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Dans le présent article, nous étudions les défis auxquels a dû faire face le secteur de la fabrication au cours du dernier demi-siècle, en examinant les tendances de long terme et les chocs à court terme qui l'ont affecté. Nous nous penchons d'abord sur la question de la désindustrialisation, c'est-à-dire sur les preuves que cette industrie a subi une régression de long terme. La désindustrialisation est presque toujours étudiée en utilisant une mesure relative, telle que la part du PIB nominal ou la part de l'emploi total qui revient à la fabrication. Au Canada, ces parts se sont contractées au cours des 45 dernières années, quoiqu'un peu moins que dans de nombreux autres pays industrialisés.

Il existe deux raisons pour lesquelles la part de la valeur ajoutée (PIB) n'est pas une bonne mesure pour déterminer si une désindustrialisation a lieu. Premièrement, la part du PIB dépend non seulement de la façon dont le secteur de la fabrication performe, mais aussi de celle de tous les autres secteurs de l'économie. Deuxièmement, les parts reflètent le fait que la valeur nominale du PIB comporte une composante volume et une composante prix dont les fluctuations ont des incidences différentes en ce qui concerne l'hypothèse de la désindustrialisation. Les analyses qui ne s'appuient que sur les parts du PIB nominal ou de l'emploi ont tendance à ne pas tenir compte de l'effet qu'a la croissance relativement importante de la productivité dans le secteur de la fabrication sur les prix relatifs dans ce secteur. La baisse des prix relatifs n'est pas un signe que le secteur de la fabrication est devenu moribond; elle indique plutôt qu'il a été le siège de progrès techniques rapides.

Ensuite, nous examinons comment, au cours des 45 dernières années, le secteur de la fabrication a réagi à des chocs particuliers dus aux fluctuations du taux de change, à la libéralisation du commerce et aux cycles économiques. Les chocs économiques émanant de ces sources accélèrent, ralentissent et peuvent même renverser la contraction de la part de l'activité économique imputable au secteur de la fabrication.

Si l'on examine les influences de long terme et de court terme exercées sur le secteur de la fabrication, le portrait qui se dégage n'est pas celle d'une désindustrialisation à grande échelle au Canada. Au contraire, de 1961 à 2005, le volume de production du secteur de la fabrication a suivi la croissance globale de l'indice en volume du PIB. Le secteur de la fabrication s'est adapté aux changements de long terme de la conjoncture économique et a fait preuve d'un ressort considérable face aux divers défis, qu'ils aient été posés par des changements de la demande, des variations des prix relatifs et la modification des régimes tarifaires.

Dans le cadre de l'examen des défis que le secteur de la fabrication a dû relever au cours des 45 dernières années, nous abordons explicitement plusieurs questions.

1. Le Canada se désindustrialise-t-il?

Non. Les discussions au sujet de la désindustrialisation du Canada portent sur une régression supposée du secteur de la fabrication. Ces échanges s'appuient sur des statistiques montrant que la fabrication représente une part de plus en plus faible de la valeur totale de la production marchande de l'économie canadienne, autrement dit que la part de la valeur du PIB attribuable à la fabrication n'a cessé de se contracter depuis 1960.

Le fait que la part de la valeur des biens produits imputable à la fabrication se soit contractée n'implique pas que la taille absolue ou relative du volume de biens a diminué; or ce phénomène est celui qui est au coeur du débat sur la désindustrialisation. La diminution de la part de la valeur du PIB issue du secteur de la fabrication n'est pas forcément causée par une baisse des biens produits par ce secteur, puisque la valeur du PIB comprend une composante prix relatifs ainsi qu'une composante volumes relatifs.

La diminution de la valeur globale relative attribuable au secteur de la fabrication a pour origine non pas la baisse des volumes relatifs, mais celle des prix relatifs. Au Canada, les variations des volumes relatifs ont été essentiellement inchangées de 1961 à 2005. En revanche, les prix relatifs ont baissé de 0,9 % par année, ce qui en fait la principale source de la diminution de la part de la valeur du PIB imputable à la fabrication au Canada. Si l'on s'en tient aux volumes relatifs, il existe peu de preuves que le secteur de la fabrication a connu une régression de long terme.

2. Pourquoi les prix relatifs des biens manufacturés chutent-ils?

Le secteur de la fabrication est la source principale de croissance de la productivité dans l'économie canadienne. Les entreprises répercutent cette croissance de la productivité sous forme d'une croissance plus lente des prix. Par conséquent, les prix des biens manufacturés n'augmentent pas aussi rapidement que le niveau global des prix, donc un recul relatif des prix manufacturiers se produit. De 1961 à 2005, ces derniers ont augmenté au taux annuel moyen de 3,5 % comparativement à 4,0 % pour les services et 4,5 % pour les biens. La baisse des prix relatifs entraîne une contraction de la part du PIB nominal imputable au secteur de la fabrication.

