Le patrimoine et les finances des familles occupées à faible revenu

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Par May Luong

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En 2008, plus de 4,1 millions de personnes vivaient dans des familles à faible revenu1. Même si de nombreuses personnes à faible revenu dépendaient des transferts gouvernementaux, 37 % de ces personnes appartenaient aussi à une famille dont un membre était occupé pendant au moins la moitié de l'année2.

Les familles occupées à faible revenu ont fait l'objet de plusieurs études récentes3. L'une d'elles a permis de déterminer que le revenu moyen des personnes vivant dans des familles occupées à faible revenu représentait moins du tiers de celui des personnes vivant dans les autres familles occupées (Fleury et Fortin, 2004). Même si un moins grand nombre de personnes appartenant à des familles occupées à faible revenu travaillent à temps plein à longueur d'année, leur nombre moyen d'heures de travail est équivalant à celui d'autres travailleurs, soit environ 2 000 heures (Fleury et Fortin, 2006).

Les emplois peu rémunérés sont souvent associés aux familles occupées à faible revenu. Toutefois, même si la faible rémunération est considérée comme un facteur de risque important, il ne s'agit pas du déterminant le plus important de la situation de faible revenu. On a plutôt déterminé que la présence d'un seul soutien (comparativement à plusieurs soutiens) et d'autres caractéristiques familiales jouaient un rôle plus important que la rémunération (Fleury et Fortin, 2006). Selon Fortin, 3,4 millions des personnes occupées en 2002 passeraient sous le seuil de faible revenu si elles connaissaient une séparation ou un divorce ou si d'autres soutiens de la famille connaissaient une période de chômage (Fortin, 2007). Par ailleurs, certains groupes, comme les immigrants, sont plus susceptibles d'appartenir à une famille occupée à faible revenu (Fortin, 2007).

Dans le cadre d'autres études, on a comparé les dépenses des familles occupées à faible revenu avec celles d'autres groupes, afin d'évaluer leur niveau de vie. Selon les résultats, en dépit de leur participation plus grande à la vie active et de leur revenu légèrement plus élevé que celui des familles non occupées à faible revenu, les familles occupées à faible revenu étaient plus susceptibles d'emprunter ou de liquider des actifs pour joindre les deux bouts, et elles avaient davantage de dépenses liées au travail et un moins grand accès au logement subventionné (Fleury et coll., 2005). Néanmoins, les personnes appartenant à des familles occupées à faible revenu avaient des problèmes de santé comparables à ceux des personnes des familles occupées et non à faible revenu et obtiennent de meilleurs résultats que les personnes des familles non occupées à faible revenu pour un certain nombre de mesures de la santé, tant pour une année donnée qu'à plus long terme (Fortin, 2008).

Même si ces études jettent de la lumière sur la consommation et le revenu courants des familles occupées à faible revenu, il subsiste des lacunes dans la recherche concernant leur patrimoine et leur situation financière. Les études sur le patrimoine considèrent généralement les familles à faible revenu comme un groupe unique, plutôt que de faire une distinction entre les familles occupées à faible revenu et les autres. Par exemple, selon une étude, même si ce ne sont pas toutes les familles à faible revenu qui ont un patrimoine de faible valeur, la grande majorité des familles à faible revenu ont très peu de patrimoines financiers (Morissette, 2002).

Le patrimoine représente un aspect clé du bien-être à long terme, certains actifs pouvant être convertis en espèces pour la consommation pendant les périodes de difficultés économiques (Wolff, 1998). D'autres types d'actifs peuvent être plus difficiles à liquider à court terme, mais peuvent souvent être utilisés comme garantie pour des prêts. L'étude du patrimoine et de la sécurité financière des personnes appartenant à des familles occupées à faible revenu peut fournir un aperçu plus complet de leur bien-être financier à long terme et de leur capacité à surmonter les difficultés à court terme.

