Section 2 : Les éléments de l’infrastructure écologique

Les éléments de l’infrastructure écologique tels que le sol, l’eau, le climat et les organismes vivants sont nécessaires au succès de l’agriculture. Les interactions de ces structures dans les écosystèmes et entre eux donnent des processus et fonctions écosystémiques, comme la photosynthèse et le cycle des éléments nutritifs qui sont essentiels à la production végétale. Dans la présente section, nous examinons les éléments de l’infrastructure écologique qui sont nécessaires à l’agriculture productive, en nous attardant à la disponibilité de terres agricoles convenables. Pour en savoir plus sur le climat, l’eau et le sol, voir l’encadré 2.

Encadré 2 : Le climat, l’eau et le sol

Le climat, l’eau et le sol sont des facteurs importants qui influent sur la réussite de différents types d’agriculture. Les cultures ont besoin de la lumière du soleil, de températures chaudes et d’un approvisionnement suffisant en eau provenant des précipitations ou de l’irrigation pendant la saison de végétation.

Les changements climatiques créent des fluctuations des températures moyennes, de la longueur de la saison de végétation de même que de la quantité de précipitations, de leur intensité et du moment où elles tombent 1 , qui se répercuteront sur les pratiques agricoles. À l’avenir, les conditions pourraient permettre d’élargir les activités agricoles vers le nord 2  et les variétés végétales pourraient changer; toutefois, les cultures pourraient également souffrir du stress thermique, de la sécheresse et de changements au niveau des populations de ravageurs, tandis que l’intensité accrue des pluies et les inondations pourraient entraîner l’érosion du sol et la perte d’éléments nutritifs dans le sol 3 .

Au Canada, la lumière et la température peuvent être des facteurs limitatifs de la croissance des cultures. Les degrés-jours de croissance, qui servent à mesurer la disponibilité de chaleur pour la croissance végétale, sont utilisés en agriculture pour surveiller l’accumulation des températures. Les degrés-jours de croissance sont calculés tous les jours et représentent la différence entre la température moyenne journalière et la température de référence de 5 degrés Celsius. Le nombre de degrés-jours varie au pays de moins de 250 dans les emplacements du Nord à plus de 2 000 dans les emplacements du sud situés en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique 4 . Des saisons de croissance plus longues combinées à des températures plus chaudes pendant la saison de végétation pourraient entraîner la hausse des degrés-jours de croissance, surtout dans la partie sud du pays 5 . Bien que le Canada dispose d’un approvisionnement abondant en eau renouvelable (3 472 km3 d’apport d’eau annuel moyen), le renouvellement de l’eau dans certaines régions du pays est plus limité : 0,5 km3 dans la région de drainage Missouri et 4,2 km3 dans la région de drainage Okanagan-Similkameen 6 . Le ruissellement va de moins de 50 mm dans le sud des Prairies à plus de 1 540 mm dans la région de drainage Côte du Pacifique. La disponibilité de l’eau dans le temps est également un facteur important puisque la demande de pointe en eau coïncide souvent avec les périodes où l’apport en eau est faible. L’apport en eau du Canada a diminué en moyenne de 8,5 % de 1971 à 2004 7 .

Encadré 2 : Le climat, l’eau et le sol, La suite

La qualité du sol comporte de nombreuses caractéristiques, dont certaines varient avec les pratiques agricoles (p. ex. pH, matière organique et éléments nutritifs) et d’autres ne peuvent être grandement altérées (p. ex. topographie, drainage interne et texture du sol) 8 . L’azote, le phosphore et le potassium, de même qu’une variété d’autres macro et micronutriments, sont nécessaires à la croissance des plantes, mais ne sont pas toujours disponibles dans le sol, d’où la nécessité de la fertilisation.

À l’échelle mondiale, l’utilisation d’engrais azotés s’est accrue de 30 %, tandis que l’utilisation d’engrais phosphatés a progressé de 19 % de 2002 à 2011 9 . L’azote est abondamment disponible dans l’atmosphère et peut être récupéré pour produire de l’engrais synthétique à l’aide du procédé Haber-Bosch 10 . Les autres sources d’azote comprennent la fixation de l’azote à partir des interactions symbiotiques 11  entre les bactéries et les légumineuses de même que l’utilisation de fumier animal. Cependant, la presque totalité de l’engrais phosphaté est produite à partir de roche phosphatée, une ressource non renouvelable qui est de plus en plus rare 12 .

