évaluation de la validité de la situation d'usage du tabac autodéclarée

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Par Suzy L. Wong, Margot Shields, Scott Leatherdale, Eric Malaison et David Hammond

Les risques que pose l'usage de la cigarette pour la santé sont bien établis : cancer, maladie respiratoire, maladie cardiaque et accident vasculaire cérébral1-3. Au Canada, l'usage du tabac est associé à plus de 37 000 décès par année4. Chaque année, les dépenses en soins de santé liées au tabagisme s'élèvent à plusieurs milliards de dollars, auxquels viennent s'ajouter des coûts indirects, occasionnés, par exemple, par la perte de productivité, l'incapacité de longue durée et le décès prématuré4.

On se sert habituellement de données autodéclarées pour suivre les tendances de l'usage de la cigarette5-7. Cependant, les estimations fondées sur des autodéclarations, particulièrement celles concernant des comportements socialement indésirables, sont sujettes à un biais de déclaration8. L'application généralisée de lois interdisant l'usage du tabac dans les lieux de travail et les lieux publics9, ainsi que les mises en garde bien en vue sur les paquets de cigarettes renforcent peut-être la perception que l'usage du tabac est un comportement socialement indésirable, ce qui pourrait accentuer les tendances à la sous-déclaration au cours du temps.

Pour vérifier la validité de la situation d'usage du tabac autodéclarée, d'aucuns ont évalué la concentration de cotinine urinaire, une mesure objective largement reconnue de l'exposition à la fumée de tabac10. La cotinine, qui est le principal métabolite de la nicotine, possède une demi-vie d'environ 16 à 20 heures11. En raison de sa sensibilité et de sa spécificité élevées, elle est considérée fournir une mesure quantitative exacte de l'exposition récente à la fumée de tabac12. Comparativement aux estimations de la prévalence de l'usage du tabac fondées sur les concentrations de cotinine, les estimations fondées sur des données autodéclarées sont généralement plus faibles13, bien que l'ampleur de l'écart varie selon le pays14.

La validité des données autodéclarées sur la consommation de la cigarette n'a toujours pas été établie pour le Canada. Ainsi, dans la présente étude, nous comparons les estimations de la prévalence de l'usage de la cigarette fondées sur des données autodéclarées avec les estimations fondées sur les concentrations de cotinine urinaire.  Les données proviennent de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé réalisée de 2007 à 2009, dans le cadre de laquelle on a recueilli des données sur la situation d'usage du tabac autodéclarée et effectué des mesures de la concentration de cotinine urinaire pour la première fois représentatives de la population nationale.

Méthodes

Source des données

L'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) est une enquête représentative de la population à domicile nationale du Canada. Les données pour le premier cycle ont été recueillies de mars 2007 à février 2009, dans 15 emplacements répartis à travers le pays, auprès de personnes de 6 à 79 ans. Étaient exclus du champ d'observation les membres à temps plein des Forces canadiennes, les habitants des terres de la Couronne, des réserves indiennes et de certaines régions éloignées, ainsi que les personnes vivant en établissement. L'échantillon représentait environ 96 % de la population15.

L'ECMS comportait une entrevue à domicile au cours de laquelle étaient recueillis des renseignements portant sur les caractéristiques sociodémographiques, la santé et le mode de vie. L'entrevue était suivie d'une visite dans un centre d'examen (clinique) mobile où des mesures directes ont été prises, et des échantillons d'urine, prélevés.

Des ménages sélectionnés pour faire partie de l'échantillon de l'enquête, 69,6 % ont accepté de participer. Une ou deux personnes pouvaient répondre pour chaque ménage répondant. De celles-ci, 88,3 % ont répondu au questionnaire du ménage et, de ce groupe, 84,9 % ont visité le centre d'examen mobile. Le taux de réponse global après correction pour tenir compte de la stratégie d'échantillonnage a été de 51,7 %. Dans le cas des adultes de 20 à 79 ans, le taux de réponse global a été de 50,9 % et, dans celui des jeunes de 12 à 19 ans, de 52,7 %. En tout, 4 530 personnes de 12 à 79 ans ont participé au volet du centre d'examen mobile de l'ECMS.

