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  1. Introduction
  2. Aperçu de l'étude et de ses résultats
  3. Où les jeunes commettent-ils des crimes?
  4. Discussion
  5. Méthodes
  6. Bibliographie

1   Introduction

Dans la présente étude, financée par le Centre national de prévention du crime de Sécurité publique Canada, on explore la répartition spatiale des crimes commis par les jeunes et déclarés par la police dans la ville de Toronto. L'étude, qui comprend un examen de la façon dont la criminalité chez les jeunes est répartie sur le territoire de Toronto, tente d'éclaircir les associations entre les crimes commis par les jeunes et déclarés par la police et les caractéristiques des quartiers qui sont les plus étroitement liées à ces crimes. Ce rapport constitue la deuxième phase de l'analyse spatiale des données sur les crimes déclarés par la police pour la ville de Toronto, et il s'appuie sur le document de recherche intitulé Caractéristiques des quartiers et répartition des crimes déclarés par la police dans la ville de Toronto (Charron, 2009). D'autres villes, notamment Edmonton, Halifax, Montréal, Regina, Saskatoon, Thunder Bay et Winnipeg, ont également fait l'objet d'une analyse spatiale des données sur les crimes déclarés par la police dans le cadre de cette série.

Les analyses spatiales des données sur la criminalité offrent une représentation visuelle de la concentration de la criminalité. Elles permettent également de mieux cerner les caractéristiques des quartiers qui sont liées aux taux de criminalité (voir l'encadré 1). Elles peuvent constituer un outil important dans l'élaboration et la mise en oeuvre de stratégies pour combattre le crime. (Pour obtenir plus de renseignements sur les méthodes utilisées dans la présente étude, consultez la section « Méthodes » à la fin du rapport.)

Les données utilisées dans le cadre de cette étude visent la ville de Toronto, un territoire desservi par le Service de police de Toronto. Toronto se trouve au coeur d'un immense système métropolitain qui borde l'extrémité ouest du lac Ontario (d'Oshawa à St. Catharines–Niagara), qui comprend 9 des 33 régions métropolitaines de recensement du pays et qui compte plus de 8 000 000 d'habitants (près du quart des Canadiens). La ville de Toronto — la capitale de la province de l'Ontario — comptait plus de 2 500 000 habitants en 2006, soit l'année de référence pour cette étude; environ 175 000 personnes étaient âgées entre 12 et 17 ans.

Des travaux réalisés au Centre canadien de la statistique juridique ont porté, dans le même ordre d'idées, sur les liens qui existent entre la criminalité et les caractéristiques des quartiers (Charron, 2009; Savoie, 2008). Ces études ont montré que la criminalité n'est pas répartie également dans une municipalité, mais qu'elle a tendance à être concentrée dans certains quartiers ou « points chauds ». Par ailleurs, d'autres travaux ont porté plus particulièrement sur la criminalité chez les jeunes. Ainsi, les auteurs Perreault, Savoie et Bédard (2008) ont montré que les caractéristiques des quartiers ne rendaient compte que d'une faible proportion des points chauds de la criminalité chez les jeunes à Montréal. À Toronto, Fitzgerald (2009) a constaté que la délinquance chez les jeunes élèves n'était pas associée aux caractéristiques des quartiers entourant leur école.

2   Aperçu de l'étude et de ses résultats

Dans le présent rapport, l'analyse principale porte sur les affaires criminelles commises par des jeunes dans la ville de Toronto en fonction de quatre types de lieux : les endroits publics extérieurs, les établissements commerciaux, les résidences privées et les écoles. Cela permet d'examiner plus en profondeur les facteurs qui sont liés à la criminalité chez les jeunes dans chacun de ces types de lieux. Cette partie de l'étude porte sur les affaires impliquant des jeunes qui ont été déclarées par la police et non sur le nombre de jeunes auteurs présumés d'une infraction criminelle 1 . Aux fins de la présente étude, la criminalité chez les jeunes est donc mesurée au moyen des affaires criminelles déclarées par la police dans lesquelles au moins un auteur présumé est âgé entre 12 et 17 ans; elle sera appelée « affaires criminelles chez les jeunes » 2 . Les affaires dans lesquelles tous les auteurs présumés ont 18 ans et plus seront appelées « affaires criminelles chez les adultes » 3 . La répartition géographique des crimes commis par les jeunes et déclarés par la police est présentée à l'aide de cartes.

Les analyses des affaires criminelles chez les jeunes reposent sur les données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l'affaire (DUC 2), qui tient compte des affaires dont les services de police ont pris connaissance et dont ils ont établi le bien-fondé. Il importe de souligner que de nombreux facteurs peuvent influer sur la déclaration des crimes par les services de police, dont la disposition de la population à signaler les actes criminels à la police de même que l'évolution des lois et des politiques et pratiques d'application de la loi par les services de police locaux.

Dans l'ensemble, les résultats de la présente étude montrent que les jeunes commettent davantage de crimes dans les endroits qui leur sont plus facilement accessibles et où le contrôle social est moindre. Toutefois, les caractéristiques des quartiers n'expliquent qu'une petite partie de la répartition spatiale de la criminalité chez les jeunes.

3   Où les jeunes commettent-ils des crimes?

3.1  Les deux tiers des affaires criminelles commises par les jeunes et déclarées par la police de Toronto ont eu lieu dans un endroit public extérieur ou un établissement commercial

Comme les affaires criminelles commises par les adultes à Toronto en 2006, le tiers (33 %) des affaires criminelles chez les jeunes ont eu lieu dans un endroit public extérieur et l'autre tiers (32 %), dans un établissement commercial (tableau 14 . Le reste des affaires commises par les jeunes sont survenues dans une résidence privée (17 %), sur le terrain d'une école (12 %) et dans d'autres endroits (6 %) 5 , 6 . Les affaires criminelles chez les adultes ont été plus nombreuses à être commises dans des résidences privées (28 %) et moins nombreuses à être perpétrées sur le terrain d'une école (1 %) que les affaires criminelles chez les jeunes.

Les différents types d'infractions se concentrent davantage dans des lieux précis, ce qui laisse entendre que certains lieux sont plus favorables à la perpétration de certains types de crimes. Ainsi dans l'ensemble, les crimes contre les biens commis par des jeunes étaient plus susceptibles de se produire dans des établissements commerciaux (66 %), alors que les crimes violents perpétrés par des jeunes avaient généralement lieu dans des endroits publics extérieurs (35 %). Afin de prendre ces éléments en considération, les analyses qui suivent portent sur la répartition spatiale des affaires criminelles chez les jeunes selon quatre types de lieux : les endroits publics extérieurs, les établissements commerciaux, les résidences privées et les écoles.

Encadré 1

Mesurer l'association entre la criminalité chez les jeunes et les caractéristiques des quartiers

Les analyses suivantes visent à mieux comprendre quelles sont les caractéristiques des quartiers qui sont associées aux affaires criminelles chez les jeunes. Dans ce travail, le quartier est représenté par le secteur de recensement (SR). (Pour de plus amples renseignements sur le terme « quartier », voir « Variables » à la section « Méthodes » à la fin du rapport.) Sauf indication contraire, les données sur les caractéristiques des quartiers proviennent du Recensement de la population.

Onze caractéristiques ont été sélectionnées en fonction de la disponibilité des données et de la revue de la littérature : population de nuit; population de jour; achalandage des stations de métro; activité commerciale; mobilité résidentielle; quartier central; accès aux ressources; vulnérabilité économique; bars; immigration; et affaires criminelles chez les adultes. Elles représentent les deux concepts les plus évoqués dans la littérature, soit les opportunités criminelles et le contrôle social.

