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  1. Introduction
  2. Comptabilité de la croissance
  3. Mesure du produit intérieur brut du secteur public
  4. Effet du capital public sur la production du secteur des entreprises
  5. Données et estimations
  6. Effet du capital public sur la croissance de la productivité
  7. Variations du produit intérieur brut nominal et de la part du revenu imputable au travail
  8. Conclusion

1   Introduction

Le capital public constitue un intrant essentiel à la production du secteur privé. Il se compose principalement des routes, ponts, réseaux d'égouts et installations de traitement des eaux (Baldwin et Dixon, 2007). Le capital public permet de concentrer les ressources économiques, crée des marchés de produits et de l'emploi plus larges et plus actifs et constitue un vaste réseau offert aux divers utilisateurs à peu de frais.

Malgré l'importance du capital public, son incidence sur la croissance de la productivité du secteur des entreprises ou sur le produit intérieur brut (PIB) de l'ensemble de l'économie a été relativement peu analysée, principalement en raison du manque de renseignements sur le capital public. En Amérique du Nord, le capital public appartient généralement au secteur public et est financé par l'impôt, de sorte qu'il n'existe pas de marchés de ses produits. En outre, comme en Amérique du Nord il n'existe pas de substituts proches du capital public dans le secteur privé, il est impossible d'utiliser les renseignements sur le secteur privé comme valeur de substitution pour le secteur public. Ainsi, il n'est pas facile d'obtenir des estimations de l'effet du capital public.

Par conséquent, le rôle du capital public dans la croissance de la productivité du secteur des entreprises n'est pas bien connu. Le cadre comptable de la croissance utilisé actuellement aux fins de l'analyse de la productivité se concentre principalement sur les intrants et la production du secteur privé. Les intrants difficiles à mesurer ou à inclure, comme la recherche-développement, les changements apportés à la structure de gestion et le capital public, sont compris dans le concept de productivité multifactorielle (PMF). Comme le capital public est pris en compte dans la productivité multifactorielle, il n'est pas clair dans quelle mesure il a un effet important sur la croissance de la productivité ou si cet effet varie au fil du temps. Dans le présent document, nous tâchons de mesurer sa contribution.

La productivité multifactorielle est la différence entre le taux de croissance de la production du secteur des entreprises et une somme pondérée de la croissance des facteurs travail et capital utilisés dans le processus de production. Ces poids correspondent approximativement à l'élasticité de la production qui est attendue normalement de l'augmentation de ces facteurs. Étant donné que la somme pondérée des facteurs de production est construite de manière à correspondre approximativement à l'augmentation de la production du secteur des entreprises à laquelle on pourrait s'attendre en se fondant sur les facteurs utilisés par le secteur des entreprises (en appliquant la technologie existante), l'estimation de la productivité multifactorielle est uniquement l'augmentation de la production qui dépasse celle attendue de l'utilisation des techniques de production existantes. Elle est attribuable à tous les facteurs de production qui ne sont pas mesurés, dont ceux provenant du changement organisationnel ou de nouvelles techniques qui ne sont pas enchâssées dans l'augmentation du capital utilisé dans le processus de production. Elle tient également à des intrants autres que les facteurs de production du secteur des entreprises, tel que le capital du secteur public.

Les intrants du secteur public, comme le capital public, n'entrent pas facilement dans le cadre comptable de la croissance, et ce, pour plusieurs raisons. En premier lieu, il est difficile de trouver des estimations de l'élasticité fiables pour le capital public qui peuvent être appliquées à l'augmentation du capital public ou utilisées pour déterminer l'augmentation approximative de la production du secteur public qui devrait résulter des ajouts au capital public. Les recherches n'ont pas abouti à un consensus au sujet de ce qui constitue une élasticité raisonnable (voir, par exemple, Aschaeur, 1989; Munnel, 1990a, et 1990b; Shah, 1992; Berndt et Hanson,1992; Lynde et Richmond, 1992; Nadiri et Mamuneas, 1994; Conrad et Seitz, 1994; Morrison et Schwartz, 1996; Harchaoui, 1997; Fernald, 1999; Pereira, 2000; Harchaoui et Tarkhani, 2003 : Ramirez, 2004; Bader et Faden, 2005; et Macdonald, 2008).

En deuxième lieu, même si les estimations de l'effet des intrants publics sont incluses dans le cadre comptable de la croissance, des questions se posent concernant la façon de traiter la fonction de production du secteur privé utilisée traditionnellement, notamment celle de savoir si cette fonction devrait continuer d'inclure l'hypothèse traditionnelle de rendements d'échelle constants.

Pour des raisons semblables, l'effet du capital public sur le niveau du produit intérieur brut dans le secteur public présente un problème dans les méthodes de traitement actuelles. Dans le secteur privé, le rendement du capital doit suffire pour couvrir, entre autres, la dépréciation et le coût d'opportunité. Il doit produire un rendement économique. Lorsqu'on mesure le PIB et la production du secteur privé, le rendement du stock de capital privé constitue une composante importante du revenu et a une incidence sur le niveau du PIB.

Dans le secteur public, en revanche, selon le Système de comptabilité nationale de 1993 (SCN 1993), le rendement des actifs matériels publics n'est pas inclus actuellement parce qu'il n'est pas clair quel devrait être le taux de rendement. Par conséquent, seule la dépréciation des actifs publics est incluse dans la production du secteur public. Comme le capital public produit vraisemblablement un rendement positif, les estimations actuelles de la valeur ajoutée du secteur public sont probablement trop faibles, à moins que tous les avantages soient saisis comme loyers dans le secteur privé. Outre ses effets sur le niveau du PIB, la sous-estimation du PIB du secteur public a également une incidence sur les estimations de la part du revenu imputable au travail et de celle imputable au capital, ainsi que sur les estimations de la productivité du secteur public.