L'approbation déontologique pour l'ECMS a été accordée par le Comité d'éthique de la recherche de Santé Canada. Les participants à l'enquête ont donné leur consentement éclairé par écrit. La participation était volontaire; les participants pouvaient se retirer de l'enquête à n'importe quel moment. D'autres renseignements sur l'enquête figurent dans des documents déjà publiés16-20 et sur le site Web de Statistique Canada ().

Au cours de l'entrevue à domicile, on a demandé aux participants si, à l'heure actuelle, ils fumaient la cigarette, soit quotidiennement, à l'occasion ou jamais. On leur a également demandé s'ils avaient fumé le cigare ou la pipe ou utilisé du tabac à priser ou à mâcher au cours du mois précédent. Pour favoriser l'obtention de déclarations exactes, on a demandé aux parents ou tuteurs des participants de 12 à 19 ans de quitter la pièce avant que ne soient posées des questions traitant de sujets délicats, dont l'usage du tabac.

On a demandé aux participants à l'enquête s'ils avaient consommé des médicaments prescrits ou en vente libre le mois précédent. Au centre d'examen mobile, on leur a demandé de confirmer la liste des médicaments qu'ils avaient déjà déclaré prendre, de déclarer tout autre médicament qu'ils prenaient et d'indiquer la dernière occasion de consommation de chacun. Les numéros d'identification des médicaments (DIN) ont été recueillis et codés conformément au Système de classification anatomique, thérapeutique et clinique (ATC). Le code N07BA01 sous ce système renvoie à des médicaments dont la nicotine est un ingrédient actif21. Ainsi, les produits qui aident à renoncer au tabac (timbres, gommes et aérosols à la nicotine) et dont la nicotine est l'ingrédient actif portent ce code.

Au commencement de l'entrevue à domicile, on a expliqué aux participants qu'ils devraient fournir des mesures directes ainsi que des échantillons d'urine lors de leur visite à la clinique mobile et on leur a donné la liste des analyses biologiques prévues. Cependant, on ignore s'ils savaient que les résultats du test de mesure de la cotinine pouvaient être utilisés pour évaluer leur situation d'usage du tabac.

Analyse de la cotinine urinaire

Lors de la visite à la clinique mobile (de un jour à six semaines, ou 13 jours en moyenne, après l'entrevue à domicile), chaque participant à l'enquête fournissait sur place un échantillon d'urine mi-jet, qui a été recueilli dans un contenant de 120 mL. Les échantillons ont été congelés à ­20 °C et expédiés sur glace carbonique au laboratoire d'analyse de l'Institut national de santé publique du Québec (accréditation ISO 17025). La cotinine libre a été récupérée par extraction en phase solide sur des plaques 96 puits dans un poste robotisé automatique22. La cotinine deutérée a été utilisée comme étalon interne. L'extrait a de nouveau été dissous dans 250 µL de phase mobile, et 10 µL ont été injectés dans l'appareil de chromatographie liquide ultra performance couplé à un spectromètre de masse en tandem, utilisé en mode MRM avec une source d'ions en électronébulisation positive. La limite de détection était de 1,1 µg/L. Le programme d'assurance de la qualité au centre d'examen mobile et au laboratoire d'analyse est décrit dans un autre article20.

Analyse statistique

Certaines exclusions étaient nécessaires pour permettre la comparaison des données autodéclarées sur la situation d'usage du tabac et celles calculées d'après les concentrations de cotinine urinaire. Ont été exclus des analyses les participants à l'enquête :

  • dont le résultat d'analyse de la cotinine n'était pas valide (p. ex. dans le cas d'une récolte insuffisante d'urine ou d'un refus de fournir un échantillon) (n=48);
  • qui ont déclaré prendre un médicament dont la nicotine était un ingrédient actif (code N07BA01 de l'ATC) au cours du mois précédent (n=4);
  • qui ont déclaré avoir fumé le cigare ou la pipe, ou utilisé du tabac à priser ou à mâcher (n=258).

Les deux dernières catégories d'exclusion étaient nécessaires pour empêcher que soient comptées parmi les fumeurs les personnes ayant déclaré ne pas fumer la cigarette, mais dont la concentration de cotinine était élevée à cause de l'usage d'autres produits contenant de la nicotine. Au total, sur les 4 530 personnes de 12 à 79 ans qui ont participé au volet de la clinique mobile de l'ECMS, 307 cas ont été exclus, ce qui a donné un échantillon définitif de 4 223 personnes pour l'étude (trois enregistrements ont été marqués pour exclusion pour plus d'une raison.)

