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  1. Introduction
  2. Contexte et examen des ouvrages publiés
  3. Données et statistiques descriptives
  4. Méthodologie et résultats
  5. Conclusion
  6. Annexe

1   Introduction

Les programmes d'apprentissage ont suscité un intérêt croissant au Canada au cours des 10 dernières années. Cela tient probablement à plusieurs facteurs, dont des préoccupations au sujet des pénuries actuelles ou des pénuries futures possibles de gens de métier spécialisés et l'accent croissant mis sur la capacité des programmes d'apprentissage d'offrir des carrières enrichissantes aux jeunes Canadiens, y compris à ceux qui n'ont pas l'intention de poursuivre des études universitaires.

Entre 1995 et 2007, le nombre de Canadiens inscrits à des programmes d'apprentissage a plus que doublé, passant de 163 370 à 358 555 1  . Toutefois, au cours de la même période, le nombre de Canadiens qui ont achevé un programme d'apprentissage a augmenté d'environ un tiers seulement, ce qui soulève des questions quant à la raison d'être de cet écart grandissant. Les hausses de gains associées à l'achèvement des programmes d'apprentissage sont l'un des facteurs qui entrent en considération.

Au Canada, habituellement, les travailleurs deviennent des gens de métier spécialisés en s'inscrivant à des programmes d'apprentissage dans le cadre desquels les employeurs conviennent de former les travailleurs en cours d'emploi et leur accordent des congés pour suivre une formation en salle de classe. En retour, les travailleurs acceptent des salaires plus faibles. Les personnes s'inscrivent souvent à des programmes d'apprentissage quand elles sont plus âgées, ont des responsabilités familiales et ont une expérience significative du marché du travail. Elles peuvent achever plusieurs années d'un programme, devenir, par exemple, un apprenti de troisième ou de quatrième année et toucher un salaire correspondant à ce niveau de formation. Si l'apprenti est satisfait des gains et des conditions de travail à ce niveau, il peut être peu motivé à achever le programme. De même, les apprentis qui ont des responsabilités familiales ou des obligations financières peuvent être peu disposés à prendre sur leurs heures rémunérées le temps pour la formation en salle de classe nécessaire à l'achèvement du programme. La crainte que leur employeur ne puisse continuer de les employer lorsqu'ils seront compagnons ou qu'il soit peu disposé à ce faire, étant donné le taux salarial horaire plus élevé associé à ce niveau de compétence, peut également avoir un effet dissuasif.

Dans ce contexte, on constate un nombre petit mais croissant de travaux de recherche sur les apprentis et les programmes d'apprentissage au Canada. Les données sur les gains des apprentis inscrits (ou enregistrés), particulièrement sur les salaires horaires de ceux qui achèvent ou qui n'achèvent pas leur programme d'apprentissage, demeurent peu nombreuses, et les écarts salariaux entre les personnes qui sont dans différentes situations en matière d'achèvement d'un programme d'apprentissage et d'obtention d'un certificat de qualification professionnelle restent à être examinés. (Les termes « reconnaissance professionnelle », « certificat de qualification professionnelle », « certificat de compétence », « certificat professionnel » et « certificat » sont utilisés de façon interchangeable dans le document.)

Les données de l'Enquête nationale auprès des apprentis (ENA) de 2007 sont utilisées pour comparer, au moyen d'un modèle des gains multivarié, les différences observées entre les salaires horaires des apprentis qui achèvent leur programme d'apprentissage et ceux des apprentis qui l'abandonnent. L'objectif principal est d'estimer l'ordre de grandeur de l'écart salarial entre ces groupes tout en tenant compte d'une large gamme de caractéristiques. En outre, la désagrégation de l'échantillon des apprentis en quatre groupes qui s'excluent mutuellement, en fonction de l'achèvement des programmes d'apprentissage et de l'obtention d'un certificat de qualification professionnelle, permet de faire des comparaisons plus précises. Le salaire des personnes ayant soit achevé leur programme d'apprentissage, soit obtenu un certificat est de 11 à 17 points logarithmiques plus élevé que celui des personnes qui n'ont ni achevé leur programme ni obtenu un certificat, tandis que le salaire des personnes ayant à la fois achevé leur programme et obtenu un certificat est de 22 points logarithmiques plus élevé. Ces différences sont particulièrement notables chez les travailleurs salariés tandis qu'elles le sont moins chez les travailleurs autonomes.