Opportunités criminelles

Les opportunités criminelles désignent les concentrations spatiales et temporelles des victimes et des criminels potentiels (Cohen et Felson, 1979). Les déplacements quotidiens des personnes et les structures commerciales et résidentielles font en sorte que les affaires criminelles seront plus nombreuses là où se concentrent les opportunités. Par exemple, les centres commerciaux et les résidences privées contiennent de nombreux biens à voler, alors que les carrefours des réseaux de transport rendent certains endroits plus accessibles.

La présence de personnes dans un quartier augmente le nombre de crimes qui peut y être commis. Afin de prendre en compte cette réalité, on utilise dans la présente étude les chiffres des populations de nuit et de jour selon le quartier. D'une part, la population de nuit est composée des jeunes de 5 à 17 ans qui habitent dans le SR et des personnes de 18 ans et plus pour ce qui est des modèles concernant la criminalité chez les adultes. D'autre part, la population de jour comprend les jeunes de 5 à 17 ans qui ont fréquenté une école du SR en 2006-2007 selon les données fournies par le ministère de l'Éducation et la population qui travaille dans le SR pour les modèles sur la criminalité chez les adultes 7 .

L'achalandage des stations de métro représente le nombre de personnes qui ont transité par les stations de métro du SR en 2007, selon les données rendues publiques par la Toronto Transit Commission. Il permet de compléter la mesure de la population ambiante en indiquant les SR qui rassemblent de vastes mouvements de population. Aussi, les stations de métro sont des endroits animés où les crimes peuvent passer inaperçus; ces endroits peuvent faciliter la fuite et sont facilement accessibles aux jeunes.

L'activité commerciale peut regrouper au même endroit plusieurs opportunités criminelles. Elle est mesurée par le nombre de travailleurs dans les domaines du commerce de détail, de l'hébergement et des services de restauration au sein du SR, selon les données du Recensement de 2006.

Contrôle social

Le contrôle social, de même que les concepts similaires de cohésion sociale et d'efficacité collective, désigne la capacité de la population locale à normaliser les comportements des personnes qui résident dans le SR, qui y travaillent ou qui le traversent (Sampson et Raudenbush, 1999). Depuis les travaux fondateurs associés à l'école de Chicago (Park et Burgess, 1925; Shaw et McKay, 1942), la nature urbaine des quartiers a été liée à un mode de vie précis. En effet, les résidents des quartiers centraux des grandes agglomérations vivent dans un environnement animé, où se croisent de nombreux étrangers qui y viennent pour diverses raisons. Ces conditions influeraient sur les relations sociales, qui deviendraient plus anonymes et individualistes. En compromettant le développement de réseaux sociaux solides, de la cohésion sociale dans le quartier (Sampson et Morenoff, 2004) et de l'attachement au quartier, ces particularités favoriseraient la criminalité (Pain, 2000; Brown, Perkins et Brown, 2004).

La mobilité résidentielle et le caractère central des quartiers résument quant à eux les aspects urbanistiques des SR. Les SR à forte mobilité résidentielle comptent davantage de locataires et de personnes qui ont déménagé au cours de l'année précédente. À l'opposé, les SR à faible mobilité résidentielle sont caractérisés par un nombre important de résidents de longue date (plus de cinq ans) et de maisons individuelles non attenantes. Les quartiers centraux sont regroupés autour du centre-ville et comprennent généralement des bâtiments plus âgés. (Les concepts de mobilité résidentielle et de quartiers centraux, de même que les concepts d'accès aux ressources et de vulnérabilité économique qui sont décrits ci-dessous, ont été mesurés en tant que scores factoriels à partir d'une analyse factorielle. Pour plus de renseignements, voir « Analyse factorielle » à la section « Méthodes ».)

Il est généralement admis que le manque d'accès aux ressources socioéconomiques (comme l'éducation et le revenu) nuit à l'établissement du contrôle social de la criminalité par la population résidente (Forrest et Kearns, 2001; Sampson, Morenoff et Gannon-Rowley, 2002). De plus, le manque d'intégration au système économique et la stigmatisation qui en découle compromettent le respect des normes de conduite endossées par la société en général (Massey, 1996; Body-Gendrot, 2001; Forrest et Kearns, 2001; Bauder, 2002; Sampson, Morenoff et Gannon-Rowley, 2002).

Les résidents des SR où l'accès aux ressources est plus important montrent des niveaux d'éducation et de revenu plus élevés, alors que les familles monoparentales et les ménages à faible revenu sont plus nombreux dans les SR où l'accès aux ressources est moindre. Les SR où la vulnérabilité économique est grande comptent des proportions plus élevées de chômeurs, de ménages à faible revenu et de logements surpeuplés qui nécessitent des réparations majeures.

Le rôle de la présence de bars dans la criminalité a fait l'objet de plusieurs études. Celles-ci reposaient sur l'hypothèse selon laquelle la présence de bars pouvait avoir un effet sur les normes sociales dans le quartier (permettant plus de tolérance) ou pouvait attirer des consommateurs dans un milieu favorable à la criminalité avec violence (Treno et autres, 2007). Dans le présent rapport, les bars sont mesurés par le nombre de travailleurs dans les débits de boisson au sein du SR.

La plupart des travaux démontrant un lien entre l'immigration et la criminalité montrent qu'une hausse de l'immigration correspond à une baisse de la criminalité (Martinez, 2006). Dans le cas des jeunes immigrants à Toronto, des travaux de recherche laissent entendre que le fait qu'ils s'investissent davantage dans leur éducation se traduit par un plus grand engagement à se conformer, ce qui atténue leur participation à des activités illicites (Dinovitzer, Hagan et Levi, 2009). Dans la présente étude, l'immigration est représentée par la proportion de résidents du quartier ayant immigré au Canada entre 1997 et 2006, d'après les données du Recensement de 2006.

Enfin, plusieurs travaux ont porté sur les liens entre la délinquance chez les jeunes et l'exposition à la violence dans le quartier, à supposer que l'exposition à la violence pourrait avoir un impact sur la cohésion sociale et sur les attitudes et les normes qui sont importantes dans le quartier (Preski et Shelton, 2001; Lynch, 2003; Stein et autres, 2003; Spano et autres, 2009). Par conséquent, les affaires criminelles chez les adultes déclarées par la police et fondées sur les données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité sont aussi incluses dans les modèles.

3.2  La criminalité chez les jeunes dans les endroits publics extérieurs

Au fur et à mesure que les enfants vieillissent, leur univers spatial s'agrandit et, à l'adolescence, il déborde généralement du lieu de résidence et de l'école pour inclure les autres endroits publics. Trop jeunes pour avoir leur propre logement, les adolescents profitent des lieux accessibles gratuitement pour socialiser.

En 2006, près de 2 500 affaires criminelles commises par les jeunes sont survenues dans un endroit public extérieur de Toronto. Plus de 1 500 (63 %) de ces affaires ont eu lieu dans la rue, alors que les autres ont été commises dans un parc (15 %), un parc de stationnement (13 %) ou une infrastructure de transport en commun (9 %).

Parmi les 2 500 affaires criminelles commises par des jeunes dans les endroits publics extérieurs, 1 149 comprenaient suffisamment d'information spatiale pour être localisées sur la carte et se voir attribuer un SR. L'information spatiale relative aux affaires survenues dans la rue étant moins précise, ces affaires étaient surreprésentées parmi celles qui n'ont pu être localisées (71 %). La moitié (51 %) des affaires qui n'ont pu être localisées comprenaient des infractions contre l'administration de la justice (le défaut de se conformer à une ordonnance, le défaut de comparaître, le manquement à une ordonnance de probation, etc.).