Les terres agricoles au Canada

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus du tiers de la superficie totale des terres dans le monde est utilisé pour l’agriculture (tableau 2.1). Par ailleurs, on estime que 28 % de cette superficie agricole est arable, c’est-à-dire qu’elles conviennent à la production de cultures. Les terres arables constituent un élément important de l’infrastructure écologique qui soutient l’agriculture.

Bien que les terres arables représentent un petit pourcentage de la superficie totale des terres au pays, le Canada se classe septième au monde pour les terres arables. Environ 7 % de la superficie totale des terres du Canada sont utilisés à des fins agricoles, plus des deux tiers étant des terres arables. L’écoumène agricole de Statistique Canada précise les régions du pays où il y a de l’activité agricole (carte 2.113 .

La superficie agricole au Canada a diminué (-6 %), passant de 68,7 millions d’hectares en 1971 à 64,8 millions d’hectares en 2011 (graphique 2.1). La perte de 3,9 millions d’hectares de terres agricoles correspond à peu près à la taille de l’île de Vancouver en Colombie-Britannique. Pendant cette période, le nombre de fermes au Canada a diminué de 44 %, passant de 366 110 à 205 730. Par conséquent, la taille de la ferme moyenne est passée de 188 hectares à 315 hectares.

En 2011, 62 % (40,1 millions d’hectares) de la superficie agricole totale du Canada étaient situés dans l’écozone des Prairies 14 , 20 % (12,9 millions d’hectares) se trouvaient dans l’écozone des Plaines boréales, 10 % (6,2 millions d’hectares) dans l’écozone des Plaines à forêts mixtes, 3 % dans l’écozone de la Cordillère montagnarde (1,7 million d’hectares) et dans l’écozone maritime de l’Atlantique (2,1 millions d’hectares), 2 % dans l’écozone du Bouclier boréal (1,4 millions d’hectares) et de très petits pourcentages dans l’écozone maritime du Pacifique et l’écozone de la Taïga des plaines (graphique 2.2 et tableau 2.2).

Les diminutions les plus marquées de la superficie agricole de 1971 à 2011 se sont produites dans l’écozone des Plaines à forêts mixtes (-1,3 million d’hectares), l’écozone des Prairies (-1,3 million d’hectares) et l’écozone maritime de l’Atlantique (-732 826 hectares). La plus forte croissance de la superficie agricole est survenue dans l’écozone des Plaines boréales (+627 783 hectares). Toutefois, si l’on examine la variation en pourcentage, l’écozone de la Cordillère montagnarde a affiché une augmentation digne de mention, c’est-à-dire de 41 %, au cours de cette période.

L’activité agricole était surtout concentrée dans l’écozone Prairies en 2011, dont 86 % de la superficie totale étaient cultivés (tableau 2.2). À titre de comparaison, 37 % de l’écozone des Plaines à forêts mixtes et 17 % de l’écozone des Plaines boréales étaient cultivés. Au niveau des écodistricts, les fermes occupent plus de 75 % de la superficie totale de nombreux écodistricts de l’écozone des Prairies, ainsi que de certains écodistricts des écozones des Plaines à forêts mixtes et des Plaines boréales (carte 2.2). Pour en savoir plus sur l’agriculture dans les écozones des Prairies et des Plaines à forêts mixtes, voir l’encadré 3.

Encadré 3 : Profil agricole des écozones des Prairies et des Plaines à forêts mixtes

Les écozones des Prairies et des Plaines à forêts mixtes sont deux zones agricoles importantes au Canada. Ensemble, elles représentaient près des deux tiers des fermes et presque les trois quarts de la superficie agricole du pays en 2011.

