Utilisation des contraceptifs oraux chez les femmes de 15 à 49 ans : résultats de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé

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par Michelle Rotermann, Sheila Dunn et Amanda Black

La commercialisation des contraceptifs oraux (CO) au Canada remonte à plus de 50 ans. Il s’agit de la méthode la plus couramment utilisée de contraception réversibleNote 1,Note 2, ainsi que de médicaments comptant parmi les plus consommés par les CanadiennesNote 3, les trois quarts d’entre elles ayant pris la pilule à un moment quelconqueNote 4. Il existe deux catégories de pilules contraceptives : celles contenant un œstrogène et un progestatif et celles contenant un progestatif uniquement.

Même s’ils sont employés principalement pour prévenir la grossesse, les contraceptifs oraux ont aussi des bienfaits non liés à la contraception, y compris aider à réguler le cycle menstruel, réduire la sévérité de la dysménorrhée, la fréquence des kystes de l’ovaire, et les règles abondantes, atténuer les symptômes de la périménopause, ainsi que les symptômes vasomoteurs, prémenstruels et de l’endométriose, servir au traitement de l’acné et de l’hirsutisme, et réduire le risque de cancer de l’endomètre et des ovairesNote 5-9.

Pour la grande majorité des non-fumeuses en santé, les contraceptifs oraux sont sécuritairesNote 1,Note 4,Note 8. Toutefois, tout comme plusieurs médicaments, ils peuvent entraîner des effets secondaires et des risquesNote 7,Note 10-14, y compris un évènement cardiovasculaire (thrombo-embolie veineuse, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral). Selon des études de cohortes prospectives, le risque de thrombo-embolie veineuse est deux fois plus élevé chez les utilisatrices de contraceptifs oraux que chez les non-utilisatrices (9 ou 10 pour 10 000 années-femmes comparativement à 4 ou 5)Note 15,Note 16. Cela étant dit, le risque de thrombo-embolie veineuse pendant la grossesse et après l’accouchement est beaucoup plus élevéNote 17. Les contraceptifs oraux peuvent aussi augmenter les risques en ce qui a trait aux cancers du seinNote 12,Note 18,Note 19, même si 10 ans après leur discontinuation, le risque baisse pour revenir au niveau de baseNote 18.

Au fil du temps, les contraceptifs oraux ont évolué. De fait, leur teneur en œstrogène est moins élevée, de nouveaux progestatifs ont été fabriqués et les schémas posologiques ont changé. À mesure que les doses d’œstrogène ont diminué, le risque d’accident cardiovasculaire et de certains cancers semble avoir diminuéNote 12,Note 20. L’emploi de progestatifs différents peut avoir donné lieu à d’autres profils risques-avantagesNote 9,Note 10,Note 13,Note 21.

Malgré l’exposition généralisée des Canadiennes aux contraceptifs oraux, on manque de données détaillées concernant l’utilisation de ces médicaments. Les données administratives sur les médicaments délivrés ou facturés ne comprennent que des données sociodémographiques élémentaires et ont tendance à n’être disponibles que pour certaines provinces (par exemple, la Colombie-BritanniqueNote 22,Note 23). Dans certaines enquêtes nationales, on a posé des questions sur les contraceptifs oraux, mais ces enquêtes remontent à loinNote 24 ou sont propres aux jeunesNote 25; aucune n’a d’ailleurs permis de saisir des données concernant la composition des pilules anticonceptionnelles. Par exemple, l’Enquête canadienne sur la contraception n’a pas tenu compte du type de pilule anticonceptionnelle ni d’autres indicateurs de la santéNote 2.

À partir des résultats pour 2007 à 2011 de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS), la présente étude fournit des estimations de la prévalence de l’utilisation des contraceptifs oraux parmi les femmes non enceintes en âge de procréer, dresse le profil des utilisatrices selon certaines de leurs caractéristiques sociodémographiques et certains facteurs de risque de maladie cardiovasculaire et indique les médicaments utilisés, selon la dose d’œstrogène et le type de progestatif.