Le présent document se veut un examen initial de l'inclusion du taux de rendement économique du capital public au Canada dans l'estimation de la productivité multifactorielle du secteur des entreprises et dans les estimations du PIB du secteur public. Il est semblable à l'étude de Mas (2007) portant sur l'Espagne, sauf que nous utilisons ici les estimations du taux de rendement produites économétriquement selon Macdonald (2008) plutôt qu'un taux de rendement du secteur privé comme approximation du rendement du capital public, comme dans Mas (2007). Nous examinons l'incidence du capital public sur la productivité du travail du secteur privé, ainsi que l'effet de l'inclusion du taux de rendement économique du capital public sur le PIB du secteur commercial et de l'ensemble de l'économie.

Le reste du document est organisé comme suit. À la section 2, nous décrivons le cadre comptable de la croissance utilisé aux fins d'analyse de la productivité. À la section 3, nous présentons des détails sur l'inclusion du taux de rendement du capital public dans les estimations du PIB. À la section 4, nous montrons comment le capital public est lié à la productivité du secteur des entreprises. Ce faisant, nous analysons comment les conclusions peuvent varier selon les taux de rendement du capital public utilisés. À la section 5, nous décrivons les données utilisées et les estimations de l'élasticité et du taux de rendement du capital public. À la section 6, nous exposons la variation du PIB qui découle de l'inclusion d'un taux de rendement économique du capital public. Nous y présentons également des estimations de l'effet de la mesure modifiée sur la part du revenu imputable au travail dans l'économie. À la section 7, nous présentons nos conclusions.

2   Comptabilité de la croissance

2.1  Estimation de la productivité multifactorielle

Le cadre comptable de la croissance est une approche non paramétrique de l'analyse de la productivité. Des estimations des élasticités du capital privé et du travail (βL,βK) sont produites sous les hypothèses que les marchés du travail sont concurrentiels, que la rémunération des intrants correspond au revenu marginal du facteur et que la fonction de production du secteur des entreprises montre des rendements d'échelles constants (c.-à-d., βL +βK = 1). Dans ces conditions, il est possible d'estimer l'élasticité du travail comme étant la part du revenu imputable au travail et l'élasticité du capital, comme un moins la part imputable au travail (Baldwin et Gu, 2007) 1 .

Les estimations de la productivité multifactorielle sont calculées comme le résidu ou la partie non expliquée de la croissance de la production une fois prises en compte les variations des intrants. En d'autres mots, il s'agit de la différence entre la production réalisée et la variation de la production à laquelle on aurait pu s'attendre étant donné la hausse des intrants. Les estimations de la productivité multifactorielle sont souvent interprétées comme représentant le changement technologique, mais elles comprennent également toutes les variables omises dans la fonction de production, comme le capital public ou les changements survenus dans la structure organisationnelle.

La méthode traditionnelle de la comptabilité de la croissance indiquée à l'équation (1) décompose les variations du produit intérieur brut (PIB) en celles attribuables aux variations du travail, celles attribuables aux variations du capital et un résidu appelé productivité multifactorielle (PMF), à savoir : 

(1)
ΔlnPIBt = ΔlnPMFt + βLΔlnLt + βKΔlnKt.

Toutes les variables dans l'équation (1) peuvent être mesurées directement en vertu des hypothèses énoncées plus haut, à partir des données existantes sauf pour la productivité multifactorielle. Cette dernière est mesurée comme la variation résiduelle du PIB après prise en compte des variations des facteurs de production. L'équation comptable de la croissance peut être réécrite de manière à estimer la productivité multifactorielle tel qu'indiqué à l'équation (2):

(2)
ΔlnPMFt = ΔlnPIBt - βLΔlnLt - βKΔlnKt.

Dans l'équation (2), l'incidence du capital public est comprise dans le terme PMF.

L'équation (2) est fondée sur le calcul de la productivité multifactorielle à partir de la valeur ajoutée. Une autre approche consiste à utiliser la production brute et à introduire dans l'analyse des intrants intermédiaires, comme l'énergie. Nous utilisons dans le présent document celle fondée sur la valeur ajoutée parce qu'elle correspond à la méthode utilisée dans Macdonald (2008), d'où nous tirons les estimations de l'élasticité et du taux de rendement du capital public.

Pour analyser explicitement l'incidence du capital public, nous décomposons les variations de la productivité multifactorielle en contribution du capital public et en contribution de la technologie. Selon cette approche, nous posons les hypothèses habituelles de rendements d'échelle constants des intrants du secteur privé (βL + βK = 1) et du coût des facteurs de production du secteur privé égal à leur produit marginal. En outre, les élasticités des intrants du secteur privé (βL et βK) continuent d'être estimées comme étant les parts du revenu imputable au travail et au capital. Par conséquent, le capital public a un effet implicite sur la croissance de la production, mais pas sur la part du revenu gagné par le travail et le capital. Ce résultat concorde à l'hypothèse selon laquelle l'économie est concurrentielle parce qu'il présuppose que les bénéfices du capital public sont dissipés par la concurrence du secteur privé 2 .

Les estimations de la productivité multifactorielle après déduction de la contribution du capital public à la croissance de la production sont calculées comme suit : 

(3)
ΔlnPMF*t = ΔlnPIBt - βLΔlnLt - βKΔlnKt- βgΔlnG.

Le terme PMF* représente la production multifactorielle nette du capital public. L'estimation de la PMF étant résiduelle, nette des intrants mesurables, ajouter un intrant supplémentaire tout en maintenant inchangés les termes précédents réduit l'estimation. Nous utilisons la PMF* tout au long de la présente étude lorsque nous comparons la productivité multifactorielle (PMF) incluant le capital public et la productivité multifactorielle nette du capital public. Empiriquement, les équations (2) et (3) sont reliées par l'identité : 

(4)
ΔlnPMFt = ΔlnPMF*t + βgΔlnGt.