À partir des données de l'Enquête canadienne sur les capacités financières (ECCF) de 2009, la présente étude examine la situation financière des personnes vivant dans des familles occupées à faible revenu, comparativement à celle des familles non occupées à faible revenu et aux familles occupées qui ne sont pas en situation de faible revenu. L'ECCF comporte des données uniques permettant d'examiner les perceptions des répondants à l'égard de leur situation financière, ainsi qu'une estimation des actifs et des dettes du ménage en période de ralentissement du marché du travail. Comme les taux de réponse ont été relativement faibles pour les questions sur les actifs et les dettes, les totalisations ont été reprises à partir des données de l'Enquête sur la sécurité financière (ESF) de 2005. La comparaison a permis de valider les principales conclusions de cette étude, mais a aussi démontré que les mesures d'actifs et de dettes de l'ECCF devraient être utilisées avec prudence (voir Sources des données et définitions)4.

Même si les données de l'ECCF ont été recueillies et traitées au niveau de la personne, les principaux groupes d'intérêt ont été définis sur la base du revenu et du patrimoine de la famille. On utilise donc « familles » comme synonyme de « particuliers dans les familles » pour plus de concision dans le présent article.

Profil des familles occupées à faible revenu

En 2009, on comptait plus de 1,6 million de personnes de 25 à 64 ans vivant dans des familles occupées à faible revenu5, soit 9 % de la population de ce groupe d'âge (tableau 1). Un peu moins de 1,2 million de personnes vivaient dans des familles non occupées à faible revenu, soit 7 % de la population cible. Les personnes appartenant à des familles occupées et non à faible revenu constituaient la majorité, représentant 77 % de la population cible de 14 millions de personnes. Les 8 % restants regroupaient les personnes appartenant à des familles non occupées et non à faible revenu et sont exclues des analyses subséquentes (voir Sources des données et définitions).

L'âge moyen des personnes appartenant à des familles occupées à faible revenu est plus faible que pour tous les autres groupes, soit 42,3 ans. Presque 60 % des personnes de ce groupe ont de 25 à 44 ans. C'est aussi dans ce groupe que l'on retrouvait la proportion la plus forte de femmes (58 %), la taille de ménage la plus importante (3,6) et le plus grand nombre d'enfants (1,4), en moyenne, par rapport à tous les autres groupes. Presque la moitié des familles occupées à faible revenu sont des couples avec enfants, et 15 % sont des parents seuls. Comparativement aux personnes appartenant à des familles à faible revenu dont aucun membre n'est occupé, celles appartenant à des familles occupées à faible revenu sont légèrement plus scolarisées, 24 % d'entre elles détenant un diplôme d'études collégiales, et 18 %, un grade universitaire (de premier et de deuxième cycle).

Le revenu médian du ménage des familles occupées à faible revenu s'établissait à 25 000 $ en 2009, comparativement à 15 000 $ pour les familles à faible revenu dont aucun membre n'est occupé. Comme les familles dont aucun membre n'est occupé étaient plus petites, la différence entre les deux groupes diminue une fois les données ajustées pour tenir compte de la taille de la famille, passant de 10 000 $ à 4 000 $. Comme dans les études précédentes, le revenu du ménage ajusté des familles occupées à faible revenu représentait moins du tiers de celui des familles occupées et non à faible revenu.

Parmi les familles à faible revenu, les familles occupées ont le patrimoine médian le plus élevé

Le patrimoine ou l'avoir net est défini comme la différence entre le total des actifs et le total des dettes d'une famille6. Comme le patrimoine varie selon l'âge, les résultats sont uniformisés en fonction de la répartition selon l'âge des personnes des familles occupées à faible revenu, afin de contrebalancer l'effet des différences d'âge entre les groupes.

En moyenne, la valeur du patrimoine des familles occupées à faible revenu est plus élevée que pour les autres familles à faible revenu, mais plus faible que pour les familles occupées qui ne sont pas à faible revenu. L'avoir net médian des familles occupées à faible revenu se situait à 19 000 $, comparativement à 1 000 $ pour les autres familles à faible revenu, et à 257 700 $ pour les familles occupées qui ne sont pas à faible revenu (tableau 2).