Méthodes

L’ECMS, qui est menée par Statistique Canada en partenariat avec l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) et Santé Canada, produit des estimations représentatives au niveau nationalNote 26. La collecte des données se fait en deux étapes, la première étant une entrevue au domicile du participant à l’enquête et la seconde, une visite effectuée par ce dernier à un centre d’examen mobile de l’ECMS, où des mesures physiques et des échantillons de sang et d’urine sont recueillis. Sont exclues du champ de l’ECMS les personnes vivant dans les réserves indiennes et autres établissements autochtones dans les provinces, les membres à temps plein des Forces canadiennes, la population vivant en établissement et les habitants de certaines régions éloignées (moins de 4 % de la population cible)Note 27. L’approbation déontologique pour l’ECMS a été obtenue du Comité d’éthique de la recherche de Santé CanadaNote 28.

Parmi les ménages sélectionnés pour les cycles 1 (2007 à 2009) ou 2 (2009 à 2011) de l’ECMS, 72,7 % ont accepté de participer à l’enquête et, de ceux-ci, 89,3 % ont répondu au questionnaire des ménages. Une fois les corrections apportées pour tenir compte de l’effet de la stratégie d’échantillonnage, le taux de réponse final aux deux cycles combinés parmi les personnes de 6 à 79 ans a été de 53,5 %Note 27.

Le cycle 1 s’est déroulé de mars 2007 à février 2009, inclusivement. Dans 15 emplacements au Canada, on a recueilli des données auprès de 5 604 participants à l’enquête qui étaient âgés de 6 à 79 ans qui vivaient dans les ménages privés. Le cycle 2 s’est déroulé d’août 2009 à novembre 2011, inclusivement. En tout, on a recueilli des données auprès de 6 395 participants à l’enquête qui étaient âgés de 3 à 79 ans et qui vivaient dans les ménages privés, et ce, dans 18 emplacements. L’échantillon pour les deux cycles combinés comptait 11 999 personnes. Les participants au cycle 1 ne pouvaient pas participer au cycle 2. Près de 95 % des participants aux cycles 1 et 2 (11 387 et 11 999 personnes, respectivement) ont participé à la composante de l’enquête qui se déroulait au centre d’examen mobile. Un enregistrement a été supprimé parce que toutes les données dans les champs sur les médicaments sur ordonnance étaient manquantes.

Aux fins de la présente étude, l’échantillon était constitué des femmes de 15 à 49 ans ayant participé aux cycles de l’ECMS, ce qui représente un total de 2 790. Ont été exclus de l’analyse 85 enregistrements de femmes ayant déclaré être enceintes (n = 66) ou pour lesquelles la situation à l’égard de la grossesse était manquante/inconnue (n = 19), ce qui a donné un échantillon final de 2 705.

Lors de l’interview à domicile, on a noté les numéros d’identification des médicaments (DIN) trouvés sur les contenants de médicaments (maximum de 15), puis on les a vérifiés au moment de la visite au centre d’examen mobile. Seuls les médicaments pris par les participantes à l’enquête le mois ayant précédé l’interview à domicile ont été pris en compte. Un outil de référence assisté par ordinateur a facilité la saisie des données sur les médicaments, au besoin. Chaque DIN correspondait à des codes de la Classification anatomique thérapeutique chimique (ATC), attribués par Santé CanadaNote 29. Conformément à la Directive sur la sécurité des renseignements statistiques de nature délicate de Statistique Canada, dont un objectif est la protection des marques, les médicaments uniques identifiés à partir des DIN sont présentés sous forme de codes ATC agrégésNote 30.