L'obtention d'une reconnaissance professionnelle est un élément important de l'étude des salaires touchés par les apprentis. Dans la plupart des cas, les apprentis inscrits qui ont le nombre requis d'heures d'expérience et de formation en salle de classe doivent également réussir à un examen final pour obtenir un certificat de qualification professionnelle. Ce certificat leur confère le titre de compagnon et leur permet de former d'autres apprentis et d'être rémunérés au taux de salaire en vigueur pour un compagnon. Toutefois, toutes les personnes qui obtiennent un certificat de qualification professionnelle n'ont pas nécessairement achevé un programme d'apprentissage. En effet, les personnes (généralement celles qui ont une expérience de travail considérable) qui n'ont pas acquis officiellement le nombre requis d'heures d'expérience et de formation peuvent se présenter à l'examen final et ainsi obtenir leur certificat de qualification professionnelle. Ces personnes sont appelées « travailleurs qualifiés ». Dans certains cas, les travailleurs qualifiés n'ont jamais été inscrits à un programme d'apprentissage.

En s'appuyant sur les données du Système d'information sur les apprentis inscrits 2 ,  3  (SIAI) pour 2007, Desjardins (2010b) a déclaré que 18 341 personnes ont obtenu un certificat de compétence en tant que travailleurs qualifiés en 2007. Par contre, 24 000 personnes ont obtenu un certificat de compétence après avoir achevé un programme d'apprentissage. Même s'il était utile d'estimer les écarts salariaux entre les personnes qui obtiennent leur certificat de compétence en tant que travailleurs qualifiés et ceux qui obtiennent leur certificat en achevant un programme d'apprentissage enregistré, on constate que les renseignements nécessaires ne sont pas disponibles. Le SIAI est la seule source de données au Canada qui porte sur tous les travailleurs qualifiés, mais il ne contient pas de renseignements sur leurs salaires horaires ou autres caractéristiques sociodémographiques. Par conséquent, le présent document ne porte que sur les personnes qui ont été inscrites à un programme d'apprentissage.

Le document est organisé en plusieurs sections. La section 2 comprend un examen des ouvrages publiés au Canada sur les gains des apprentis. Les données et les statistiques descriptives sont présentées à la section 3. La méthodologie utilisée et les résultats multivariés sont exposés à la section 4. Les conclusions sont présentées à la section 5.

2   Contexte et examen des ouvrages publiés

Comparativement à celles des autres formes d'enseignement postsecondaire, comme le collège et l'université, les exigences en matière de cheminement menant à l'achèvement des programmes d'apprentissage ont tendance à être très variées. La dernière version du tableau Ellis, qui compare les programmes d'apprentissage dans les 13 provinces et territoires du Canada, comprend près de 400 programmes d'apprentissage 4  . Différents programmes comportent des exigences différentes en matière de formation en salle de classe et en cours d'emploi. Le minimum d'heures et d'années de formation ainsi que d'expérience de travail requis pour l'achèvement du programme d'apprentissage varie également. D'autres exigences aussi peuvent différer. Par exemple, il est obligatoire d'être un apprenti inscrit ou un compagnon pour exercer certains métiers (p. ex., électricien).

Les travaux au Canada portant sur les écarts entre les gains des personnes qui ont achevé un programme d'apprentissage et celles qui n'en ont pas achevé sont peu abondants. Akyeampong (1991), s'appuyant sur les données de l'Enquête nationale auprès des apprentis (ENA) de 1989-1990, a montré que, 12 mois après l'achèvement (ou la fin) du programme d'apprentissage, les apprentis ayant achevé leur programme gagnaient environ 5 % de plus par heure que ceux ne l'ayant pas achevé. En utilisant les données de l'ENA de 2007, Ménard et coll. (2008) ont observé des différences plus importantes; notamment, le salaire horaire médian des apprentis qui avaient achevé leur programme d'apprentissage était de 35 % plus élevé que celui des apprentis qui avaient abandonné leur programme (27 $ et 20 $, respectivement). Sur le plan des gains, Ménard et coll. (2008) ont montré que les finissants des programmes d'apprentissage sont plus susceptibles que les décrocheurs d'avoir des gains annuels supérieurs à divers seuils. En s'appuyant également sur les données de l'ENA de 2007, Malatest et coll. (2011) ont constaté que les apprentis qui achèvent leur programme d'apprentissage et qui reçoivent un certificat de qualification professionnelle gagnent en moyenne 61 900 $ par an, comparativement à 51 200 $ pour ceux qui achèvent leur programme sans obtenir un certificat, et à 55 100 $ pour ceux qui n'achèvent pas leur programme d'apprentissage 5  . Toutefois, aucune de ces études ne tient compte d'autres facteurs qui peuvent influer sur les comparaisons entre les gains des finissants et ceux des décrocheurs, comme l'âge, le niveau de scolarité avant l'inscription au programme d'apprentissage, les conditions sur le marché de travail régional ou les facteurs propres au métier. En outre, le salaire horaire est une mesure plus utile de la rémunération que les gains annuels, puisque les salaires ne comprennent pas les effets indiscernables des heures annuelles travaillées.