Prairies

L’écozone des Prairies s’étend des montagnes Rocheuses en Alberta jusqu’à la vallée de la rivière Rouge au Manitoba, couvrant le tiers sud des provinces des Prairies. En 2011, 33 % de toutes les fermes du Canada étaient situées dans l’écozone des Prairies. La superficie agricole occupait 86 % de la superficie totales de cette écozone, soit 40,1 millions d’hectares. Les terres cultivées, c’est-à-dire les terres qui produisent de grandes cultures, du foin, des fruits, des légumes, du gazon et les cultures de pépinières, représentaient plus de la moitié de la superficie agricole totale.

Le blé, le canola et le boeuf sont à la base de l’agriculture dans l’écozone des Prairies. En 2011, les fermes de cette écozone cultivaient 80 % de la superficie en blé, 81 % de la superficie en canola et élevaient 59 % du stock de bovins de boucherie du Canada. Des herbicides étaient appliqués sur 18,3 millions d’hectares de terres agricoles dans cette écozone; des insecticides, sur 1,8 million d’hectares; et des fongicides, sur 4,0 millions d’hectares en 2010. Le bétail de cette écozone produisait plus de 68 millions de tonnes de fumier, soit près de la moitié du total national en 2011.

Plaines à forêts mixtes

L’écozone des Plaines à forêts mixtes est délimitée par trois Grands Lacs au sud (le lac Ontario, le lac Érié et le lac Huron) et se prolonge le long du Saint-Laurent jusqu’à la ville de Québec. C’est la plus petite écozone canadienne.

En 2011, 31 % de toutes les fermes du Canada étaient situés dans l’écozone des Plaines à forêts mixtes. La superficie agricole constituait 37 % de la superficie de cette écozone, soit 6,2 millions d’hectares. Les terres cultivées couvraient près des trois quarts de la superficie agricole totale.

Il existe de nombreux types de fermes dans l’écozone des Plaines à forêts mixtes. Les exploitations agricoles dans cette écozone cultivaient 91 % du maïs-grain et 71 % des fèves soya ensemencés au pays, et élevaient plus de la moitié des stocks canadiens de bovins laitiers, de volaille et de porcs en 2011. Des herbicides étaient appliqués sur 3,1 millions d’hectares de terres agricoles de cette écozone; des insecticides, sur 539 004 hectares; et des fongicides, sur 446 581 hectares en 2010. Le bétail produisait environ 36,1 millions de tonnes de fumier en 2011.

Source(s) :  Agriculture et Agroalimentaire Canada et Statistique Canada, totalisation spéciale, Recensement de l’agriculture, base des composantes géographiques de recensement de 2011.

En 2011, la superficie agricole par habitant était la plus élevée dans les écozones des Plaines boréales (14 971 hectares/1 000 habitants) et Prairies (8 116 hectares/1 000 habitants) (tableau 2.2), où une bonne partie de la production agricole se composait de petites céréales et d’oléagineux destinés à l’exportation. De 1971 à 2011, la superficie agricole par habitant a diminué de 43 % dans l’écozone des Prairies et de 48 % dans l’écozone des Plaines à forêts mixtes.

Les terres agricoles cultivables

Toutes les terres ne sont pas propices à l’agriculture; la production de cultures est tributaire de la bonne combinaison de sol, de climat, d’eau et d’autres facteurs. Au Canada, les terres sont divisées en sept classes selon leur pertinence agricole 15 .

Les terres de la classe 1 ne comportent aucune limitation importante pour la production agricole, alors que celles des classes 2 et 3 comportent des limitations modérées ou assez graves, qui restreignent la gamme des cultures possibles ou qui nécessitent des mesures particulières de conservation. Ensemble, ces trois catégories représentent des terres propices à la culture à long terme 16  et sont appelées « terres agricoles cultivables » 17 . Les terres des classes 4 à 6 comportent de graves limitations qui restreignent les cultures et/ou les cultures fourragères, tandis que les terres de la classe 7 ne conviennent ni à la culture ni aux pâturages permanents.

Le Canada compte plus de 50,5 millions d’hectares de terres agricoles cultivables (des classes 1 à 3) (tableau 2.3). La majorité de ces terres agricoles cultivables sont situées dans les écozones des Prairies (26,0 millions hectares) et des Plaines boréales (10,8 millions d’hectares). On trouve aussi des terres qui comportent de graves limitations de l’agriculture (des classes 4 à 6) dans chacune des écozones.

