Obésité abdominale et facteurs de risque de maladie cardiovasculaire à l'intérieur des catégories d'indice de masse corporelle

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Par Margot Shields, Mark S. Tremblay, Sarah Connor Gorber et Ian Janssen

C'est un fait bien établi qu'un indice de masse corporelle (IMC) élevé intervient dans l'étiologie des maladies cardiovasculaires (MCV)1. Mais si l'IMC est beaucoup utilisé pour la surveillance de la prévalence de l'obésité, il ne renseigne aucunement sur la répartition de la masse adipeuse. Selon certaines études, les mesures de l'obésité abdominale, notamment la circonférence de la taille et le rapport taille/hanches — et plus récemment le rapport taille/grandeur —, sont associées plus étroitement à la morbidité et à la mortalité liées aux MCV que ne l'est l'IMC2-5. Toutefois, les revues de la littérature menées pour déterminer quelle mesure de l'adiposité est le plus fortement liée aux MCV ont donné des résultats incohérents2-4,6-11.

Bien qu'un système de classification selon l'IMC ait été élaboré et utilisé à grande échelle pour classer les adultes dans des catégories de poids en fonction des risques pour la santé1,12,13, un rapport publié récemment par l'Organisation mondiale de la Santé recommande que l'on mesure l'obésité abdominale lorsqu'il est possible de le faire et que l'on conjugue ces mesures-là à l'IMC pour évaluer et prédire le risque de maladie14. En effet, plusieurs organismes recommandent d'utiliser la mesure de la circonférence de la taille à l'intérieur des catégories d'IMC pour classer les risques pour la santé liés à l'obésité1,12,13,15. Plus précisément, les seuils de circonférence de la taille de 102 cm (40,2 pouces) et de 88 cm (34,6 pouces), chez les hommes et chez les femmes, respectivement, servent à signaler un risque élevé pour la santé à l'intérieur des catégories d'IMC du poids normal, de l'embonpoint et de l'obésité.

Selon des données récentes16, le phénotype de l'obésité chez les Canadiens a évolué au cours des trois dernières décennies, les courbes de distribution de la circonférence de la taille, du rapport taille/hanches et du rapport taille/grandeur à l'intérieur des catégories d'IMC s'étant déplacées vers des valeurs plus élevées17. Cette évolution pourrait avoir influé sur le degré d'association entre les mesures de l'obésité abdominale et les facteurs de risque de MCV à l'intérieur des catégories d'IMC , en particulier celles du poids normal et de l'obésité. Par exemple, le pourcentage de Canadiennes ayant un poids normal qui, selon la circonférence de la taille, courent un risque élevé pour la santé est passé d'une valeur presque nulle à 3,8 % au cours des trois dernières décennies17. Chez les personnes de la catégorie d'obésité de classe I, la circonférence de la taille a tellement augmenté qu'elles courent actuellement presque toutes (84 % des hommes et 94 % des femmes) un risque élevé pour la santé d'après cette mesure.

Fondée sur des données provenant de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé réalisée de 2007 à 2009, la présente étude porte sur les associations entre les mesures de l'obésité abdominale et les facteurs de risque de MCV à l'intérieur des catégories d'IMC chez les adultes de 18 à 79 ans. Les mesures de l'obésité abdominale considérées sont la circonférence de la taille, le rapport taille/hanches (RTH) et le rapport taille/grandeur (RTG). Les facteurs de risque de MCV font partie du syndrome métabolique (un groupe de facteurs de risque qui prédisposent à la maladie cardiovasculaire et au diabète de type 2) : une tension artérielle élevée, une triglycéridémie élevée, une glycémie élevée et un taux réduit de cholestérol à lipoprotéines de haute densité (HDL).

Méthodes

Source des données

L'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) est une enquête représentative de la population à domicile nationale18-20. Dans le cadre du premier cycle, les données ont été recueillies à 15 emplacements au Canada de mars 2007 à février 2009 auprès des personnes de 6 à 79 ans. Les membres à temps plein des Forces canadiennes, les habitants des réserves indiennes, des terres de la Couronne et de certaines régions éloignées, ainsi que les personnes vivant en établissement ont été exclus de l'étude. L'échantillon représentait environ 96 % de la population21.