Contrairement aux comparaisons simples indiquées ci-dessus, Boothby et Drewes (2006) ont estimé un modèle multivarié des gains hebdomadaires en utilisant les données du Recensement de 2001. Ils ont estimé que les gains hebdomadaires des hommes de 25 à 34 ans ayant un certificat d'une école de métiers (et un diplôme d'études secondaires) sont d'environ 15 points de pourcentage supérieurs aux gains hebdomadaires de ceux n'ayant qu'un diplôme d'études secondaires. Dans le cas des femmes, le chiffre comparable est de 4,5 points de pourcentage, ce qui représente une différence statistiquement non significative. Toutefois, étant donné les limites des données, Boothby et Drewes n'ont pu comparer les gains des personnes qui ont achevé leur programme d'apprentissage avec ceux des personnes qui ne l'ont pas achevé. Dans une étude plus récente, Boothby et Drewes (2010) ont utilisé les données du Recensement de 2006 pour comparer les gains des personnes ayant un certificat d'une école de métiers avec ceux des personnes ayant d'autres niveaux de scolarité, allant d'un niveau inférieur au diplôme d'études secondaires à un diplôme d'études supérieures. Leur modèle multivarié comprend un ensemble de variables indépendantes utilisées couramment dans ce type d'analyse. Ils ont constaté que les gains hebdomadaires des hommes titulaires d'un certificat d'une école de métiers sont de 17 % plus élevés que ceux des hommes titulaires d'un diplôme d'études secondaires seulement, mais que les gains hebdomadaires des femmes ayant un certificat d'une école de métiers sont d'environ 3,5 % inférieurs à ceux de leurs homologues titulaires d'un diplôme d'études secondaires. De nouveau, étant donné les limites des données, Boothby et Drewes n'ont pu comparer les gains hebdomadaires des personnes ayant achevé un programme d'apprentissage avec ceux des personnes n'ayant pas achevé un tel programme.

Dans l'ensemble, les études portant sur les salaires des apprentis ont présenté soit des statistiques descriptives, soit des comparaisons selon de grandes catégories de niveau de scolarité. Étant donné les nombreuses questions qui se posent au sujet du rendement de l'achèvement d'un programme d'apprentissage, il est justifié d'examiner de plus près la situation des personnes qui achèvent leur programme d'apprentissage et celle des personnes qui ne l'achèvent pas. L'analyse ci-dessous porte tout particulièrement sur ces deux groupes et compare les écarts restants entre les gains lorsque les caractéristiques observables sont prises en compte.

3   Données et statistiques descriptives

3.1  Données

L'Enquête nationale auprès des apprentis (ENA) de 2007 de Statistique Canada contient des données sur la formation et l'emploi des apprentis au Canada. La base de sondage comprend tous les apprentis figurant sur les listes d'inscription aux programmes d'apprentissage pour 2002, 2003 et 2004 fournies par 12 des 13 provinces et territoires (sauf le Nunavut). Au total, 30 572 répondants ont été interviewés. L'Enquête a été menée entre janvier et mai 2007 6  .

L'Enquête est constituée d'apprentis entrant dans l'une de trois catégories : ceux ayant satisfait aux exigences de leur programme d'apprentissage (les finissants), ceux qui étaient inscrits en 2004 et qui avaient commencé leur programme en 1999 ou avant cette date (les persévérants à long terme) et ceux qui étaient inscrits à un moment donné, mais qui ont abandonné leur programme avant de l'avoir achevé (les décrocheurs). La situation de ces personnes pouvait changer entre la base de sondage de 2002-2004 et l'Enquête de 2007. Les finissants et les décrocheurs sont inclus dans la présente analyse puisque les données sur le salaire et le revenu ont été recueillies seulement auprès de ces deux groupes. On a également posé à chaque personne dans l'échantillon des questions sur ses caractéristiques sociodémographiques, sa scolarité précédant l'apprentissage, sa formation et son expérience de travail, les types de travail effectués, les difficultés qu'elle a affrontées durant le programme d'apprentissage et ses autres expériences et caractéristiques.