La superficie agricole située sur les terres agricoles cultivables, qui comprend les meilleures terres agricoles de la classe 1, a été ramenée à 969 802 hectares de 2001 à 2011. Au cours de cette période, les trois écozones ayant le plus de terres agricoles cultivables ont toutes enregistré une diminution de la superficie agricole (tableau 2.3), notamment les écozones des Prairies, des Plaines boréales et des Plaines à forêts mixtes.

À l’inverse, la superficie agricole s’est agrandie sur les terres comportant de graves limitations à l’agriculture dans l’écozone de la Cordillère montagnarde, l’écozone des Prairies, l’écozone maritime de l’Atlantique, l’écozone du Bouclier boréal et l’écozone maritime du Pacifique. Ces terres sont assujetties à de graves limitations qui restreignent la gamme des cultures ou nécessitent des pratiques de conservation ou d’amélioration spéciales. Le défrichage, le drainage, l’endiguement, l’irrigation, le ramassage des pierres et l’ajout intensif d’engrais et d’autres amendements du sol peuvent tous entraîner des dépenses élevées.

Par ailleurs, la zone habitée 18  des terres agricoles cultivables au Canada a progressé de 19 % de 2000 à 2011 (tableau 2.3). Si l’on examine les écozones, l’augmentation la plus marquée s’est produite dans l’écozone des Plaines à forêts mixtes, où la zone habitée des terres agricoles cultivables a augmenté de 128 030 hectares (+27 %). Plus de la moitié de cette croissance est attribuable au Grand Golden Horseshoe 19 . La deuxième croissance en importance a été constatée dans l’écozone des Prairies, où la zone habitée sur les terres agricoles cultivables a progressé de 59 807 hectares (+16 %).

À mesure que la population du Canada augmente et que les villes se développent et prennent de l’expansion, la perte d’une partie des meilleures terres agricoles du pays se poursuivra probablement, étant donné que beaucoup de grands centres sont situés près de certaines des meilleures terres agricoles du pays, en raison des modèles de développement historiques 20 .

Le type de paysage par écozone

Puisque la couverture terrestre et l’utilisation des terres ont une incidence sur les fonctions écosystémiques, elles influent sur la prestation des biens et services écosystémiques (BSE). Les zones naturelles qui sont les moins perturbées par les activités humaines (p. ex. les forêts, les milieux humides, les pâturages et les couverts arbustifs) sont peut-être mieux disposées pour conserver des fonctions écologiques complexes que les zones où le paysage naturel a été beaucoup altéré. La superficie agricole peut être modifiée modérément ou beaucoup, alors que la zone habitée est normalement grandement modifiée par rapport à son état naturel.

Entre 2001 et 2011, la superficie agricole totale du Canada a diminué de 4 %, passant d’environ 67,5 millions d’hectares à 64,8 millions d’hectares, mais la tendance a varié selon l’écozone (tableau 2.4). Dans certains cas, des terres ont été converties en zones habitées; dans d’autres, elles ne sont plus cultivées, probablement laissées à elles mêmes, et il se peut qu’elles aient commencé à retourner à leur état naturel 21 .

En 2011, la zone habitée était la plus grande dans l’écozone des Plaines à forêts mixtes, s’étendant sur environ 892 000 hectares, soit 5 % de la superficie totale de cette écozone. La zone habitée s’est accrue de 20 %, soit 150 000 hectares, de 2001 à 2011 dans l’écozone des Plaines à forêts mixtes, tandis que la superficie agricole a rétréci d’environ 4 %, (-289 000 hectares), et la superficie naturelle et en voie de retour à l’état naturel a progressé de 1 % (+138 000 hectares). Dans l’écozone des Prairies, la zone habitée s’est élargie de 15 % (+88 000 hectares).

Une partie relativement faible des écozones des Prairies et des Plaines à forêts mixtes se compose de zones naturelles, ce qui peut avoir une incidence sur toute la gamme et la qualité des BSE, comme la création de l’habitat, qui sont fournis dans ces zones.

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