Dans le cas de la situation d'usage du tabac autodéclarée, ont été classés dans la catégorie des fumeurs les participants qui ont déclaré fumer actuellement la cigarette, soit « quotidiennement » ou « à l'occasion ». Dans le cas de la situation d'usage du tabac fondée sur les concentrations de cotinine urinaire, ont été classés dans la catégorie des fumeurs les participants dont la concentration était supérieure à 50 ng/mL. Il s'agit du seuil d'inclusion recommandé par la Society for Research on Nicotine and Tobacco et qui permet de distinguer les utilisateurs de tabac des non-utilisateurs, y compris les non-utilisateurs exposés à la fumée secondaire23. Il est fort peu probable que l'on observe des concentrations dépassant ce seuil chez les non-utilisateurs, même lorsque exposés régulièrement à la fumée secondaire23,24.

Nous avons calculé la corrélation entre la prévalence de l'usage du tabac autodéclaré et celle fondée sur les concentrations de cotinine. Afin d'évaluer l'exactitude de la situation d'usage du tabac autodéclarée, nous avons calculé la sensibilité et la spécificité. La sensibilité est le pourcentage de vrais positifs (pourcentage de participants ayant déclaré être des fumeurs qui ont été classés comme tels en se fondant sur les concentrations de cotinine). La spécificité est le pourcentage de vrais négatifs (pourcentage de participants ayant déclaré être des non-fumeurs qui ont été classés comme tels en se basant sur les concentrations de cotinine).

Nous avons comparé les taux de prévalence de l'usage du tabac autodéclaré selon l'ECMS et selon d'autres enquêtes de Statistique Canada dans le cadre desquelles des données sur l'usage du tabac sont recueillies. Afin d'établir des comparaisons significatives, il a fallu calculer la prévalence de l'usage du tabac pour l'échantillon complet de l'ECMS (n=4 530) sans tenir compte des exclusions dans les analyses de sensibilité et de spécificité. Les taux de prévalence de l'usage du tabac calculés pour l'échantillon complet de l'ECMS sont présentés au tableau A en annexe.

Tableau A Prévalence de la consommation de la cigarette fondée sur des données autodéclarées, selon le groupe d'âge et le sexe, population à domicile de 12 à 79 ans, Canada, mars 2007 à février 2009Tableau A Prévalence de la consommation de la cigarette fondée sur des données autodéclarées, selon le groupe d'âge et le sexe, population à domicile de 12 à 79 ans, Canada, mars 2007 à février 2009

Les résultats sont présentés globalement, selon le groupe d'âge (12 à 19 ans, 20 à 79 ans) et le sexe. Les analyses ont été exécutées en SAS et SUDAAN. Les erreurs types, les coefficients de variation et les intervalles de confiance à 95 % ont été calculés par la méthode du bootstrap25,26 à partir des poids de rééchantillonnage fournis dans le fichier de données. Le nombre de degrés de liberté a été fixé à 11 pour tenir compte du plan de sondage15. La signification statistique des écarts entre les estimations a été testée au seuil de signification de p<0,05. D'autres renseignements sur les niveaux de cotinine mesurés lors de l'ECMS, la moyenne arithmétique, la moyenne géométrique et les centiles de distribution de la cotinine urinaire, sont présentés globalement, selon le groupe d'âge et le sexe, et pour les fumeurs et les non-fumeurs, respectivement, dans un document déjà publié27 et sur le site Web de Santé Canada (http://www.hc-sc.gc.ca).

Résultats

Prévalence de l'usage du tabac : autodéclarations ou mesure de la cotinine urinaire

D'après les données de l'ECMS, la prévalence de l'usage du tabac était de 18,8 % en se fondant sur les autodéclarations et de 19,1 % en se fondant sur les concentrations de cotinine urinaire (tableau 1). Les écarts entre les estimations de la prévalence fondées sur les données autodéclarées et sur les concentrations de cotinine ne sont significatifs pour aucun des groupes âge-sexe. Les résultats des corrélations indiquent une forte concordance entre la situation d'usage du tabac autodéclarée et celle reposant sur l'analyse de la cotinine (r=0,90, p<0,001).