2.2  Décomposition de la productivité du travail

Aux fins d'exposition, les différences entre les estimations de la productivité multifactorielle sont liées à la croissance de la productivité du travail. Dans le cadre comptable de la croissance, il est possible de réécrire l'équation (1) comme suit (voir Baldwin, Gu et Yan, 2007) : 

(5)
Image

où : 

Image = Productivité du travail.

Image = Contribution des variations de la composition du travail.

Image = Contribution de l'intensité accrue du capital (approfondissement du capital).

ΔlnPMFt = Contribution des facteurs de production difficiles à mesurer ou à inclure.

Tel qu'indiqué ci-dessus, ΔlnPMFt peut être décomposée davantage comme suit : ΔlnPMF*t + βgΔlnGt, de manière à rendre compte explicitement de l'incidence de la fourniture du capital public sur la productivité du travail.

3   Mesure du produit intérieur brut du secteur public

Il est plus difficile de calculer le produit intérieur brut (PIB) du secteur public que le PIB dans de nombreuses industries du secteur des entreprises parce qu'il n'existe pas de marchés explicites pour la plupart des services fournis par les administrations publiques. Par conséquent, il est impossible de calculer le PIB selon une approche fondée sur les ventes finales. Plutôt, on calcule le PIB du secteur public en se fondant sur la rémunération des facteurs de production, soit la somme des gains du travail et du capital (rémunération).

Même si cette approche permet de circonvenir bon nombre des problèmes qui découlent de l'absence de marchés explicites pour les services gouvernementaux, une difficulté de taille reste, à savoir le calcul des services du capital de l'infrastructure publique. Les services du capital habituellement saisissent le flux de revenus provenant de la rente d'un actif, principalement la dépréciation ( Image) et son taux de rendement (r) que l'on doit débourser pour l'investissement de capital. Les marchés concurrentiels font correspondre le coût d'emprunt aux rendements. Toutefois, en l'absence d'un marché, il est difficile de déterminer quel devrait être le taux de rendement du capital public, alors que les coûts d'emprunts publics peuvent varier considérablement des rendements parce que la probabilité est plus faible que les deux correspondent dans le domaine politique. Par conséquent, à l'heure actuelle, le PIB du secteur public au Canada se compose seulement du revenu du travail et de la dépréciation du capital. Aucun rendement de l'investissement public n'est inclus dans le PIB du secteur public.

Cette question est examinée dans Mas (2007), où un taux de rendement du secteur privé est utilisé comme approximation du taux de rendement du secteur public. L'étude porte plus particulièrement sur l'Espagne où des éléments d'infrastructure comme les routes ou les autoroutes sont financés par des investisseurs tant du secteur privé que du secteur public. En utilisant le rendement des entreprises privées qui investissent dans l'infrastructure, Mas est en mesure d'ajuster les chiffres du PIB de l'ensemble de l'économie de manière à inclure un taux de rendement de l'infrastructure appartenant au secteur public.

Pour le Canada, il est impossible d'utiliser un taux de rendement du secteur privé comme valeur de substitution puisque la plus grande partie de l'infrastructure du secteur public au Canada n'a pas d'équivalents proches dans le secteur privé. Par conséquent, nous utilisons un taux de rendement du capital public estimé économétriquement.

En plus de produire de nouvelles estimations de la productivité multifactorielle qui tiennent compte du capital du secteur public, nous modifions les estimations du PIB du secteur public pour examiner l'effet de l'inclusion d'un taux de rendement économique du capital public, lequel fournit une estimation plus exhaustive de la valeur des services du capital. Actuellement, les estimations du PIB du secteur public sont établies seulement d'après la rémunération du travail et la consommation de capital associée au capital public : 

(6)
Image

w et L sont le taux de rémunération et les heures travaillées, respectivement, Kt est le stock de capital réel du secteur public après déduction de la dépréciation et Ut est le coût d'usage du capital.

Le coût d'usage du capital peut être utilisé pour estimer le flux de services fournis par le stock de capital public. Aux fins du présent document, il est écrit d'une manière qui exclut les taxes et les gains en capital, comme suit : 

(7)
Image

L'estimation actuelle du PIB du secteur public ne comprend que la partie de la dépréciation du coût d'usage du capital - Équation (7). L'inclusion du taux du rendement du capital public fait augmenter l'estimation du PIB dans le secteur public de rPtKt dollars. La nouvelle estimation du PIB du secteur public sera maintenant comparée à l'estimation courante.

4   Effet du capital public sur la production du secteur des entreprises

En l'absence d'un prix du marché du capital public au Canada, il est impossible d'utiliser des estimations non paramétriques de l'élasticité du capital public (βg) dans une fonction de production. Par conséquent, il faut produire des estimations paramétriques.

Dans la présente étude, nous utilisons les estimations calculées dans Macdonald (2008). Conscient de la nécessité d'évaluer la sensibilité des paramètres dérivés d'analyses multivariées, Macdonald produit plusieurs estimations selon plusieurs approches.

La première est obtenue selon une approche fondée sur la fonction de production. Les entreprises sont traitées comme considérant le capital public comme un facteur de production non rémunéré lorsqu'elles maximisent leurs profits. On suppose que leur production est une fonction du capital privé (K), du facteur travail (L), du capital public (G), et de la productivité multifactorielle PMF(t) : 

(8)
Y = PMF(t)F(K, L, G).

Nous utilisons une fonction de Cobb-Douglas pour produire les estimations des paramètres PMF(t)F(K, L, G). Nous choisissons la fonction de Cobb-Douglas parce qu'elle est employée couramment dans la littérature, si bien que nos estimations sont comparables à celles obtenues par les auteurs d'études antérieures. En outre, les estimations résultantes de l'élasticité devraient être semblables aux parts du revenu imputables au travail et au capital, ce qui fournit un ensemble transparent et généralement compris d'espérances a priori en regard desquelles peut être examiné l'effet d'inclusion du capital public.

