L'étendue de la carrière délinquante et l'âge de début

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L'une des conclusions courantes des recherches sur les carrières criminelles est que les enfants qui adoptent tôt un comportement antisocial et délinquant sont plus susceptibles de devenir des multirécidivistes qui commettent des infractions graves. Cette conclusion sous-entend que ces auteurs précoces auraient des carrières plus longues comportant un plus grand nombre d'actes criminels (Farrington, 1986 et 1992; Farrington et autres, 2003; Piquero, Farrington et Blumstein, 2007). Dans la section ci-dessus portant sur la durée des carrières délinquantes, on a montré que les auteurs présumés précoces dans ces deux cohortes ont effectivement eu des carrières plus longues dans les limites de la période d'observation.

La figure 32 montre le lien entre le nombre d'affaires durant la carrière et l'âge de début consigné. Dans la cohorte de naissance de 1987, on relève une tendance nette à la baisse1 du comportement délinquant consigné au fur et à mesure qu'augmente l'âge de début. Plus précisément, la moyenne tombait de 5,4 affaires consignées durant la carrière pour ceux dont la première affaire était survenue à l'âge de 8 ans à seulement 1,4 affaire pour ceux dont la première affaire avait été consignée à l'âge de 17 ans. Dans la cohorte de naissance de 1990, la tendance était semblable chez ceux qui avaient entamé leur carrière entre 8 et 14 ans, quoique le nombre d'affaires ait été plus faible, car les membres de cette cohorte n'ont pas fait l'objet d'un suivi entre 15 à 17 ans, alors qu'ils étaient très actifs2. Toutefois, contrairement aux attentes, les enfants qui avaient commis leur première infraction à un très jeune âge (5 à 7 ans) n'étaient pas les auteurs présumés les plus actifs; en moyenne, ils n'avaient pas été impliqués dans plus d'affaires consignées pendant la période d'observation que ceux dont l'âge de début se situait entre 8 et 10 ans. Étant donné que leur carrière délinquante était plus longue (voir la section ci-dessous « La durée de la carrière délinquante »), il s'ensuit que leur taux annuel d'infractions consignées, si l'on fait la moyenne pour la durée de la carrière, était plus faible.

La tendance à la baisse de l'activité criminelle ayant débuté entre les âges de 8 et 17 ans (figure 32) n'est pas attribuable à des périodes différentes à risque de commettre des crimes : les auteurs présumés nés en 1987 dont l'âge de début était de 17 ans risquaient de commettre des crimes consignés pendant la même période de 10 ans que ceux dont la première affaire était survenue à l'âge de 8 ans. Plutôt, le fait que la première affaire consignée des jeunes de 17 ans s'était produite très tard dans la période d'observation reflète tout simplement l'absence d'activités criminelles consignées pendant la plus grande partie de la période3. La tendance à la baisse n'indique pas nécessairement non plus une tendance plus marquée à commettre des crimes (consignés) chez les auteurs présumés précoces. On a également constaté une relation inverse entre l'âge de début et le nombre d'affaires au cours de la carrière dans des données simulées dont la tendance à commettre des crimes était la même pour toutes les personnes4. Il faudrait effectuer d'autres recherches afin de déterminer dans quelle mesure cette tendance à la baisse est attribuable à des différences systématiques plutôt que des différences aléatoires de la tendance de commettre des crimes (consignés).

Figure 32 Nombre moyen d'affaires selon l'âge de début. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Figure 32
Nombre moyen d'affaires selon l'âge de début

