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  1. Introduction
  2. Aperçu du secteur canadien de la radiotélévision et des télécommunications
  3. Méthodologie
  4. Données
  5. Résultats empiriques
  6. Conclusions

1   Introduction

Le secteur canadien de la radiotélévision et des télécommunications a connu une croissance rapide de la production à compter du milieu des années 1980. De 1984 à 2008, la production brute réelle dans ce secteur a affiché un taux de croissance annuelle de 5,5 %. En outre, la productivité du travail (production brute par heure travaillée) s’est accrue de 3,9 % par année, et la productivité multifactorielle (PMF), de 1,2 % par année 1 — soit des taux qui figurent parmi les plus élevés au Canada.

Toutefois, entre les périodes allant de 1984 à 1998 et de 2000 à 2008, la croissance annuelle de la productivité du travail dans le secteur a ralenti, passant de 4,9 % à 2,9 %.

En outre, la croissance de la productivité dans le secteur canadien de la radiotélévision et des télécommunications a été lente par rapport à celle des États-Unis (Baldwin et Gu, 2008). Depuis 2000, le secteur est l’un des principaux éléments responsables de la faible croissance globale de la productivité du secteur canadien des entreprises par rapport à celle des États-Unis. Dans son rapport final, le Groupe d’étude sur le cadre réglementaire des télécommunications concluait que le secteur canadien des télécommunications était en train de perdre son avantage concurrentiel, particulièrement dans les deux secteurs les plus importants et affichant la croissance la plus rapide, soit les services sans fil et les services à large bande (Sinclair et coll., 2006). Le Canada a les tarifs les plus élevés de tous les pays de l’OCDE pour ce qui est du transfert sans fil de la voix et des données (Li et Nina-Moses, 2010) et accuse un retard par rapport au Japon, à la Corée du Sud et aux États-Unis dans l’installation de câbles à fibres optiques et dans le développement de réseaux de la prochaine génération (Sinclair et coll., 2006).

L’absence de concurrence et la petite échelle du secteur au Canada ont été citées comme des facteurs importants de la faible croissance de la productivité. Le Canada restreint le contrôle étranger des fournisseurs de services de télécommunication (Sinclair et coll., 2006) et la petitesse relative du marché comparé à celui des États-Unis pourrait avoir une incidence défavorable sur la productivité des télécommunications au Canada, un secteur où les économies d’échelle jouent un rôle important.

Le présent article quantifie les sources de la croissance de la productivité agrégée dans le secteur canadien de la radiotélévision et des télécommunications depuis le milieu des années 1980. Deux questions se posent. D’abord, dans quelle mesure la croissance de la PMF agrégée du secteur est-elle attribuable à des économies d’échelle plutôt qu’aux progrès techniques? Ensuite, dans quelle mesure la croissance de la productivité du travail et de la PMF agrégées s’explique-t-elle par la croissance intra-entreprise, par la réaffectation découlant de la création et de la disparition d’entreprises et par les variations dans les parts des entreprises établies — soit les forces dynamiques associées aux changements du contexte concurrentiel?

Les mesures de la productivité du travail et de la PMF sont également examinées. La productivité du travail mesure l’efficacité avec laquelle le travail est transformé durant le processus de production. La pertinence de ce paramètre est liée à sa relation étroite avec la croissance des taux de rémunération réels.

La PMF constitue une moyenne pondérée plus complète de la productivité du travail et de la productivité du capital. Elle correspond à l’écart entre la croissance de la production et celle que l’on pourrait espérer si l’on mettait en oeuvre des entrées de capital et de travail fondées sur des hypothèses à propos de la technologie de production — c’est-à-dire, la production que l’on pourrait atteindre en investissant des unités de travail et de capital supplémentaires. La PMF est pertinente parce qu’elle est interprétée comme tenant compte de tous les facteurs non mesurés, y compris les progrès techniques non incorporés. En outre, la croissance de la productivité du travail peut être décomposée en croissance de la PMF et en un terme tenant compte de la croissance de l’intensité du capital et du travail ou de l’approfondissement du capital. Ainsi, les changements économiques sous-jacents qui influent sur la productivité du travail sont compris dans ceux qui touchent la croissance de la PMF et dans ceux qui touchent les changements dans l’approfondissement du capital.

Le secteur canadien de la radiotélévision et des télécommunications se divise en deux sous-secteurs : la radiotélévision (sous-secteur 515 du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord [SCIAN] 2007) et les télécommunications (sous-secteur 517 du SCIAN). Les télécommunications prédominent, puisqu’elles représentent plus de 90 % des ventes totales du secteur depuis 2000 2 . Toutefois, en raison de l’intégration croissante de ces deux sous-secteurs, il est difficile de classer les entreprises dans des catégories distinctes de radiotélévision et de télécommunications. Le présent article examine donc globalement le secteur de la radiotélévision et des télécommunications 3 .

Comme le secteur se caractérise par un rendement d’échelle à la hausse et une concurrence imparfaite, le cadre comptable de la croissance mis au point selon une hypothèse de concurrence parfaite et un rendement d’échelle constant est élargi ici pour tenir compte de ces caractéristiques (Solow 1957; Jorgenson et Griliches, 1967; Diewert 1976). Ce cadre élargi a été élaboré par Denny et coll. (1981), Diewert (1991), Hall (1988, 1990), Basu et Fernald (2001, 2002), Petrin et Levinsohn (2010) et Diewert et coll. (2011).

Baldwin et coll. (2012) ont adapté le cadre pour pouvoir l’utiliser avec des données à l’échelle des entreprises, et ont dérivé une méthode de décomposition qui indique dans quelle mesure la croissance de la productivité du travail agrégée peut s’expliquer par une croissance intra-entreprise et par l’effet de la réaffectation entre les entreprises établies et entre les entreprises entrantes et les entreprises sortantes. On peut en outre décomposer la croissance intra-entreprise en effet de l’approfondissement du capital et des entrées intermédiaires, des progrès technologiques, des économies d’échelle et de l’utilisation des entrées. La composante interentreprises tient compte de l’effet de la réaffectation entre les entreprises des entrées et de la production sur l’approfondissement agrégé du capital et des entrées intermédiaires et sur la croissance de la PMF agrégée. Baldwin et coll. (2012) ont aussi décomposé la croissance de la PMF agrégée en effet de la croissance intra-entreprise (incluant les progrès technologiques, les économies d’échelle et l’utilisation des entrées) et en effet de la réaffectation entre les entreprises, qui tient compte de l’effet de la réaffectation des entrées entre les entreprises sur la croissance de la PMF agrégée. Ces deux décompositions sont utilisées plus loin pour déterminer si l’importance des composantes sous-jacentes diffère pour chaque mesure de la productivité.