L'enquête comprenait une entrevue à domicile qui permettait de recueillir des renseignements sur les caractéristiques sociodémographiques, la santé et le mode de vie, ainsi qu'une visite à un centre d'examen mobile, où des mesures physiques ont été prises, dont la détermination de la composition corporelle, la mesure de la tension artérielle et le prélèvement d'échantillons de sang.

Des ménages sélectionnés pour l'enquête, 69,6 % ont accepté de participer. Dans chaque ménage répondant, on a choisi une ou deux personnes pour participer à l'enquête; parmi ces personnes, 88,3 % ont répondu au questionnaire sur le ménage et, de celles-ci, 84,9 % ont participé par la suite au volet qui se déroulait au centre d'examen mobile. Le taux de réponse final, corrigé pour tenir compte de la stratégie d'échantillonnage, a été de 51,7 %21.

Des échantillons de sang ont été prélevés au centre d'examen mobile. Environ la moitié des participants ont été choisis au hasard pour fournir des échantillons de sang à jeun. Comme certains des facteurs de risque de MCV examinés dans l'étude doivent être évalués au moyen d'échantillons de sang à jeun, les estimations sont fondées sur le sous échantillon des personnes qui avaient jeûné. Le taux de réponse combiné global pour ce sous échantillon a été de 46,3 %. Les poids d'échantillonnage fournis pour ce sous échantillon comprenaient une correction pour tenir compte de la probabilité d'être choisi pour faire partie du sous échantillon, une correction de la non réponse (fondée sur les caractéristiques disponibles pour les participants par opposition aux non-participants à cette composante de l'enquête), ainsi qu'un calage afin que les estimations pondérées soient représentatives de la population canadienne, selon le sexe, le groupe d'âge et la région géographique21.

L'étude porte sur les personnes de 18 à 79 ans qui faisaient partie du sous échantillon des personnes à jeun. Même si le rapport entre les mesures de l'adiposité et les facteurs de risque de MCV s'atténue avec l'âge, une association significative persiste22 et, par conséquent, les personnes de 65 à 79 ans ont été incluses dans les analyses. Les femmes enceintes et les personnes dont le poids était insuffisant, selon leur IMC (inférieur à 18,5 kg/m2), sont exclues. Douze enregistrements pour lesquels manquaient des valeurs liées aux variables anthropométriques ou aux facteurs de risque ont été supprimés. Cela a donné, en dernière analyse, 1 760 participants (846 hommes et 914 femmes).

Mesures

Variables du risque pour la santé associé à l'adiposité

Le poids a été mesuré à 0,1 kg près et la taille (grandeur), à 0,1 cm près. La circonférence de la taille a été mesurée à 0,1 cm près à la fin d'une expiration normale au point médian entre la dernière côte flottante et le haut de la crête iliaque1,23. La circonférence des hanches a été mesurée à la hauteur de la symphyse pubienne et de la circonférence maximale des hanches ou des fesses23.

L'indice de masse corporelle est calculé en divisant le poids exprimé en kilogrammes par le carré de la taille exprimée en mètres (kg/m2); le rapport taille/hanches correspond à la circonférence de la taille en centimètres divisé par la circonférence des hanches en centimètres, et le rapport taille/grandeur, à la circonférence de la taille en centimètres divisé par la taille (grandeur) en centimètres.

En se fondant sur les seuils recommandés par l'Organisation mondiale de la Santé1, Santé Canada12 et Obésité Canada13, les 1 760 participants à l'ECMS sur lesquels porte la présente analyse ont été répartis en cinq catégories de risque pour la santé en fonction de l'IMC (kg/m2), à savoir :

  • poids normal (IMC de 18,5 à 24,9 kg/m2)
  • embonpoint (IMC de 25,0 à 29,9 kg/m2)
  • obésité, classe I (IMC de 30,0 à 34,9 kg/m2)
  • obésité, classe II (IMC de 35,0 à 39,9 kg/m2)
  • obésité, classe III (IMC de 40,0 kg/m2 et plus)

et en trois catégories de risque pour la santé en fonction de la circonférence de la taille (cm) :

  • risque faible (93,9 cm et moins pour les hommes; 79,9 cm et moins pour les femmes);
  • risque accru (94,0 cm à 101,9 cm pour les hommes; 80,0 cm à 87,9 cm pour les femmes);
  • risque élevé (102,0 cm et plus pour les hommes; 88,0 cm et plus pour les femmes).