La deuxième approche est fondée sur la fonction de coût où

(9)
C = PMF(t)F(p, G),

où C est le coût, PMF est la productivité multifactorielle, p représente les coûts des facteurs et G est une estimation du capital public. L'approche de la fonction de coût s'appuie sur les prix des facteurs de production comme variables explicatives. Celles-ci sont plus susceptibles d'être exogènes que les variables d'intrants utilisées dans une fonction de production et ceci génère de meilleurs estimateurs des paramètres de la fonction de production. Donc, la fonction de coût est considérée par de nombreux économistes comme un meilleur moyen d'estimer l'effet du capital public. Dans l'approche de la fonction de coût, le capital public est considéré comme un facteur de production non rémunéré qui a une incidence sur le niveau de la courbe de coût variable.

Nous avons deux estimations distinctes fondées sur la fonction de coût de l'effet du capital public tirées de la base de données KLEMS de productivité par industrie de Statistique Canada. La première est tirée de l'étude d'Harchaoui et Tarkhani (2003) qui se sont fondés sur des données sur les industries et une fonction de coût. Macdonald (2008) étend cette analyse en utilisant des données provinciales et en adoptant une autre approche pour modéliser l'effet du capital public dans la fonction de coût selon Fernald (1999). Selon cette dernière approche, l'effet du capital public est compris dans le coût du transport de chaque industrie.

En s'appuyant sur les estimations fondées sur la fonction de production et sur la fonction de coût, Macdonald (2008) détermine par « triangulation » une estimation de l'élasticité du capital public qui est uniforme entre les différents ensembles de données et méthodologies et qui contourne le mieux les problèmes d'estimation.

Le capital public et la productivité multifactorielle ont un comportement semblable au fil du temps, de sorte qu'il est difficile de séparer économétriquement leurs effets marginaux (Macdonald, 2008). Lorsqu'on applique l'approche fondée sur la fonction de production, l'estimation ponctuelle de l'élasticité du capital public (βg) varie de façon marquée selon la manière par laquelle est dérivée l'estimation de la productivité multifactorielle. Les résultats fondés sur la fonction de production montrent que les estimations de la productivité multifactorielle et de l'élasticité du capital public sont difficiles à différencier parce qu'ils traduisent des caractéristiques semblables du PIB réel. Il ne s'agit pas d'un problème économétrique ou théorique, mais d'un problème de données. Afin d'estimer l'élasticité du capital public avec plus de précision, il est nécessaire de trouver d'autres données ou d'utiliser l'autre approche, fondée sur la fonction de coût, pour le calcul de l'impact des services du capital public.

Cette approche fondée sur la fonction de coût a généré des estimations plus robustes de l'élasticité de la production au capital public. En suivant cette approche, Harchaoui et Tarkhani (2003) constatent que l'élasticité du capital public au coût du privé est de 0,06. Leur modèle permet de tenir compte d'économies d'échelle et de la croissance du capital public entraînée par les augmentations de la production générées par la baisse des prix alors que l'économie prospérait le long d'une fonction de production comportant des économies d'échelle. Résumant les deux effets, Harchaoui et Tarkhani (2003) déclarent qu'en moyenne un accroissement de 1 $ du capital public réduit le coût de production privé de 17 cents.

L'approche adoptée par Macdonald consiste aussi à utiliser une approche fondée sur les coûts pour estimer l'effet de l'infrastructure publique (βg), en tenant compte de son incidence sur les frais de transport. Il tient compte également d'un certain nombre de problèmes de données que Harchaoui et Tarkhani n'avaient pas examinés dans leur étude de 2003. Plusieurs méthodes d'estimation différentes ont été utilisées pour tenir compte de problèmes éventuels liés aux racines unitaires et d'ensembles de données contenant des observations « aberrantes » à cause de chocs macroéconomiques et de ruptures éventuelles dans les taxonomies des produits ou des industries qui sont utilisées pour construire les tableaux des entrées-sorties.

Macdonald (2008) signale une estimation de l'élasticité de la production au regard de la croissance du capital public d'infrastructure d'environ 0,1. Pour tenir compte de l'incertitude en ce qui concerne la technique d'estimation optimale, nous procédons à une analyse de sensibilité utilisant les estimations de l'élasticité de 0,05, 0,1 et 0,15.

Le taux de rendement associé, qui peut être calculé au moyen de la formule du coût d'usage, pour l'estimation de l'élasticité médiane est de 17 %, ce qui coïncide avec le rendement total déclaré dans Harchaoui et Tarkhani (2003). Le taux de rendement de l'estimation de la borne inférieure d'élasticité de 0,05 est de 7 %, tandis que celui de l'estimation de la borne supérieure d'élasticité de 0,15 est de 27 %. Ces estimations sont centrées sur les estimations du taux de rendement du secteur privé au cours de la période à l'étude (Baldwin et GU, 2007).

5   Données et estimations

Pour calculer les estimations non paramétriques de la productivité multifactorielle après déduction de l'effet du capital infrastructurel utilisant l'équation (4) et notre estimation de (βg), nous tirons les données sur le produit intérieur brut (PIB) et l'intrant travail de l'ensemble de données KLEMS (capital, travail, énergie, matières premières et services) produit par la Division de l'analyse microéconomique de Statistique Canada. Le PIB réel du secteur des entreprises est calculé d'après les tableaux des entrées-sorties produits par Statistique Canada.

La variable du facteur travail utilisée est l'estimation des services du travail tirée de la base KLEMS. Pour calculer les services du travail, nous procédons à l'agrégation des heures travaillées en utilisant les taux de rémunération comme indicateur du produit marginal du travail. La série est construite sous l'hypothèse que les travailleurs au produit marginal plus élevé ont un revenu plus élevé et, par conséquent, ont un impact plus important sur les fluctuations de la production 3 .