Les contraceptifs oraux utilisés par les participantes à l’étude correspondent à 13 codes ATC de niveau 7. On a comparé les utilisatrices de contraceptifs oraux (annexe A) avec les non-utilisatrices. Par « non-utilisatrices », on entend les femmes qui n’ont pas déclaré utiliser un contraceptif oral ou une autre forme de contraception hormonale le mois précédant l’interview à domicile. Les contraceptifs hormonaux non pris oralement comprenaient les contraceptifs transdermiques, intravaginaux et injectables et correspondaient à trois codes ATC de niveau 7 (annexe A). On a repéré et retiré de l’échantillon les utilisatrices d’autres formes de contraception hormonale afin d’éliminer les femmes qui utilisaient des hormones similaires non administrées oralement, de sorte que les groupes soient aussi hétérogènes que possible.

Pour plusieurs raisons, les participantes à l’ECMS ont probablement sous-estimé l’utilisation de DIU hormonaux. Celles-cinepensaient peut-être pas que le dispositif était un médicament, et s’il avait été inséré plusieurs années auparavant, la remémoration a peut-être été compromise. Dans l’analyse, le petit nombre de participantes à l’enquête (moins de cinq) qui ont déclaré utiliser un DIU hormonal ont été classées dans la catégorie des « non-utilisatrices », principalement en raison du fait que cette catégorie de participantes comprenait probablement d’autres participantes à l’enquête qui n’avaient pas déclaré utiliser un tel dispositif. Des analyses préliminaires ont laissé supposer que le fait d’exclure ces cas complètement ou de les inclure dans le groupe des non-utilisatrices ou dans la catégorie des autres moyens de contraception hormonale ne changeait pas beaucoup les résultats.

On a eu recours à des statistiques descriptives pour présenter la prévalence du recours aux contraceptifs oraux, selon le groupe d’âge, l’état matrimonial, la parité, le statut d’immigrante, le revenu du ménage, l’activité sexuelle et le fait d’avoir un médecin de famille. On a modélisé les liens entre ces variables et le recours aux contraceptifs oraux à l’aide de la régression logistique multiple. La sélection des covariables s’est faite en fonction des ouvrages publiés et des données existantes.

On a établi les groupes d’âge à partir de l’âge des participantes au moment de l’interview sur place. Les catégories d’état matrimonial étaient mariée, vivant en union libre, déjà mariée (y compris séparée, divorcée et veuve) et célibataire (jamais mariée). La parité (le nombre d’enfants vivants mis au monde) a été définie à l’aide des catégories nullipare (aucun) et primipare/multipare (un ou plus). Les participantes à l’enquête ont été classées comme étant sexuellement actives si elles avaient répondu « oui » à la question « Au cours des 12 derniers mois, avez-vous eu des relations sexuelles? » Le statut d’immigrante comportait les catégories immigrante et personne née au Canada et a été déterminé à partir du pays de naissance et de la citoyenneté. Le revenu du ménage, rajusté pour tenir compte de la taille du ménage, a été réparti entre deux catégories, à savoir élevé et faible. Le revenu du ménage était considéré élevé si le revenu total corrigé pour la dernière année se situait dans le quartile de revenu le plus élevé (tranche supérieure de 25 % des ménages), et il était dit faible s’il se classait dans l’un des trois quartiles inférieurs. On a demandé aux participantes à l’enquête si elles avaient « un médecin de famille ».

On a eu recours à des statistiques descriptives pour évaluer la prévalence de l’utilisation des contraceptifs oraux selon des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, globalement et selon l’âge. Les facteurs de risque de maladie cardiovasculaire étaient l'usage quotidien du tabac, l’indice de masse corporelle (IMC) (d’après la taille et le poids mesurés), et une mesure composite de « maladie cardiaque, accident vasculaire cérébral ou hypertension ».

Les personnes de 18 ans et plus dont l’IMC était égal ou supérieur à 25 ont été classées comme ayant de l’embonpoint ou étant obèses. L’embonpoint correspondait à un IMC se situant entre 25 et 29,9, et l’obésité, à un IMC égal ou supérieur à 30. Dans le cas des jeunes de 15 à 17 ans, on a utilisé les catégories d’IMC des Centers for Disease Control. Ainsi, les adolescentes d’un seul âge et sexe qui, d’après leur taille et leur poids, se situaient au 86e percentile ou au-dessus ont été classées comme faisant de l’embonpoint ou étant obèses. Si elles faisaient partie du 86e au 95e percentile, elles faisaient de l’embonpoint, et si elles se situaient au-dessus du 95e percentile, elles étaient considérées obèses.

