle a été signalée à la police et de la date à laquelle les accusations ont été portées.

Bien que le couplage permette un examen plus approfondi des décisions en fonction des caractéristiques de la victime, de l’auteur présumé et de l’affaire qui ont été recueillies dans le cadre de l’Enquête sur les homicides, il y a des limites dont il faut tenir compte au moment d’interpréter les résultats, notamment la couverture des données et le temps qui s’est écoulé entre une affaire et le règlement d’une cause portée devant un tribunal.

Pour ce qui est de la couverture des données, ce ne sont pas tous les secteurs de compétence au Canada qui déclarent actuellement des données dans le cadre de l’EITJC; les données des cours supérieures de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan, ainsi que les données des cours municipales du Québec, ne sont pas déclarées, et les données provenant de la Cour supérieure de l’Île-du-Prince-Édouard n’étaient pas disponibles avant l’exercice 2018-2019. L’absence de données des cours supérieures de ces secteurs de compétence est particulièrement importante aux fins de la présente analyse, car les causes plus graves, comme les homicides, sont généralement traitées par les cours supérieures.

En matière de temps, certaines affaires d’homicide qui n’ont pas été couplées avec succès à une accusation réglée peuvent encore se trouver devant les tribunaux, et cela semble être particulièrement le cas depuis les dernières années où les taux de couplage étaient nettement plus faibles. De plus, des retards, des fermetures ou des modifications aux processus des tribunaux de juridiction criminelle attribuables à la pandémie de COVID-19 et aux mesures connexes ont eu lieu au cours des dernières années comprises dans le couplage. Comme les données de l’EITJC ne rendent compte que des accusations réglées, celles qui sont encore actives dans le système judiciaire ne sont pas comprises dans ce couplage.

Il est également possible que les affaires ne soient pas couplées correctement en raison de renseignements manquants ou incomplets dans un ou plusieurs des fichiers. En raison des facteurs systémiques ayant une incidence sur le taux de couplage, les caractéristiques des causes incluses dans l’analyse pourraient différer des causes qui n’ont pas pu être couplées avec succès. Néanmoins, malgré ces limites, le fichier couplé permet d’examiner les facteurs associés aux caractéristiques des causes portées devant les tribunaux et à leur issue de façon plus détaillée que ne le permettrait l’utilisation exclusive des données de l’EITJC. Voir l’encadré 2 pour obtenir plus de renseignements sur la portée et les limites du couplage.

Références

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