Le présent document est structuré comme suit. La section 2 présente des renseignements généraux à propos du cadre de réglementation du secteur canadien de la radiotélévision et des télécommunications, ainsi qu’un résumé des études antérieures de la croissance de la productivité dans ce secteur. La section 3, qui repose fortement sur les travaux de Baldwin et coll. (2012), décrit la méthode utilisée pour évaluer la croissance de la productivité dans le secteur. La section 4 présente les données, et la section 5 décrit la preuve empirique. La section 6 constitue la conclusion.

2   Aperçu du secteur canadien de la radiotélévision et des télécommunications

L’industrie des télécommunications comprend les télécommunications par fil (qui constituent le segment le plus important) et sans fil ainsi que les télécommunications par satellite, tandis que l’industrie de la radiotélévision englobe la radiodiffusion et la télédiffusion, y compris la télévision payante et spécialisée. La pénétration des services de téléphonie au Canada est l’une des plus élevées dans le monde; la migration des lignes fixes conventionnelles vers les services sans fil se poursuit toutefois. Le taux d’accès à Internet à large bande est également élevé au Canada. Bien que de telles occasions aient attiré de nouvelles entreprises, il existe des obstacles à la pénétration du marché dans ces deux secteurs. Dans le domaine de la radiotélévision, le nombre de licences disponibles est limité, alors que l’entrée sur le marché des télécommunications exige un investissement en immobilisations important.

La croissance de la productivité dans le secteur canadien des télécommunications a fait l’objet d’un certain nombre d’études. Denny et coll. (1981) ont montré que, en l’absence d’une concurrence parfaite et d’un rendement d’échelle constant, la croissance de la PMF par rapport au cadre comptable traditionnel ne correspond plus aux progrès techniques. Elle correspond plutôt à la somme de trois composantes : les progrès techniques, les économies d’échelle et l’établissement des coûts non marginaux découlant de la réglementation du taux de rendement. Appliquée à Bell Canada, cette méthodologie a permis d’estimer la croissance de la PMF de l’entreprise à 3,4 % par année durant la période allant de 1956 à 1976 : 64 % de cette hausse correspondait à des économies d’échelle, 20 %, à l’effet des progrès techniques et 16 %, au résultat de l’établissement des coûts non marginaux.

D’autres travaux de recherche ont montré l’importance des économies d’échelle. Fuss et Waverman (2002) ont conclu que la plupart des études empiriques sur les économies d’échelle dans le secteur des télécommunications révèlent un rendement accru. Par exemple, un certain nombre d’études menées au Canada montrent qu’entre les années 50 et le milieu des années 1980, le rendement d’échelle estimatif pour Bell Canada s’établissait entre 1,6 et 2,0.

Des études menées antérieurement ont aussi examiné le caractère multiproduit du secteur des télécommunications et l’établissement des coûts non marginaux des produits. Quand un secteur offre des produits multiples, et en raison de la réglementation (taux de rendement ou plafonnement des prix), le prix n’est pas proportionnel aux coûts marginaux; le poids qu’il convient d’utiliser pour agréger les produits individuels correspond à l’élasticité de la part des coûts, plutôt que de la part des revenus comme ce serait le cas dans un contexte de concurrence parfaite. Fuss (1994) a constaté que pour Bell Canada, le tarif exigé pour les communications locales était inférieur aux coûts marginaux, mais supérieur dans le cas des communications interurbaines. Dans le cas de Bell Canada, il appert que le biais introduit par l’utilisation de poids erronés était considérable.

Le secteur des télécommunications est un secteur à forte intensité de capital et exige des investissements considérables. Le cadre comptable de croissance traditionnel requiert souvent une hypothèse d’équilibre à long terme, le capital étant entièrement rajusté en fonction des conditions de la demande. Toutefois, à court terme, le capital n’est pas entièrement rajusté, ce qui peut entraîner une capacité excédentaire. Comme il n’est généralement pas possible d’obtenir une observation directe du taux d’utilisation du capital, on a eu recours, dans le cadre des études antérieures, à une approximation de l’utilisation de la capacité pour rajuster le capital utilisé dans les calculs de la croissance de la PMF 4 .

Berndt et Fuss (1982) ont mis au point un cadre permettant de tenir compte des changements dans l’utilisation de la capacité. Selon eux, le prix du facteur capital du cadre comptable traditionnel de la croissance doit être rajusté. Ils montrent que le rendement ex post du capital tient compte de l’effet des variations de l’utilisation de la capacité. Quand le rendement ex post du capital est utilisé pour mesurer la contribution du capital à la croissance de la production, la croissance de la PMF, calculée comme étant la différence entre la croissance de la production et les contributions du capital et d’autres facteurs, est rajustée en fonction des changements de l’utilisation de la capacité. La procédure n’élimine toutefois pas complètement les fluctuations cycliques de la croissance de la PMF associées à l’utilisation variable de la capacité (Basu et Fernald 2001; Hulten 2010).

Gu et Wang (2013) expliquent qu’il faut utiliser le rendement ex post du capital pour rajuster l’apport de capital, et non le prix de l’apport de capital comme l’ont fait Berndt et Fuss (2012). Ils montrent que lorsqu’on utilise le ratio du rendement ex post au rendement ex ante du capital pour rajuster l’apport de capital, la mesure de la croissance de la PMF tient compte du taux d’utilisation du capital.

Le présent document examine les économies d’échelle, les progrès technologiques et l’utilisation de la capacité dans le secteur canadien de la radiotélévision et des télécommunications. L’analyse porte aussi sur les études antérieures afin d’examiner l’effet du processus concurrentiel dans le secteur et la réaffectation des entrées et des produits entre les entreprises établies et entre les entreprises entrantes et les entreprises sortantes. Il ne se penche pas sur le caractère multiproduit et l’établissement des prix non marginaux du secteur de la radiotélévision et des télécommunications; une telle analyse exige de l’information qui ne figure pas dans les données utilisées pour la présente étude.

3   Méthodologie

La section qui suit décrit la méthodologie employée pour établir un lien entre les variations de la croissance de la productivité du travail et de la PMF agrégées dans le secteur de la radiotélévision et des télécommunications et ce qui se passe à l’échelle des entreprises, selon l’approche de Baldwin et coll. (2012).

La croissance de la productivité du travail et la croissance de la PMF agrégées peuvent être décomposées en deux principaux éléments : 1) la croissance intra-entreprise et 2) la réaffectation entre les entreprises établies et entre les entreprises entrantes et sortantes (Bartelsman et coll. 2005; Foster, Haltiwanger et Krizan 2001; Griliches et Regev, 1995).

La méthode de décomposition utilisée par Baldwin et coll. (2012) repose sur les travaux de Jorgenson (1966) et de Jorgenson et coll. (2005), qui décomposent la croissance de la productivité agrégée en composantes sectorielles, mais appliquent cette décomposition à l’échelle des entreprises. Cette méthode introduit en outre des caractéristiques non néoclassiques du contexte économique à l’échelle des entreprises, comme la concurrence imparfaite et les économies d’échelle, alors que le modèle de décomposition original de Jorgenson a été établi selon une hypothèse de concurrence parfaite et de rendement d’échelle constant.