Actifs

Les actifs contribuant à l'avoir net font ressortir d'autres différences entre les groupes. La valeur médiane des actifs totaux des familles occupées à faible revenu (60 000 $) se situait entre celle des deux autres groupes : elle était significativement plus élevée que pour l'autre groupe à faible revenu (3 000 $), mais représentait moins du sixième de la médiane pour l'autre groupe occupé (389 200 $).

La valeur nette du logement représente l'actif le plus important de nombreux Canadiens. Plus de la moitié des familles occupées à faible revenu étaient propriétaires de leur maison, comparativement à un peu plus du tiers de l'autre groupe à faible revenu.

Les familles occupées à faible revenu étaient aussi plus susceptibles de détenir d'autres actifs financiers [excluant les Régime Enregistré d'Épargne-Retraite (REER)], que les autres familles à faible revenu. De plus, 42 % des familles occupées à faible revenu avaient un REER, comparativement à 22 % des autres familles à faible revenu. La liquidité que représentent ces actifs peut aider les familles à résister aux chocs temporaires, comme la perte d'un emploi ou des dépenses imprévues.

Même si peu de familles à faible revenu détiennent des régimes enregistrés d'épargne-études (REEE), les familles occupées à faible revenu sont deux fois plus susceptibles de détenir un REEE que les autres familles à faible revenu (20 % comparativement à 10 %).

Environ une famille occupée à faible revenu sur six (16 %) détenait des capitaux propres dans une entreprise, ce qui est légèrement inférieur à la proportion de 18 % des familles occupées et non à faible revenu.

Dettes et passifs

Outre qu'elles ont un niveau plus élevé d'actifs, les familles occupées à faible revenu ont davantage de dettes en moyenne que les autres familles à faible revenu. Un peu plus de la moitié (56 %) des familles non occupées à faible revenu n'avaient pas de dettes, comparativement à 31 % des familles occupées à faible revenu.

L'incidence plus élevée des dettes chez les familles occupées à faible revenu était principalement attribuable aux hypothèques. Il convient de souligner que 42 % des familles occupées à faible revenu avaient une hypothèque pour leur maison, comparativement à 16 % des autres familles à faible revenu. Les familles occupées à faible revenu dépassaient aussi les  autres familles à faible revenu en ce qui a trait à l'incidence des autres types de dettes, sauf les prêts étudiants. Au total, quatre familles occupées à faible revenu sur dix ont un solde de carte de crédit impayé, ce qui est contraire à une bonne gestion financière.

En résumé, la valeur moyenne du patrimoine des familles occupées à faible revenu dépassait celle pour les autres familles à faible revenu, mais était significativement plus faible que pour les familles occupées et non à faible revenu. Ces différences dans le patrimoine se répercutent-elles sur d'autres indicateurs de la sécurité financière? La section qui suit examine la sécurité financière des familles occupées à faible revenu comparativement aux deux autres groupes.

Les familles occupées à faible revenu sont moins susceptibles d'avoir des retards de paiements que les autres familles à faible revenu

Plus de la moitié de l'ensemble des familles ont indiqué avoir un budget pour le ménage (tableau 3). La proportion de familles occupées à faible revenu ayant indiqué avoir un budget pour le ménage (54 %) était légèrement plus faible que dans les autres groupes. Toutefois, ces familles étaient aussi moins susceptibles d'indiquer ne respecter leur budget que rarement ou jamais (11 %) que l'autre groupe à faible revenu (14 %). Autrement dit, elles réussissaient légèrement mieux à respecter leur budget que les autres familles à faible revenu.

Un peu plus de la moitié des familles occupées à faible revenu ont des dépenses mensuelles inférieures à 2 000 $, comparativement à trois familles sur quatre dans l'autre groupe à faible revenu. En dépit des dépenses plus élevées, une proportion plus faible de familles occupées à faible revenu ont indiqué avoir du retard dans leurs paiements7.