La mesure composite de maladie cardiaque/accident vasculaire cérébral/hypertension reposait sur la déclaration de la participante à l’enquête indiquant qu’elle avait reçu un diagnostic de maladie cardiaque, crise cardiaque, tension artérielle élevée ou accident vasculaire cérébral de la part d’un professionnel de la santé. L’utilisation de médicaments liés aux maladies cardiovasculaires – antihypertenseurs, agents réduisant les lipides sériques (statines), antithrombotiques (anticoagulants) ou inhibiteurs de l’agrégation plaquettaire – a aussi été considérée comme indiquant la présence de ces problèmes de santé (annexe B). La tension artérielle des participantes à l’enquête a été prise six fois. Aux fins de l’enquête, une tension artérielle systolique moyenne de 140 mmHg ou plus et(ou) une tension artérielle diastolique moyenne de 90 mmHg ou plus indiquait la présence d’hypertension. Les trois facteurs de risque de maladie cardiovasculaire (usage quotidien du tabac, embonpoint ou obésité, et mesure composite maladie cardiaque/accident vasculaire cérébral/hypertension) ont été combinés en une seule variable dichotomique de facteur de risque de maladie cardiovasculaire (au moins un facteur de risque et aucun facteur de risque). On n’avait pas de données sur d’autres problèmes médicaux pour lesquels les contraceptifs oraux sont contre-indiqués, comme la migraine avec aura et les antécédents personnels de cancer du seinNote 31, ou si on en avait, l’échantillon était trop petit pour être analysé (moins de 10).

L’utilisation de contraceptifs oraux a été répartie selon la dose d’éthinylestradiol (moins de 30 microgrammes (mcg) ou 30 mcg ou plus) et selon le type de progestatif (lévonorgestrel, norgestimate, drospirénone, désogestrel ou autre). Les renseignements concernant les ingrédients actifs et les doses d’éthinylestradiol ont été tirées de la Base de données sur les produits pharmaceutiques de Santé CanadaNote 32.

Afin de tenir compte des effets de plan de sondage, on a calculé les coefficients de variation et les intervalles de confiance à 95 % au moyen de la méthode du bootstrapNote 33. Des tests t ont permis de calculer les différences entre les estimations de la prévalence. Toutes les analyses ont été effectuées en SUDAAN, v.11 (RTI International, Research Triangle Institute, C.N., États-Unis), en utilisant des données pondérées et en fixant à 24 le nombre de degrés de liberté (DDL) dans les énoncés, pour tenir compte du nombre de degrés de liberté des ensembles de données combinés. On retrouve des renseignements détaillés sur l’ECMS, y compris l’échantillonnage, l’assurance de la qualité et la combinaison des cycles, dans d’autres documents publiésNote 26,Note 27.

Résultats

Caractéristiques sociodémographiques et du comportement

Selon les données combinées de l’ECMS menée de 2007 à 2009 et de 2009 à 2011, 1,3 million (16 %) de femmes non enceintes de 15 à 49 ans avaient utilisé des contraceptifs oraux le mois précédent (tableau 1). Leur utilisation, de 30 % chez les 15 à 19 ans, avait diminué chez les 40 à 49 ans, passant à 3 %. L’âge moyen des utilisatrices était de 26 ans, comparativement à 35 ans pour les non-utilisatrices (données non présentées). La prévalence du recours à la contraception orale était significativement plus élevée chez les célibataires que chez les femmes mariées/déjà mariées, chez les nullipares que chez les primipares/multipares, et chez les femmes nées au Canada que chez les immigrantes. Les différences de prévalence selon l’activité sexuelle, le revenu du ménage et le fait d’avoir un médecin de famille n’étaient pas significatives.