3. Les phénomènes qui sous-tendent les variations des parts donnent-ils lieu à des variations uniformes au cours du temps?

Non. De 1961 à 2005, les variations des taux de change, les cycles économiques et la libéralisation du commerce ont fait s'accélérer, décélérer et renverser la contraction de la part du secteur de la fabrication. Le processus d'ajustement a donc été irrégulier, ce qui s'est aussi passé dans d'autres pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

4. Comment les taux de change influent-ils sur la part du PIB nominal revenant au secteur de la fabrication?

Les fluctuations des taux de change ont une incidence sur la vitesse de variation des prix relatifs. Au cours de la période étudiée, le secteur de la fabrication a dû s'adapter à plusieurs cycles de variation des taux de change. Ces cycles sont associés à des variations de la concurrence subie par les fabricants canadiens dues au fait que les pressions qui s'exercent sur leurs prix intérieurs et à l'exportation augmentent ou diminuent lorsque le dollar canadien s'apprécie ou se déprécie par rapport au dollar américain.

L'un des cycles de taux de change a correspondu directement à la période (les années 1980 et 1990) durant laquelle les résultats du secteur canadien de la fabrication étaient assez bons pour ce qui est de sa part du PIB. La performance relativement meilleure du Canada que celle d'autres pays de l'OCDE en ce qui concerne la part de la valeur du PIB produite par le secteur de la fabrication tient principalement à une tendance différente des prix manufacturiers relatifs durant les années 1980 et 1990. La tendance à la baisse de ces prix au Canada a suivi celle observée aux États-Unis durant les années 1960 et au début des années 1970, mais a ensuite été interrompue durant les années 1980 et 1990. Durant cette période, le dollar canadien a connu une dépréciation de long terme par rapport au dollar américain, ce qui a atténué les pressions concurrentielles exercées sur les fabricants canadiens. À ce moment-là, les prix relatifs manufacturiers ont cessé de diminuer à la même vitesse au Canada que dans d'autres pays.

Cette constatation met en relief le problème général que pose l'utilisation de la part de la valeur ajoutée de la fabrication pour inférer que celle-ci maintient ou non ses niveaux de production. Les prix sont un déterminant important de la part de la valeur ajoutée produite par le secteur de la fabrication. Et ils peuvent s'écarter de leur trajectoire de long terme dans une petite économie ouverte comme le Canada si des chocs du taux de change ont lieu. Au cours des années 1980, les prix manufacturiers canadiens ont divergé de leur tendance de long terme (niveaux américains), ce qui a ralenti la contraction de long terme de la part de la valeur ajoutée manufacturière observée au Canada — et a donné l'impression que la « performance » du Canada était supérieure à celle d'autres pays.

5. Quelle a été l'incidence des cycles économiques sur la part du secteur de la fabrication?

Le secteur canadien de la fabrication est touché par les chocs de cycle économique émanant des États-Unis. En règle générale, quand la fabrication se porte assez bien aux États-Unis, il en est de même au Canada et inversement. Par conséquent, les fluctuations du cycle économique influent sur la vitesse des variations de volume relatif.

Afin d'étudier cette relation, nous examinons dans le présent article les variations annuelles du volume relatif du secteur canadien de la fabrication comparativement à l'indice de taux d'utilisation de la capacité manufacturière (CAPU pour Capacity Utilization) produit par la Réserve fédérale américaine. De 1961 à 2007, le Canada a réagi de près aux variations de l'utilisation de la capacité aux États-Unis. Au cours des périodes où le CAPU des États-Unis était supérieur à sa moyenne de long terme, les volumes manufacturiers canadiens augmentaient plus rapidement que le PIB global. Quand le CAPU américain tombait sous sa moyenne de long terme, les volumes manufacturiers canadiens diminuaient relativement au PIB global.

Au Canada et aux États-Unis, la fabrication est plus cyclique que l'économie globale. Le secteur de la fabrication au Canada a été encore plus instable que celui des États-Unis. De 1961 à 2007, l'écart-type des taux de croissance du secteur de la fabrication au Canada était environ 10 % plus élevé que celui des États-Unis; toutefois, les résultats étaient très différents durant la première et la seconde moitiés de la période. Au cours de la première moitié de la période, la situation était plus stable au Canada qu'aux États-Unis, tandis que durant la seconde moitié, elle est devenue plus instable.

6. Quel a été l'effet de la libéralisation du commerce sur la part du PIB revenant au secteur de la fabrication?

La libéralisation du commerce a eu des effets spectaculaires sur les débouchés du secteur canadien de la fabrication dans les marchés d'exportations américains et a fait augmenter l'intensité de la concurrence exercée par les producteurs étrangers. Le Pacte de l'automobile conclu en 1965, les négociations Kennedy (1964 à 1967) qui ont eu lieu dans le cadre de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et les négociations de Tokyo (1973 à 1979) concernant les réductions des tarifs douaniers ont été suivis par la signature de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis en 1989 et celle de l'Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, le Mexique et les États-Unis en 1993. L'épisode le plus sérieux ici a été l'ajustement aux accords de libre-échange que le Canada a connu du milieu à la fin des années 1990.