La répartition géographique des affaires criminelles commises par des jeunes dans les endroits publics extérieurs (carte 1) est complexe et dépend de plusieurs facteurs. Certains points chauds correspondent aux alentours des centres commerciaux, alors que d'autres sont situés autour des stations de métro, particulièrement celles qui se trouvent en bout de ligne, comme Finch, Don Mills et Kennedy. Ce type de point chaud avait aussi été observé à Montréal (Perreault, Savoie et Bédard, 2008).

Les modèles multivariés montrent que les endroits extérieurs où les jeunes commettent davantage de crimes sont caractérisés par leurs opportunités criminelles et leur faible contrôle social (tableau 2, premier modèle). Plus précisément, les résultats donnent à penser que plus il y a de jeunes qui vivent dans le quartier, plus le nombre d'affaires criminelles chez les jeunes qui ont été déclarées par la police est élevé. D'autres lieux qui attirent des jeunes, comme les stations de métro et les zones commerciales, sont aussi associés à la criminalité chez les jeunes.

Les jeunes ont un accès facile aux quartiers centraux, surtout grâce au transport en commun. Ces quartiers attirent donc plusieurs jeunes qui viennent y magasiner, passer le temps et se divertir. La présence de ces jeunes augmente la possibilité qu'ils y commettent un crime (tableau 2).

Par ailleurs, les endroits publics extérieurs qui sont situés près des bars, dans les quartiers dont la population est vulnérable et dans les quartiers dont la population n'a qu'un accès limité aux ressources socioéconomiques sont aussi plus à risque de voir les jeunes y commettre des crimes. En fait, les affaires criminelles chez les jeunes sont moins nombreuses dans les quartiers dont les ménages ont des revenus élevés (carte 1).

Les endroits publics extérieurs où les jeunes commettent davantage de crimes sont aussi plus susceptibles d'être le lieu d'un nombre important de crimes perpétrés par des adultes (tableau 2, second modèle). Ce résultat donne à penser que les facteurs liés à la criminalité chez les jeunes dans les endroits publics sont semblables aux facteurs associés à la criminalité chez les adultes.

Comme dans le cas de la criminalité chez les jeunes, la criminalité chez les adultes dans les endroits publics extérieurs repose sur les activités quotidiennes et les lieux de fréquentation des contrevenants potentiels (tableau 2, troisième modèle). Ainsi, les endroits publics situés dans des quartiers à forte population ambiante (c.-à-d. une forte population résidentielle et un grand nombre de travailleurs) seront plus à risque. La criminalité chez les adultes semble toutefois être davantage influencée par les caractéristiques urbanistiques (quartiers centraux et mobilité résidentielle) et par la présence de bars.

Il est important de noter que les caractéristiques des quartiers, telles qu'elles sont incluses dans l'analyse multivariée de la présente étude, ne rendent compte que du cinquième de la répartition spatiale des crimes perpétrés par des jeunes dans les endroits publics extérieurs (tableau 2, second modèle). Il se peut que d'autres facteurs importants n'aient pas été pris en compte dans cette analyse en raison des limites des données.

3.3  La criminalité chez les jeunes dans les établissements commerciaux

L'activité commerciale est, de façon générale, fortement associée à la criminalité, principalement aux crimes contre les biens (Perreault, Savoie et Bédard, 2008; Savoie, 2008; Charron, 2009). De fait, les établissements commerciaux offrent des opportunités criminelles claires, surtout pour les vols, mais aussi pour les méfaits, les vols qualifiés et les introductions par effraction. De plus, les zones commerciales rassemblent de grands nombres de personnes dont les interactions peuvent mener à des crimes violents (Charron, 2009).

En 2006, la police de Toronto a déclaré 2 377 affaires criminelles commises par des jeunes dans un établissement commercial, la grande majorité (73 %) ayant été des vols à l'étalage. Pour la plupart (87 %) de ces affaires, la base de données DUC comprenait suffisamment de renseignements pour permettre de les localiser sur la carte et de leur attribuer un SR.

Il apparaît clairement sur la carte 2 que la répartition géographique des crimes commis par des jeunes dans les établissements commerciaux concorde fortement avec la répartition géographique de l'activité commerciale dans la ville de Toronto. En effet, la plupart des zones commerciales affichent une densité élevée de crimes, et la plupart des points chauds de la criminalité dans les établissements commerciaux se trouvent dans une zone commerciale.

Certaines exceptions apparaissent cependant. Par exemple, il arrive que les jeunes commettent des crimes dans certains commerces de quartier, comme des restaurants et des dépanneurs qui sont situés dans des zones résidentielles, hors des zones de grande concentration commerciale. Ils commettent aussi moins de crimes dans les zones commerciales correspondant aux parcs industriels et aux magasins à grande surface, comparativement aux autres types de zones commerciales.

L'association entre l'activité commerciale et les affaires criminelles commises par des jeunes dans les établissements commerciaux ressort aussi du modèle multivarié (tableau 3). L'activité commerciale est la seule caractéristique des quartiers qui était associée aux affaires criminelles commises par des jeunes dans les commerces (tableau 3, premier modèle). Le fait que l'activité commerciale n'explique pas toute l'organisation spatiale de la criminalité chez les jeunes dans les établissements commerciaux signifie que certains d'entre eux sont plus ciblés que d'autres.

Les résultats du second modèle montrent que le nombre d'affaires criminelles commises par des adultes dans les établissements commerciaux est fortement lié au nombre d'affaires criminelles perpétrées par des jeunes dans ces mêmes établissements. Il apparaît donc que les établissements commerciaux les plus à risque de criminalité chez les jeunes sont aussi à risque de criminalité chez les adultes.

Malgré les importantes similitudes entre la criminalité chez les jeunes et la criminalité chez les adultes dans les établissements commerciaux, certaines différences ressortent (tableau 3, troisième modèle). Les affaires criminelles chez les jeunes sont légèrement plus nombreuses dans des commerces situés à proximité des écoles fréquentées par les jeunes de 12 à 17 ans, probablement parce que ces endroits sont plus accessibles aux jeunes. Aussi, par rapport aux adultes, il semble que les jeunes commettent davantage leurs délits dans des commerces qui sont éloignés des stations de métro, qui sont situés dans des quartiers périphériques et qui se trouvent dans des zones commerciales de moindre envergure.

Ces résultats pourraient signifier que les jeunes tendent à commettre plus de crimes dans les petits commerces de détail situés dans les secteurs résidentiels. Toutefois, plus d'information serait nécessaire pour comprendre quels sont les facteurs qui représentent un risque de criminalité pour les établissements commerciaux. Les résultats d'une étude précédente sur la criminalité dans la ville de Toronto donnent à penser que les commerces de type grande surface sont davantage protégés que les autres (Charron, 2009). D'autres facteurs, comme les services offerts, le type de marchandises vendues, les heures d'ouverture et la sécurité privée, peuvent également jouer un rôle.

3.4  La criminalité chez les jeunes dans les résidences privées

L'analyse des crimes dans les résidences privées porte sur le lieu de l'affaire, qui peut comprendre la résidence de l'auteur présumé, de la victime ou d'une autre personne 8 . La base de données sur les crimes déclarés par la police ne comprend pas de renseignements permettant de distinguer cet aspect.