Jorgenson (1966) et Jorgenson et coll. (2005) ont dérivé une décomposition de la croissance agrégée de la PMF en une contribution intrasectorielle et en une réaffectation intersectorielle en comparant deux approches d’estimation de la croissance de la PMF agrégée : une approche fondée sur la frontière des possibilités de production et une méthode d’agrégation directe des secteurs, qu’on appelle parfois les approches « descendante » et « ascendante » (Diewert et Yu, 2012; Gu, 2012; Schreyer 2012). Contrairement à la méthode de décomposition initiale de Jorgensen (1966) et de Jorgenson et coll. (2005), qui fait appel à des données à l’échelle sectorielle, la présente étude a recours à des données à l’échelle des entreprises 5 .

3.1  Approche de la frontière des possibilités de production

L’approche de la frontière des possibilités de production suppose que le capital, le travail et les entrées intermédiaires sont établis au même prix dans toutes les entreprises, mais que chaque entreprise a ses propres fonctions de production pour établir des liens entre la production brute (V) et le capital, le travail et les entrées intermédiaires à l’échelle de l’entreprise, et que le prix de la production brute varie d’une entreprise à l’autre 6 . En vertu de ces hypothèses, la production brute agrégée peut être exprimée comme une fonction du capital agrégé, du travail agrégé, des entrées intermédiaires agrégées et d’une variable temporelle d’approximation de la technologie (T), alors que la production brute agrégée peut s’écrire sous forme d’agrégation de Tornqvist de la production brute des entreprises : 

delta logarithme naturel correspond à la variation entre les périodes t moins un et t dans le logarithme et w barre indice i, à la part de l’entreprise i dans la production brute nominale agrégée, sous forme de moyenne sur les deux périodes.

La croissance de la productivité du travail agrégée, qui s’entend de la différence entre la croissance de la production brute agrégée et la croissance du facteur travail agrégé, peut s’écrire comme suit : 

équation de la croissance de la productivité du travailDescription de l'image(6) correspond à la croissance de la productivité du travail dans l’entreprise i, définie comme étant la différence entre la croissance de la production delta logarithme naturel de V indice i et la croissance du facteur travail delta logarithme naturel de L indice i. La croissance de la productivité du travail agrégée de l’équation (2) se décompose en deux facteurs : un effet intra-entreprise, les parts des entreprises étant maintenues constantes, et un effet de réaffectation entre les entreprises. L’effet intra-entreprise est positif lorsque la productivité du travail au sein des entreprises augmente; l’effet de réaffectation entre les entreprises est positif lorsque le travail tend à revenir aux entreprises ayant la productivité du travail la plus élevée.

Quand les marchés des produits et des facteurs sont concurrentiels et que la fonction de production est caractérisée par un rendement d’échelle constant, la croissance de la PMF agrégée peut être exprimée comme étant la différence entre la croissance de la productivité du travail agrégée et l’effet de l’approfondissement du capital et des entrées intermédiaires, selon le cadre comptable de croissance standard : 

v indice T correspond à la croissance de la PMF, et alpha barre indice K et alpha barre indice M correspondent aux parts du capital et des entrées intermédiaires dans la production brute nomin ale, sous forme de moyenne sur les deux périodes.

La croissance de la productivité du travail agrégée, la croissance de la PMF agrégée et les effets agrégés de l’approfondissement du capital et des entrées intermédiaires de l’approche descendante peuvent être assimilés à ce qui se passe à l’échelle des entreprises. Pour ce faire, on procède à l’agrégation directe des entreprises, comme on l’explique à la section qui suit.

3.2  Agrégation directe des entreprises

L’autre approche pour estimer la productivité du travail agrégée et la PMF consiste en l’agrégation directe des entreprises (Jorgenson et coll. 1987, 2005). Cette méthode ne retient pas l’hypothèse de l’approche de la frontière des possibilités de production voulant que toutes les entrées soient établies au même prix dans toutes les entreprises. Elle suppose plutôt que les prix du capital, du travail et des entrées intermédiaires varient d’une entreprise à l’autre. Aux fins de la présente analyse, l’approche d’agrégation directe est élargie pour tenir compte des caractéristiques non néoclassiques du contexte économique dans lequel les entreprises exercent leurs activités. Plus spécifiquement, on présume que la fonction de production de chaque entreprise est caractérisée par un rendement d’échelle à la hausse, et que la concurrence sur le marché des produits est imparfaite.

On présume que l’entreprise i a une fonction de production qui exprime la production brute ( V indice i) comme étant fonction du capital ( K indice i), du travail ( L indice i), des entrées intermédiaires ( M indice i) et de la technologie ( T indice i) : 

e indice K i virgule e indice L i virgule e indice M i correspond à l’utilisation non observée du capital, du travail et des entrées intermédiaires et T indice i indexe la technologie. La fonction de production montre une hausse du rendement d’échelle gamma indice i.

Selon Hall (1990) et Basu et Fernald (2001, 2002), la croissance de la production peut s’exprimer comme suit  7  : 

delta logarithme naturel de X indice i correspond à la somme pondérée de la croissance des entrées, en utilisant la part des coûts des entrées dans la production brute nominale comme poids : 

et delta logarithme naturel de e indice i correspond à la somme pondérée des variations de l’utilisation des entrées : 

alpha barre indice K i, alpha barre indice L i, et alpha barre indice M i et correspondent aux parts moyennes du coût du capital, du travail et des entrées intermédiaires de la production brute nominale. La somme des coûts de ces facteurs de la production brute est inférieure à un s’il y a un bénéfice économique. v indice T virgule i correspond à la croissance de la PMF et mu indice i, à la marge bénéficiaire par rapport au coût marginal. La marge bénéficiaire est liée au rendement d’échelle gamma indice i et le ratio des bénéfices, au revenu total s indice pi i, selon l’équation suivante : 

La première égalité de l’équation (8) découle de la définition de la marge bénéficiaire comme étant le ratio du prix du produit ( ouvrir la parenthèse P indice i fermer la parenthèse) au coût marginal ( ouvrir la parenthèse M C indice i fermer la parenthèse). La dernière égalité découle de l’incidence de la minimisation des coûts. En vertu de l’hypothèse de minimisation des coûts, le ratio du coût moyen ( A C indice i) au coût marginal correspond au rendement d’échelle ( gamma indice i).