Nous utilisons une approche analogue pour les services du capital privé. Le coût d'usage du capital est utilisé comme poids pour déterminer l'importance relative de divers types de stocks de capital 4 .

Chose importante, les services du capital utilisés aux fins de la présente analyse ne comprennent pas les services des terrains. Étant donné que l'investissement public de capital peut influer de façon importante sur la valeur (et donc la valeur des services) des terrains, nous l'avons éliminé pour éviter une éventuelle double comptabilisation au moment d'examiner l'effet du capital public.

Nous calculons le stock d'infrastructure publique au moyen de la méthode de l'inventaire permanent en nous fondant sur les données sur les investissements fournies par la Division de l'investissement et du stock de capital de Statistique Canada. Les flux d'investissement sont ceux dans le secteur des administrations publiques du Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN 91), appelé secteur public tout au long du présent document 5 . Il convient de souligner que les services de santé et d'enseignement, dont la majorité est financée par les fonds publics, sont exclus du SCIAN 91. Par conséquent, les estimations de la productivité dans le présent document ne doivent pas être utilisées pour faire des inférences au sujet de la productivité des services d'enseignement ou de soins de santé.

6   Effet du capital public sur la croissance de la productivité

L'expansion du capital public et, ultérieurement, sa contribution au secteur des entreprises, varient fortement de 1961 à 2006 (tableau 1 et graphique 1). Pendant les années 1960 et 1970, de grands projets de travaux publics ont élargi le réseau routier interprovincial et intraprovincial. L'élément central de cette expansion du réseau routier était la construction de la Transcanadienne, route d'une longueur de 7 800 kilomètres reliant les côtes Est et Ouest. La route a été ouverte officiellement en 1962, mais sa construction s'est poursuivie jusqu'au début des années 1970. De nombreuses améliorations ont été apportées depuis, y compris l'ajout de voies supplémentaires et l'élargissement de tronçons de route très achalandés à plusieurs voies.

Durant les années 1960, le stock net de capital public s'est accru en moyenne de 3,6 % par an. L'expansion se poursuit au cours des années 1970, le stock net d'actifs publics augmentant de 2,8 % par an en moyenne. À la fin des années 1970, l'expansion du réseau routier freinait et le stock de capital public ralentissait. Le capital public a augmenté de 1,4 % par an en moyenne durant les années 1980, ce qui représente la moitié du taux de croissance moyen des années 1970.

Le ralentissement se poursuit au cours des années 1990, les administrations publiques tâchant de limiter les déficits. Le taux de croissance annuel moyen du stock net de capital public est passé à 0,8 % durant les années 1990. Cependant, lorsque les déficits fédéraux ont été renversés durant la deuxième moitié des années 1990, le stock de capital public a diminué, l'investissement ayant été inférieur à l'amortissement. À la fin des années 1990, les investissements et le capital ont recommencé à croître. Après le tournant du millénaire, le stock de capital public d'infrastructure a repris. Entre 2000 et 2006, le taux de croissance du capital public net était de 1,2 % par an, taux de croissance similaire à celui enregistré durant les années 1980.

La croissance du stock de capital réel du secteur des entreprises affiche un profil semblable au fil du temps. Toutefois, le ralentissement de la formation de capital dans le secteur des entreprises est moins prononcé que dans le secteur public. Le rythme de croissance du stock de capital du secteur des entreprises était d'environ 50 % supérieur à celui de la croissance du stock de capital public durant les années 1960 et 1970. Durant les années 1980, 1990 et 2000, la croissance du capital public a diminué davantage que celle du capital du secteur des entreprises. La croissance du stock de capital du secteur des entreprises a été le double de celle du capital du secteur public au cours des dernières décennies.

Nous examinons ci-dessous la contribution du capital public à la productivité multifactorielle et à la croissance de la productivité du travail. Initialement, nous utilisons l'estimation d'élasticité βg de 0,1 aux fins de notre analyse. Une deuxième sous-section suit et comprend une analyse de sensibilité. Dans chaque section, la productivité multifactorielle ou PMF s'entend de l'estimation normalisée, tandis que la PMF* est calculée nette du capital public.

6.1  Quel est l'effet sur la productivité multifactorielle?

Les mesures de l'impact de l'infrastructure publique sont tirées des différences entre la PMF estimée avec et sans l'infrastructure publique (graphique 2). Ces différences s'observent le plus fortement durant la première moitié de la période étudiée allant de 1961 au début des années 1980. La différence entre la PMF et la PMF* s'observe principalement durant la période de construction du réseau routier interprovincial. À partir de la deuxième moitié des années 1980, et en particulier après la récession de 1991, il y a peu de différence entre PMF et PMF*.

Une fois l'effet du capital public pris en compte dans les mesures de la PMF, la croissance de la productivité varie peu au cours du temps. L'énigmatique croissance beaucoup plus forte de la productivité au début plutôt que plus tard dans la période avait préoccupé les analystes pendant des années. Elle s'explique en partie par l'absence de l'effet du capital d'infrastructure sur la PMF traditionnelle.

Le tableau 2 présente le résultat quantitatif de la prise en compte du capital public au cours de différentes sous-périodes, de concert avec la variation de la productivité du travail décomposée en variation de l'intensité du capital (contribution du capital), variation de la composition du travail et la PMF. La PMF est elle-même décomposée en variation de la fourniture de capital public et PMF* (tableau 2). Les chiffres des quatre premières rangées sont les mêmes que ceux produits par Baldwin et Gu (2004), à l'exception du capital qui est calculé net du terrain dans cette étude.