L'Enquête comprend aussi des renseignements sur les codes postaux au moment de l'inscription et au moment de l'Enquête. On a utilisé le Fichier de conversion des codes postaux plus (FCCP+) et les données de l'Enquête sur la population active pour attribuer aux répondants le taux de chômage dans leur région économique, étant donné que les conditions sur le marché économique local peuvent influer sur les salaires.

L'une des limites des données de l'ENA tient à la couverture limitée des apprentis inscrits au Québec, puisque seuls les métiers de la construction dans cette province sont représentés dans la base de sondage. Selon le Guide de l'utilisateurdes microdonnées : Enquête nationale auprès des apprentis de 2007 (Statistique Canada, 2008), il convient d'éviter les comparaisons entre le Québec et les autres provinces, à moins de comparer des métiers similaires. La présente analyse porte sur des métiers particuliers et des estimations ont été produites incluant et excluant le Québec. Les résultats étaient très similaires dans l'un et l'autre cas, et ceux présentés ci-dessous comprennent le Québec.

Certaines restrictions ont été imposées en ce qui concerne l'échantillon. Les répondants qui ont indiqué une situation d'apprentissage non uniforme entre 2002-2004 et 2007 ont été supprimés de l'échantillon 7  , de même que ceux qui ont déclaré des métiers différents entre 2002-2004 et 2007, ceux qui n'ont pas travaillé comme apprentis entre 2000 et 2007 (inclusivement), ceux qui ont commencé leur programme d'apprentissage avant l'âge de 16 ans ou qui avaient plus de 80 ans au moment de l'Enquête, et ceux dont les valeurs des variables clés utilisées dans l'analyse étaient manquantes. En outre, comme la présente analyse porte particulièrement sur les salaires, les répondants qui n'ont pas occupé un emploi au cours de la semaine précédant l'Enquête 8  , ceux employés comme travailleurs familiaux non rémunérés et ceux ayant un revenu annuel inconnu, très faible (c.-à-d., inférieur à 500 $) ou très élevé (c.-à-d., plus de 500 000 $) ont été supprimés de l'échantillon, de même que ceux ayant un salaire horaire inconnu ou très élevé (c.-à-d., supérieur à 500 $). L'échantillon final est constitué de 18 399 observations représentant environ trois fois plus de Canadiens inscrits à des programmes d'apprentissage entre 2002 et 2004 et ayant soit achevé, soit abandonné leur programme en 2007.

3.2  Statistiques descriptives

Les statistiques descriptives comparant les caractéristiques des finissants avec celles des décrocheurs sont présentées au tableau 1. Dans l'échantillon, les femmes représentent une proportion plus importante des finissants, peut-être parce qu'elles sont surreprésentées dans les programmes relativement courts, comme la coiffure. Les finissants sont considérablement plus susceptibles que les décrocheurs d'être mariés (55,1 % et 43,7 %, respectivement) et ont, en moyenne, un plus grand nombre d'enfants de moins de 18 ans. En outre, les finissants ont tendance à avoir des niveaux de scolarité plus élevés avant l'apprentissage, comme le montrent les proportions ayant un diplôme d'études secondaires ou un niveau supérieur d'études. Les décrocheurs comptent en moyenne moins d'années de participation à leur programme d'apprentissage, environ 64 % y ayant participé pendant deux ans ou moins avant de l'abandonner. En revanche, environ 74 % des finissants achèvent leur programme en 3 à 10 ans, et la plupart, en 3 à 5 ans. Les groupes de métiers à remarquer sont ceux des charpentiers-ébénistes, qui comprennent une proportion relativement importante de décrocheurs (comparativement à la proportion de finissants dans ce groupe) et les coiffeurs, qui comprennent une proportion relativement importante de finissants (comparativement à la proportion de décrocheurs dans ce groupe) 9  . Les différences entre les provinces sont également évidentes, les finissants étant surreprésentés (par rapport aux décrocheurs) en Ontario et sous-représentés au Québec et en Alberta 10 .