Dans l’analyse qui suit, on présume que les bénéfices économiques sont nuls. Ce sera le cas si le secteur est caractérisé par une concurrence monopolistique 8 . Quand les bénéfices économiques sont nuls, la marge bénéficiaire est égale au rendement d’échelle, et la somme de la part des coûts des entrées nécessaires à la production brute nominale est égale à un. Si on soustrait la croissance du facteur travail des deux côtés de l’équation (5), on obtient l’équation suivante, qui correspond à la source de la croissance de la productivité du travail au sein de l’entreprise i : 

L’équation décompose la croissance de la productivité du travail de l’entreprise en différents facteurs, notamment les économies d’échelle, l’approfondissement du capital, l’approfondissement des entrées intermédiaires, l’utilisation variable des entrées et les progrès technologiques.

La croissance de la productivité du travail de l’entreprise peut être agrégée au moyen de l’équation (2) afin de dériver la croissance de la productivité du travail agrégée, que l’on substitue ensuite dans l’équation (3) pour obtenir une décomposition de la croissance agrégée de la PMF : 

w barre indice J i correspond à la part de l’entreprise i dans le coût de l’intrant J sous forme de moyenne sur les deux périodes, P indice J i, au prix de l’entrée J pour une entreprise et P indice J, au prix de l’entrée J au titre de l’approche de la frontière des possibilités de production 9 .

La croissance agrégée de la PMF est décomposée en un facteur de croissance intra-entreprise et en un facteur de réaffectation entre les entreprises. Le facteur intra-entreprise illustré dans les trois premiers termes tient compte de l’effet des changements au sein de chaque entreprise, la part de la production de chacune étant maintenue constante, ce qui comprend l’effet des économies d’échelle, de l’utilisation variable des entrées et des progrès techniques. Le dernier terme de la décomposition correspond au facteur interentreprises qui mesure l’effet de la réaffectation du capital, du travail et des entrées intermédiaires sur la croissance de la PMF agrégée. La réaffectation d’une entrée contribue de façon positive à la croissance de la PMF agrégée si l’entrée est redirigée vers des entreprises dont le prix des entrées et le produit marginal sont élevés. En vertu des hypothèses de rendement d’échelle constant, de concurrence parfaite et de capacité non excédentaire, la décomposition de la PMF (10) simplifie la décomposition plus conventionnelle illustrée par les deux derniers termes, qui expriment la croissance de la PMF agrégée comme étant la somme des effets intra-entreprise et des effets de la réaffectation entre les entreprises (Jorgenson et coll., 2005).

L’agrégation de la croissance de la productivité du travail donnée à l’équation (9) à l’échelle de l’ensemble des entreprises au moyen de l’équation (2) permet de décomposer la croissance de la productivité du travail agrégée qui suit : 

Dans l’équation (11), la croissance de la productivité du travail agrégée est décomposée en facteur intra-entreprise et en réaffectation entre les entreprises. L’effet intra-entreprise peut être encore décomposé en effet d’échelle, en effet d’approfondissement du capital et des entrées intermédiaires, en effet d’utilisation variable des entrées et en effet des progrès techniques, comme l’illustre l’équation (12). L’effet de réaffectation entre les entreprises se décompose en effet de la réaffectation des entrées sur la croissance de la PMF agrégée (premier terme de l’équation (13), et en effet de la réaffectation sur l’approfondissement agrégé du capital et des entrées intermédiaires (deuxième terme de l’équation (13)).

Il est possible d’achever la décomposition en séparant l’effet agrégé de l’approfondissement du capital et des entrées intermédiaires au titre de l’approche de la frontière des possibilités de production en effet de l’approfondissement du capital et des entrées intermédiaires à l’échelle de l’entreprise et en effet de la réaffectation des entrées des entreprises sur l’effet agrégé de l’approfondissement du capital.

Pour estimer l’incidence de la création et de la disparition d’entreprises, il faut poursuivre la décomposition de la croissance de la PMF agrégée et de la croissance de la productivité du travail agrégée. Dans le cas des entreprises entrantes, les entrées et les produits sont constatés uniquement en fin de période; dans le cas des entreprises sortantes, les entrées et les produits sont constatés uniquement en début de période. Par conséquent, il n’est pas possible de calculer les taux de croissance des entrées, des produits et de la productivité des entreprises entrantes et sortantes au cours d’une période. Les études empiriques récentes sont donc souvent axées sur les entreprises établies et ne tiennent pas compte de l’effet de la création et de la disparition d’entreprises (Basu et Fernald, 2002; Petrin et Levinsohn, 2010).

Pour poursuivre la décomposition afin d’estimer l’effet de la création et de la disparition d’entreprises, on présume qu’il existe une entreprise hypothétique dont les entrées et les produits au début de la période correspondent à ceux des entreprises sortantes, et dont les entrées et les produits à la fin de la période correspondent à ceux des entreprises entrantes à la fin de la période. La contribution de la création et de la disparition d’entreprises à la croissance de la PMF agrégée, à la croissance de la productivité du travail et à l’approfondissement du capital peut être mesurée comme étant la contribution directe de l’entreprise hypothétique au facteur intra-entreprise de la décomposition. Par exemple, la contribution de la création et de la disparition d’entreprises à la productivité du travail agrégée est estimée comme étant la différence entre la productivité du travail moyenne de la cohorte d’entrée en fin de période et celle de la cohorte sortante en début de période, multipliée par leur part moyenne de la production agrégée. Cette approche d’estimation de l’effet de la création et de la disparition d’entreprises est conforme à celle de Baldwin (1995), qui explique que si les entreprises entrantes ne font que remplacer celles qui cessent leurs activités, l’effet de la création et de la disparition d’entreprises doit être évalué par une comparaison des entreprises entrantes et sortantes.

4   Données

Le présent article examine la croissance de la productivité du travail et la croissance de la PMF dans le secteur canadien de la radiotélévision et des télécommunications entre 1984 et 2008. Les données à l’échelle des entreprises proviennent de la base de données longitudinales PALE-T2 de Statistique Canada, qui porte sur toutes les entreprises constituées en société et ayant des employés. La base de données contient des renseignements détaillés sur les états financiers des entreprises, y compris les bilans et les états des résultats, ainsi qu’un identificateur longitudinal des entreprises qui peut servir à étudier les entrées et les sorties d’entreprises au fil du temps. Les données allant de 1984 à 1998 proviennent du fichier PALE-T2 reposant sur la Classification type des industries (CTI) de 1980; les données allant de 1999 à 2008 proviennent du fichier PALE-T2 fondé sur le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN) de 2007. Le secteur de la radiotélévision et des télécommunications, qui fait l’objet du présent article, comprend les industries de la diffusion des télécommunications (CTI 481), l’industrie de la transmission des télécommunications (CTI 482) et les autres industries des télécommunications (CTI 483) pour la période allant de 1984 à 1998, et les sous-secteurs de la radiotélévision (SCIAN 515) et des télécommunications (SCIAN 517) pour la période allant de 1999 à 2008.