En 2006, la police de Toronto a déclaré 1 230 affaires commises par des jeunes dans une résidence privée. Ce service a indiqué que près de la moitié (46 %) d'entre celles-ci étaient survenues dans une maison unifamiliale, la moitié (50 %), dans une unité d'habitation et le reste, dans une structure sur une propriété privée, comme une remise ou un garage séparé. Selon les données du recensement, les unités d'habitation sont caractérisées par davantage de locataires, de ménages à faible revenu et de logements surpeuplés (tableau 4). (D'après les définitions du Programme DUC 2, la principale différence entre une maison unifamiliale et une unité d'habitation réside dans le fait que la maison a une entrée donnant sur l'extérieur.)

Les types de crimes commis par des jeunes dans les maisons diffèrent de ceux perpétrés dans les unités d'habitation. Les maisons sont plus accessibles que les unités d'habitation (dont l'entrée ne donne pas directement sur la rue). Ainsi, les maisons étaient le lieu de 62 % des crimes contre les biens, notamment des introductions par effraction, des vols et des méfaits, ayant été commis par des jeunes dans les résidences privées (tableau 5). Les unités d'habitation étaient l'endroit où sont survenus 59 % des crimes violents commis par des jeunes dans les résidences privées.

Les deux tiers (66 %) des affaires criminelles commises par des jeunes dans les résidences privées et déclarées par la police ont pu être localisées et attribuées à un SR (carte 3). Règle générale, ces affaires tendent à se concentrer dans les mêmes quartiers que les affaires criminelles perpétrées par des jeunes dans les endroits publics extérieurs (carte 1). Certaines différences ressortent néanmoins. Principalement, les affaires criminelles commises par des jeunes dans les résidences privées sont moins nombreuses dans les quartiers centraux que les affaires criminelles perpétrées par des jeunes dans les endroits publics extérieurs.

Cette différence ressort également des modèles multivariés (tableau 6, premier modèle). En effet, les quartiers centraux ne sont pas statistiquement associés au nombre d'affaires criminelles commises par des jeunes dans les résidences privées.

Les crimes commis par des jeunes dans les résidences privées sont déclarés en plus grand nombre dans les quartiers qui comptent plus de jeunes résidents. Il se peut que cette association soit liée au fait que plusieurs de ces crimes sont commis dans la résidence du jeune auteur présumé, dans la résidence d'une victime (48 % des victimes des jeunes auteurs présumés dans les résidences privées étaient elles-mêmes des jeunes) ou dans la résidence d'un ami ou d'une amie du jeune. Malgré tout, le nombre de jeunes qui habitent le quartier ne rend que partiellement compte des concentrations spatiales de crimes commis par des jeunes dans les résidences privées.

Une proportion plus élevée d'immigrants récents dans le quartier ainsi que le plus grand accès des résidents aux ressources socioéconomiques sont liés à un moins grand nombre d'affaires criminelles chez les jeunes. Par ailleurs, une plus grande vulnérabilité économique des résidents est associée à un plus grand nombre d'affaires criminelles perpétrées par des jeunes dans les résidences privées.

Les quartiers qui comptent davantage de crimes commis par des adultes dans les résidences privées sont aussi ceux qui comptent le plus de crimes perpétrés par des jeunes (tableau 6, second modèle). Cette association peut être liée à l'exposition à la violence et à l'affaiblissement du contrôle social qui en découle.

Les caractéristiques des quartiers incluses dans cette étude ont beaucoup plus de répercussions sur les affaires criminelles commises par des adultes dans les résidences privées que sur les crimes perpétrés par des jeunes. En effet, elles rendent compte de plus de la moitié de la répartition spatiale des crimes commis par des adultes mais d'à peine le cinquième de ceux commis par des jeunes (tableau 6, premier et troisième modèles). Bien qu'elle soit relativement petite, la proportion de la criminalité chez les jeunes qui est expliquée par les modèles est semblable à celle observée chez les jeunes vivant à Montréal (Perreault, Savoie et Bédard, 2008). Cela n'indique pas que les associations statistiques observées ne sont pas significatives, mais plutôt que beaucoup d'autres facteurs pourraient influer sur les lieux où les jeunes commettent leurs crimes.

3.5  La criminalité chez les jeunes dans les écoles

L'école occupe une place importante dans la vie de la plupart des jeunes, ne serait-ce que parce qu'ils y passent beaucoup de temps. L'engagement à l'égard des études et la performance scolaire sont souvent mis en relation avec les comportements de délinquance (Fitzgerald, 2003, 2010), et le milieu scolaire peut constituer un facteur de protection pour les jeunes à risque de délinquance. Dans une étude portant sur les comportements de délinquance autodéclarés à Toronto, on a constaté que le risque de délinquance était réduit chez les élèves qui fréquentaient des écoles affichant des niveaux supérieurs d'attachement des élèves à leur école (peu importe si les élèves étaient attachés à leur école ou l'aimaient), d'engagement des enseignants et d'activités parascolaires à l'école (Fitzgerald, 2009). À l'opposé, les écoles présentant des niveaux supérieurs de dommage, de vandalisme et de comportements posant problème, tels que les vols, les bagarres et la consommation de drogue, favorisaient ce risque. Par contre, la même étude a révélé que les caractéristiques du quartier de l'école n'avaient aucune répercussion sur la délinquance des jeunes fréquentant cette école.

En 2006, la police a déclaré 883 affaires criminelles commises par les jeunes sur les lieux d'une école à Toronto. Les données du ministère de l'Éducation indiquent qu'il y avait plus de 165 000 élèves de 12 à 17 ans qui étaient inscrits dans les écoles de Toronto en 2006-2007, ce qui donne 1 affaire criminelle commise par les jeunes et déclarée par la police pour 187 élèves de 12 à 17 ans.

Parmi les 883 affaires criminelles commises par des jeunes dans les écoles et déclarées par la police, les deux tiers (585) ont eu lieu durant les activités surveillées. Lorsqu'on examine les données sur les crimes violents dans les écoles, on constate que près de 7 affaires déclarées par la police sur 10 (69 %) sont survenues durant les activités surveillées (tableau 7). En fait, seuls les vols qualifiés, les introductions par effraction et les méfaits étaient plus nombreux à avoir été commis en dehors des activités surveillées.

Le plus grand nombre de crimes violents commis durant les heures de cours pourrait être attribuable au fait que les jeunes sont regroupés à l'école en grand nombre et y interagissent beaucoup. De plus, il se peut que les crimes violents se produisant durant les activités surveillées soient plus susceptibles d'être signalés à la police. À l'opposé, les infractions nécessitant plus de discrétion (les introductions par effraction et les méfaits) étaient plus nombreuses à survenir en dehors des activités surveillées.

Il a été démontré que, à Toronto, le risque de délinquance varie sensiblement d'une école à l'autre (Fitzgerald, 2009). Malheureusement, comme l'information géographique concernant les crimes dans les écoles n'a permis d'en localiser que 300, il n'a pas été possible d'analyser la répartition spatiale des crimes déclarés par la police dans les écoles de Toronto.

Encadré 2

Où vivent les jeunes auteurs présumés?

Les analyses précédentes portent toutes sur les lieux des affaires criminelles commises par les jeunes et elles renseignent sur les éléments contextuels qui sont liés au lieu d'une affaire. En analysant les caractéristiques des quartiers où vivent les jeunes auteurs présumés, on s'intéresse davantage à l'environnement dans lequel les jeunes évoluent. Cette analyse porte sur les caractéristiques des quartiers où vivent les jeunes auteurs présumés de crimes afin de mieux comprendre le lien qui pourrait exister entre les caractéristiques des quartiers et les taux de jeunes auteurs présumés. Les analyses des quartiers où vivent les jeunes sont fondées sur des données agrégées à l'échelon du quartier, qui ont été fournies par le Service de police de Toronto.