Au cours de l'ensemble de la période de 1962 à 2006, l'inclusion de l'effet du capital public diminue de moitié la contribution de la croissance de la productivité multifactorielle à la croissance de la productivité du travail. La productivité multifactorielle augmente en moyenne de 0,4 % par an, tandis que la PMF* augmente de seulement 0,2 % par an. Ainsi, la moitié de l'estimation de la PMF traditionnelle est attribuable à la croissance du capital public.

6.2  Dans quelle mesure les résultats sont-ils sensibles à différentes estimations de l'élasticité?

L'estimation de l'élasticité du capital public est sujette à l'incertitude statistique normale associée aux procédures économétriques multivariées utilisées dans l'estimation des paramètres.

Pour évaluer l'importance de l'incertitude, l'impact de l'infrastructure publique est réestimé en utilisant un ensemble d'estimations de l'élasticité du capital public; un intervalle de confiance est établi en corrigeant de 0,05 vers le haut et vers le bas l'estimation de l'élasticité de 0,1 tirée de Macdonald (2008). Cela représente une fourchette qui est conforme à la plupart des estimations raisonnables dans les études fondées sur la fonction de coût.

Cette fourchette comprend également l'estimation de l'élasticité qui correspond à une valeur qui produirait un rendement du capital public à peu près égal au taux moyen des obligations d'État à long terme. L'estimation du produit marginal qui fait correspondre le rendement du capital public et au taux moyen des obligations d'État à long terme est 0,06. Dans ce cas, l'estimation est conforme à la borne inférieure de la fourchette exposée ci-dessus.

L'estimation de l'élasticité utilisée influe sur les estimations de la contribution du capital public et de la PMF* (graphique 3 et tableau 3). L'effet est le plus marqué durant la période allant de 1961 à 1980. Après 1980, seules des différences mineures s'observent.

Pour chaque augmentation de 0,05 de l'estimation de l'élasticité, la contribution du capital public à la croissance de la productivité du travail augmente d'environ 0,1 point de pourcentage pour la période de 1962 à 2006. L'effet de l'augmentation de l'estimation de l'élasticité est plus marqué durant la première moitié de la période que durant la deuxième moitié, ce qui est davantage conforme aux taux de croissance du stock de capital public.

Pour toutes trois estimations de l'élasticité, la contribution du capital public à la productivité est supérieure durant les années 1960 et 1970. Quelle que soit l'estimation utilisée, le ralentissement de la croissance de la productivité devient moins prononcé au cours de la période postérieure à 1980, et les différences entre les premières et les dernières périodes sont plus étroites pour les estimations plus élevées du rendement de l'infrastructure publique. En fait, lorsque l'effet du capital public est dissocié de la croissance de la productivité multifactorielle, la croissance de la PMF est plus faible et plus uniforme d'une période à l'autre.

Ces résultats font tous l'hypothèse que l'élasticité de la production à l'investissement en capital public est constante au fil du temps. Certains chercheurs (Fernald, 1999) ont soutenu que l'incidence la plus importante de la construction du réseau routier de l'Amérique du Nord s'observe au cours de la période antérieure, lorsque la construction du réseau a commencé. Durant cette période, des externalités assez importantes ont pu être générées et sont revenues au capital privé sans avoir eu d'influence sur les prix en raison de la concurrence. Une partie du rendement du capital privé durant les années 1960 et 1970 correspondait donc à l'externalité découlant de l'investissement du secteur public. Pour tenir compte de cette possibilité, nous réestimons les estimations de la PMF* en utilisant les estimations de l'élasticité variant dans le temps pour le capital public et le capital privé.

Pour estimer les élasticités variant dans le temps, il est nécessaire d'estimer quelle proportion du revenu du secteur privé provient du rendement du capital privé saisissant l'externalité de l'investissement public. Baldwin et Gu (2007) examinent la différence entre les taux de rendement endogène et exogène du capital privé dans l'ensemble de données KLEMS. Ce faisant, ils démontrent que le taux de rendement (c.-à-d., le taux de rendement du capital calculé à partir du revenu réel) est supérieur au taux de rendement moyen des capitaux d'emprunt et des capitaux propres des investisseurs dans le secteur privé au début de la période, mais pas à la fin. La différence entre les taux est assez petite, s'établissant en général autour de 1 point de pourcentage; elle est plus importante avant 1980 et moins par la suite.

On peut utiliser une mesure de la tendance de la différence pour redistribuer une part du rendement du secteur privé au secteur public. Nous choisissions une estimation de la tendance logarithmique pour garantir que l'externalité générée par le capital public durant les années 1960 et 1970 s'estompe au fil du temps. Nous utilisons la différence tendancielle chaque année pour redistribuer une part du revenu du secteur privé au secteur public. Le revenu redistribué est combiné au revenu qui aurait été généré si les services du secteur public avaient été vendus sur le marché, soit un revenu conforme au taux de rendement moyen de 17 % tiré de Macdonald (2008).

La tendance logarithmique employée concorde avec la disparition presque complète de l'externalité au début des années 1980 (graphique 4). Pendant les années 1960 et 1970, le taux de rendement variant dans le temps est de jusqu'à 15 points de pourcentage supérieur au taux fixe, tandis que durant les années 1980 et 1990, l'écart se rétrécit, passant à 2 points de pourcentage. Après 2000, la différence s'établit au tour de 1 point de pourcentage.

Nous utilisons le taux de rendement variant dans le temps pour produire une estimation variant dans le temps des élasticités du capital public et du capital privé. L'élasticité du capital public diminue maintenant au fil du temps, passant à un sommet de 0,15 en 1962 à un creux de 0,06 en 2003. Sur l'ensemble de la période, l'élasticité se situe en moyenne à 0,1, soit au même niveau que l'estimation à taux fixe établie pour cette période utilisée précédemment.