Les données sur la production brute et sur le capital, le travail et les entrées intermédiaires doivent être exprimées en dollars courants et en dollars constants. La production brute en dollars courants est mesurée en fonction des ventes totales. L’entrée brute en dollars constants correspond à la somme des coûts du capital, du travail et des entrées intermédiaires. Le coût du capital est assimilé au revenu net 10  et le coût du travail est fonction de la masse salariale totale. Le coût des entrées intermédiaires est calculé de façon résiduelle comme étant la différence entre les ventes et la somme du revenu net et de la masse salariale totale.

La production brute en dollars constants est dérivée par déflation des ventes totales au moyen d’un déflateur de la production brute à l’échelle sectorielle provenant des comptes de productivité de Statistique Canada (Baldwin et coll. 2007).

Les entrées de capital en dollars constants sont mesurées selon l’actif total corrigé d’un déflateur du stock de capital à l’échelle sectorielle, en fonction des comptes de productivité.

Le coût des entrées intermédiaires en dollars constants est dérivé par déflation au moyen d’un déflateur des entrées intermédiaires à l’échelle sectorielle provenant des comptes de productivité.

Les entrées de travail de la base de données PALE-T2 sont mesurées en unités moyennes de main-d’oeuvre (UMM), qui correspondent au ratio de la masse salariale totale d’une entreprise à la rémunération annuelle moyenne des travailleurs dans le secteur, selon la taille et la province de l’entreprise.

Le graphique 1 présente le nombre d’entreprises ainsi que les données sur le capital, le travail et les entrées intermédiaires tirées de la base de données PALE-T2 pour le secteur de la radiotélévision et des télécommunications, pour la période allant de 1984 à 2008. La série est interrompue entre 1999 et 2000 11 . Les données du fichier SCIAN de la base de données PALE-T2 pour 1999 ne sont donc pas utilisées. L’analyse porte plutôt sur la période de 15 ans allant de 1984 à 1998, dont les données proviennent du fichier CTI de la base de données PALE-T2, et sur la période de neuf ans allant de 2000 à 2008, dont les données sont tirées du fichier SCIAN de la base de données PALE-T2.

Le tableau 1 compare les taux de croissance annuels de la production, des entrées et de la productivité du travail dans le secteur de la radiotélévision et des télécommunications estimés à partir de la base de données PALE-T2 et des statistiques agrégées de la base de données KLEMS (capital, main-d’oeuvre, énergie, matériel et services) 12 . Pour la période allant de 1984 à 1998, les deux sources indiquent des taux de croissance similaires en matière de production brute, de travail et de productivité du travail. Dans la base de données PALE-T2, la croissance du capital est un peu plus élevée, et la croissance des entrées intermédiaires, un peu plus faible. Les écarts entre les taux de croissance du capital peuvent s’expliquer par les différences dans les méthodes d’évaluation du capital employées dans les deux sources — dans la base de données PALE-T2, le capital est évalué à la valeur comptable, alors que dans la base de données KLEMS, il est évalué à la valeur de remplacement.

Pour la période allant de 2000 à 2008, les taux de croissance annuels de la production, des entrées et de la productivité du travail provenant de la base de données PALE-T2 sont généralement inférieurs à ceux provenant de la base de données KLEMS. Les deux sources montrent un recul des taux de croissance de la production, des entrées et de la productivité du travail, mais la diminution est plus marquée dans la base de données PALE-T2.

Le tableau 2 compare la production, le capital, le travail et les entrées intermédiaires selon les valeurs nominales estimées à partir de la base de données PALE-T2 avec les statistiques agrégées de la base de données KLEMS. La part du coût du travail dans la production brute est comparable pour les deux sources — 30 % de la production brute durant la période allant de 1984 à 1998, et de 20 % à 25 % durant la période allant de 2000 à 2008. La part du coût du capital dans la production brute est plus faible dans la base de données PALE-T2 (environ 20 %) que dans la base de données KLEMS (environ 40 %), principalement parce que dans la base de données PALE-T2, le coût du capital ne tient pas compte de l’amortissement des immobilisations corporelles, alors qu’il est pris en compte dans la base de données KLEMS 13 . La part des entrées intermédiaires est beaucoup plus élevée dans la base de données PALE-T2 que dans la base de données KLEMS parce que le coût des entrées intermédiaires est calculé par différence dans la première.

Aux fins de décomposition, les données de la base de données PALE-T2 sont étalonnées d’après les données agrégées de la base de données KLEMS. On s’assure ainsi que les valeurs comptables des éléments d’actif de la base de données PALE-T2 sont rajustées pour tenir compte des coûts courants du stock de capital et que les coûts du capital de la base de données PALE-T2 sont rajustés pour tenir compte de l’amortissement des immobilisations corporelles, afin d’obtenir des données plus appropriées pour l’analyse de la productivité 14 .

Le tableau 3 présente les taux d’entrée et de sortie des entreprises dans le secteur de la radiotélévision et des télécommunications pour les deux périodes visées. Pour la période allant de 1984 à 1998, les nouveaux arrivants représentaient 74 % du nombre total d’entreprises, et les entreprises sortantes, 58 %. Les chiffres correspondants pour la période allant de 2000 à 2008 s’établissent à 60 % et à 51 % respectivement.

Bien que les entreprises entrantes et sortantes constituent une large part du nombre d’entreprises du secteur de la radiotélévision et des télécommunications, elles ne représentent qu’une faible proportion de la production brute et de l’emploi 15 . Par exemple, durant la période allant de 1984 à 1998, les entreprises entrantes représentaient 24 % de la production brute et 17 % de l’emploi, alors que les entreprises sortantes représentaient 5 % et 8 %, respectivement 16 .

5   Résultats empiriques

La section qui suit présente les estimations des paramètres des économies d’échelle et de l’effet de l’utilisation de la capacité, qui serviront à décomposer la croissance de la productivité agrégée. Elle présente ensuite les résultats de la décomposition pour la croissance de la productivité du travail agrégée et la croissance de la PMF pour les périodes allant de 1984 à 1998 et de 2000 à 2008.

Deux approches pour l’estimation des économies d’échelle et de l’effet de l’utilisation de la capacité sont présentées. La première estime l’équation (5), qui exprime la croissance logarithmique de la production sous forme d’une fonction de la croissance logarithmique des entrées combinées et d’une variable d’utilisation de la capacité. Le coefficient mu de la croissance logarithmique des entrées combinées fournit une estimation des économies d’échelle. La deuxième approche estime la réciproque des économies d’échelle 1 sur mu en estimant une équation qui exprime la croissance logarithmique des entrées combinées sous forme d’une fonction de la croissance logarithmique de la production et d’une variable d’utilisation de la capacité : 

Le terme des économies d’échelle correspond seulement à la réciproque du coefficient estimé un sur alpha, et l’effet de l’utilisation de la capacité sur la croissance de la production correspond à moins beta sur alpha.