Les familles occupées à faible revenu sont plus susceptibles que les autres familles à faible revenu d'avoir suffisamment d'économies pour s'acquitter de dépenses imprévues

Le fait de disposer d'un fonds de « prévoyance » aide en période de difficulté financière ou lorsque survient une dépense imprévue. Lorsqu'on leur a demandé ce qu'elles feraient advenant une dépense imprévue de 500 $, 46 % des personnes appartenant à une famille occupée à faible revenu ont indiqué qu'elles utiliseraient leurs économies pour s'acquitter de cette dépense (graphique A). Cette proportion est plus élevée que dans l'autre groupe à faible revenu (ne comptant pas de membres occupés), dont moins du tiers utiliserait ses économies pour s'acquitter d'une telle dépense.

Toutefois, si la dépense imprévue était de 5 000 $, la proportion de familles occupées à faible revenu qui utiliseraient leurs économies pour s'en acquitter ne serait que légèrement plus élevée (17 %) que l'autre groupe à faible revenu (14 %) (graphique B).

Les familles occupées à faible revenu seraient moins susceptibles d'emprunter auprès d'amis ou de parents que les autres familles à faible revenu (11 % et 16 %, respectivement), mais une proportion plus élevée utiliserait une marge de crédit ou une carte de crédit (39 % comparativement à 28 %). Pour une dépense imprévue importante, les deux groupes à faible revenu seraient moins susceptibles de se tourner vers leurs amis ou leurs familles pour un prêt. Plus de la moitié des familles occupées à faible revenu emprunteraient plutôt les 5 000 $ d'une marge de crédit ou d'une carte de crédit, comparativement à un peu plus du tiers de l'autre groupe à faible revenu. Les familles non occupées à faible revenu étaient plus susceptibles de déclarer qu'elles ne pourraient payer (52 %) que les familles occupées à faible revenu (30 %).

Les familles occupées à faible revenu sont plus susceptibles de se préparer à la retraite que d'autres familles à faible revenu

Plus de la moitié des familles occupées à faible revenu ont déclaré se préparer financièrement pour la retraite, comparativement à moins du quart des autres familles à faible revenu (tableau 4). Une proportion légèrement plus élevée de familles non occupées à faible revenu que de familles occupées à faible revenu prévoit dépendre des prestations du régime de retraite gouvernemental (86 % et 81 %, respectivement). Toutefois, une proportion plus élevée de familles occupées à faible revenu que d'autres familles à faible revenu incluaient les prestations d'un régime de pension d'employeur dans les sources prévues de revenu à la retraite (44 % et 33 %, respectivement).

Les REER figuraient aussi dans les plans de retraite de nombreuses familles. Les familles occupées à faible revenu étaient plus susceptibles d'inclure des REER (65 %) dans leurs plans de retraite que les autres familles à faible revenu (50 %). Même si les deux groupes à faible revenu avaient moins l'intention d'utiliser des REER à la retraite que les familles occupées qui ne sont pas à faible revenu, les REER ne constituent peut-être pas le meilleur outil d'épargne pour la retraite pour de nombreuses familles à faible revenu. Étant donné que le principal programme de transfert pour les personnes âgées à faible revenu, le Supplément de revenu garanti (SRG), diminue de 50 cents pour chaque dollar de revenu additionnel au-dessus d'un seuil de revenu donné, les avantages de l'investissement dans un REER sont moins grands pour les familles à faible revenu. Des recherches antérieures ont indiqué que les non-épargnants à faible revenu sont peut-être en meilleure situation que ceux qui ont des épargnes modestes, compte tenu des exigences en matière d'admissibilité au SRG en place à ce moment-là (Shillington, 2003).

Le travail pendant les années de retraite représente une autre option. En dépit de différences dans leur situation actuelle, des proportions similaires de personnes de chaque groupe ont déclaré qu'elles compteraient au moins en partie sur des revenus d'emploi à leur retraite, dans une proportion allant de 50 % à 53 %. Même si le travail à la retraite est probablement motivé par des raisons financières, il est de plus en plus répandu, et des études antérieures ont conclu qu'il peut souvent représenter un choix plutôt qu'une nécessité (Hébert et Luong, 2008).