Les caractéristiques des quartiers sont tirées du Recensement de la population de 2006. Le recensement est mené par Statistique Canada tous les cinq ans, et au moment où la présente étude a été réalisée, l'année la plus récente pour laquelle on disposait de données du recensement était 2006. Aux fins de comparabilité, le présent rapport repose sur les données de la police pour 2006. Les données sur l'effectif scolaire, qui ont été fournies par le ministère de l'Éducation de l'Ontario, portent sur l'année scolaire 2006-2007, alors que les données sur l'achalandage des stations de métro, rendues publiques par la Toronto Transit Commission, concernent l'année 2007.

À l'aide des données policières, il a été possible de localiser le quartier de résidence de 7 893 (17 %) jeunes auteurs présumés de crimes survenus à Toronto en 2006 9 . Cependant, il y a lieu de croire que certains jeunes commettent un nombre disproportionné de crimes. Selon les auteurs Carrington et Schulenberg (2004), 9 % des jeunes personnes arrêtées en 2001 avaient eu plus de cinq contacts antérieurs avec la police. Par ailleurs, 91 % des actes de délinquance déclarés par les jeunes de Toronto eux-mêmes en 2006 ont été le fait de moins de la moitié des délinquants ayant fait de telles déclarations (Savoie, 2007). Dans la présente étude, il n'a pas été possible d'identifier les jeunes ayant eu plus d'un contact avec la police.

Comme dans le cas des affaires criminelles commises par des jeunes dans les endroits publics extérieurs et les résidences privées (cartes 1 et 3), les taux de jeunes auteurs présumés sont supérieurs dans certaines zones caractérisées par des revenus des résidents qui sont moindres, et ils sont inférieurs dans les quartiers dont les résidents affichent des revenus élevés (carte 4).

Les résultats des modèles de régression montrent que les caractéristiques des quartiers dans lesquels vivent les jeunes sont davantage associées aux taux de jeunes auteurs présumés (tableau 8) que ne le sont les caractéristiques des lieux où ils commettent des crimes (tableaux 2, 3 et 6). Ces résultats donnent à penser que les caractéristiques des quartiers ont plus d'influence sur les risques des jeunes résidents de devenir des auteurs présumés de crimes qu'elles ne l'ont sur le lieu des affaires criminelles chez les jeunes.

Plus précisément, il apparaît que les jeunes vivant dans les quartiers à forte mobilité résidentielle et vulnérabilité économique sont plus à risque d'être des auteurs présumés de crimes (tableau 8, premier modèle). À l'opposé, le risque est moindre dans les quartiers à forte proportion d'immigrants et les secteurs où les résidents ont un plus grand accès aux ressources socioéconomiques.

Les affaires criminelles commises par les adultes dans le quartier ont aussi des répercussions significatives sur le taux de jeunes auteurs présumés (tableau 8, second modèle). Ce résultat laisse entendre que l'exposition à la criminalité ou à la violence dans un quartier peut accroître le risque de délinquance chez les jeunes.

Les caractéristiques des quartiers associées au taux d'auteurs présumés adultes (tableau 8, troisième modèle) sont très similaires à celles qui sont liées au taux de jeunes auteurs présumés (tableau 8, premier modèle). Les modèles multivariés (tableaux 2, 3, 6 et 8) montrent que les caractéristiques des quartiers sont plus fortement associées aux lieux où vivent les jeunes auteurs présumés qu'aux lieux où ils commettent leurs crimes.

4   Discussion

La présente étude vise à mieux comprendre la façon dont la criminalité chez les jeunes se répartit dans la ville de Toronto et, plus particulièrement, quelles sont les caractéristiques des quartiers qui lui sont les plus fortement associées.

Les résultats révèlent que près du tiers des affaires criminelles commises par les jeunes sont survenues dans un établissement commercial. La plupart étaient des infractions sans violence et près des trois quarts (73 %) étaient des vols à l'étalage. Comme dans le cas des affaires criminelles chez les adultes, les affaires criminelles commises par des jeunes dans les établissements commerciaux étaient surtout concentrées dans les zones commerciales. Cependant, les résultats laissent entendre que certains autres établissements commerciaux, comme les établissements dans les quartiers résidentiels et ceux près des écoles, étaient plus à risque que d'autres.

Les affaires commises par des jeunes dans les endroits publics extérieurs étaient plus nombreuses près des lieux fréquentés par les jeunes, comme les établissements commerciaux, les lieux de résidence et les infrastructures de transport en commun.

Les affaires criminelles commises par des jeunes dans les endroits publics extérieurs et les résidences privées étaient plus nombreuses dans les quartiers dont l'accès aux ressources socioéconomiques était moindre, ce facteur étant lié au faible contrôle social. Le contrôle social peut être défini comme la capacité de la communauté locale à contrôler les comportements délinquants (Shaw et McKay, 1942; Sampson et Groves, 1989; Sampson et Raudenbush, 1999). Selon ces auteurs, le contrôle social serait moins efficace là où la population locale doit faire face à une situation économique difficile (chômage, faible revenu et problèmes de logement) et a un accès limité aux ressources socioéconomiques (faibles niveaux de scolarité et de revenu).

Selon la police, relativement peu d'affaires criminelles impliquant des jeunes sont commises à l'école. En fait, 12 % des affaires criminelles chez les jeunes ont été perpétrées sur le terrain d'une école, les deux tiers s'étant produites durant les activités surveillées. En raison du petit nombre d'affaires criminelles commises par des jeunes dans les écoles, il a été impossible d'évaluer les répercussions des caractéristiques des quartiers sur les crimes perpétrés par des jeunes dans les écoles.

Dans l'ensemble, les résultats des analyses montrent que les caractéristiques des quartiers ne rendent compte que d'une faible partie de la répartition spatiale de la criminalité chez les jeunes. Toutefois, les caractéristiques des quartiers où vivaient ces jeunes, en particulier celles associées au contrôle social, jouaient un rôle plus important dans l'explication des taux de jeunes auteurs présumés de crimes.

Les caractéristiques des quartiers étaient plus étroitement liées aux taux de jeunes auteurs présumés parmi leurs résidents qu'aux taux d'affaires criminelles commises par les jeunes. Autrement dit, le quartier a plus d'influence sur le risque qu'ont ses jeunes résidents de commettre une affaire criminelle déclarée par la police (dans le quartier ou ailleurs) qu'il en a sur le nombre d'affaires criminelles que les jeunes commettent sur son territoire. Les taux d'auteurs présumés étaient plus élevés dans les quartiers à forte mobilité résidentielle et là où la population locale était vulnérable sur le plan économique.

La vulnérabilité économique avait la plus forte incidence sur les taux de jeunes auteurs présumés, ces taux étant moindres dans les endroits où la population locale avait un meilleur accès aux ressources socioéconomiques. Cela pourrait laisser entrevoir que le fait de vivre dans un quartier caractérisé par l'insécurité économique augmente les risques de criminalité chez les jeunes.

L'immigration s'est révélée être un facteur de protection contre la criminalité et la délinquance au lieu de résidence. À l'instar des constatations semblables dans d'autres études, ce résultat pourrait porter à croire que les quartiers à forte proportion d'immigrants sont caractérisés par un plus grand contrôle social (Martinez, 2006).