Tableau 1 Prévalence de la consommation de la cigarette fondée sur les données autodéclarées et sur les concentrations de cotinine urinaire, selon le sexe et le groupe d'âge, population à domicile de 12 à 79 ans, Canada, mars 2007 à février 2009Tableau 1 Prévalence de la consommation de la cigarette fondée sur les données autodéclarées et sur les concentrations de cotinine urinaire, selon le sexe et le groupe d'âge, population à domicile de 12 à 79 ans, Canada, mars 2007 à février 2009

Exactitude de la situation d'usage du tabac autodéclarée

La valeur de sensibilité pour la situation d'usage du tabac autodéclarée est de 91,6 % (tableaux 2 et 3). Autrement dit, parmi les personnes classées comme étant des fumeurs d'après leur concentration de cotinine urinaire, 91,6 % avaient déclaré fumer la cigarette et 8,4 % ont été classées incorrectement puisqu'elles avaient déclaré ne pas fumer la cigarette. Pour les cas classés incorrectement, la concentration moyenne de cotinine est de 615,7 ng/mL (IC à 95 % : 427,5 à 803,8), soit beaucoup plus faible que pour les cas classés correctement (1 239,4 [IC à 95 % : 1 100,2 à 1 378,7]). Parmi les cas classés erronément, un pourcentage élevé de personnes (74,7 % [IC à 95 % : 54,6 à 87,9]) avait déclaré être d'anciens fumeurs. Dans la majorité des cas (60 %), elles avaient déclaré avoir arrêté de fumer au cours des cinq dernières années, et dans près de la moitié des cas (48 %), au cours des deux dernières années.

Tableau 2 Exactitude de la classi?cation de la situation d'usage du tabac fondée sur des données autodéclarées, population à domicile de 12 à 79 ans, Canada, mars 2007 à février 2009Tableau 2 Exactitude de la classification de la situation d'usage du tabac fondée sur des données autodéclarées, population à domicile de 12 à 79 ans, Canada, mars 2007 à février 2009

Tableau 3 Valeurs de la sensibilité et de la spéci?cité de la situation d'usage du tabac autodéclarée, selon le sexe et le groupe d'âge, population à domicile de 12 à 79 ans, Canada, mars 2007 à février 2009Tableau 3 Valeurs de la sensibilité et de la spécificité de la situation d'usage du tabac autodéclarée, selon le sexe et le groupe d'âge, population à domicile de 12 à 79 ans, Canada, mars 2007 à février 2009

Les valeurs de la sensibilité sont les mêmes pour les hommes et les femmes. Et même si la sensibilité a tendance à être plus faible pour les 12 à 19 ans que pour les 20 à 79 ans, l'écart n'est pas statistiquement significatif.

La valeur de spécificité pour la situation d'usage du tabac autodéclaré est de 98,3 %, ce qui signifie que 1,7 % des personnes classées comme des non-fumeurs en fonction de leur concentration de cotinine urinaire avaient déclaré fumer la cigarette. De celles-ci, la majorité (89 %) avait déclaré fumer à l'occasion. Parmi ces fumeurs occasionnels, la plupart (82 %) avaient déclaré avoir fumé dix jours ou moins au cours du mois précédent et environ la moitié (51 %) avaient déclaré fumer habituellement une seule cigarette les jours où ils fumaient.

Discussion

La présente étude est la première étude canadienne à évaluer la validité des estimations de la prévalence de l'usage de la cigarette fondées sur des autodéclarations. La concentration de cotinine urinaire, mesurée dans le cadre de l'ECMS, a fourni un biomarqueur de l'exposition à la fumée de tabac à partir duquel valider la situation d'usage du tabac autodéclarée. Les résultats indiquent que les estimations de la prévalence de l'usage du tabac fondées sur des données autodéclarées sont très proches des estimations calculées en se basant sur les concentrations de cotinine.

Le taux de prévalence de l'usage du tabac autodéclaré était inférieur de 0,3 point de pourcentage à celui fondé sur les concentrations de cotinine. Ce résultat est en harmonie avec ceux observés aux États-Unis, où il était inférieur de 0,6 point de pourcentage au taux de prévalence fondé sur  les concentrations de cotinine14. En Angleterre et en Pologne, il était inférieur de 2,8 et de 4,4 points de pourcentage, respectivement14. La forte corrélation et l'absence d'écarts statistiquement significatifs entre les taux de prévalence de l'usage du tabac fondés sur des données autodéclarées et sur les concentrations de cotinine qui se dégagent de la présente étude donnent à penser que les données autodéclarées produisent des estimations valides de la prévalence de l'usage du tabac pour le Canada.