Les participants à l'enquête ont également été classés comme courant un risque accru/élevé d'après le rapport taille/hanches (0,9 cm et plus pour les hommes; 0,85 cm et plus pour les femmes)14 et le rapport taille/grandeur (0,5 cm et plus pour les membres des deux sexes)6. Les tailles d'échantillon pour les variables du risque pour la santé associé à l'adiposité sont présentées au tableau 1.

Tableau 1 Tailles d'échantillon pour les variables du risque pour la santé associé à l'adiposité, selon le sexe, population à domicile de 18 à 79 ans, Canada, 2007-2009Tableau 1 Tailles d'échantillon pour les variables du risque pour la santé associé à l'adiposité, selon le sexe, population à domicile de 18 à 79 ans, Canada, 2007-2009

Variables du risque de maladie cardiovasculaire

Les facteurs de risque de MCV sont des éléments du syndrome métabolique, d'après la nouvelle définition harmonisée24, laquelle repose sur la présence d'au moins trois des facteurs suivants :

  • tension artérielle élevée (tension artérielle systolique de 130 mmHg et plus ou tension artérielle diastolique de 85 mmHg et plus);
  • triglycéridémie élevée (triglycéridémie égale ou supérieure à 1,7 mmol/L);
  • taux réduit de cholestérol HDL (inférieur à 1,0 mmol/L pour les hommes et inférieur à 1,3 mmol/L pour les femmes);
  • glycémie à jeun élevée (glycémie égale ou supérieure à 5,6 mmol/L);
  • obésité abdominale (circonférence de la taille de 102 cm et plus pour les hommes et de 88 cm et plus pour les femmes).

L'obésité abdominale n'est pas considérée en tant que facteur de risque de MCV ici, puisque le but de l'étude est d'examiner les facteurs de risque de MCV par rapport à l'obésité abdominale.

Les participants à l'enquête ont été considérés présenter des facteurs de risque de MCV non seulement d'après leurs valeurs mesurées, mais également s'ils ont déclaré prendre, au cours du mois qui a précédé l'enquête, des médicaments indiqués pour le traitement de la maladie cardiovasculaire. On leur a demandé de fournir le numéro d'identification du médicament (DIN) de tous les médicaments d'ordonnance qu'ils consommaient. Ces médicaments ont été codés en se servant du Système de classification anatomique thérapeutique chimique (ATC)25. Les codes de l'ATC qui suivent ont servi à définir les facteurs de risque de MCV :

  • tension artérielle élevée (tous les médicaments comportant le code C02 et le code C03, C04AA02, C04AB01, tous les médicaments comportant les codes C07, C08 et C09);
  • triglycéridémie élevée (C04AC01, C04AC03, C10AB01, C10AB02, C10AB04, C10AB05, C10AC01, C10AC02, C10AX02, C10AX06);
  • faible taux de cholestérol HDL (C04AC01, C04AC03, C10AB01, C10AB02, C10AB04, C10AB05, C10AC01, C10AC02, C10AX02);
  • glycémie à jeun élevée (tous les médicaments comportant le code A10).

Une variable sommaire a été construite pour repérer les participants à l'enquête qui présentaient au moins deux (des quatre) facteurs de risque de MCV. Même si la définition du syndrome métabolique repose sur la présence de trois facteurs, presque toutes les personnes considérées comme ayant ce syndrome (88 %) présentaient une obésité abdominale (données non présentées).