Diewert et Fox (2008) ont examiné ces deux approches pour l’estimation des économies d’échelle, ainsi qu’un certain nombre d’autres approches. Hall (1990) a avancé que si l’on s’attend à ce que les économies d’échelle augmentent, il est plus utile d’estimer la réciproque des économies d’échelle et d’adopter la deuxième approche, que Diewert et Fox (2008) considèrent comme étant la plus pragmatique 17 . La présente étude adopte le point de vue de Hall et estime l’équation (14) afin d’obtenir une approximation des économies d’échelle.

La mesure directe de l’utilisation de la capacité n’est pas disponible dans la base de données PALE-T2. Le ratio du rendement ex post du capital au rendement ex ante du capital peut servir de mesure de l’utilisation de la capacité, mais pour ce faire, il faut estimer le rendement ex ante du capital pour chaque entreprise. La présente étude adopte l’approche de Baldwin et coll. (2012) et utilise le ratio du revenu sur le capital ex post à la production brute dans le logarithme comme mesure de l’utilisation de la capacité.

L’échantillon pour estimer la première différence de l’équation (14) consiste en un échantillon groupé d’entreprises établies sur huit périodes de trois ans : 1984 à 1987, 1987 à 1990, 1990 à 1993, 1994 à 1996, 1996 à 1998, 2000 à 2003, 2003 à 2006 et 2006 à 2008. Les données pour les cinq premières périodes proviennent du fichier CTI de la base de données PALE-T2, et celles des trois dernières sont tirées du fichier SCIAN de la base de données PALE-T2. Les résultats de l’utilisation des données d’un échantillon groupé d’entreprises établies sur diverses périodes (un, deux, quatre ou cinq ans) sont similaires.

Les entreprises qui n’ont réalisé aucune vente et celles dont les coûts du capital ou des entrées intermédiaires sont nuls ou négatifs sont exclues de l’échantillon 18 . Les estimations du rendement d’échelle et de l’effet de l’utilisation de la capacité sont présentées au tableau 4. Une régression par quantile est utilisée dans les deux premières colonnes afin de tenir compte d’éventuelles données aberrantes. Les résultats des moindres carrés ordinaires (MCO) sont indiqués dans la dernière colonne aux fins de comparaison 19 .

Dans le secteur de la radiotélévision et des télécommunications, le rendement d’échelle estimé à partir de la régression par quantile est d’environ 1,25, ce qui signifie qu’en moyenne, le rendement d’échelle augmente. Ce résultat est conforme aux estimations pour le secteur établies dans le cadre d’études antérieures (Fuss et Waverman, 2002). Le coefficient de la variable d’utilisation du capital a le signe prévu et est statistiquement significatif. L’estimation des économies d’échelle obtenue à partir des MCO est légèrement inférieure aux estimations obtenues au moyen de la régression par quantile, ce qui indique que l’échantillon comporte des données aberrantes.

Pour la décomposition de la croissance de la productivité du travail et de la PMF agrégée, les estimations fondées sur la régression par quantile indiquées à la colonne (2) sont utilisées, car elles sont robustes aux données aberrantes. La décomposition utilise l’échantillon de toutes les entreprises ayant des ventes positives, qui comprennent des entreprises ayant des coûts de capital et d’entrées intermédiaires positifs ainsi que des entreprises ayant des coûts de capital et d’entrées intermédiaires négatifs 20 . Comme souligné plus haut, certaines entreprises ont déclaré des coûts de capital et d’entrées intermédiaires nuls ou négatifs dans la base de données PALE-T2. Ces entreprises représentaient environ 10 % des ventes totales durant les deux périodes visées, soit de 1984 à 1998 et de 2000 à 2008.

Un capital et des entrées intermédiaires négatifs constituent un obstacle à l’agrégation des entreprises. En vertu du cadre de décomposition présenté ci-dessus, la part des coûts du capital et des entrées intermédiaires dans la production brute totale est liée positivement au produit marginal du capital et des entrées intermédiaires, qui sont positifs 21 . Dans les cas des entreprises dont les coûts du capital et des entrées intermédiaires sont nuls ou négatifs, les coûts du capital sont fixés à la valeur de l’actif total de l’entreprise, multipliée par le ratio moyen du revenu net à l’actif total pour le secteur; les coûts des entrées intermédiaires sont fixés à la valeur de la production brute nominale de l’entreprise, multipliée par la part moyenne des entrées intermédiaires dans la production brute pour les entreprises du secteur 22 . En résumé, on présume que les coûts d’utilisation des entreprises ayant des coûts de capital négatifs sont les mêmes que les coûts moyens d’utilisation du capital dans le secteur.

5.1  Résultats de l’approche de la frontière des possibilités de production

Le tableau 5 présente les résultats de la décomposition de la croissance annuelle de la productivité du travail agrégée dans le secteur de la radiotélévision et des télécommunications en vertu de l’approche de la frontière des possibilités de production (approche descendante). La croissance de la productivité du travail agrégée est décomposée en ses principales sources : approfondissement agrégé du capital et des entrées intermédiaires et croissance de la PMF agrégée.

La productivité du travail agrégée dans le secteur de la radiotélévision et des télécommunications a connu une croissance constante depuis le milieu des années 1980, bien que le rythme ait accusé un recul de 2,1 points de pourcentage entre la période de 1984 à 1998 (4,9 %) et la période de 2000 à 2008 (2,9 %). Ce ralentissement était attribuable à une diminution de l’approfondissement du capital (investissement) et de l’approfondissement des entrées intermédiaires. Le recul de l’approfondissement du capital représentait 1,8 point de pourcentage de la diminution globale, et le recul de l’approfondissement des entrées intermédiaires, 0,8 point de pourcentage. En revanche, la croissance de la PMF agrégée a augmenté de 1,4 % par année durant la période de 1984 à 1998, et de 1,9 % par année durant la période de 2000 à 2008.

5.2  Résultats de l’agrégation directe des entreprises

Dans les trois tableaux ci-dessous, la croissance annuelle de la productivité du travail et de la PMF agrégée ainsi que les effets de l’approfondissement des entrées de l’approche descendante sont décomposés en effet de la croissance intra-entreprise, en effet de la réaffectation entre les entreprises et en effet de l’entrée nette d’entreprises. La composante intra-entreprise traduit l’effet de la croissance des entreprises établies, la composante de réaffectation entre les entreprises traduit la réaffectation entre les entreprises établies et la composante de l’entrée nette traduit la contribution directe des cohortes entrantes et sortantes.

Le tableau 6 présente une décomposition de la croissance de la productivité du travail agrégée pour les périodes allant de 1984 à 1998 et de 2000 à 2008. La croissance intra-entreprise était le principal facteur à l’origine de la croissance globale de la productivité du travail pour les deux périodes, et comptait pour 75 % (3,6 points de pourcentage) durant la période de 1984 à 1998 et pour 95 % (2,7 points de pourcentage) durant la période de 2000 à 2008.

La contribution de la réaffectation entre les entreprises établies était faible : 0,2 point de pourcentage et -0,1 point de pourcentage pour les périodes de 1984 à 1998 et de 2000 à 2008, respectivement.