On obtient des résultats semblables mais non identiques lorsqu'on représente graphiquement le pourcentage de multirécidivistes (ceux qui ont à leur actif cinq affaires consignées ou plus dans leur carrière) selon l'âge de début (figure 33). Dans la cohorte de naissance de 1987, le pourcentage de multirécidivistes était constant pour ceux qui avaient commencé leur carrière criminelle entre 8 et 11 ans, puis il fléchissait au fur et à mesure qu'augmentait l'âge de début. La baisse du pourcentage de multirécidivistes avec l'augmentation de l'âge de début était également évidente dans la cohorte de 1990, mais non pour les auteurs présumés dont la carrière avait débuté avant l'âge de 8 ans. Par conséquent, les deux analyses ont révélé que, dans les tranches d'âge visées par la présente étude, les auteurs présumés très précoces ne commettaient pas plus de crimes, et ils n'étaient pas plus susceptibles d'être des multirécidivistes que ceux qui avaient commis leur première infraction entre les âges de 8 et 11 ans. Cette conclusion semble contredire les résultats généralement présentés dans les écrits, selon lesquels les auteurs présumés plus précoces commettent plus d'actes criminels. Toutefois, on pourrait expliquer de quelques façons cette conclusion inattendue, qui n'est pas nécessairement incompatible avec les résultats généralement présentés dans les écrits. D'abord, il se peut que les taux de délinquance beaucoup plus faibles qui caractérisent la période entre le 5e et le 8e anniversaire5 neutralisent l'impact d'un début précoce sur l'activité totale de l'auteur présumé jusqu'à l'âge de 14 ans. Si l'on suivait ces auteurs pendant une plus longue période, le total des infractions perpétrées par les auteurs présumés ayant commencé leur carrière avant l'âge de 8 ans pourrait l'emporter sur celui des auteurs présumés ayant commencé leur carrière plus tard. Il se peut aussi que le taux réel d'infractions perpétrées par les enfants de 5 à 7 ans soit plus élevé que celui des 8 à 10 ans, mais qu'il soit masqué par une plus grande tendance de la part du public à signaler, et de la police à consigner, les activités criminelles d'enfants plus âgés plutôt que celles d'enfants plus jeunes.

Figure 33 Pourcentage de multirécidivistes dans chaque groupe d'âge de début. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Figure 33
Pourcentage de multirécidivistes dans chaque groupe d'âge de début

Un aperçu légèrement différent du lien entre l'âge de début et la multirécidive est présenté à la figure 34, qui montre le pourcentage de tous les multirécidivistes dans chaque groupe d'âge de début, selon la cohorte. Dans les deux cohortes, le nombre de multirécidivistes était le plus élevé dans les groupes qui avaient commencé leur carrière plus tard, soit les auteurs présumés de la cohorte de 1990 dont la première affaire était survenue à l'âge de 12 ou 13 ans, et les auteurs présumés de la cohorte de 1987 qui avaient commencé leur carrière entre 12 et 15 ans6. La raison en est que le nombre de membres de la cohorte qui avaient commis leur première infraction lorsqu'ils étaient plus âgés était tellement plus élevé que le nombre de ceux qui avaient perpétré leur première infraction à un âge plus jeune qu'ils faisaient augmenter le nombre de multirécidivistes, même si la probabilité que l'un d'entre eux devienne un multirécidiviste était plus faible que dans le cas des auteurs présumés précoces.

Figure 34 Proportion de l'ensemble des multirécidivistes dans chaque groupe d'âge de début. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Figure 34
Proportion de l'ensemble des multirécidivistes dans chaque groupe d'âge de début

On peut également constater cet effet à la figure 35, qui indique le nombre total de crimes consignés (c.-à-d. d'affaires) pour chaque groupe d'âge de début. Dans les deux cohortes, les auteurs présumés précoces étaient, en tant que groupe, responsables d'un nombre très minime de crimes comparativement aux auteurs présumés qui avaient commencé leur carrière au début de l'adolescence. Le modèle constaté pour la cohorte de 1987 indique que les auteurs présumés qui affichaient un âge de début de 14 ans étaient, ensemble, responsables du plus grand nombre de crimes, suivis de ceux dont l'âge de début était de 15 ou de 13 ans, puis de ceux qui avaient entamé leur carrière à 16, 17 ou 12 ans. Toutefois, le nombre de ceux qui avaient commencé leur carrière à 16 ou 17 ans, est probablement sous-estimé en raison de la troncation des données7.

Figure 35 Nombre total d'affaires consignées qui ont été commises par chaque groupe d'âge de début. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Figure 35
Nombre total d'affaires consignées qui ont été commises par chaque groupe d'âge de début