Les revenus annuels et les salaires horaires sont plus élevés, en moyenne, chez les finissants que chez les décrocheurs, bien qu'une plus grande variance s'observe chez ces derniers. Les finissants sont moins susceptibles que les décrocheurs d'être des travailleurs autonomes, plus susceptibles d'occuper un emploi permanent et moins susceptibles de travailler à temps partiel. Les finissants sont plus susceptibles que les décrocheurs d'avoir le même employeur lorsqu'ils terminent leur programme d'apprentissage. Cela n'est pas étonnant, puisque de nombreux métiers comportent des exigences obligatoires et qu'il faut être un apprenti ou un compagnon pour pouvoir les exercer. Ainsi, l'apprenti qui abandonne son programme d'apprentissage peut être automatiquement rayé du métier. Parmi les apprentis qui ont achevé leur programme, 90 % ont également obtenu un certificat professionnel, tandis que 10 % ne l'ont pas obtenu. Inversement, 90 % des apprentis qui ont abandonné leur programme n'ont pas obtenu un certificat, tandis que 10 % l'ont obtenu.

Le tableau 2 montre les salaires horaires moyens des finissants et des décrocheurs dans les groupes de métiers détaillés, désagrégés selon qu'un certificat a été obtenu ou non. Dans l'ensemble de l'échantillon, le salaire horaire moyen est plus élevé chez les personnes qui ont achevé leur programme d'apprentissage et obtenu un certificat de qualification professionnelle (28,07 $), et légèrement plus faible seulement chez les personnes qui ont abandonné leur programme mais qui ont néanmoins obtenu un certificat (27,25 $). Le salaire horaire moyen des personnes qui ont achevé leur programme mais qui n'ont pas obtenu un certificat est de 3 $ à 4 $ inférieur à celui des personnes dans ces deux groupes (à 23,92 $), tandis que les personnes qui ont abandonné leur programme d'apprentissage et qui n'ont pas obtenu un certificat ont le salaire horaire moyen le plus bas (soit de 23,30 $). De toute évidence, que le programme ait été achevé ou non, le salaire horaire moyen est le plus élevé chez les personnes qui ont reçu un certificat de qualification professionnelle, quoique le profil puisse être différent à l'intérieur des groupes de métiers détaillés.

4   Méthodologie et résultats

4.1  Estimations économétriques

Les statistiques descriptives ci-dessus ne tiennent compte d'aucun facteur pouvant être corrélé au salaire horaire, comme l'âge ou un métier donné. Dans la présente section, on estime une série de modèles de régression multivariée des salaires horaires en tenant compte d'une large gamme de caractéristiques observables des répondants. Dans les modèles, la variable dépendante est le logarithme naturel du salaire horaire 11  . La première régression porte plus particulièrement sur les différences entre les salaires horaires des finissants et ceux des décrocheurs, et suit la formule suivante : 

(1)
Équation 1 Le logarithme naturel des salaires horaires est égal à bêtaindice inférieur 0, plus bêta indice inférieur 1 multiplié par la variable ACHEV, plus epsilon.

où les bêtas sont les coefficients devant être estimés. ACHEV est une variable catégorique indiquant si l'observation porte sur un finissant (ACHEV=1) ou sur un décrocheur (ACHEV=0) en 2007 12  .

Les régressions subséquentes suivent la formule suivante : 

CERTI est une variable catégorique indiquant si le certificat a été obtenu (CERTI=1) ou n'a pas été obtenu (CERTI=0). L'interaction de cette variable avec la variable d'achèvement (ACHEV) donne quatre catégories qui s'excluent mutuellement : finissants titulaires d'un certificat, finissants non titulaires d'un certificat, décrocheurs titulaires d'un certificat et décrocheurs non titulaires d'un certificat (le groupe omis). Ces variables sont incluses dans le modèle afin de saisir les écarts salariaux observés entre les quatre groupes. Il convient de souligner que l'estimation des gains n'est pas un taux de rendement interne puisqu'elle ne tient pas compte des différences de coûts associées à l'achèvement des programmes d'apprentissage 13  .

METIERS est un vecteur de variables dichotomiques et mutuellement exclusives représentant l'un des 25 groupes de métiers particuliers dans l'Enquête nationale auprès des apprentis (ENA) (p. ex., électricien, coiffeur, mécanicien d'équipement lourd, etc.).

Le vecteur X contient des variables socioéconomiques, y compris les suivantes : sexe, âge (entré sous forme quadratique), état matrimonial, statut d'Autochtone, appartenance à une minorité visible, statut d'immigrant, état de personne handicapée au début du programme, niveau de scolarité avant l'apprentissage, notes obtenues au secondaire, langue, taux de chômage dans la région économique de résidence, travail à temps partiel, emplois multiples, situation d'emploi, syndicalisation et province ou territoire (les territoires étant regroupés en un seul).