Étant donné que les caractéristiques sociodémographiques et celles du comportement ne sont pas indépendantes les unes des autres, on a effectué une analyse de régression logistique multiple pour tenir compte des effets simultanés de ces facteurs (tableau 2). Les rapports corrigés de cotes exprimant la possibilité de prendre des contraceptifs oraux étaient plus élevés chez les femmes de 15 à 39 ans que chez celles de 40 à 49 ans. En outre, ils étaient significativement plus élevés chez les femmes nullipares, les femmes sexuellement actives au cours de la dernière année ou les femmes nées au Canada, que chez les autres. L’état matrimonial, le revenu du ménage et le fait d’avoir un médecin de famille ne comportaient pas d’association significative avec le fait de prendre des contraceptifs oraux.

Facteurs de risque de maladie cardiovasculaire

La prévalence des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire étaient moins élevée chez les utilisatrices que chez les non-utilisatrices de la contraception orale de 15 à 49 ans, sauf dans le cas de l’usage du tabac. Les utilisatrices étaient significativement moins susceptibles que les non-utilisatrices de faire de l’embonpoint (19 % comparativement à 25 %), d’être obèses (15 % comparativement à 22 %), ou d’avoir une maladie du coeur/d’avoir subi un accident vasculaire cérébral/ou de faire de l’hypertension (5 % comparativement à 10 %) (tableau 3). Les différences de taux d’usage du tabac entre les unes et les autres n’étaient pas significatives. Lorsque les facteurs de risque de maladie cardiovasculaire ont été combinés en une seule mesure dichotomique, les utilisatrices étaient significativement moins susceptibles que les non-utilisatrices d’en présenter au moins un (43 % comparativement à 58 %).

Avec l’âge, le risque de maladie cardiovasculaire tend à augmenter, tandis que la prévalence de l’usage des contraceptifs oraux diminue. Pour examiner la prévalence des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire chez les utilisatrices et les non-utilisatrices de contraceptifs oraux indépendamment des différences d’âge, les résultats ont été stratifiés selon le groupe d’âge (15 à 34 ans comparativement à 35 à 49 ans). Dans les deux groupes d’âge, la prévalence de chaque facteur de risque de maladie cardiovasculaire avait tendance à être plus faible chez les utilisatrices, mais une seule différence était statistiquement significative : parmi les 35 à 49 ans, les non-utilisatrices étaient plus susceptibles que les utilisatrices de présenter au moins un facteur de risque de maladie cardiovasculaire (67 % comparativement à 48 %).

Composition des contraceptifs oraux

Pratiquement toutes les utilisatrices (99 %) de la contraception orale prenaient une association d’éthinylestradiol et d’un progestatif (données non présentées). Plus de la moitié d’entre elles (56 %) prenaient une préparation d’éthinylestradiol et de lévonorgestrel ou de norgestimate (tableau 4). Les préparations contenant du désogestrel ou de la drospirénone étaient prises par 17 % et 16 % d’entre elles, respectivement.

Au cours de la période de référence visée par l’étude, les contraceptifs oraux vendus au Canada contenaient de 20 à 50 mcg d’éthinylestradiol. Les deux tiers des utilisatrices (66 %) prenaient au moins 30 mcg d’éthinylestradiol (tableau 5), et parmi celles-ci, la majorité (99 %) en prenaient 30 à 35 mcg (données non présentées). Les femmes de 15 à 24 ans étaient significativement moins susceptibles que celles de 35 à 49 ans de prendre 30 mcg d’éthinylestradiol ou plus (60 % comparativement à 79 %).

Discussion

Il s’agit de la première analyse représentative au niveau national de l’utilisation de contraceptifs oraux selon certaines caractéristiques sociodémographiques, certains facteurs de risque de maladie cardiovasculaire et la formule des médicaments.