Ces résultats ne contredisent pas nécessairement ceux d'autres études, dans lesquelles on a constaté que les auteurs précoces étaient responsables d'un plus grand nombre de crimes. Les termes « précoce » et « tardif » sont relatifs. La plupart des études sur les carrières délinquantes et criminelles qui sont fondées sur des données de la police ou des tribunaux ont nécessairement commencé à suivre les auteurs à leur 10e anniversaire ou plus tard. Par conséquent, un début de carrière à 13 ou 14 ans, qui est relativement tardif dans la présente étude, serait probablement précoce dans une étude portant sur des auteurs de 10 à 32 ans (Farrington, 1992) ou de 12 à 21 ans (Carrington, Matarazzo et deSouza, 2005). En outre, il se peut, comme des rédacteurs l'ont prédit après l'étude de Moffitt (1993), que les auteurs présumés précoces dans la présente étude dont la carrière se poursuit effectivement à l'âge adulte soient tôt ou tard responsables, en tant que groupe, d'un plus grand nombre de crimes consignés que les auteurs présumés plus tardifs, étant donné qu'ils continueront à commettre des infractions pour une période sensiblement plus longue ou à un taux plus élevé. Toutefois, cela semble peu probable, en raison du nombre beaucoup plus élevé d'auteurs présumés tardifs. Si l'on évite des expressions relatives et ambiguës, comme « début précoce » et « début tardif », et qu'on écarte les prédictions, ce qu'on peut affirmer avec certitude c'est que même si les auteurs présumés dans la présente étude qui ont commencé leur carrière pendant l'enfance8 ont commis plus de crimes consignés par personne que les auteurs présumés qui ont entamé leur carrière à l'adolescence (figure 32)9, ils sont responsables, en tant que groupe, d'un nombre beaucoup plus faible de crimes consignés pendant la période d'observation (figure 35), car ils sont tellement peu nombreux. En effet, ils ne représentaient que 11 % de tous les auteurs présumés de l'étude, et ils avaient commis seulement 17 % du nombre total de crimes consignés qui avaient été imputés aux membres de ces deux cohortes de naissance.


Notes

  1. Fait exception une chute anormale dans le cas des auteurs présumés qui ont commis leur première infraction à l'âge de 9 ans.
  2. Voir la section « L'âge et le taux d'infractions ».
  3. L'étendue totale de la délinquance consignée pour les auteurs présumés dont la carrière a débuté pendant les deux dernières années d'observation (2004 et 2005, indiquées aux figures 32 et 33 par les lignes pointillées) peut être sous-estimée en raison de la troncation des données, c'est-à-dire parce que leur carrière se poursuit dans la période non observée après 2005 (voir la section « La durée de la carrière délinquante » ci-dessus). Il s'agit des auteurs présumés de la cohorte de naissance de 1987 dont la carrière avait débuté à 16 ou 17 ans, et de ceux de la cohorte de 1990 qui avaient commis leur première infraction à 13 ou 14 ans. Même si une telle sous-estimation peut aussi s'appliquer dans le cas d'autres auteurs présumés, il est peu probable qu'elle soit liée à l'âge de début et qu'elle fausse, par conséquent, les analyses effectuées dans le présent rapport, car selon l'analyse de la durée des carrières ci-dessus, les auteurs présumés tardifs ne sont probablement pas plus susceptibles que les auteurs précoces de continuer leur activité délinquante après la fin de la période d'observation. Bien entendu, cela exclut les carrières qui ont débuté pendant les deux dernières années de la période d'observation. Il ne fait aucun doute qu'en limitant l'analyse à l'activité consignée jusqu'à un certain âge, la présente étude ne fournit pas une estimation exacte de l'activité délinquante et criminelle pendant toute la durée de vie de ces auteurs présumés, ce qu'elle ne tente pas de faire. Cependant, l'impact de la restriction de la période d'observation devrait être à peu près le même, peu importe l'âge de début, sauf pour les deux dernières années.
  4. Je remercie Paul Verbrugge de m'avoir fait remarquer cela.
  5. Voir la section « L'âge et le taux d'infractions ».
  6. Comme dans les analyses antérieures, les pourcentages indiqués pour les auteurs présumés qui ont commencé leur carrière pendant les deux dernières années de la période d'observation sont probablement inférieurs à ce qu'ils devraient être en raison de la troncation des données. Par conséquent, l'augmentation en pourcentage jusqu'à l'âge de début de 14 ans dans la cohorte de la naissance de 1987 est probablement plus valable que les baisses aux âges de 13 et 14 ans dans la cohorte de 1990. De même, les diminutions indiquées pour les auteurs présumés dont l'âge de début est de 16 ou 17 ans sont probablement exagérées par la troncation des données.
  7. Voir les notes connexes sur des analyses antérieures.
  8. Il s'agit des personnes qui avaient moins de 12 ans au moment de leur première infraction.
  9. Il s'agit des personnes qui avaient 12 ans et plus au moment de leur première infraction.