Comme une partie du rendement du capital privé a été transférée au secteur public, le secteur privé affiche maintenant des rendements d'échelle décroissants. Le plus important transfert de revenu proportionnel a lieu en 1961, lorsque l'estimation de l'économie d'échelle est de 0,94. Elle augmente rapidement, toutefois, atteignant 0,98 en 1969 et 0,99 à la fin des années 1970. En 2000, le montant de revenu réaffecté est suffisamment petit pour que l'échelle du secteur privé soit, à toutes fins utiles, revenue à 1. L'estimation de l'élasticité du travail demeure inchangée.

Lorsque nous combinons les estimations de l'élasticité variable de l'effet du capital public et l'estimation de l'élasticité corrigée pour le capital privé ainsi que l'estimation inchangée de l'élasticité du travail, nous pouvons calculer la nouvelle valeur de la PMF* (variable) au moyen de l'équation (3). Les estimations de l'estimation de la PMF normalisée tirée de l'équation (2), l'estimation avec l'élasticité fixe du capital public, PMF*, et l'estimation avec l'effet variable du capital public, PMF* (variable) sont comparées au graphique 5.

La différence la plus importante entre la PMF, la PMP* et la PMF* (variable) s'observe durant les années précédant 1980. Comme nous l'avons indiqué, après 1980, l'expansion du réseau routier était essentiellement achevée. Au cours des années postérieures à 1980, on observe peu de différence entre les diverses estimations de la croissance de la productivité multifactorielle.

Avant 1980, toutefois, la méthode employée pour inclure le capital public a d'importantes répercussions sur les estimations de la productivité multifactorielle. La croissance la plus importante s'observe dans l'estimation traditionnelle qui inclut l'effet du capital public, tandis que la croissance la plus petite est attribuable à la PMF* qui utilise un taux de rendement fixe du capital public. La PMF* (variable) se situe au milieu. Elle permet de tenir compte de l'effet plus important du capital public, mais en même temps elle diminue la contribution de l'investissement de capital privé. Étant donné que l'investissement de capital privé a été plus important que l'investissement du secteur public durant les années 1960 et 1970, lorsque l'élasticité du capital privé est réduite il y a moins de croissance expliquée et l'estimation de la productivité multifactorielle augmente.

7   Variations du produit intérieur brut nominal et de la part du revenu imputable au travail

La reconnaissance du fait que le capital public fournit un taux de rendement positif permet non seulement des estimations plus précises de la croissance de la productivité à être dérivée pour le secteur des entreprises, mais elle tient compte également d'une description plus précise de la façon selon laquelle le rendement à l'intérieur du secteur public est dérivé du travail par opposition aux entrées en capital. Actuellement, puisque la part du revenu attribuée au travail est beaucoup plus importante dans le secteur public, le rendement des administrations publiques semble être beaucoup plus dépendant de la productivité du travail que ne l'est le rendement du secteur des entreprises.

Selon le Système de comptabilité nationale, on calcule actuellement le produit intérieur brut (PIB) du secteur public en additionnant le revenu du travail et le revenu du capital. Toutefois, comme les produits des administrations publiques ne sont pas échangés sur des marchés bien définis, il est impossible de calculer les taux de rendement de l'investissement des administrations publiques d'une manière comparable à celle utilisée pour les investissements du secteur des entreprises. En outre, il n'y a pas, dans le secteur des entreprises au Canada, de bons substituts pour le capital des administrations publiques qui pourraient être utilisés comme approximations du taux de rendement du capital public. Par conséquent, l'unique revenu attribuable au capital public, selon les estimations du produit intérieur brut (PIB) du secteur public, serait la dépréciation attribuée au capital public; aucun rendement économique n'est attribué actuellement au capital public. Ceci sous-estime potentiellement la quantité de rendement qui est dérivée du capital dans le secteur public.

Une façon de combler cette lacune consiste à inclure le taux de rendement en utilisant le taux des obligations d'État à long terme; on peut soutenir que cette façon de procéder permet au moins de tenir compte du coût d'opportunité du capital. Dans la présente étude, nous utilisons un autre élément, soit le taux de rendement direct sous-entendu par l'estimation de l'élasticité de la réduction des coûts privés résultant d'une augmentation de l'infrastructure publique. Il est possible d'estimer ce taux de rendement à partir des estimations de l'élasticité au moyen de la formule fondée sur le coût d'usage du capital. Macdonald (2008) examine le lien entre les estimations de l'élasticité et les taux de rendement qui y sont associés. Les estimations du taux de rendement correspondant aux estimations de l'élasticité de 0,05, 0,1 et 0,15 utilisées ici sont de 7 %, 17 % et 26 % respectivement 6 .

Nous utilisons ici ces estimations du taux de rendement pour modifier les estimations du PIB publiées actuellement en ajoutant un taux de rendement du capital public. Nous utilisons les estimations du PIB nominal aux prix de base pour l'ensemble de l'économie aux fins de conformité avec les Comptes canadiens de productivité.

Quand c'est fait, l'estimation du PIB augmente de jusqu'à 9,1 % ou d'aussi peu que 1,2 % selon l'année et l'estimation du taux de rendement utilisée (graphique 6). Pour toutes trois estimations, l'augmentation du niveau du PIB fournie par l'inclusion du rendement du capital public diminue au fil du temps, puisque les augmentations du stock de capital public ne suivent pas le rythme du développement du secteur des entreprises sur toute la période. Lorsqu'on utilise l'estimation médiane d'un rendement de 17 %, le PIB nominal augmente de 5,9 % en 1961, puis sa hausse ralentit pour s'établir à 3,1 % en 2003.

L'inclusion d'un taux de rendement économique, même si sa contribution à la valeur ajoutée de l'ensemble de l'économie est généralement modeste, a des répercussions plus importantes pour la part du revenu attribuable au travail dans l'ensemble de l'économie. Comme les estimations actuelles du rendement du capital public ne comprennent que la dépréciation du capital, la part du revenu imputable au travail est plus élevée dans le secteur public que dans le secteur des entreprises.