Variables de contrôle

La variable âge a été utilisée à titre de variable continue. On a créé des variables dichotomiques pour le plus haut niveau de scolarité (diplôme d'études postsecondaires : oui/non) et la situation d'usage du tabac (fume tous les jours : oui/non). Grâce aux données autodéclarées sur l'activité physique durant les loisirs, on a créé une variable dérivée, basée sur les coûts en énergie métabolique26, pour classer les personnes comme étant inactives, par opposition à actives ou moyennement actives. Trois catégories ont servi à décrire la consommation d'alcool : grand buveur (au moins 5 verres en une occasion chaque semaine au cours de l'année qui a précédé l'enquête et/ou forte consommation d'alcool la semaine précédente –– au moins 15 verres pour les hommes et au moins 10 verres pour les femmes); buveur modéré/léger (au moins 1 verre l'année précédente), et non buveur (n'a pas consommé d'alcool l'année précédente). Le recours à l'hormonothérapie substitutive chez les femmes supposait la consommation, au cours du mois précédent, de médicaments d'ordonnance comportant le code G03 (dans l'ATC).

Analyse

On s'est servi de statistiques descriptives pour obtenir les profils des variables de l'adiposité (moyennes, écarts-types et corrélations) et des facteurs de risque de MCV (pourcentages). Des modèles de régression logistique ont permis d'étudier les variables de l'adiposité en fonction des facteurs de risque de MCV, en neutralisant les effets de l'âge, du niveau de scolarité, de la situation d'usage du tabac, de la consommation d'alcool, de l'activité physique durant les loisirs et, dans le cas des femmes, du recours à l'hormonothérapie substitutive. étant donné les fortes corrélations entre les variables de l'adiposité, celles-ci n'ont pu être incluses dans les mêmes modèles de régression.

Les régressions ont d'abord été exécutées en utilisant des variables catégoriques fondées sur les seuils de risque pour la santé établis pour chaque variable de l'adiposité, puis en utilisant des mesures continues pour les variables de l'adiposité (globalement et à l'intérieur des catégories d'IMC). Ce deuxième ensemble de régressions n'a pas été exécuté à l'intérieur de la catégorie d'obésité de classes II ou III, parce que les mesures de l'obésité abdominale ne fournissent aucun renseignement supplémentaire au sujet du risque pour la santé des personnes dont l'IMC se situe à l'intérieur de cette fourchette12. Afin de faciliter la comparaison des variables de l'adiposité entre elles, cet ensemble de régressions a également été exécuté en se basant sur les variables normalisées de l'adiposité (elles ont toutes les quatre été normalisées de manière qu'elles aient une moyenne nulle et un écart-type de 1).

Toutes les analyses ont été pondérées en utilisant les poids d'échantillonnage calculés pour le sous échantillon des personnes à jeun, afin que les estimations soient représentatives de la population canadienne. Les analyses statistiques ont été effectuées en SAS et en SUDAAN. Les erreurs types, les coefficients de variation et les intervalles de confiance à 95 % ont été calculés par la méthode du bootstrap27,28. Le nombre de degrés de liberté a été fixé à 11 pour tenir compte du plan de sondage de l'ECMS21. Le seuil de signification a été fixé à p < 0,05.

Résultats

Les moyennes et les écarts-types pour l'IMC et pour les trois variables de l'obésité abdominale (circonférence de la taille, rapport taille/hanches et rapport taille/grandeur) chez les personnes de 18 à 79 ans sont présentées au tableau 2. Tant pour les hommes que pour les femmes, les corrélations entre l'IMC, la circonférence de la taille et le rapport taille/grandeur sont très élevées (valeurs r supérieures à 0,9).

Tableau 2 Statistiques descriptives pour les variables de l'adiposité, selon le sexe, population à domicile de 18 à 79 ans, Canada, 2007- 2009Tableau 2 Statistiques descriptives pour les variables de l'adiposité, selon le sexe, population à domicile de 18 à 79 ans, Canada, 2007-2009

Environ un Canadien de 18 à 79 ans sur quatre présente au moins deux facteurs de risque de MCV, soit 29 % des hommes et 24 % des femmes (tableau 3).