Malgré une valeur de sensibilité élevée (91,6 %), 8,4 % des participants ont été classés comme des « faux négatifs » (c.-à-d. leur concentration de cotinine indiquait qu'ils étaient des fumeurs, bien qu'ils avaient déclaré ne pas fumer). La concentration moyenne de cotinine était beaucoup plus faible parmi les « faux négatifs » (615,7 ng/mL) que parmi les cas classés correctement (1 239,4 ng/mL), ce qui donne à penser que les gros fumeurs sont plus susceptibles que les fumeurs légers de déclarer fumer.

On pourrait raisonnablement s'attendre d'avoir recueilli un certain nombre de fausses déclarations en raison du biais de désirabilité sociale. Même si les parents ou tuteurs des participants de 12 à 19 ans étaient priés de quitter la pièce le moment venu de poser les questions sur l'usage du tabac, certains jeunes pourraient avoir hésité à déclarer qu'ils fumaient, ce qui expliquerait les valeurs de sensibilité plus faibles pour ce groupe d'âge.

Il pourrait toutefois y avoir d'autres raisons pour expliquer certains des faux négatifs. Comme l'a montré une étude antérieure28, un pourcentage significativement plus élevé de faux négatifs correspondait à des cas de personnes ayant déclaré être des anciens fumeurs plutôt que n'avoir jamais fumé, et la majorité de ces anciens fumeurs avaient arrêté de fumer récemment. La rechute est fréquente chez les non-fumeurs récents29 et une rechute au cours de l'intervalle entre l'entrevue à domicile et la visite au centre d'examen mobile aurait placé ces personnes à tort dans le groupe des faux négatifs. De même, le fait d'avoir essayé la cigarette ou de s'être mis à fumer durant cet intervalle pourrait avoir donné lieu à des cas classés erronément comme étant des faux négatifs, particulièrement chez les 12 à 19 ans.

D'autres études ont dégagé des niveaux de sensibilité divers dans les estimations de la prévalence de la situation d'usage du tabac autodéclarée, selon la population étudiée, le type d'échantillon biologique utilisé pour mesurer la cotinine et les seuils d'inclusion des fumeurs13. Comme dans le cas de l'ECMS, il est fréquent que la recherche fasse état de valeurs de sensibilité supérieures à 90 %13, mais les études portant sur les femmes enceintes30 et sur les patients atteints d'une maladie liée au tabac — comme la maladie respiratoire31 ou le cancer32 — ont produit des valeurs plus faibles de la sensibilité.

Un petit pourcentage (1,7 %) de participants ont été classés comme des « faux positifs » (leur concentration de cotinine les plaçait dans la catégorie des non-fumeurs, malgré qu'ils avaient déclaré fumer la cigarette). Presque tous les cas de faux positifs ont indiqué qu'ils fumaient à l'occasion et la plupart ont dit avoir fumé dix jours ou moins au cours du mois qui a précédé l'enquête. Comme la concentration de cotinine est une mesure de l'exposition récente à la fumée de tabac23, il est probable que les niveaux de cotinine chez certains fumeurs occasionnels étaient trop faibles pour les classer dans la catégorie des fumeurs.

Une question importante est celle de savoir dans quelle mesure les résultats de la présente étude s'appliquent aux autres enquêtes de Statistique Canada qui comportent la collecte de données autodéclarées sur l'usage du tabac, telles que l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC)6 et l'Enquête de surveillance de l'usage du tabac au Canada (ESUTC)33. Les participants aux enquêtes sont peut-être plus susceptibles de fournir une déclaration exacte de leur situation d'usage du tabac s'ils savent, ou s'ils croient, qu'ils devront également produire un échantillon biologique aux fins de la détermination de leur situation d'usage du tabac34. Contrairement à l'ECMS, ni l'ESCC ni l'ESUTC ne comportent la récolte d'échantillons biologiques.