Lorsque nous combinons le secteur des entreprises et le secteur public pour estimer la part du revenu imputable au travail dans l'ensemble de l'économie, l'estimation augmente puisque le rendement du revenu du capital dans le secteur public est absent actuellement (graphique 7). La part du revenu imputable au travail dans l'ensemble de l'économie s'établit en moyenne à 0,6 lorsque le rendement du capital public est inclus, par opposition à 0,63 lorsqu'il est exclu. La part du revenu imputable au travail dans le secteur des entreprises est 0,61.

L'inclusion d'un rendement du capital public modifie également la tendance de la part du revenu imputable au travail au fil du temps. Bien que la part du travail ait tendance à diminuer chaque année lorsqu'il n'y a pas de rendement ou lorsqu'on examine le secteur des entreprises isolément, la baisse est moins prononcée lorsqu'un rendement du capital public est inclus.

Cette différence tient aux estimations de la part du revenu imputable au travail et au capital dans le secteur public. Actuellement, les estimations donnent à penser que la part du revenu imputable au travail dans le secteur public est d'environ 0,8, tandis que la part imputable au capital est d'environ 0,2 (graphique 8). Ces parts diffèrent fortement de celles dans le secteur des entreprises.

L'inclusion d'un rendement de 17 % du capital public a pour effet de modifier sensiblement les parts. La part imputable au travail passe en diminuant de 0,8 à 0,48 suivant une correction en 1961, et augmente graduellement au fil du temps pour atteindre 0,59 en 2003. Celle imputable au capital affiche un profil inverse, à la baisse, passant de 0,52 à 0,41, en 1961 et 2003 respectivement. Plus tôt dans la période, les administrations publiques fournissent davantage de services de capital tandis que plus tard dans la période, davantage de services de travail.

8   Conclusion

Le capital public apporte un intrant essentiel à la production du secteur privé. Il permet les concentrations des ressources économiques et crée des marchés des produits et de l'emploi plus larges et plus actifs.

Malgré l'importance du capital public, son incidence sur la croissance de la productivité du secteur des entreprises ou sur le produit intérieur brut de l'ensemble de l'économie a été relativement peu analysée. Cette lacune tient dans une large mesure à l'absence de renseignements quantitatifs sur l'effet du capital public sur la production. Il n'existe pas de marché pour ses produits. Et sans ces marchés, les mesures de la production du capital public sont plus difficiles à estimer que celles du secteur des entreprises. En outre, comme en Amérique du Nord il n'existe pas de substituts proches du capital public dans le secteur privé, il est impossible d'utiliser les renseignements sur le secteur public comme approximation du rendement de l'investissement public. Par conséquent, il faut estimer économétriquement les estimations de l'élasticité de la production du secteur privé par rapport à l'investissement en capital du secteur public.

Les estimations de l'élasticité utilisées dans la présente étude sont tirées des estimations économétriques de Macdonald (2008). Les estimations (0,05, 0,1 et 0,15) correspondent à une fourchette qui est conforme à la plupart des études fondées sur la fonction de coût. Ces estimations de l'élasticité sont utilisées pour calculer l'effet de l'infrastructure sur la productivité. L'effet du capital public au Canada est normalement inclus dans les estimations de la productivité multifactorielle, ce qui a pour effet de faire augmenter la croissance de la productivité multifactorielle durant les années 1960 et 1970, période d'expansion importante du réseau des autoroutes au Canada. Cela se produit que l'on utilise un taux de rendement de l'infrastructure publique fixe ou variable.

Même si une partie de la croissance de la productivité multifactorielle observée durant les années 1960 et 1970 est attribuable au capital public, il ne faut pas expliquer le ralentissement de la croissance de la productivité multifactorielle durant les années 1980 et au début des années 1990 par une réduction de l'investissement au chapitre de l'infrastructure. Il est possible que l'investissement du secteur public ait ralenti durant cette période parce que le réseau routier avait atteint sa maturité, réduisant la nécessité de poursuivre l'expansion rapide du stock de capital public.

Lorsque nous dissocions l'effet de la productivité multifactorielle de celui du capital public, on constate que l'infrastructure publique a représenté la moitié de l'estimation de la croissance de la productivité. La contribution du capital public à la croissance de la productivité du travail a varié au cours des 47 dernières années, l'effet le plus important ayant été observé durant les années 1960 et 1970. Durant les années 1980, 1990 et 2000, la contribution du capital public a été d'environ deux tiers inférieure à ce qu'elle était au cours de la période précédente.

Les analystes qui utilisent les estimations traditionnelles de la productivité multifactorielle se sont longtemps questionnés sur le fait que la croissance de la productivité était bien plus élevée avant 1980 qu'après. Les autres mesures de la productivité qui tiennent compte de l'effet de l'infrastructure publique réduisent de façon considérable l'écart entre les deux périodes, ce qui révèle que la croissance plus élevée dans la première période est attribuable en partie à la très importante croissance de l'infrastructure publique avant 1980.

L'inclusion du capital public dans la fonction de production du secteur privé n'explique pas complètement pourquoi la croissance de la productivité était plus forte durant les années 1960 et 1970 qu'au cours des décennies subséquentes. Néanmoins, le fait de reconnaître son effet aide à expliquer la croissance plus rapide de la productivité multifactorielle durant les années 1960 et 1970 qu'au cours des dernières décennies du XXe siècle.

La possibilité d'avoir une vue plus complète de l'effet de l'infrastructure publique offre un second avantage. Lorsque nous utilisons l'élasticité de la production à l'infrastructure publique pour estimer le rendement du capital public et pour réestimer le PIB du secteur public, ce dernier augmente et la part réestimée du revenu imputable au travail dans l'ensemble de l'économie devient plus stable et plus proche des estimations pour le secteur des entreprises.

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