Tableau 3 Prévalence des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, selon le sexe, population à domicile de 18 à 79 ans, Canada, 2007-2009Tableau 3 Prévalence des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, selon le sexe, population à domicile de 18 à 79 ans, Canada, 2007-2009

Des modèles de régression logistique ont permis d'examiner les facteurs de risque de MCV par rapport aux catégories de risque pour la santé lié aux quatre variables de l'adiposité (tableau 4). Quelle que soit la variable, la cote exprimant le risque de présenter des facteurs de risque de MCV était généralement plus élevée chez les personnes classées comme courant un risque pour la santé accru ou élevé. Le rapport taille/grandeur constituait l'exception, son association avec une glycémie élevée étant non significative chez les membres des deux sexes, et avec une tension artérielle élevée, non significative chez les hommes. Dans le cas de l'IMC, une relation dose-réponse s'est dégagée : la cote exprimant le risque de présenter au moins deux facteurs de risque de MCV était considérablement plus élevée chez les personnes se classant dans la catégorie d'obésité de classes II et III combinées (17,5 pour les hommes et 13,3 pour les femmes) que chez celles se classant dans la catégorie du poids normal.

Tableau 4 Rapports de cotes corrigés reliant les variables du risque pour la santé associé à l'adiposité aux facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, selon le sexe, population à domicile de 18 à 79 ans, Canada, 2007-2009Tableau 4 Rapports de cotes corrigés reliant les variables du risque pour la santé associé à l'adiposité aux facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, selon le sexe, population à domicile de 18 à 79 ans, Canada, 2007-2009

Dans l'analyse fondée sur des mesures continues, les quatre variables de l'adiposité étaient chacune fortement associées à la présence d'au moins deux facteurs de risque de MCV (tableau 5). Par exemple, chez les hommes et chez les femmes, en moyenne, chaque augmentation de 1 cm de la circonférence de la taille était associée à une augmentation de 1,07 de la cote exprimant le risque de présenter au moins deux facteurs de risque de MCV.

Tableau 5 Rapports de cotes corrigés reliant les variables de l'adiposité à la présence d'au moins deux facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, selon le sexe et la catégorie d'IMC, population à domicile de 18 à 79 ans, Canada, 2007-2009Tableau 5 Rapports de cotes corrigés reliant les variables de l'adiposité à la présence d'au moins deux facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, selon le sexe et la catégorie d'IMC, population à domicile de 18 à 79 ans, Canada, 2007-2009

Afin de faciliter les comparaisons, on a également exécuté des régressions à partir des variables de l'adiposité normalisées. En moyenne, une augmentation d'un écart-type de l'IMC (4,8 kg/m2 pour les hommes et 5,9 kg/m2 pour les femmes) était associée à une augmentation de la cote exprimant le risque de présenter au moins deux facteurs de risque de MCV; celle-ci augmentait de 2,40 chez les hommes et de 2,56 chez les femmes. Calculés pour les variables normalisées, les rapports de cotes correspondant aux trois mesures de l'obésité abdominale étaient légèrement plus élevés que pour l'IMC (circonférence de la taille : 2,63 cm pour les hommes et 2,97 cm pour les femmes; RTH : 2,80 cm pour les hommes et 2,64 cm pour les femmes; RTG : 2,85 cm pour les hommes et 3,21 cm pour les femmes), tandis que les intervalles de confiance se rapportant aux quatre variables se chevauchaient pour les membres des deux sexes.

L'examen à l'intérieur des catégories d'IMC de la cote exprimant le risque de présenter au moins deux facteurs de risque de MCV a révélé des associations significatives, fondées sur les variables normalisées, pour le rapport taille/hanches et le rapport taille/grandeur chez les hommes de poids normal (2,98 pour le RTH et 2,38 pour le RTG) et les hommes faisant de l'embonpoint (1,74 pour le RTH et 1,96 pour le RTG). La cote correspondant à la circonférence de la taille (1,71) était près d'être significative (p=0,06) chez les hommes faisant de l'embonpoint, tandis que dans le cas des hommes se situant dans la catégorie d'obésité de classe I, aucune variable de l'adiposité n'était associée au fait de présenter au moins deux facteurs de risque de MCV.