Le modèle économétrique a été estimé au moyen de la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO) avec des erreurs-types robustes et en tenant compte de la répartition en grappes au niveau provincial 14  .

L'estimation du rendement de l'apprentissage soulève les mêmes préoccupations que l'estimation du rendement de tout type d'études. Une éventuelle sélection sur des caractéristiques inobservables pourrait biaiser les estimateurs MCO. Dans ce cas-ci, ceux qui ont achevé leur programme d'apprentissage peuvent différer de façons inobservées qui influent sur les salaires, tandis que ce n'est peut-être pas le cas de ceux qui ont abandonné leur programme d'apprentissage. Autrement dit, les finissants peuvent avoir des habiletés que n'ont pas les décrocheurs, mais ces habiletés ne sont pas observées. S'il y a une corrélation positive entre ces habiletés et les salaires, les estimations MCO du rendement de l'achèvement du programme d'apprentissage seront biaisées à la hausse. Plusieurs chercheurs tâchant d'estimer le rendement des études se sont penchés sur ce problème de biais éventuel : par exemple, certains chercheurs ont procédé à des expériences naturelles, entre autres en utilisant un estimateur des effets fixes sur un échantillon de vrais jumeaux (Ashenfelter et Krueger, 1994).

Le débat se poursuit au sujet de l'ordre de grandeur du biais, mais des études récentes montrent que le biais à la hausse a tendance à être modéré (Card, 1999, 2001; et Gunderson, 2009). En ce qui concerne le rendement pour les apprentis, Fersterer et coll. (2007) ont estimé le rendement des programmes d'apprentissage en Autriche pour les apprentis dans des entreprises qui ont fait faillite. Ils soutiennent que, lorsqu'une entreprise fait faillite, elle manipule la durée de la période d'apprentissage achevée dans le cas de certains apprentis. Par conséquent, le moment de la faillite de l'entreprise sert à déterminer la période d'apprentissage accomplie. Ils en arrivent à la conclusion que l'utilisation des méthodes instrumentales ou des MCO pour calculer le rendement donne des résultats similaires, ce qui montre qu'il y a peu de biais, voire aucun, dans les estimations MCO. Quoi qu'il en soit, les résultats présentés dans le présent document doivent être considérés comme des bornes supérieures du rendement réel de l'achèvement des programmes d'apprentissage.

4.2  Résultats

Les résultats du premier modèle, qui comprennent seulement la variable dichotomique indiquant les finissants et les décrocheurs, sont présentés dans le modèle 1 au tableau 3. Une différence d'environ 19 points logarithmiques s'observe entre les groupes, indiquant que le salaire horaire des finissants est de près de 21 % plus élevé que celui des décrocheurs, en moyenne 15  . Les résultats du deuxième modèle (modèle 2, tableau 3) permettent d'apporter plus de précisions en estimant le salaire horaire selon l'achèvement du programme d'apprentissage et l'obtention d'un certificat de compétence. Les personnes qui n'ont ni achevé leur programme ni obtenu un certificat (c.-à-d., les décrocheurs non titulaires d'un certificat) sont le groupe de référence. Par rapport à ce groupe, le salaire horaire des finissants titulaires d'un certificat est de 22 points logarithmiques (ou 25 %) plus élevé, tandis que le salaire horaire des décrocheurs titulaires d'un certificat est de 14 points logarithmiques (ou 15 %) plus élevé. L'écart de 8 points logarithmiques entre les finissants titulaires d'un certificat et les décrocheurs titulaires d'un certificat n'est pas statistiquement significatif. Chez les apprentis qui n'ont pas obtenu un certificat de compétence, on ne constate pas de différence significative entre ceux qui ont achevé leur programme d'apprentissage et ceux qui l'ont abandonné. Toutefois, cet écart devient statistiquement significatif et s'accentue lorsque d'autres variables sont prises en compte.

Des indicateurs des groupes de métiers sont ajoutés dans le modèle 3. Cet ajout est important puisque certains métiers sont réglementés ou comportent des exigences obligatoires, c'est-à-dire qu'il faut être un apprenti inscrit ou un compagnon pour pouvoir les exercer (p. ex., pompier et électricien) 16  . Lorsque les identificateurs de métiers sont inclus, les salaires horaires des finissants titulaires d'un certificat et des décrocheurs titulaires d'un certificat deviennent plus élevés, passant respectivement à près de 25 points logarithmiques et 18 points logarithmiques (de nouveau par rapport à ceux des décrocheurs non titulaires d'un certificat), tandis que les salaires horaires des finissants non titulaires d'un certificat sont de 11 points logarithmiques plus élevés.