Les accroissements relatif et absolu les plus importants de la production manufacturière se sont produits du milieu à la fin des années 1990. Par conséquent, la part manufacturière du PIB a augmenté de 1994 à 2001, tandis que le Canada s'adaptait à de plus grandes possibilités d'échanges.

7. L'ALENA a-t-il eu d'autres effets sur la part du secteur de la fabrication?

Oui. Il était prévu que l'ALENA serait avantageux pour les industries dans lesquelles l'accès à de plus grands marchés réduirait les coûts, grâce à l'exploitation d'économies d'échelle ou d'économies de gamme. De 1994 à 2001, les industries productrices de biens durables ont accru leur part de la fabrication, tandis que les industries fabriquant des biens non durables ont vu se contracter la leur. À cet égard, le secteur canadien de la fabrication a commencé à évoluer dans le sens d'une ressemblance avec le secteur américain de la fabrication (comme l'a fait le secteur de la fabrication mexicain). En 2005, la composition du secteur de la fabrication avait fort changé par rapport à celle qu'il avait en 1961, la plupart des changements ayant eu lieu après l'entrée en vigueur de l'ALENA.

8. Que pouvons-nous dire du secteur de la fabrication dans l'ensemble?

Les fabricants canadiens ont prouvé qu'ils avaient du ressort et qu'ils étaient capables de s'adapter. Au cours des 45 dernières années, ils ont fait face à des chocs pétroliers, des récessions au Canada et aux États-Unis, la libéralisation du commerce, y compris l'entrée en vigueur de l'ALENA et le boom des ressources naturelles le plus important depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le boom des ressources naturelles a été associé à une variation spectaculaire des prix relatifs des produits et des intrants, et une appréciation sans précédent du dollar canadien. Durant tous ces événements, et face à une concurrence intense et une montée des prix des ressources naturelles, les fabricants canadiens ont accru leur productivité au taux annuel moyen de 1,1 %, modifiant ainsi les parts de la fabrication attribuables aux industries productrices de biens durables de manière à les harmoniser avec celles observées aux États-Unis.

De 1961 à 2005, le ratio du volume des biens manufacturés au volume total de biens et de services est demeuré à peu près constant. Fait plus important, le volume réel de biens produits (l'indice en volume du PIB en fabrication) a augmenté. Le taux de croissance a également été positif au cours des années 1990, après l'entrée en vigueur de l'ALENA. Durant cette période, la croissance a été positive dans le secteur des biens non durables (bien que sa part ait diminué), ainsi que dans le secteur des biens durables (dont la part était à la hausse). Les résultats de productivité ont été meilleurs dans le secteur des biens durables que dans celui des biens non durables pendant la plupart de la période.

Durant les années qui ont suivi l'éclatement de la bulle des technologies en 2001 et durant le boom des ressources naturelles, la croissance du secteur de la fabrication a été, en moyenne, de 0,4 % par année de 2002 à 2007. Le changement de composition en faveur des biens durables et au détriment des biens non durables s'est poursuivi. Les volumes de biens durables ont eu tendance à augmenter durant la période, tandis que la production de biens non durables fléchissait. De 2001 à 2007, l'indice en volume du PIB a augmenté dans la plupart des industries productrices de biens durables, tandis qu'il a diminué dans la plupart des industries fabriquant des biens non durables.

Malgré la croissance relativement plus forte de la productivité dans le secteur de la fabrication, la demande d'intrants utilisés en fabrication a augmenté. Au cours des 50 années examinées, les intrants travail ainsi que capital (définis comme étant les services de la main-d'oeuvre et du capital) ont augmenté dans presque toutes les industries. Faisaient exception les intrants travail dans les industries des boissons, du cuir et des vêtements, qui produisent toutes trois des biens non durables. Alors que le nombre d'heures travaillées a diminué durant la période postérieure à 2000, aussi bien dans le secteur des biens durables que dans celui des biens non durables, la transition de la main-d'oeuvre peu spécialisée et peu rémunérée vers une main-d'oeuvre plus instruite qui a commencé avant l'année 2000 s'est poursuivie après celle-ci. Au cours de la période, les intrants de capital ont augmenté dans toutes les industries, même les trois industries productrices de biens de consommation non durables qui ont vu diminuer leurs intrants de main-d'oeuvre. Mais avant et par dessus tout, la croissance des intrants de capital a été plus importante que celle des intrants de main-d'oeuvre, les ratios du service de capital à la main-d'oeuvre ayant augmenté universellement dans toutes les industries. De 1961 à 2005, le taux de croissance des services du capital a été 2,5 fois plus élevé que celui des services de la main-d'oeuvre.