Les entrées et sorties d’entreprises ont influé considérablement sur la croissance de la productivité du travail agrégée avant 2000 (1,2 point de pourcentage, soit environ le quart de la croissance globale), mais très peu par la suite (0,2 point de pourcentage). Ces résultats sont conformes à ceux des entrées et sorties présentés au tableau 3; les niveaux de productivité des entreprises entrantes étaient beaucoup plus élevés que ceux des entreprises sortantes durant la période de 1984 à 1998 comparativement à la période de 2000 à 2008.

La croissance intra-entreprise de la productivité du travail résulte de l’approfondissement du capital (investissement), de l’approfondissement des entrées intermédiaires, de la croissance de la PMF et des économies d’échelle. La variation de l’utilisation de la capacité influe aussi sur la croissance intra-entreprise de la productivité du travail.

L’effet de la réaffectation entre les entreprises sur la croissance de la productivité du travail agrégée correspond à la somme de l’effet de la réaffectation sur la croissance de la PMF et de l’effet sur l’approfondissement du capital et des entrées intermédiaires. La réaffectation a eu un léger effet positif sur l’approfondissement des entrées et un léger effet négatif sur la croissance de la PMF.

La dernière colonne du tableau 6 montre que deux facteurs principaux sont responsables de la baisse de la croissance annuelle de la productivité du travail agrégée entre les deux périodes : un recul de la croissance interne des entreprises établies et un recul de l’effet de l’entrée nette. Le déclin de la croissance de la productivité du travail au sein des entreprises établies représentait 0,9 point de pourcentage (40 %) de la diminution globale, et le recul de la contribution des entrées et sorties d’entreprises, 1,0 point de pourcentage (50 %).

Le recul de la croissance de la productivité du travail au sein des entreprises établies a été entraîné par un déclin de l’approfondissement du capital et des entrées intermédiaires. Les effets de la croissance de la PMF et de l’utilisation de la capacité au sein des entreprises établies ont peu changé.

Le tableau 7 présente une décomposition de la croissance annuelle de la PMF agrégée pour les périodes de 1984 à 1998 et de 2000 à 2008. La croissance intra-entreprise a été la principale source de la croissance globale de la PMF durant les deux périodes. La réaffectation entre les entreprises et l’entrée nette d’entreprises ont eu peu d’effet.

La composante intra-entreprise de la croissance de la PMF agrégée correspond à la somme de la croissance de la PMF, des économies d’échelle et de l’utilisation de la capacité. Durant les deux périodes, la croissance de la PMF au sein des entreprises établies (généralement associée aux progrès techniques) a été la plus importante source de croissance de la PMF agrégée et représentait 1,3 et 1,4 point de pourcentage. Les économies d’échelle étaient également importantes et représentaient environ 0,5 point de pourcentage durant les deux périodes. En revanche, l’effet de l’utilisation de la capacité était faible.

La réaffectation entre les entreprises a eu un effet négatif et a réduit la croissance agrégée de la PMF de 0,3 point de pourcentage durant les deux périodes. L’effet de la réaffectation sur la croissance de la PMF agrégée correspond à la somme des effets de la réaffectation sur le capital, le travail et les entrées intermédiaires. L’ampleur des effets de la réaffectation dépend des écarts entre les prix des entrées des entreprises. Comme le prix des entrées intermédiaires est présumé être le même pour toutes les entreprises et correspond aux déflateurs en vigueur pour le secteur, l’effet de la réaffectation des entrées intermédiaires sur la croissance de la PMF agrégée est presque nul. En outre, comme les taux de rémunération de la main-d’oeuvre dans la base de données PALE-T2 ne diffèrent qu’en fonction de la province et de la taille de l’entreprise, l’effet de la réaffectation du travail est également faible. L’effet de la réaffectation sur la croissance de la PMF agrégée était presque complètement attribuable à la réaffectation du capital entre les entreprises, dont la contribution était faible et négative, ce qui indique un mouvement du capital vers des entreprises ayant des coûts d’utilisation du capital inférieurs.

Les entrées et sorties d’entreprises ont eu peu d’influence sur la croissance de la PMF agrégée durant les deux périodes, mais comme il est précisé plus haut, ont largement contribué à la croissance de la productivité du travail durant la période allant de 1984 à 1998. Il semble donc que la contribution de l’entrée nette à la productivité du travail agrégée durant cette période était entièrement attribuable à l’intensité supérieure de l’entrée de nouvelles entreprises par rapport aux entreprises sortantes; on constate peu d’écart entre les niveaux de la PMF des entreprises entrantes et sortantes durant cette période.

Dans le cadre de l’approche descendante, on constate que la croissance de la PMF agrégée est passée de 1,4 % par année durant la période allant de 1984 à 1998 à 1,9 % durant la période allant de 2000 à 2008. La dernière colonne du tableau 7 indique les sources de cette augmentation : les progrès techniques, l’utilisation de la capacité, la réaffectation entre les entreprises et l’entrée nette d’entreprises; chacun de ces facteurs a eu un effet mineur mais positif.

Le tableau 8 présente une décomposition de la contribution de l’approfondissement agrégé des entrées à la croissance agrégée annuelle de la productivité du travail. L’effet de l’approfondissement agrégé des entrées correspond à la somme de l’effet de l’approfondissement des entrées au sein des entreprises établies, de l’effet de la création et de la disparition d’entreprises et de l’effet de la réaffectation entre les entreprises établies.

L’effet de l’approfondissement du capital, ou la contribution de l’investissement à la croissance de la productivité du travail agrégée, était de 1,4 % par année durant la période de 1984 à 1998. La création et la disparition d’entreprises ont représenté 0,7 point de pourcentage, parce que les entreprises entrantes avaient un capital plus intensif que les entreprises sortantes. L’approfondissement du capital au sein des entreprises établies a enregistré une contribution de 0,4 point de pourcentage et la réaffectation a constitué le 0,2 point de pourcentage restant.

Pour la période allant de 2000 à 2008, l’approfondissement du capital a eu pour effet de réduire de 0,4 point de pourcentage la croissance de la productivité du travail agrégée, ce qui rend compte des contributions négatives attribuables aux entreprises établies, à la réaffectation et à l’entrée nette d’entreprises.

La contribution de l’approfondissement du capital à la croissance agrégée annuelle de la productivité du travail a reculé de 1,8 point de pourcentage entre la période de 1984 à 1998 et la période de 2000 à 2008, principalement en raison d’une réduction de la contribution de l’entrée nette d’entreprises. Durant la période de 1984 à 1998, l’entrée nette a contribué positivement à l’intensité agrégée du capital, parce que les entreprises entrantes affichaient un capital plus intensif que les entreprises sortantes, mais durant la période 2000-2008, l’entrée nette a eu peu d’effet, les entreprises entrantes et sortantes ayant des intensités de capital comparables. Les reculs des effets de l’approfondissement du capital au sein des entreprises établies et de la réaffectation entre les entreprises ont aussi contribué à diminuer l’effet global de l’approfondissement du capital.