Enfin, les résultats du modèle contenant toutes les variables explicatives, y compris les caractéristiques socioéconomiques, la province de résidence, les taux de chômage régionaux, etc., sont indiqués au modèle 4. Les résultats pour les quatre groupes changent peu lorsque ces variables sont ajoutées. De nouveau, par rapport aux salaires horaires des décrocheurs non titulaires d'un certificat de compétence, ceux des finissants titulaires d'un certificat et des décrocheurs titulaires d'un certificat sont de 22 points logarithmiques et de 17 points logarithmiques plus élevés, tandis que ceux des finissants non titulaires d'un certificat sont, encore une fois, de 11 points logarithmiques plus élevés. Parmi les apprentis ayant obtenu une reconnaissance professionnelle, l'écart entre les finissants titulaires d'un certificat et les décrocheurs titulaires d'un certificat est de 5 points logarithmiques dans le modèle final et demeure pratiquement nul sur le plan statistique.

Pour souligner les différences entre les quatre groupes, les coefficients du modèle 4 au tableau 3 sont présentés de façon quelque peu différente aux tableaux 4 et 5 17 . Plus particulièrement, les écarts salariaux associés à l'obtention d'un certificat sont exprimés en pourcentage pour les finissants et les décrocheurs (tableau 4), tandis que les écarts salariaux associés à l'achèvement des programmes d'apprentissage sont présentés pour les apprentis selon qu'ils ont obtenu ou non une reconnaissance professionnelle (tableau 5).

Les résultats au tableau 4 montrent que les salaires horaires des finissants qui obtiennent un certificat bêta indice inférieur 1 moins bêta indice inférieur 2 sont d'environ 12 % plus élevés que ceux des finissants qui n'obtiennent pas un certificat. Chez les apprentis qui ont abandonné leur programme d'apprentissage, ceux qui ont obtenu un certificat bêta indice inférieur 3 touchent des salaires horaires d'environ 19 % plus élevés que ceux qui n'ont pas obtenu un certificat. Le tableau 5 montre que l'écart salarial associé à l'achèvement des programmes d'apprentissage est de 5 % (non significatif) pour les personnes ayant obtenu un certificat bêta indice inférieur 1 moins bêta indice inférieur 3et de 11 % pour celles ne l'ayant pas obtenu bêta indice inférieur 2.

Pour examiner plus en détail les différences entre les salaires, les répondants sont divisés en deux groupes selon qu'ils sont travailleurs autonomes ou travailleurs salariés. La raison de cette approche est que les incitatifs à l'achèvement d'un programme d'apprentissage et/ou à l'obtention d'un certificat de qualification professionnelle peuvent être différents dans le cas des travailleurs autonomes et dans celui des salariés. Pour les salariés, l'achèvement des programmes d'apprentissage et l'obtention d'un certificat peuvent être d'importantes indications de leurs compétences pour des employeurs éventuels, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour les travailleurs autonomes, puisqu'ils travaillent pour leur propre compte. Toutefois, les gens de métier, y compris les travailleurs autonomes, peuvent renoncer à obtenir un certificat seulement s'ils travaillent dans des métiers ne comportant pas d'exigences obligatoires. Pyper (2008) a montré qu'en 2007 les taux de travail autonome étaient beaucoup plus élevés dans les métiers ne comportant pas d'exigences obligatoires que dans ceux en comportant 18  . Parmi les répondants compris dans notre échantillon, 22,5 % étaient des travailleurs autonomes.

Le tableau 6 montre les différences entre les salaires des travailleurs autonomes et ceux des salariés. Plusieurs tendances intéressantes se dégagent. Premièrement, les salaires moyens des travailleurs autonomes sont supérieurs à ceux des salariés. Dans certains cas, la différence est considérable (p. ex., dans le cas des décrocheurs titulaires d'un certificat). Deuxièmement, les salaires des travailleurs autonomes varient beaucoup plus, ce dont témoignent les écarts-types plus élevés. Même si les travailleurs autonomes représentent un peu plus d'un cinquième de l'échantillon, ils comprennent environ le tiers des répondants dont le salaire horaire est inférieur à 10 $ et près de la moitié de ceux dont le salaire horaire est supérieur à 100 $. Cela se reflète dans les salaires moyens plus élevés et les salaires médians plus faibles des travailleurs autonomes par rapport à ceux des salariés. Troisièmement, les personnes ayant obtenu un certificat ont des salaires moyens plus élevés que celles n'ayant pas obtenu un certificat, qu'elles soient ou non des travailleurs autonomes et qu'elles aient achevé ou non leur programme d'apprentissage. Enfin, dans tous les cas sauf un (les travailleurs autonomes titulaires d'un certificat), les salaires des finissants sont supérieurs à ceux des décrocheurs.