Chez les femmes de poids normal, les trois variables de l'obésité abdominale et l'IMC étaient associés à une augmentation de la cote exprimant le risque de présenter au moins deux facteurs de risque de MCV (circonférence de la taille : 2,68; RTH : 2,87; RTG : 2,90; IMC : 2,05, en se fondant sur les variables normalisées). Par contre, chez les femmes classées dans les catégories de l'embonpoint et de l'obésité de classe I, aucune des variables n'était associée au fait de présenter au moins deux facteurs de risque de MCV, quoique la cote était presque significative (p=0,07) dans le cas du RTH (1,59) et du RTG (1,60) chez les femmes faisant de l'embonpoint.

Discussion

Fondée sur des données représentatives de la population nationale, la présente étude fournit des données probantes sur l'existence d'une association entre les mesures de l'IMC et de l'obésité abdominale, d'une part, et l'augmentation de la prévalence des facteurs de risque de MCV, d'autre part. En outre, à l'intérieur de certaines catégories d'IMC, les mesures de l'obésité abdominale sont associées à un risque accru de présenter au moins deux facteurs de risque de MCV. Chez les hommes ayant un poids normal ou faisant de l'embonpoint, le rapport taille/hanches et le rapport taille/grandeur sont associés aux facteurs de risque de MCV, tandis que chez les femmes ayant un poids normal, chacune des trois mesures de l'obésité abdominale est associée aux facteurs de risque de MCV. Par contre, chez les femmes faisant de l'embonpoint, aucune mesure de l'obésité abdominale n'est associée de manière significative à ces facteurs de risque, mais le rapport taille/hanches et le rapport taille/grandeur sont près de l'être. Enfin, parmi les hommes et les femmes se trouvant dans la catégorie d'obésité de classe I, les mesures de l'obésité abdominale ne sont pas associées aux facteurs de risque de MCV.

Une étude fondée sur les données tirées de l'Enquête canadienne sur la santé cardiovasculaire (menée de 1986 à 1992), qui a emprunté à peu près le même plan et les mêmes méthodes que la présente analyse, a trouvé que chez les femmes mais non chez les hommes répartis dans les catégories de l'embonpoint et d'obésité de classe I, une valeur élevée de la circonférence de la taille était associée à une augmentation de la prévalence des facteurs de risque de MCV29. Dans le cadre de cette étude-là, les personnes ayant un poids normal ont été exclues, en raison du petit nombre d'entre elles qui avait une circonférence de la taille forte, et on n'a pas évalué les rapports taille/hanches et taille/grandeur. Une analyse américaine reposant sur des données provenant de la Third National Health and Examination Survey (1988 à 1994) a montré, chez les femmes classées dans les catégories du poids normal, de l'embonpoint et de l'obésité de classe I, ainsi que chez les hommes répartis dans les catégories de l'embonpoint et de l'obésité de classe I, qu'une valeur élevée de la circonférence de la taille était associée à un risque accru de présenter des facteurs de risque de MCV30.

Les différences entre les résultats de la présente analyse et ceux des études antérieures pourraient en partie refléter des changements récents dans le phénotype de l'obésité au Canada16 ainsi que dans d'autres pays31,32. Des augmentations plus importantes de la circonférence de la taille que de l'IMC ont entraîné un déplacement vers les valeurs de la circonférence de la taille plus élevées à l'intérieur des catégories d'IMC17. La presque totalité des hommes et des femmes appartenant à la catégorie d'obésité de classe I courent aujourd'hui un risque élevé pour la santé d'après la circonférence de la taille, à l'instar de la majorité des femmes faisant de l'embonpoint (a plus que triplé depuis 1981)17. La non-association de la circonférence de la taille (variable continue) à l'intérieur des catégories sexe-IMC avec une prévalence plus élevée des facteurs de risque de MCV donne à penser que les mesures de la circonférence de la taille ne sont peut être plus utiles pour évaluer le risque de MCV à l'intérieur de ces catégories. On ne sait pas vraiment s'il en va de même pour les autres risques pour la santé associés à l'obésité.

Dans l'étude canadienne antérieure29, la taille de l'échantillon était trop petite pour pouvoir examiner l'effet de la circonférence de la taille chez les femmes de poids normal. Cependant, en 2007–2009, près du quart des femmes de poids normal présentaient un risque accru ou élevé pour la santé d'après leur circonférence de la taille17, et les résultats de la présente étude montrent que la circonférence de la taille est maintenant associée à un accroissement de la prévalence des facteurs de risque de MCV chez les femmes de poids normal.