Ces associations statistiques laissent entendre que le quartier dans lequel vivent les jeunes influe sur leurs comportements criminels. Pour plusieurs raisons, les habitants de certains quartiers seraient moins enclins à faire respecter les normes sociales et à les inculquer aux enfants du quartier. Par ailleurs, d'autres travaux de recherche donnent à penser que les jeunes vivant dans des quartiers qui affichent des taux élevés de crimes violents seraient marqués par la violence dont ils auraient été témoins ou victimes et seraient soumis aux influences des attitudes violentes de certains habitants du quartier (Preski et Shelton, 2001; Lynch, 2003; Stein et autres, 2003; Spano, Vazsonyi et Bolland, 2009).

Néanmoins, les résultats des analyses montrent que les quartiers dans lesquels vivent les jeunes auteurs présumés ne représentent qu'une faible proportion des lieux où se produisent les crimes commis par des jeunes, ce qui indique que la proximité du quartier de résidence n'est qu'un des facteurs dont il faut tenir compte. Ces résultats concordent avec ceux de Savoie, Bédard et Collins (2006), qui ont constaté que dans le cas des jeunes de 12 à 17 ans qui s'adonnaient à des activités criminelles à Montréal, la distance médiane entre leur lieu de résidence et le lieu du crime s'élevait à plus de deux kilomètres. Cette constatation nous rappelle que l'espace dans lequel évoluent les jeunes personnes dépasse de beaucoup leur quartier de résidence (Oberwittler, 2007). En outre, bien que les affaires criminelles chez les jeunes aient été légèrement plus fréquentes dans les établissements commerciaux situés près des écoles, la proximité d'une école n'avait aucun effet majeur sur la répartition spatiale de la criminalité chez les jeunes dans les résidences privées et dans les endroits publics extérieurs.

Les résultats révèlent aussi que les caractéristiques des quartiers associées au lieu de résidence des jeunes auteurs présumés diffèrent subtilement de celles qui sont liées au lieu du crime. Il apparaît en effet que les quartiers centraux voient davantage de criminalité dans les endroits publics, alors que le fort roulement de la population dans le quartier de résidence accroît le risque qu'un jeune soit identifié en tant qu'auteur présumé. D'autres travaux de recherche ont montré que l'anonymat des quartiers centraux et l'accessibilité à ces derniers favoriseraient les crimes dans les endroits extérieurs (Tittle et Grasmick, 2001; Wilcox et autres, 2004; Treno et autres, 2007), alors que la mobilité résidentielle et l'accès plus difficile à la propriété favoriseraient davantage les comportements de délinquance chez les personnes qui vivent dans ces conditions (Sampson et Morenoff, 2004; Pain, 2000; Brown, Perkins et Brown, 2004).

Les mécanismes qui expliquent le lien entre le quartier et la criminalité chez les jeunes sont complexes et difficiles à démontrer clairement au moyen de données statistiques limitées. Le manque de détails dans les données n'a pas permis de vérifier le sens des causalités ou la superposition des facteurs de risque. Néanmoins, les résultats de la présente étude viennent appuyer l'idée selon laquelle certaines conditions du quartier favoriseraient la criminalité chez les jeunes.

5   Méthodes

5.1  Sources de données

5.1.1  Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l'affaire

Le Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l'affaire (DUC 2) sert à recueillir des données détaillées sur les diverses affaires criminelles signalées à la police, y compris les caractéristiques des affaires, des auteurs présumés et des victimes.

Dans ce programme, un maximum de quatre infractions peut être consigné dans la base de données pour une même affaire criminelle. Les infractions choisies sont classées selon leur degré de gravité, aspect lié à la peine maximale que prévoit le Code criminel.

Ce document porte sur la plupart des infractions au Code criminel et sur l'ensemble des infractions à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, mais il exclut les infractions à d'autres lois fédérales et provinciales ainsi que les infractions aux règlements municipaux. Sont également exclues les infractions au Code criminel pour lesquelles il n'y a pas de modèle prévu de répartition spatiale ou de données permettant de les situer. Par exemple, le tribunal est normalement considéré comme le lieu des infractions contre l'administration de la justice, telles que la violation des conditions de la liberté sous caution ou de la probation et le défaut de comparaître. Pour ce qui est des appels téléphoniques harcelants ou menaçants, le lieu de l'affaire consigné est souvent le point de réception de l'appel, et pour la conduite avec facultés affaiblies, c'est le lieu de l'arrestation qui est probablement plus susceptible d'être consigné (p. ex. les arrestations pendant un barrage routier).

5.1.2  Service de police de Toronto — données sur le quartier des auteurs présumés

Les renseignements sur le quartier de résidence des auteurs présumés, agrégés à l'échelon de l'aire de diffusion 10 , ont été fournis par le Service de police de Toronto. Ce dernier n'a pas fourni l'adresse des auteurs présumés, mais plutôt le nombre total de jeunes auteurs présumés d'un crime, selon l'aire de diffusion (c.-à-d. le quartier) de leur résidence.

5.1.3  Recensement de la population

Le Recensement de la population contient des renseignements sur la population, les logements et les lieux de travail non seulement à l'échelle du Canada, mais à celles des provinces et territoires, et des régions plus petites, comme les villes ou leurs quartiers. Le recensement fournit également des données sur les caractéristiques démographiques, sociales et économiques du pays.

Les données socioéconomiques détaillées qui sont utilisées dans ce document proviennent du questionnaire complet du recensement destiné à un échantillon de 20 % des ménages. Statistique Canada mène le Recensement de la population tous les cinq ans, et les données les plus récentes remontent à 2006.

5.1.4  Ministère de l'Éducation de l'Ontario — données sur l'effectif scolaire

Le ministère de l'Éducation de l'Ontario a fourni les données sur l'effectif scolaire des écoles primaires et secondaires publiques qui relèvent des commissions scolaires de la ville de Toronto. Les données fournies comprenaient des détails sur l'âge et le sexe, et elles représentaient l'année scolaire 2006-2007.

5.1.5  Données sur l'achalandage des stations de métro

Les données sur l'achalandage des stations de métro ont été obtenues sur le site Web de la Toronto Transit Commission. Cette dernière publie chaque année des statistiques clés sur le rendement du réseau de transport en commun. Les données les moins récentes qu'il a été possible d'obtenir remontaient à l'année 2007-2008. Pour de plus amples renseignements sur les statistiques d'exploitation de la Toronto Transit Commission, veuillez consulter l'adresse suivante : http://www3.ttc.ca/About_the_TTC/Operating_Statistics/2007.jsp.

5.2  Géocodage

Le géocodage est une activité consistant à faire correspondre une adresse avec un point de la surface de la Terre. Dans le présent document, l'adresse est le lieu de perpétration d'une affaire criminelle signalée à la police après agrégation à l'échelon du côté d'îlot, c'est-à-dire d'un côté de l'îlot entre deux intersections successives. À cette fin, on apparie les enregistrements de deux bases de données, l'une contenant une liste d'adresses et l'autre, des renseignements sur le réseau routier et la tranche d'adresses d'un îlot donné. L'outil de géocodage précise pour chaque adresse sa position unique dans le quadrillage routier. Comme le réseau routier est en référence géographique, c'est-à-dire qu'il se situe dans un système de coordonnées géographiques, on peut établir les valeurs longitudinales et latitudinales — les valeurs X et Y — de chaque affaire criminelle. Dans les cas où le lieu de l'affaire ne correspond pas à une adresse, le géocodage est effectué en créant, par exemple, un point sur une intersection de deux rues ou au centre d'un parc public. Les valeurs X et Y de la base de données sur les affaires criminelles forment la grille spatiale permettant de situer les points par rapport aux rues ou aux quartiers où ces affaires ont lieu.