Pour permettre d'examiner ces différences de plus près, le tableau 7 et le tableau 8 comprennent des estimations comparables à celles figurant au tableau 4 et au tableau 5 19 . L'objectif est de déterminer si les différences entre les salaires horaires observées selon la situation en matière d'achèvement des programmes d'apprentissage et/ou d'obtention d'un certificat de qualification professionnelle varie selon la situation de travailleur autonome ou de travailleur salarié. Chez les salariés qui ont achevé leur programme d'apprentissage, le salaire horaire est d'environ 13 % plus élevé dans le cas de ceux qui ont obtenu un certificat que de ceux qui ne l'ont pas obtenu, tandis que chez les salariés qui n'ont pas achevé leur programme d'apprentissage, l'écart est de près de 17 %. Chez les travailleurs autonomes, aucune différence statistiquement significative ne s'observe chez les finissants et les décrocheurs selon qu'ils ont obtenu ou non un certificat. Cette absence de signification statistique, toutefois, est attribuable probablement au plus petit nombre de travailleurs autonomes dans l'échantillon.

Les écarts salariaux observés associés à l'achèvement des programmes d'apprentissage sont positifs et significatifs au moins au niveau de 10 % pour les salariés et s'inscrivent dans une fourchette de 6 % à 10 %. Chez les travailleurs autonomes qui n'ont pas obtenu un certificat, les salaires horaires sont de 15 % plus élevés chez ceux qui ont achevé leur programme d'apprentissage que chez ceux qui ne l'ont pas achevé. Chez les travailleurs autonomes qui ont obtenu un certificat, aucun écart salarial significatif ne s'observe entre ceux qui ont achevé leur programme d'apprentissage et ceux qui ne l'ont pas achevé.

5   Conclusion

L'achèvement du programme d'apprentissage est un important corrélat positif du salaire horaire chez les gens de métiers au Canada. Des études antérieures ont présenté des preuves descriptives montrant que les salaires horaires et les revenus annuels sont plus élevés chez les apprentis qui ont achevé leur programme d'apprentissage que chez ceux qui l'ont abandonné 20  . La présente étude vient s'ajouter utilement à ces ouvrages publiés en examinant les écarts salariaux associés à l'achèvement des programmes d'apprentissage dans un cadre multivarié.

La présente étude révèle que le salaire horaire des apprentis qui achèvent leur programme d'apprentissage est plus élevé que celui des apprentis qui abandonnent leur programme; ce résultat est conforme à ceux d'études antérieures. Sans prise en compte d'autres variables, l'écart est d'environ 19 points logarithmiques (ou 21 %). La désagrégation de l'échantillon des apprentis en quatre groupes selon l'achèvement du programme d'apprentissage et l'obtention d'un certificat de qualification professionnelle permet des comparaisons salariales plus précises. Les apprentis qui achèvent leur programme d'apprentissage et qui obtiennent un certificat ont des salaires statistiquement plus élevés que ceux qui ne font ni l'un ni l'autre; l'écart est d'environ 22 points logarithmiques (ou 25 %). Les apprentis qui achèvent leur programme d'apprentissage ou qui obtiennent un certificat (mais pas les deux) ont également un salaire horaire statistiquement plus élevé que ceux qui n'ont ni achevé leur programme d'apprentissage ni obtenu un certificat; les écarts vont de 11 points logarithmiques à 17 points logarithmiques. Enfin, chez ceux qui ont achevé leur programme d'apprentissage, ceux qui ont obtenu un certificat ont un salaire horaire d'environ 11 points logarithmiques (ou 12 %) plus élevé que ceux qui n'ont pas obtenu un certificat.

Cette tendance générale se vérifie lorsque l'échantillon est désagrégé selon qu'il s'agit de travailleurs salariés et de travailleurs autonomes, même si bon nombre des différences observées chez les travailleurs autonomes ne sont pas statistiquement significatives, cette absence de signification statistique tenant probablement aux erreurs-types plus grandes attribuables aux tailles d'échantillon plus petites.

6   Annexe

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