La circonférence de la taille est associée à une cote élevée exprimant le risque de présenter des facteurs de risque de MCV chez les hommes ayant un poids normal et faisant de l'embonpoint, mais les associations ne sont pas statistiquement significatives. À l'intérieur de ces catégories d'IMC, cependant, le rapport taille/hanches et le rapport taille/grandeur sont associés de manière significative aux facteurs de risque de MCV. En outre, chez les femmes classées dans les catégories d'IMC du poids normal et de l'embonpoint, d'après les coefficients normalisés, les rapports de cotes calculés pour le rapport taille/hanches et le rapport taille/grandeur sont plus élevés que pour la circonférence de la taille, bien qu'ils se chevauchent. Chez les femmes faisant de l'embonpoint, les associations qui se dégagent entre le rapport taille/hanches et le rapport taille/grandeur, d'une part, et les facteurs de risque de MCV, d'autre part, approchent de la signification statistique.

Les résultats de l'étude INTERHEART, une étude cas-témoins qui offre l'avantage d'avoir été réalisée auprès d'un vaste échantillon (12 000 cas d'infarctus du myocarde et 15 000 témoins), ont révélé que le risque d'infarctus du myocarde était plus fortement associé au rapport taille/hanches qu'à la circonférence de la taille5. Selon certains, l'avantage du rapport taille/hanches plutôt que de la circonférence de la taille pour évaluer les risques pour la santé tiendrait à l'effet protecteur d'un tour de hanches plus large5. D'autres études ont dégagé des associations indépendantes entre la circonférence de la taille (positive) ainsi que la circonférence des hanches (négative) et la maladie et la mortalité associées à l'obésité33,35. Toutefois, l'utilité du rapport taille/hanches pour la pratique clinique est limitée étant donné les difficultés d'interprétation qui se posent – court-on un risque plus grand avec une circonférence de la taille élevée ou avec un tour de hanches étroit, ou avec les deux ensemble? En outre, une perte de graisse abdominale résultant d'une diminution du poids ne sera pas reflétée dans le rapport taille/hanches (les circonférences de la taille et des hanches diminueront toutes deux), ce qui en fait un outil inadéquat pour la gestion de la perte de poids36. Enfin, contrairement à l'étude cas-témoins INTERHEART, une méta-analyse de 58 études de cohorte menée récemment a trouvé que l'IMC, la circonférence de la taille et le rapport taille/hanches présentaient des associations de même force avec le risque de MCV37.

Les associations entre le rapport taille/grandeur et les résultats en matière de santé ont été moins étudiées. Une revue systématique de la littérature sur les associations entre cette mesure et les maladies cardiovasculaires ainsi que le diabète a montré que le rapport taille/grandeur est un outil de dépistage efficace en ce qui a trait à l'évaluation des risques pour la santé, davantage peut-être que la circonférence de la taille6, ce qui tient peut-être à l'effet protecteur de la taille (grandeur)38.

Les lignes directrices canadiennes concernant la pratique clinique recommandent de mesurer la circonférence de la taille, outre l'IMC, dans le cadre de la surveillance et de l'évaluation des risques pour la santé associés à l'obésité chez les adultes13. Mais étant donné la complexité inhérente à l'obtention de mesures de l'obésité abdominale, la plupart des grandes enquêtes représentatives de la population réalisées par Statistique Canada se basent exclusivement sur l'IMC, pratique que vient appuyer le gradient prononcé de prévalence des facteurs de risque de MCV selon la catégorie d'IMC qui ressort de la présente étude. Bien qu'il serait utile de recueillir systématiquement des mesures de l'obésité abdominale, outre celles de l'IMC, la forte corrélation entre l'IMC et la circonférence de la taille (au-delà de 0,9) que révèle la présente étude donne à penser qu'à défaut de pouvoir mesurer l'obésité abdominale, l'IMC est une excellente variable de remplacement aux fins de l'évaluation des risques de MCV associés à l'obésité.