Les estimations de la prévalence de l’usage de contraceptifs oraux au Canada (16 % des femmes de 15 à 49 ans) étaient comparables à celles fondées sur une enquête américaine pour la période 2006 à 2010 (17 % des femmes de 15 à 44 ans)Note 34 et à une autre estimation canadienne se rapportant à 1996-1997 (18 % des femmes de 15 à 49 ans)Note 24. Il est difficile de comparer les données provenant de l’ECMS avec celles tirées d’études issues de pays comme le DanemarkNote 35et l’AustralieNote 4,Note 36, qui reposent sur des périodes de référence annuelles ou bisannuelles non spécifiques et(ou) desquelles certains groupes de population sont exclus.

Selon la présente étude, la prévalence de l’usage de contraceptifs oraux diminue avec l’âge, et les femmes nullipares sont plus susceptibles que les femmes primipares/multipares d’y avoir recours, observations qui sont similaires à celles ressortant d’autres études canadiennes ainsi que de travaux de recherche américains, danois et australiensNote 2,Note 4,Note 24,Note 34-36. Cela s’explique peut-être par le fait que les femmes dans les groupes supérieurs d’âge préfèrent les DIU, les méthodes contraceptives permanentes ou les méthodes de barrière. Il se peut également que les fournisseurs de soins de santé hésitent à prescrire la pilule anticonceptionnelle aux femmes de plus de 40 ans en raison du risque d’effets indésirables ou parce que ces femmes sont plus susceptibles de présenter des problèmes de santé pour lesquels les contraceptifs oraux sont contre-indiquésNote 37.

Les facteurs culturels peuvent influer sur les attitudes à l’égard de la contraception et la prise d’hormones. Selon les résultats de l’ECMS, les femmes nées au Canada sont plus susceptibles que les immigrantes d’avoir recours aux contraceptifs oraux. D’autres étudeNote 34,Note 38,Note 39ont, elles aussi, fait ressortir une prévalence plus faible de l’usage de contraceptifs hormonaux par les femmes immigrantes et(ou) les femmes appartenant à une minorité, qui préfèrent peut-être utiliser le condom, les dispositifs intra-utérins et les méthodes permanentes de contraceptionNote 34,Note 38,Note 40. Le fait de préférer les méthodes non hormonales tient peut-être aux préoccupations des femmes concernant le gain de poids et les conséquences pour la reproduction à l’avenir (infertilité), ainsi qu’à la croyance que les contraceptifs oraux ne sont pas bons pour la santéNote 39,Note 41.

Certains facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, comme l’hypertension non contrôlée, l’usage du tabac après l’âge de 35 ans et la maladie cardiaque, représentent des contre-indications de l’utilisation de contraceptifs orauxNote 37. D’autres facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, comme l’obésité, n’en sont pas, mais peuvent comporter un risque accru d’effets indésirables. Même si les données de l’ECMS dégagent une prévalence plus faible de facteurs de risque de maladie cardiovasculaire chez les utilisatrices des contraceptifs oraux que chez les non-utilisatrices, les premières étaient considérablement plus jeunes. Il n’est pas toujours clair si la différence de risque de maladie cardiovasculaire dépend uniquement de l’écart d’âge entre les deux groupes, car la taille de l’échantillon de l’ECMS était trop petite pour pouvoir obtenir la signification statistique pour la plupart des calculs. À mesure que le nombre de cycles de l’ECMS s’agrandira, les tailles d’échantillon et la puissance statistique augmenteront.