Dans le cas des personnes qui ont indiqué qu'elles ne se préparaient pas financièrement pour la retraite, la raison invoquée le plus fréquemment était « Je ne peux pas me le permettre, mon salaire ou mon revenu est insuffisant ». Les familles occupées à faible revenu étaient les plus susceptibles d'invoquer cette raison (50 %), suivies par le groupe des personnes occupées et non à faible revenu (42 %). Par ailleurs, 40 % du groupe des personnes non occupées à faible revenu ont indiqué « Je n'ai pas d'emploi, je n'ai pas travaillé assez longtemps » comme raison de ne pas se préparer financièrement pour la retraite, comparativement à 14 % du groupe occupé à faible revenu, ce qui constitue un rappel que le concept de retraite est, après tout, lié à une participation à la vie active à long terme.

Lorsqu'on leur a demandé dans quelle mesure les répondants avaient bon espoir que le revenu du ménage à la retraite leur permettrait d'avoir le niveau de vie qu'ils espéraient, peu de familles à faible revenu étaient très confiantes (12 % dans le cas des familles occupées et 14 % pour les familles non occupées). Toutefois, les familles occupées à faible revenu étaient plus susceptibles d'indiquer être assez confiantes que l'autre groupe à faible revenu (38 % par rapport à 28 %). Même si la moitié des familles occupées à faible revenu étaient très confiantes ou assez confiantes quant à la suffisance de leur revenu à la retraite, seulement le quart d'entre elles avaient une bonne idée du montant d'argent dont elles avaient besoin pour maintenir le niveau de vie espéré. Cela tient probablement compte de la gamme de facteurs qui peuvent avoir des répercussions sur la suffisance du revenu à la retraite, ainsi que de la gamme d'opinions à ce sujet.

Conclusion

Outre le revenu, le patrimoine est un indicateur important du bien-être, certains actifs pouvant être convertis en espèces pour les besoins de consommation immédiats, particulièrement en période de difficulté économique. La présente étude a porté sur le patrimoine, la sécurité financière et les plans de retraite des personnes vivant dans des familles occupées à faible revenu, comparativement à celles vivant dans des familles non occupées à faible revenu ou dans des familles occupées et non à faible revenu.

Dans l'ensemble, la valeur du patrimoine des familles occupées à faible revenu était plus élevée que celle des familles non occupées à faible revenu, mais significativement plus faible que celle du groupe occupé et non à faible revenu. Un examen des actifs et des dettes ajoute des nuances à cette constatation. Même si 69 % des familles occupées à faible revenu avaient des dettes, comparativement à 44 % de l'autre groupe à faible revenu, une proportion plus grande de leurs dettes prenait la forme d'hypothèques résidentielles. C'est donc dire qu'une part importante de leurs dettes contribuait aux avantages à long terme de la propriété du logement : valeur du patrimoine plus grande et dépenses de logement plus faibles lorsque l'hypothèque est remboursée. Toutefois, les familles occupées à faible revenu étaient aussi plus susceptibles que l'autre groupe à faible revenu d'avoir des dettes de consommation. Il convient notamment de souligner que 4 familles occupées à faible revenu sur 10 avaient un solde de carte de crédit en souffrance.

Les indicateurs de la sécurité financière font encore une fois ressortir certaines différences entre les familles occupées et non occupées à faible revenu, ainsi que leur situation  par rapport aux familles non à faible revenu. Les familles occupées à faible revenu étaient moins susceptibles de déclarer être en retard dans leurs paiements que les autres familles à faible revenu, en dépit de dépenses plus élevées. Néanmoins, comparativement à l'autre groupe occupé, les familles occupées à faible revenu étaient deux fois plus susceptibles d'être en retard dans leurs paiements.

Un autre indicateur de la sécurité financière est la façon dont les familles abordent une dépense imprévue. Comparativement aux autres familles à faible revenu, une proportion plus faible de familles occupées à faible revenu ont déclaré qu'elles ne seraient pas capables de s'acquitter de la dépense, peu importe si le montant était de 500 $ ou de 5 000 $. Par ailleurs, le groupe occupé à faible revenu était plus susceptible d'utiliser ses économies pour s'acquitter d'une telle dépense que l'autre groupe à faible revenu. Ensemble, ces résultats montrent que les familles occupées à faible revenu étaient susceptibles de se sentir davantage en sécurité financièrement que les autres familles à faible revenu, mais susceptibles de se sentir moins en sécurité que les familles qui n'étaient pas à faible revenu.