Limites

Les limites importantes de la présente étude tiennent au taux de réponse, à la taille du sous échantillon des personnes qui ont jeûné, aux restrictions quant aux variables de contrôle qui pouvaient être utilisées aux fins de l'analyse, au plan transversal de l'étude et aux limites inhérentes aux seuils établis de risque accru pour la santé associé à chaque indicateur.

Le taux de réponse pour le sous-échantillon des personnes à jeun a été de 46,3 %. Même si les poids de sondage ont été corrigés afin de tenir compte des quatre niveaux de non réponse (liste des membres du ménage, entrevue sur le ménage, visite au centre d'examen mobile, fourniture d'un échantillon de sang à jeun), les estimations pourraient être biaisées si les personnes possédant certaines caractéristiques étaient plus susceptibles que les autres de participer à l'enquête. La mesure dans laquelle cela pourrait avoir influé sur les associations avec les facteurs de risque de MCV est inconnue. Néanmoins, une étude menée pour déterminer si les caractéristiques des personnes ayant répondu au questionnaire sur le ménage différaient de celles des personnes ayant participé à la composante du centre d'examen mobile n'a révélé, après correction pour tenir compte de la non réponse, aucune différence significative entre les estimations21.

En raison de la taille relativement petite de l'échantillon des personnes à jeun et du plan d'échantillonnage en grappes, les intervalles de confiance pour les rapports de cotes reliant les mesures de l'obésité aux facteurs de risque de MCV sont assez étendus. Des échantillons plus grands permettraient d'augmenter la capacité de comparaison des diverses mesures de l'adiposité quant à leur efficacité pour l'évaluation des risques. En outre, étant donné la taille limitée de l'échantillon, il n'a pas été possible d'examiner les variables catégoriques de l'obésité abdominale (fondées sur le risque pour la santé) par rapport aux facteurs de risque de MCVà l'intérieur des catégories d'IMC.

Dans les modèles de régression sur la relation entre les variables de l'adiposité et les facteurs de risque de MCV, le nombre maximal de variables de contrôle était de 10, à cause des 11 degrés de liberté offerts en fonction du plan de sondage de l'ECMS. Dans le cadre d'analyses supplémentaires qui tenaient compte de l'ethnicité et des antécédents familiaux de MCV en tant que variables confusionnelles éventuelles, les associations entre les variables de l'adiposité et les facteurs de risque de MCV sont demeurées inchangées.

Bien qu'il n'ait pas été possible d'ajouter une variable de contrôle sur la situation des femmes à l'égard de la ménopause (renseignements non recueillis dans le cadre de l'ECMS), ce facteur est pris en compte dans une certaine mesure grâce à l'inclusion de l'âge dans les modèles, lequel est corrélé à la ménopause.

La nature transversale de l'ECMS ne permet pas de déterminer la relation temporelle entre le surpoids et l'apparition des facteurs de risque de MCV.

Enfin, les résultats de l'étude ne sont pas généralisables à d'autres résultats en matière de santé, tels que la maladie cardiaque, l'accident vasculaire cérébral et le diabète.

Conclusion

La présente analyse indique que l'IMC est lié à une augmentation de la prévalence des facteurs de risque de MCV et il peut donc être utilisé pour mesurer les risques pour la santé associés à l'obésité dans le contexte d'enquêtes représentatives de la population. L'étude appuie également la ligne directrice canadienne en matière de pratique clinique voulant que la circonférence de la taille, outre l'IMC, soit mesurée pour évaluer les risques pour la santé associés à l'obésité chez les adultes13. Contrairement aux études antérieures fondées sur des données canadiennes29, la présente analyse a trouvé que les mesures de l'obésité abdominale sont associées à un risque accru chez les hommes faisant de l'embonpoint, ainsi que chez les hommes et les femmes ayant un poids normal qui, selon leur IMC, ne sont pas considérés comme courant un risque élevé de maladie liée à l'obésité. À mesure que les données d'autres cycles de l'ECMS seront recueillies et que les tailles d'échantillon augmenteront, les chercheurs pourront comparer l'utilité relative de la circonférence de la taille, du rapport taille/hanches et du rapport taille/grandeur, examinés à l'intérieur des catégories d'IMC, pour approfondir l'analyse des risques pour la santé.