Aux fins du présent document, le Service de police de Toronto a transmis au Centre canadien de la statistique juridique (CCSJ) les adresses des affaires criminelles commises par les jeunes, lesquelles ont été déclarées et inscrites dans la base de données du Programme DUC 2 en 2006. Le CCSJ a transformé l'ensemble des renseignements en un jeu de coordonnées géographiques (X et Y) pour chaque adresse. Ces coordonnées ont été rapportées au point central d'un côté d'îlot dans le cas des adresses précises, et à des points d'intersection dans le cas des rues et des parcs. Le Service de police de Toronto a fourni les renseignements sur le lieu de résidence des auteurs présumés, agrégés à l'échelon de l'aire de diffusion.

5.3  Techniques de cartographie

L'analyse des noyaux (kernel analysis) est une méthode qui permet de représenter la répartition spatiale des données sur la criminalité. Elle permet d'examiner les points de données sur les affaires criminelles sans égard aux limites des quartiers et de dégager les endroits où se concentrent des affaires. Ce type d'analyse vise à estimer, à partir d'une représentation de points, la façon dont la densité des affaires varie à l'intérieur du territoire étudié. L'analyse des noyaux permet de représenter des valeurs de densité lissées sur une carte.

Dans l'estimation par la méthode des noyaux, on superpose une grille fine au territoire à l'étude. On mesure les distances entre le centre d'une cellule de la grille et chaque observation qui se situe dans une zone d'influence établie appelée « rayon de recherche » (bandwidth). Chacune des observations contribue à la valeur de densité en fonction de son éloignement du centre de la cellule. Les observations près du centre ont plus de poids dans les calculs de densité que les observations plus éloignées. Le produit de l'application de la méthode des noyaux est une matrice (raster) où chaque cellule correspond à une valeur locale de densité. Dans la présente étude, la taille d'une cellule de la grille correspond à 100 mètres carrés et le rayon de recherche utilisé est de 1 000 mètres. Cette méthode d'analyse a été appliquée à l'aide de l'outil Kernel Density, disponible dans l'extension Spatial Analyst d'ArcGIS.

5.4  Variables

5.4.1  Criminalité chez les jeunes

La présente étude porte sur la criminalité chez les jeunes qui, en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, se définit comme les crimes dont les auteurs présumés sont des jeunes de 12 à 17 ans. Les crimes commis par les jeunes, étudiés dans ce document, ont été déclarés par la police et compilés dans le Programme DUC 2. Une affaire criminelle est considérée comme un crime commis par des jeunes si au moins un des auteurs présumés est âgé entre 12 et 17 ans. Toutefois, un petit nombre de ces affaires (environ 2 %) impliquait des jeunes de moins de 12 ans 11 . À Toronto en 2006, 11 % des affaires criminelles déclarées par la police dans lesquelles au moins un auteur présumé était âgé entre 12 et 17 ans impliquaient aussi au moins un auteur présumé adulte.

Plusieurs affaires criminelles commises par les jeunes ne sont pas étudiées dans ce rapport parce qu'elles ne sont pas signalées à la police ou déclarées par celle-ci. En fait, un nombre important d'affaires criminelles ne viennent jamais à l'attention de la police. Selon les données de l'Enquête internationale auprès des jeunes, réalisée à Toronto en 2006, seuls 5 % des jeunes ayant déclaré avoir eu au moins un comportement délinquant au cours de leur vie ont dit avoir été découverts par la police.

Les affaires criminelles ont été classées en quatre catégories de lieux aux fins de l'analyse. Les crimes ayant eu lieu à l'école comprennent les établissements offrant des cours de la prématernelle à la 13e année ou l'équivalent, dont le but principal est de dispenser un enseignement à des enfants. Cette catégorie comprend toutes les constructions situées sur le terrain de l'école, incluant les parcs de stationnement et les terrains de jeu.

Les affaires ayant eu lieu dans un établissement commercial sont celles qui ont été déclarées dans un magasin, un concessionnaire d'automobiles, une banque, un dépanneur, une station-service ou une autre construction dont la fonction principale est d'abriter des activités lucratives légitimes. Les endroits publics extérieurs comprennent les parcs de stationnement, les infrastructures de transport en commun, les rues, les parcs et les terrains de jeu.

Les affaires ayant eu lieu dans une résidence privée sont survenues dans une construction possédée ou louée (maison unifamiliale, duplex ou immeuble d'appartements) ou sur le terrain de cette propriété.

Les renseignements sur le lieu de résidence des auteurs présumés ont été fournis par le Service de police de Toronto, agrégés à l'échelon de l'aire de diffusion.

5.4.2  Quartier

Comme cette étude porte sur l'influence potentielle du quartier sur la criminalité chez les jeunes, les affaires ont été regroupées selon le quartier aux fins de l'analyse. Le quartier est un lieu structurant pour les personnes qui y vivent. En plus d'y interagir entre eux, les habitants d'un quartier sont soumis aux mêmes conditions locales, allant de l'offre alimentaire à la pollution, en passant par l'architecture et la composition sociale. Le quartier est donc une unité d'analyse importante en ce qui a trait à plusieurs phénomènes sociaux (Kearns et Parkinson, 2001). Les répercussions du quartier pourraient être encore plus importantes pour les enfants, qui y passent le plus clair de leur temps (Sampson, Morenoff et Gannon-Rowley, 2002).

Cependant, la définition spatiale du quartier est problématique. En effet, les frontières des quartiers ne sont pas toujours évidentes et univoques (Ingoldsby et Shaw, 2002; Holloway et McNulty, 2003; Martin, 2003). Entre autres choses, il est à penser que certains aspects du quartier ressortent davantage à l'échelon de grands quartiers, alors que d'autres opèrent à un échelon beaucoup plus fin, comme la rue ou le pâté de maisons (Brown et autres, 2004; Charron et Shearmur, 2005).

Dans la présente étude, le quartier est défini comme le secteur de recensement (SR). Cette unité spatiale est une petite région géographique relativement stable qui compte habituellement entre 2 500 et 8 000 habitants et qui est délimitée par un comité de spécialistes locaux de concert avec Statistique Canada. Le SR est l'unité la plus fréquemment utilisée pour mesurer le quartier. Sauf indication contraire, les données sur les caractéristiques des quartiers proviennent du Recensement de 2006.

Quelques précisions doivent être apportées au sujet de l'analyse statistique des phénomènes sociaux à l'échelon des quartiers. Il faut d'abord noter que ces analyses, dites écologiques, s'intéressent aux quartiers et non aux personnes. Par conséquent, si l'on observe une association entre la criminalité et la vulnérabilité économique dans le quartier, par exemple, cela ne signifie pas que les crimes sont davantage commis par les personnes défavorisées.

Aussi, d'importantes critiques ont été soulevées quant à l'évaluation des « effets de milieu », c'est-à-dire des répercussions d'un quartier sur les comportements des personnes. La principale critique relèverait du « biais de sélection » (Ingoldsby et Shaw, 2002; Sampson et autres, 2002). Si une association est observée entre une caractéristique de quartier (disons la vulnérabilité économique) et la délinquance chez les jeunes, comment savoir si cette caractéristique favorise la délinquance ou si elle favorise l'établissement des jeunes à risque dans ce quartier? Aussi, comment savoir si cette association n'est pas liée au fait que la délinquance chez les jeunes, entretenue sur une longue période, puisse être une des causes de la vulnérabilité économique? Ainsi, il est généralement impossible de vérifier le sens de la causalité.

5.4.3  Nombre d'affaires criminelles et taux d'auteurs présumés

L'objectif de la présente étude est de mieux comprendre les liens qui existent entre les caractéristiques des quartiers et la criminalité chez les jeunes. L'hypothèse centrale de ce rapport est que la criminalité chez les jeunes est davantage concentrée dans des quartiers qui présentent certaines caractéristiques.