Les effets secondaires et indésirables éventuels associés aux contraceptifs oraux dépendent peut-être en partie des doses d’œstrogènes et du type de progestatif. Par exemple, il existe peut-être un lien entre le risque de cancer ou les effets cardiovasculaires indésirables et la dose d’œstrogèneNote 12,Note 20,Note 42, de sorte qu’en réduisant la dose d’éthinylestradiol, on ferait peut-être baisser les taux de prévalence desdits effets. Après 2010, les contraceptifs oraux contenant 50 mcg ou plus d’éthinylestradiol n’ont plus été offerts sur le marché au CanadaNote 32. Aujourd’hui, seuls les contraceptifs oraux en contenant 35 mcg ou moins sont vendus sur le marché. Les données de l’ECMS pour la période allant de 2007 à 2011 montrent que presque toutes les utilisatrices de contraceptifs oraux au Canada (99 %) prenaient une formule contenant 35 mcg d’éthinylestradiol ou moins. Parmi celles-ci, le tiers prenaient une formule contenant moins de 30 mcg. Les femmes plus jeunes, qui présumément sont davantage en santé et présentent moins de facteurs de risque de maladie cardiovasculaire que les autres, étaient plus susceptibles que les femmes de 35 à 49 ans de prendre une pilule contenant moins de 30 mcg d’éthinylestradiol. De même, d’autres recherches ont indiqué que le plus souvent, les nouveaux produits, qui ont tendance à contenir moins d’éthinylestradiol, sont pris par les jeunes femmesNote 35. Les femmes plus âgées, elles, pour qui le niveau de risque pourrait être plus élevé, continuent de prendre des formules à plus forte dose d’éthinylestradiol.

L’incidence du type de progestatif sur les profils de risque et d’effets secondaires ne fait pas l’unanimité. Certains spécialistes sont d’avis que le lévonorgestrel est le progestatif le plus sûrNote 10,Note 11 et celui qui présente le plus faible risque de thrombo-embolie veineuse associée aux contraceptifs oraux. D’autres soutiennent que le risque de thrombo-embolie veineuse est à peu près le même d’un progestatifNote 15,Note 16,Note 43 à l’autre.

Selon les données de l’ECMS, les progestatifs les plus couramment utilisés sont le lévonorgestrel et le norgestimate. Les résultats de l’ECMS selon le type de progestatif sont comparables aux données administratives sur les médicaments sur ordonnance de la Colombie-BritanniqueNote 22, mais concordent moins avec les pratiques de prescription des médicaments sur ordonnance dans d’autres paysNote 44.

Limites

Les résultats de la présente analyse doivent être interprétés en tenant compte de plusieurs limites. Les données reposent sur des autodéclarations et pourraient donc être entachées d’un biais de remémoration. Des contraintes logistiques et budgétaires ont eu pour effet de limiter le nombre d’emplacements de collecte de données ainsi que la taille des échantillons de l’ECMSNote 27. Par conséquent, les auteures ont parfois utilisé des catégories de covariables plus générales qu’elles n’auraient voulu. Par ailleurs, l’ECMS n’a pas pris en compte certaines covariables pertinentes, comme celles enumérées ci-après : intentions à l’égard de la maternité, grossesse/naissance récente, recours à d’autres méthodes contraceptives, durée d’utilisation du contraceptif oral, mode d’emploi, allaitement maternel, et couverture par un régime d’assurance-médicaments. Il est possible que les petites tailles d’échantillon aient empêché de déceler les différences statistiquement significatives dans l’analyse. Même si les poids d’enquête ont donné un échantillon représentatif de la population cible, les données pourraient être biaisées si les participantes et les non-participantes à l’enquête différaient systématiquement en ce qui a trait à l’utilisation de médicaments.

Mot de la fin

La présente analyse fournit une base pour l’examen des tendances de l’utilisation des contraceptifs oraux par les Canadiennes. Les résultats permettent aussi des comparaisons à l’échelle internationale. Il s’agit de la première étude nationale fondée sur la population qui produit des données détaillées sociodémographiques, sur le risque de maladie cardiovasculaire et sur les types de médicaments utilisés se rapportant aux utilisatrices canadiennes de contraceptifs oraux. Au fur et à mesure que d’autres données proviendront de l’ECMS, il sera possible d’en combiner des cycles de manière à obtenir une analyse plus détaillée et permanente de l’utilisation des contraceptifs oraux au Canada.

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