Alors que l’effet global de l’approfondissement du capital résulte de ses trois composantes (croissance intra-entreprise, réaffectation entre les entreprises et entrée nette d’entreprises), l’effet global de l’approfondissement des entrées intermédiaires est principalement attribuable à la croissance intra-entreprise de l’intensité des entrées intermédiaires, en raison de l’hypothèse d’égalité des déflateurs des entrées intermédiaires dans toutes les entreprises adoptée aux fins de la présente étude. Bien que la réaffectation soit moins importante, son ampleur est tout de même plus grande que pour la croissance de la PMF.

6   Conclusions

Le présent article examine deux aspects de la croissance de la productivité dans le secteur canadien de la radiotélévision et des télécommunications. Le premier est la mesure dans laquelle on estime que la croissance de la PMF agrégée dans le secteur provient d’économies d’échelles plutôt que des progrès techniques. Le deuxième est la mesure dans laquelle la croissance de la productivité du travail et de la PMF agrégée provient de la croissance intra-entreprise, de l’effet de la réaffectation au sein des entreprises établies et de la création et de la disparition d’entreprises.

Les résultats montrent un rendement d’échelle croissant dans le secteur de la radiotélévision et des télécommunications depuis 1984. Bien que les progrès techniques, qui représentent 1,3 à 1,4 point de pourcentage par année, aient été le facteur le plus important dans la croissance globale de la PMF, les économies d’échelle ont aussi apporté une contribution importante d’environ 0,5 point de pourcentage, soit 30 % à 40 % du total.

La croissance au sein des entreprises établies a été le facteur le plus important de la croissance de la productivité du travail et de la PMF agrégée. Toutefois, l’importance de la réaffectation entre les entreprises établies et entre les entreprises entrantes et sortantes a varié au fil du temps. Le processus concurrentiel associé à l’entrée et à la sortie d’entreprises a représenté 1,2 point de pourcentage, soit environ le quart, de la croissance de la productivité du travail durant la période de 1984 à 1998, alors que les entreprises entrantes avaient une productivité du travail beaucoup plus élevée que les entreprises sortantes. Pour la période de 2000 à 2008, les entreprises entrantes et sortantes ont apporté une contribution de 0,2 point de pourcentage à la croissance de la productivité du travail.

La croissance agrégée de la PMF dans le secteur de la radiotélévision et des télécommunications est passée de 1,4 % par année durant la période allant de 1984 à 1998 à 1,9 % durant la période allant de 2000 à 2008. Après 2000, l’augmentation était attribuable aux progrès techniques réalisés au sein des entreprises, à l’utilisation de la capacité, à la réaffectation entre les entreprises et à l’entrée nette d’entreprises; tous ces facteurs ont apporté une contribution mineure, mais positive.

En dépit de l’augmentation de la croissance de la PMF agrégée, la croissance de la productivité du travail agrégée dans le secteur de la radiotélévision et des télécommunications a ralenti, principalement en raison du recul de la contribution de l’intensité du capital, qui découle notamment de la création et de la disparition d’entreprises. Durant la période allant de 1984 à 1998, l’entrée nette a contribué positivement à l’intensité agrégée du capital, les nouvelles entreprises ayant un capital plus intense que celles qui cessaient leurs activités. Un grand nombre d’entreprises ont profité d’occasions d’investissement et ont fait leur entrée dans le secteur durant cette période. Durant la période allant de 2000 à 2008, l’entrée nette a eu peu d’effet sur l’intensité agrégée du capital, les entreprises entrantes et sortantes étant comparables sur le plan de l’intensité du capital. L’intensité du capital a aussi reculé au sein des entreprises établies durant cette période, ce qui a accentué le recul global de la contribution de l’investissement à la croissance de la productivité du travail agrégée.

La croissance de la productivité du travail provient de la croissance intra-entreprise et de la réaffectation entre les entreprises établies et les entreprises entrantes et sortantes, bien que la croissance intra-entreprise soit le facteur le plus important. La composante intra-entreprise est attribuable à la croissance de la PMF, à l’exploitation d’économies d’échelle et à l’approfondissement du capital. Les variations de l’approfondissement du capital sont attribuables à la composante intra-entreprise et à la création et à la disparition d’entreprises. Fait à souligner, le ralentissement que l’on constate à partir de 2000 traduit la faiblesse du roulement d’entreprises associé à la création et à la disparition d’entreprises et l’intensité moindre du capital, mais pas une croissance inférieure de la PMF. La signification de ces constatations dépend de la façon dont on interprète la croissance de la productivité multifactorielle. Si la croissance de la PMF est interprétée comme mesurant les changements technologiques non incorporés, alors on peut dire que les deux périodes ont connu un changement technologique relativement constant, mais une intensité de capital en décélération. Si la PMF est interprétée comme reflétant le changement technologique, le ralentissement de l’intensité du capital est lié à la façon dont la technologie est introduite dans le processus de production — par l’acquisition de machines, d’équipement et de structures. Les changements technologiques incorporés dépendent de l’acquisition d’immobilisations — facteur qui a connu une baisse durant la période. Bien sûr, les mesures de la PMF n’englobent pas seulement le changement technologique; elles comprennent aussi des facteurs comme l’incidence de l’infrastructure et des dépenses en immobilisations incorporelles. La croissance continue de la PMF après 2008 pourrait être interprétée comme une indication que les facteurs sous-jacents de cette donnée statistique n’ont pas changé.

Durant les deux périodes visées, la croissance de la PMF était attribuable dans une moindre mesure au roulement (soit des entreprises établies, soit des entreprises entrantes et sortantes), mais surtout à la croissance des entreprises établies. Cela pourrait indiquer que les possibilités technologiques qui semblent avoir été prises en compte dans la PMF sont relativement omniprésentes dans toutes les entreprises ou que les hypothèses simplificatrices des procédures d’estimation concernant la similarité des prix ne permettent pas de mesurer avec suffisamment de précision les effets de la réaffectation. L’étude montre toutefois que la réaffectation des ressources contribue grandement à la variation de l’intensité du capital et qu’il s’agit de la principale façon dont la technologie est introduite dans le processus de production. De fait, les progrès technologiques sont incorporés lorsqu’on augmente le capital disponible par travailleur. L’étude montre que la concurrence dans le secteur de la radiotélévision et des télécommunications était étroitement liée à ce processus.

La différence entre la contribution du roulement dans le secteur aux progrès technologiques non incorporés compris dans la croissance de la PMF et celle des progrès techniques compris dans la variation de l’intensité du capital est notable. Cette question dépasse toutefois du cadre de la présente étude, et la signification de ces constatations reste à déterminer.

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