La planification de la retraite différait aussi pour les deux groupes à faible revenu. Les familles occupées à faible revenu étaient plus susceptibles d'avoir un plan qui comprend des sources plus diversifiées de revenu que les autres familles à faible revenu. Les familles qui ont une moins grande participation à la vie active sont moins susceptibles d'inclure des régimes de retraite en milieu de travail ou des REER collectifs dans leurs plans. En outre, la planification de la retraite est peut-être une question discutable pour certains, puisque les prestations d'un régime de retraite gouvernemental et les autres transferts aux personnes âgées remplacent une part plus élevée des revenus d'avant la retraite pour ceux qui se situent près du bas de la répartition des revenus (LaRochelle-Côté et coll., 2010).

Sources des données et définitions

L'Enquête canadienne sur les capacités financières (ECCF) est une enquête à participation volontaire qui a été menée en 2009 et qui visait les personnes de 18 ans et plus. Les résidents à temps plein du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut ont été exclus. Étant donné que l'enquête a été menée à partir d'un échantillon de numéros de téléphone, les 8 % de ménages n'ayant pas le téléphone ou ayant uniquement un téléphone cellulaire ont été exclus. Un répondant a été sélectionné dans chaque ménage. L'ECCF met en lumière les connaissances personnelles des répondants, leurs capacités et leurs comportements concernant la prise de décisions financières. Des données sur les actifs, les dettes et l'avoir net de la famille sont aussi disponibles. Même si les réponses au niveau de la famille ne s'appliquent pas à toutes les unités familiales du ménage échantillonné, les données sont pondérées pour représenter toutes les personnes comprises dans la population cible.

Une limite de l'ECCF est le fait que seulement 50 % environ des répondants ont complètement déclaré leurs actifs et leur avoir net. Compte tenu du taux élevé de non-réponse, des estimations biaisées des différences de patrimoine entre les groupes sont possibles. Avant 2009, les données les plus récentes sur les actifs et les dettes avaient été recueillies dans le cadre de l'Enquête sur la sécurité financière (ESF) de 2005. Même si le nombre de réponses à l'ESF de 2005 a été moins élevé que le nombre de réponses à l'ECCF (6 000 comparativement à 15 500), les taux de réponse aux questions sur le patrimoine étaient plus élevés et les données manquantes ont été imputées. L'ESF fournit donc une source pratique pour la validation des estimations de l'ECCF, même si la taille de son échantillon limite la précision des estimations pour les groupes de population plus petits. Ainsi, les totalisations de l'actif et de la dette ont été reprises au moyen de l'ESF de 2005. Les résultats présentés dans le présent article sont essentiellement les mêmes pour chaque enquête, même si de nombreuses estimations ont différé de niveau. Ainsi, l'ECCF permet de déterminer les différences statistiquement significatives entre les actifs et les dettes des groupes, même si les niveaux peuvent être biaisés et ne devraient pas être utilisés pour inférer des tendances par rapport à l'ESF de 2005 (ou de 1999).

La population cible de cette étude comprend les personnes de 25 à 64 ans. Les étudiants sont exclus. La population cible se divise en quatre groupes :

  • les personnes des familles occupées à faible revenu
  • les personnes des familles non occupées à faible revenu
  • les personnes des familles occupées et non à faible revenu
  • les personnes des familles non occupées et non à faible revenu.

La population cible comprenait 10 875 répondants et représentait plus de 18 millions de personnes en 2009. L'échantillon des personnes vivant dans des familles occupées à faible revenu s'établissait à 1 010. Seulement les trois premiers groupes sont examinés dans l'analyse principale.