D'après l'ECMS, 20 % des Canadiens de 12 à 79 ans ont déclaré être des fumeurs (tableau A en annexe). Selon l'ESCC de 200935, le taux de prévalence de l'usage du tabac fondé sur des autodéclarations chez les personnes de 12 ans et plus était de 20 %. Ces résultats similaires donnent à penser que les données autodéclarées tirées de l'ESCC produisent des estimations exactes de la prévalence de l'usage de la cigarette.

En 2009, la prévalence de l'usage du tabac estimée d'après l'ESUTC était de 18 % chez la population de 15 ans et plus33. Bien que les tendances dégagées de l'ESUTC allaient dans le même sens que pour l'ESCC, les taux d'usage du tabac fondés sur l'ESUTC étaient systématiquement plus faibles5. Toutefois, à la différence de l'ESUTC, qui a été conçue pour permettre la surveillance des taux de prévalence de l'usage du tabac, dans l'ESCC (et l'ECMS), les questions sur l'usage du tabac sont posées dans le contexte d'une enquête générale sur la santé. Une étude menée pour déterminer les raisons des écarts dans la prévalence de l'usage du tabac entre l'ESCC et l'ESUTC laisse entendre que les gens sont plus enclins à parler franchement sur le sujet de l'usage du tabac dans le cadre d'une enquête plus vaste sur la santé36.

Le mode de collecte des données peut également avoir été en partie responsable des différences entre les estimations de la prévalence de l'usage du tabac tirées des différentes enquêtes. Par exemple, l'ESUTC est réalisée entièrement par téléphone, tandis que l'ECMS fait uniquement usage de l'interview sur place et l'ESCC a recours aux deux modes d'interview. Cela étant dit, une étude des effets de l'interview sur place et de l'interview téléphonique a montré que, dans l'ensemble, le mode d'interview n'était pas associé à des différences significatives dans les estimations de la prévalence de l'usage du tabac37.

Limites

Une limite de la présente étude tenait au taux de réponse global à l'ECMS relativement faible (52 %). Même si l'application des poids de sondage a donné un échantillon représentatif de la population cible, les données pourraient être biaisées si les non-répondants différaient systématiquement des répondants quant à leur situation d'usage du tabac et/ou quant à l'exactitude de leurs déclarations concernant celle-ci. Cependant, une comparaison des caractéristiques des personnes qui ont répondu au questionnaire du ménage et des personnes qui ont participé plus tard au volet du centre d'examen mobile a montré que la prévalence de l'usage du tabac était la même pour les deux groupes15. Par ailleurs, la prévalence de l'usage du tabac autodéclaré était la même pour l'ECMS et l'ESCC, cette enquête-ci ayant connu un taux de réponse plus élevé (73 %)6.

La visite au centre d'examen mobile avait lieu, en moyenne, 13 jours après l'entrevue à domicile. Bien que vraisemblablement peu fréquents, les véritables cas de modification du comportement quant à la situation d'usage du tabac durant cet intervalle pourraient avoir fait que certains participants à l'enquête ont été classés à tort comme des « faux négatifs » ou des « faux positifs ».

L'évaluation de la validité de la situation d'usage du tabac autodéclarée à partir des concentrations de cotinine pourrait ne pas convenir dans le cas des fumeurs occasionnels et avoir entraîné la classification erronée de certaines personnes comme des « faux positifs ».

Les petites tailles d'échantillon pour les participants de 12 à 19 ans ont produit une forte variabilité d'échantillonnage. Par conséquent, les résultats pour ce groupe d'âge doivent être interprétés avec prudence. En raison des petites tailles d'échantillon, peut-être, la faible valeur de sensibilité observée chez le plus jeune des groupes n'était pas statistiquement significative. À mesure que se dérouleront d'autres cycles de l'ECMS, il sera possible d'obtenir des tailles d'échantillon plus importantes et de produire des estimations plus fiables.

Conclusion

L'analyse de données représentatives de la population canadienne n'a révélé aucun écart significatif entre les estimations nationales de la prévalence de l'usage du tabac fondées sur les autodéclarations et celles fondées sur les concentrations de cotinine urinaire. Cela donne à penser que les données autodéclarées sur l'usage du tabac produisent des estimations valides de la prévalence de l'usage du tabac au Canada.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier Tracey Bushnik et Johanne Lévesque, de Statistique Canada, pour leur concours à la réalisation de l'étude. Scott Leatherdale est titulaire d'une chaire de recherche d'Action Cancer Ontario en étude des populations.