Pour ce type d'analyse, la criminalité est généralement mesurée comme le taux de criminalité dans le quartier (Savoie, 2008; Charron, 2009). Le taux de criminalité est le rapport entre le nombre de crimes et la population à risque. Ainsi, il mesure le risque statistique encouru par un membre de la population à risque d'être la victime ou l'auteur présumé d'une affaire criminelle.

La mesure de la population à risque est précise si cette dernière est stable. Par exemple, la population d'un pays est relativement stable étant donné que seule une faible proportion quitte ses frontières régulièrement. La situation est plus complexe pour les quartiers des villes parce que la plupart des résidents quittent leur quartier de résidence tous les jours. Dans les études précédentes, la population à risque d'un quartier était considérée comme la somme de la population qui y réside et de la population qui y travaille afin de tenir compte des déplacements quotidiens (Savoie, 2008; Charron, 2009).

Mais cette mesure de la population à risque n'est pas appropriée à l'analyse distincte des affaires qui ont eu lieu dans des écoles, des commerces ou des endroits publics extérieurs. C'est la raison pour laquelle une autre approche a été adoptée dans ce rapport. La population ambiante y est considérée comme un facteur de risque, c'est-à-dire que plus la population ambiante est grande dans le quartier, plus le nombre d'affaires criminelles risque d'être élevé. Bien que la population à risque et la population ambiante représentent deux concepts similaires et soient souvent mesurées de manières semblables, leurs définitions diffèrent quelque peu. La population à risque estime le risque de la population locale d'être victime ou auteure présumée d'une affaire criminelle, alors que la population ambiante estime la population présente en un lieu.

Dans le cadre de cette étude, la population ambiante est mesurée au moyen de deux variables. La population de nuit est composée des jeunes de 5 à 17 ans qui habitent dans le SR et de la population de 18 ans et plus pour ce qui est des modèles concernant la criminalité chez les adultes. La population de jour comprend les jeunes de 5 à 17 ans qui ont fréquenté une école du SR en 2006-2007 et la population qui travaille dans le SR pour les modèles sur la criminalité chez les adultes 12 .

Dans les rapports de recherche antérieurs, on a utilisé le taux de criminalité, qui comprend à la fois le nombre de crimes et la population, en tant que variable dépendante dans les modèles de régression. Aux fins du présent rapport, le nombre de crimes est utilisé comme variable dépendante, alors que les chiffres de population de jour et de nuit sont employés comme deux variables indépendantes distinctes.

Les analyses portant sur le quartier où vivent les jeunes auteurs présumés reposent quant à elles sur les taux d'auteurs présumés, soit le nombre de jeunes auteurs présumés dans le SR divisé par le nombre de jeunes résidant dans le SR. Dans ce cas, on cherche à savoir si les caractéristiques du quartier dans lequel le jeune évolue sont associées à son risque d'adopter des comportements délinquants. Comme on s'intéresse ici directement aux comportements délinquants des résidents (et non à ceux de la population ambiante), le taux d'auteurs présumés est plus approprié.

Contrairement aux renseignements sur les affaires criminelles, qui proviennent du Programme DUC 2, l'information sur le lieu de résidence des auteurs présumés a été fournie par le Service de police de Toronto.

5.5  Analyse factorielle

L'analyse factorielle a pour but de révéler des caractéristiques latentes (c.-à-d. qui ne sont pas directement mesurées) à partir de variables auxquelles elles seraient associées. Suivant cette méthode, les variables qui sont fortement corrélées participent davantage à la définition de certains facteurs. Ces contributions permettent de déterminer l'importance de chaque facteur dans un secteur de recensement (SR) en calculant le score factoriel. Le score factoriel devient la caractéristique du quartier qui fera l'objet du modèle de régression multivariée.

Dans ce rapport, l'analyse factorielle est utilisée pour définir les principales structures spatiales contenues dans les renseignements des variables sur les caractéristiques socioéconomiques et urbanistiques. Plusieurs variables de recensement ne rendent que partiellement et imparfaitement compte des réalités socioéconomiques et urbanistiques des quartiers. Les scores factoriels représentent les principales tendances spatiales communes aux variables utilisées dans l'analyse factorielle. Ils constituent donc des indicateurs des différentes dimensions socioéconomiques et urbanistiques des SR.

L'analyse factorielle réalisée dans le cadre de cette étude a été produite à l'aide du logiciel SPSS. Elle a été préférée à l'analyse en composantes principales dans le but de révéler les facteurs latents (Costello et Osborne, 2005).

La première analyse factorielle effectuée dans ce travail avait pour but de dégager les principales structures spatiales des inégalités socioéconomiques qui existent entre les quartiers (tableau 9). Huit variables ont été incluses dans l'analyse, soit : la proportion de résidents qui avaient obtenu un diplôme universitaire; la proportion de résidents qui n'avaient pas obtenu leur diplôme d'études secondaires; le revenu moyen des résidents; le taux de chômage; la proportion de résidents faisant partie d'une famille monoparentale; la proportion de résidents vivant dans un ménage à faible revenu; la proportion de logements nécessitant des réparations majeures; et la proportion de résidents habitant un logement surpeuplé.

L'accès aux ressources et la vulnérabilité économique couvrent plusieurs concepts de nature socioéconomique. Les résidents des SR où l'accès aux ressources est plus important montrent des niveaux d'éducation et de revenu plus élevés, alors que les familles monoparentales sont plus nombreuses dans les SR où l'accès aux ressources est moindre. Les SR où la vulnérabilité économique est grande comptent des proportions plus élevées de chômeurs, de ménages à faible revenu et de logements surpeuplés qui nécessitent des réparations majeures.

La seconde analyse factorielle avait pour but de dégager les principales différences urbanistiques entre les quartiers (tableau 10). Sept variables ont été incluses dans l'analyse : la proportion de locataires; l'âge moyen des bâtiments; la proportion de maisons individuelles non attenantes; la proportion de résidents qui avaient déménagé au cours de l'année précédente; la proportion de résidents qui n'avaient pas changé d'adresse depuis cinq ans; la proportion de résidents qui utilisaient une voiture pour se rendre au travail; et la distance du centre-ville.

La mobilité résidentielle et le caractère central des quartiers résument quant à eux les aspects urbanistiques des SR. Les SR à forte mobilité résidentielle comptent davantage de locataires et de personnes qui ont déménagé au cours de l'année précédente. À l'opposé, les SR à faible mobilité résidentielle sont caractérisés par un nombre important de résidents de longue date (plus de cinq ans) et de maisons individuelles non attenantes. Les quartiers centraux sont regroupés autour du centre-ville et comprennent des bâtiments plus âgés.

5.6  Régressions multivariées

Les variables incluses dans les modèles ont été déterminées par la méthode « backward ». Le petit nombre d'affaires criminelles aurait pu causer certains problèmes en raison du grand nombre de secteurs de recensement où aucune affaire criminelle commise par des jeunes n'a été déclarée par la police. Cependant, comme les résidus de ces modèles suivaient une répartition qui se rapprochait de la normalité, cela n'a eu aucun effet sur les modèles.

Contrairement aux documents de recherche réalisés précédemment par le Centre canadien de la statistique juridique sur l'organisation spatiale de la criminalité dans les villes (Savoie, 2008; Charron, 2009), aucune autocorrélation spatiale n'a été constatée entre les observations. Les modèles de régression présentés dans ce rapport ne comportent donc pas de composante spatiale.

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