Le groupe occupé à faible revenu doit être défini dans le contexte du ménage et de la famille, le revenu du ménage servant à déterminer la situation de faible revenu du groupe, et la famille servant à déterminer le statut occupé ou non occupé. Une famille occupée est définie comme une famille dont au moins un membre est occupé. Par conséquent, une personne vivant dans une famille occupée à faible revenu n'est pas nécessairement occupée elle-même. Les actifs et les dettes sont aussi déclarés au niveau de la famille dans l'ECCF. Ainsi, les principales unités d'analyse du présent rapport sont définies selon des concepts de la famille. Par ailleurs, on utilise la personne de référence du ménage plutôt que la famille comme unité d'analyse dans l'ECCF, et les questions relatives à la sécurité financière sont posées à cette personne. De plus, la Mesure de faible revenu (MFR) utilise aussi le revenu du ménage ajusté qui est observé au niveau de la personne8. Par conséquent, la présente étude examine de façon plus précise les « personnes vivant dans des familles occupées à faible revenu » plutôt que les « familles occupées à faible revenu » ou les « personnes occupées à faible revenu ». Toutefois, pour plus de simplicité, le présent document désigne les « personnes vivant dans des familles occupées à faible revenu » comme des « familles occupées à faible revenu » et fait de même pour les groupes de comparaison9. Voir l'annexe pour une comparaison des faibles revenus calculés en utilisant l'ECCF et l'EDTR.

Le patrimoine (avoir net) est défini comme la différence entre les actifs d'une famille et ses dettes totales. La valeur des pensions d'employeur et l'admissibilité future à la sécurité sociale des programmes gouvernementaux, comme la Sécurité de la vieillesse, le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec, ne sont pas incluses, ces données n'étant pas recueillies dans le cadre de l'ECCF.

Annexe
Comparaisons de la définition de l'emploi et du faible revenu entre l'EDTR et l'ECCF

À partir de l'ECCF, le statut d'emploi des particuliers est déterminé au moyen de la variable LF_Q01, qui porte sur le statut d'emploi du répondant. Les répondants sont étiquetés comme occupés s'ils indiquent être actuellement employés ou travailleurs autonomes (peu importe le nombre d'heures de travail par semaine). De plus, la variable LF_Q05 est utilisée d'une manière similaire pour déterminer la situation d'emploi du conjoint.

Dans la présente étude, la situation de faible revenu est définie selon l'ajustement du revenu total auto-déclaré du ménage avant impôt avec la racine carrée de la taille du ménage10. Le seuil de faible revenu pour 200811 s'établissait à 21 189 $12 et sert à déterminer si les familles sont à faible revenu. Celles dont le revenu total ajusté du ménage13 avant impôt était inférieur au seuil de la MFR sont étiquetées comme étant à faible revenu. Enfin, les personnes sont réparties entre les personnes occupées à faible revenu, les personnes non occupées à faible revenu ou les personnes occupées et non à faible revenu, selon leur statut d'emploi et leur situation de faible revenu.

Deux définitions de l'emploi, à partir de l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) de 2008, sont utilisées pour la comparaison avec l'ECCF. Auparavant, Fleury et Fortin (2006) déterminaient que 910 heures étaient le seuil pour les personnes occupées. Selon eux, une personne (ou son conjoint ou sa conjointe) devrait travailler au moins la moitié de l'année pour être considérée comme occupée. Toutefois, les données sur les heures de travail ne sont pas disponibles dans l'ECCF, ce qui fait que l'on a utilisé une autre définition, à savoir que la personne (ou son conjoint) était occupée au moment de l'enquête.

Les résultats montrent que la proportion de personnes occupées estimée au moyen de l'ECCF se situe entre les deux estimations de l'EDTR (tableau 5). Les estimations du faible revenu à partir des deux enquêtes sont très proches, celle de l'ECCF étant plus élevée d'un point de pourcentage.

La proportion de personnes vivant dans des familles occupées à faible revenu dans l'ECCF correspond à l'estimation des heures positives dans l'EDTR (9 %). Les estimations de l'ECCF pour tous les autres groupes se situent quelque part entre les deux définitions de l'EDTR.

Globalement, la proportion selon la situation d'emploi et le statut de faible revenu estimée au moyen de l'ECCF est comparable à celle des deux mesures découlant de l'EDTR. Un examen plus étroit du profil de l'échantillon selon le type de famille montre des répartitions similaires entre la définition auto-déclarée de l'EDTR et la définition de l'ECCF. Par conséquent, les échantillons sont suffisamment uniformes entre les deux enquêtes pour conclure que l'ECCF représente de façon précise le groupe occupé à faible revenu.


Notes

  1. Estimation à partir de la mesure de faible revenu (MFR) de l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu de 2008. La MFR est définie comme correspondant à 50 % de la médiane du revenu du ménage ajusté sur la population des personnes.
  2. À partir de l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu de 2008, la proportion des personnes à faible revenu qui appartenaient à une famille occupée est fondée sur la définition d'une famille occupée, à savoir que la personne de référence ou le conjoint a été occupé un minimum de 910 heures pendant l'année de référence (Fleury et Fortin, 2006). Cette proportion passe à 51 % de toutes les familles lorsque l'on inclut tous ceux qui ont travaillé, peu importe le nombre d'heures.
  3. Dans le cadre d'études antérieures, on a utilisé le terme « travailleur pauvre ». Statistique Canada ne mesure pas la pauvreté mais le faible revenu.
  4. Les différences entre les groupes en ce qui concerne les actifs et les dettes allaient dans la même direction et étaient statistiquement significatives dans les deux enquêtes, mais variaient de niveau. Il n'y a pas de modèle clair des différences de niveau entre l'ESF et l'ECCF, celles-ci étant négatives dans certains cas et positives dans d'autres.
  5. Une personne a été définie comme vivant dans une famille occupée si le répondant et/ou son conjoint étaient occupés au moment de l'enquête.
  6. Morissette et coll. (2002) ont utilisé la même définition du patrimoine que celle de la présente étude. Toutefois, il n'a pas été possible d'examiner le « patrimoine financier » à partir des données de l'ECCF, la valeur nette de la résidence et les capitaux propres dans une entreprise ne pouvant être distingués de la valeur totale des actifs.
  7. Dans le cadre de l'ECCF, on a demandé aux répondants s'ils accusaient du retard pour divers paiements pendant deux mois consécutifs ou plus.
  8. Auparavant, la MFR estimait la médiane sur la population des familles. Toutefois, elle a été révisée et permet maintenant d'estimer la médiane sur la population des personnes. La MFR est donc définie comme correspondant à 50 % de la médiane du revenu du ménage ajusté observé au niveau de la personne (Murphy et coll., 2010).
  9. Les personnes vivant dans les familles à faible revenu non occupées peuvent être désignées comme « les familles non occupées à faible revenu » ou « l'autre groupe à faible revenu ». Les personnes vivant dans des familles occupées qui ne sont pas à faible revenu peuvent être désignées comme « les familles occupées et non à faible revenu » ou « l'autre groupe occupé ».
  10. En 2010, l'échelle d'équivalence a été modifiée. Auparavant, un poids était attribué selon l'âge et le nombre de membres de la famille. Maintenant, elle est simplement déterminée par la racine carrée de la taille de la famille (Murphy et coll., 2010).
  11. Même si l'ECCF a été menée en 2009, le revenu correspond à celui de 2008.
  12. La MFR est définie comme correspondant à 50 % de la médiane du revenu du ménage ajusté sur la population des personnes. Dans l'analyse, le seuil de la MFR pour 2008 (21 189 $) a servi à déterminer si une personne était à faible revenu. Ce seuil a été calculé à partir des données sur le revenu de l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu et se trouve dans le tableau CANSIM 202-0808. Même si l'ECCF a été mené en 2009, l'année de référence pour les données sur le revenu est 2008. Par conséquent, on a utilisé le seuil de la MFR de 2008.
  13. Un autre changement apporté à la MFR est l'utilisation du revenu du ménage plutôt que du revenu de la famille économique (Murphy et coll., 2010).

Documents consultés

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Auteur

May Luong travaille à la Division de la statistique du travail. On peut la joindre au 613-951-6014 ou à l'adresse suivante: perspective@statcan.gc.ca.